Ca devait être une belle année. On nous le promettait depuis le début : la terminale serait la meilleure de toutes les années passées dans ce bahut. Je demandais à voir. En fait, j'avais passé d'agréables années ici, ce qui ne devait pas être le cas de tout le monde. Mais je me fichais éperdument des autres. C'était sans doute cela qui avait rendu ma vie plus agréable que la leur, qui sait. Capitaine des cheerleaders depuis maintenant deux ans, j'étais tout au-dessus de la hiérarchie du lycée, et j'en profitais bien. Soirées arrosées jusqu'au bout de la nuit, sorties shopping entre « copines » (mes acolytes, celles qui rêveraient d'être à ma place mais qui n'en seront jamais capables), flirts par ci et par là (mais jamais rien de sérieux, j'étais trop surveillée à la maison de ce côté-là),... C'était une belle vie, et je comptais bien en profiter à fond pendant cette dernière année !

Une petite retouche de rouge à lèvres et j'étais parée pour faire mon entrée au lycée. Je descendis de la limousine, un grand sourire figé sur mon visage. Une foule d'étudiants de tous les âges grouillait devant l'entrée. Ce qu'ils étaient pitoyables, pas plus intéressants que de la vermine. La tête haute, le regard hautain, je traversai l'allée flanquée de mes deux acolytes – Jane et Shanon – qui s'empressaient d'éloigner quiconque restait sur ma route. C'est-à-dire les nouveaux, ceux qui ne me connaissaient pas encore. Dans ma grande clémence, je leur laissais le jour de la rentrée pour s'habituer aux règles qu'ils allaient devoir suivre tout au long de l'année : s'effacer et m'admirer de loin.

- Dalia, Katarina, je veux que vous fassiez du repérage pour le recrutement de cette année. Je n'ai rien vu de reluisant jusqu'ici, mais on devra bien faire avec ce qu'on trouvera. Katarina, tu t'occuperas des affiches. Enfin, tu demanderas à ton frère de les faire, cet intello n'est bon qu'à ça. D'ailleurs, tu lui diras qu'il doit moins chipoter aux couleurs la prochaine fois, l'affiche de l'année dernière était une teinte trop claire.

Alors que je donnais mes directives, j'ouvris mon casier et en profitai pour jeter un regard dans mon miroir afin de m'assurer que j'étais toujours aussi parfaite. Ce qui était, évidemment, le cas.

- Cette année promet d'être cool ! chantonnai-je en replaçant correctement ma mèche, qui avait bougé d'un millimètre lors de notre périple dans les couloirs.

Et voilà, la terminale. Si je regrettais déjà les vacances, je me réjouissais de voir ce qu’allait donner cette dernière année de lycée. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas eu à me plaindre. Capitaine de l’équipe de foot depuis trois ans, j’avais toute la popularité dont pouvait rêver un lycéen. Notre équipe était soudée, ce qui faisait de nous des gagnants, et ma route était toute tracée dans le monde du sport… si j’avais voulus faire carrière là-dedans, ce qui n’était pas le cas. Bref, je n’avais pas à me plaindre jusqu’à maintenant, et cela ne changerait surement pas cette année.

Si je ne prêtais pas spécialement attention à ma tenue habituellement - je n’avais pas besoin de ça – j’avais fait des efforts pour l’occasion. Cela signifiait un nouveau jeans River Wood, un nouveau t-shirt de la même marque et le blouson aux couleurs de l’équipe fraichement sorti des presses : bleu foncé et blanc avec l’aigle en blanc au dos et le nom de l’équipe, The Eagles.

A peine avais garé ma moto que je fus rejoint par Eli et Oli, deux membres de l’équipe et également mes amis. Le reste de l’équipe discutait joyeusement de leurs vacances assis sur les capots de de leurs voitures. Je les saluais d’un signe de la main avant de me diriger vers l’entrée du bâtiment principale avec les deux autres. Oli s’amusait à repérer les petits nouveaux, ce qui n’était pas très difficiles. Eli, lui, était déjà concentré sur les potentiels joueurs. Sa moue contrariée laissait dire qu’il ne repérait pas du beau monde tant que maintenant. Moi, je me laissais le temps de rentrer, une chose à la fois. Je me dirigeais vers mon casier mais me stoppais net en apercevant une intruse dans le périmètre de celui-ci. Oli faillit me rentrer dedans, mais ses protestations cessairent bien vite en apercevant la blonde.

« La blague, ils ont mis la vipère à côté de ton casier… »

« Cette vipère est la capitaine de celles qui nous acclament pendant les matchs. Sois-leur un minimum reconnaissant, elles se donnent du mal malgré ce qu’on pourrait en penser. »

Oli rigola à la remarque d’Eli, dont le sarcasme n’était clairement pas dissimulé. Soupirant, je continuais mon chemin jusqu’à mon casier et affichais un sourire forcé en m’adressant à Annabella.

« Anna, comment se sont passées tes vacances ? »

Non pas que j’en ai quelque chose à faire, mais j’avais pour habitude d’être courtois, même avec elle. Ouvrant mon casier, j’y fourrais un paquet de livres et manuels et le refermais vivement. Oli détaillait d’un air suspicieux les deux acolytes, appuyé sur les épaules du blond, lui-même appuyé contre les casiers et faisant mine de somnoler. Avoir Annabella comme voisine de casier, c’était une ombre plutôt désagréable qui tombait sur cette année qui s’annonçait pourtant ensoleillée jusqu’à maintenant…

Alors que je sortais cette phrase, Dalia me glissa à l'oreille que le capitaine de l'équipe de foot venait de faire son entrée. Et cet idiot s'approchait de nous.

- Ne le regardez pas, ça lui ferait trop plaisir. Il se croit plus important que nous parce que c'est lui qui court après un ballon pendant qu'on l'encourage comme de bonnes petites pétasses. Mais il ne se rend pas compte que nous sommes l'attraction principale, et que nous encourageons l'école bien plus que l'équipe !

Il arriva bientôt à notre hauteur, mais je ne me tournai pas vers lui. Je ne pouvais pas supporter sa fausse politesse à deux balles, fausse politesse dont il fit preuve dès qu'il prit possession du casier à côté du mien. Mais depuis quand avait-on décidé que nous serions voisins de casier ? Le directeur allait m'entendre !

Je finis par lui jeter un œil, affichant un sourire tout ce qu'il y avait de plus faux. Je n'allais tout de même pas me mettre à l'insulter devant tout le monde, le premier jour de la rentrée.

- Excellentes. Faire les boutiques à Paris et bronzer sous le soleil des Caraïbes, il n'y a rien de mieux pour pouvoir se reposer et démarrer une excellente année !

D'ailleurs, pensais-je, il aurait bien fait d'aller faire un tour à Paris pour se tenir au courant de la mode actuelle. Le jeans, c'était déjà so has been en France. Maintenant ils portaient des pantalons en lin par tous les temps (et tant pis pour les frileux !)

- Et tes vacances ? répondis-je en le quittant des yeux pour prendre mon livre de math et mon manuel d'histoire. Je lui signifiais de la même manière que je n'en avais absolument rien à carrer de ses histoires et de ce qu'il avait fait pendant l'été.

Au moins elle prit la peine de me répondre et me retourna la question. Je passais derrière elle pour rejoindre mes deux amis avant de prendre la parole.

« Comme si ça t’intéressais. Mais puisque tu demandes, passer deux long mois sans te voir m’a fait un bien fou. Mais comme c’est la rentrée, je vais éviter de penser à ça et même te complimenter pour ta superbe mine. »

Alessandra arriva à ce moment-là et Oli se poussa pour lui laisser sa place. Il contourna les deux filles et vint se placer à côté de moi, un sourire narquois aux lèvres.

« J’espère que la fournée sera bonne cette année, ça manque un peu de fraîcheur dans votre équipe. »

Je l’envoyais valser en le poussant fortement de la main.

« Sur ce, on se voit en cours. »

En plus, on commençait fort avec le cours de math d’Adrian Bakers. Autant dire, un bon début d’année malgré ce petit contretemps de casier – parce que oui, j’aime bien les math. Adressant un « Bonjour » souriant à la petit-amie d’Eli, je me dirigeais vers la classe, suivis d’Oli qui adressa un salut de la main aux trois filles, et d’Eli et Al bras dessus bras dessous. Ça va, on avait réussi à se croiser sans se bouffer, c’était un bon début. Maintenant, si on devait se côtoyer non-stop du simple fait d’être voisins de casier, cela allait devenir problématique. Mais bon, je verrais ça plus tard.

Il avait tout compris, ce Kim. Ca ne m'intéressait pas. Mais par jeu ou par politesse, il se mit en tête de répondre à ma question qui, au final, n'attendait pas de réponse. Et avec humour. Je fermai mon casier et me tournai vers lui avec un grand sourire – sourire absolument pas sincère.

- Quelle gentille attention. Je te remercie pour le compliment.

La pouf de l'acolyte se ramena bien vite pour aller se coller à sa moitié. Pitoyable. Il n'y avait pas d'autres mots selon moi : je trouvais ce couple nunuche et pitoyable. Mais pas aussi pitoyable que les piques d'Oli, il fallait bien l'avouer. Katarina, toujours prompte à réagir au quart de tour lorsque l'on critiquait notre équipe, se tourna vers l'avorton de service et lui répliqua aussi sec :

- Au moins, notre équipe s'est classée première cinq années consécutives, et avec les félicitations du jury les deux dernières années. On ne peut pas dire la même chose de la vôtre. Qu'est-ce qui s'est passé, il y a quatre ans ? Pourtant, vous étiez frais et dispos en dernière année du collège, je me trompe ?

J'acquiesçai à ses paroles tout en pensant qu'il était également vrai que nous allions devoir trouver des perles rares – trop rares – si l'on voulait se représenter cette année au championnat régional de cheerleading et atteindre la finale nationale. Les anciennes parties, il y avait quatre places vacantes dans l'équipe, ce qui ne serait pas une mince affaire à combler. Mais les auditions étaient faites pour ça !

Alors que la sonnerie allait bientôt retentir, Kim me glissa un « on se voit en cours ». Je l'ignorai et me tournai vers Dalia et Katarina.

- Allons-y, je ne veux pas être en retard le premier jour de la rentrée.

Nous nous dirigeâmes vers le cours de math où Dalia nous laissa, car elle n'était pas dans notre classe. Je fis bouger une petite binoclarde en la fusillant du regard : c'était ma place. Je m'installai avec élégance sur ma chaise et me tournai vers Katarina, assise à côté de moi.

- Je me demande comment Bakers sera habillé aujourd'hui ! Il n'y a pas à dire, ce prof est canon !

Justement, ce dernier entra dans la classe et déposa ses bouquins sur le bureau, nous saluant et nous demandant si nous avions passé de bonnes vacances. Je levai la main mais n'attendis pas sa réponse pour parler.

- Monsieur Bakers, comment va votre femme ? J'ai entendu dire qu'elle avait eu un accident de voiture il y a quelques jours. J'espère qu'elle s'est rétablie.

Mon air faussement compatissant était parfait, et parfaitement indétectable. Détourner l'attention des profs était devenu ma spécialité, bien que je ne sois pas pour autant une mauvaise élève en cours. Mes notes étaient même excellentes. Si ça n'avait pas été le cas, mes parents ne m'aurait plus laissée me consacrer au cheerleading ni faire la fête autant que je le voulais. C'était le deal, et je le respectais.

« Y a quatre ans, Kim n’était pas encore capitaine, voilà ce qu’il s’est passé. Mais depuis on a perdu aucun matchs j’te signale »

Si Oli avait été vexé par cette remarque réaliste, il passa vite outre et n’ajouta rien, allant s’installer en classe devant moi, assis comme d’habitude au fond du côté de la fenêtre. Eli attendis patiemment que le mec assis à côté de moi se rende compte qu’il devait bouger, ce qui pris tellement de temps que je fini par attirer son attention et lui enjoigner gentiment de dégager. Il hésita un quart de seconde où il tourna les yeux vers Eli, toujours debout, avant de ramasser ses affaires et d’aller s’assoir tout devant. Le blond s’installa avec un petit sourire.

« C’est un nouveau lui. S’ils sont tous comme ça, les sélections vont êtres rudes cette année… »

Je soupirai à sa remarque, commençant à redouter le jour fatidique des sélections. L’avantage, c’est que Damien était tellement sans pitié qu’il intimidait les plus idiots rien qu’avec son nom. N’osaient affronter l’entraineur que ceux qui en avait dans le pantalon, cela participait déjà grandement à la sélection. Mais du coup, j’avais peur qu’on n’ait pas suffisamment de candidat cette année…

Mes pensées furent interrompues par l’entrée du professeur qui nous demanda comment s’étaient passées nos vacances. Les filles voulurent toutes répondre, mais Annabella n’attendit pas pour s’approprier la parole. Comment était-elle au courant pour l’accident ? Quelle faux-cul cette fille. Un concert de soupirs retenus et des yeux levés au ciel accompagnèrent sa question. Bien sûr tout le monde voulaient savoir si la femme du monsieur Bakers allait bien du coup, mais Anna commençait l’année en force, et c’était déjà une exaspération pour la plupart de la classe.
Le prof resta un instant silencieux avant de répondre.

« Ma femme va très bien Mademoiselle Wingswar, je vous remercie de vous en inquiéter. L’accident n’était pas très conséquent. »

« J’espère que vos vacances se sont bien passées malgré ça. »

Monsieur Bakers acquiesça et retourna à nouveau la question à la classe. Oli se tourna vers Eli et moi et fis une grimace de dégout en désignant la blonde. Je lui retournais la grimace en rigolant en silence, et il soupira en se retournant vers le tableau. Eli rigola aussi. Bon, il semblerait que les premières heures ne seraient pas consacrées aux maths malheureusement. Espérons juste qu’elles passent vite du coup…

Blablabla. Oli avait essayé de se défendre tant bien que mal, mais les faits étaient là : notre équipe était bien meilleure que la leur, point final. Et si nous devions les encourager pour les matchs, c'était uniquement pour encourager l'école.

Après ma réflexion, monsieur Bakers resta silencieux quelques instants avant de me répondre que sa femme allait bien, l'accident n'étant pas trop conséquent. Oli intervint avant que j'ai pu en placer une et je le fusillai du regard avant de répondre.

- Tant mieux. J'avais entendu les pires rumeurs sur l'affaire, vous savez.

Il redemanda à toute la classe si les vacances s'étaient bien déroulées pour nous. Je repris aussitôt la parole sans laisser à personne la possibilité de me couper.

- Elles ont été excellentes ! Mais bien trop courtes, comme d'habitude. lâchai-je avec un certain entrain.

- Ils devraient rallonger les vacances et diminuer les heures de cours. Enfin je dis ça, je dis rien. Mais ça serait cool de pouvoir profiter du soleil, de la plage, des beaux mecs,... plus longtemps ! Surtout les beaux mecs, en fait !

Comme toujours, Katarina était fidèle à elle-même : elle draguait à tout va et ne parlait que de garçons et de loisirs. Elle fit rire plusieurs élèves auxquels elle jeta des petits bouts de papier pour les faire taire.

Le cours ne démarra pas, chacun y allant de son explication sur ses vacances. Je n'écoutais pas leurs récits, ça ne m'intéressait pas de savoir qui avait été rendre visite à sa grand mère ou qui avait perdu son chien avant de le retrouver deux pâtés de maison plus loin trois fois de suite. Leurs vies étaient tellement insignifiantes... Je profitai du brouhaha pour rédiger l'annonce pour les sélections des futures pompom girls de notre équipe. Je la fis glisser à Katarina de manière plus ou moins discrète et elle approuva.

La cloche sonna bientôt pour nous libérer. Après un quart d'heure de pause, nous aurions le cours d'histoire de Madame Greyson.

- Tu as vu sa chemise ? La grande classe, n'est-ce pas ?! Et la mine triste lui va plutôt bien, ça lui donne du charme avouai-je à Katarina, qui ne put qu'être d'accord avec moi.

- Je n'avais qu'une envie : lui sauter dessus ! Enfin, pour le réconforter, soyons claires.

Je ris à sa dernière phrase, qui était tout sauf exacte.

Les pires rumeurs. Le prof ne releva pas et la discussion partit dans tous les sens, chacun voulant raconter ses supers vacances, à commencer par la blonde bien sûr. Ce n’était pas nouveau que les vacances étaient trop courtes, pas besoin de le rajouter une fois de plus. Sa suiveuse en rajouta une couche avec ses habituelles allusions aux « beaux mecs ». Même Bakers en rigola. Pour ma part, c’était plutôt un rire sarcastique qui franchit mes lèvres, mais heureusement il se perdit parmi les rires du reste de la classe. Lorsque la cloche sonna enfin, on avait eu droit aux histoires de vacances des trois-quarts de la classe. Je sortis en me frottant les tempes, sentant un début de migraine pointer. Si tous les cours de la journée se passaient ainsi, je ne tiendrais pas jusqu’à la fin. Surtout si la bimbo continuait ses petits tours de détournement de cours, on n’était alors pas sortis de l’auberge. Nous avions maintenant histoire, et la prof avait une haine incompréhensible envers les sportif, que ce soit les footballeurs, les basketeurs, etc. ou même les cheerleadeuses. Et en plus, elle ne faisait que lire des vieux livres d’histoires à son cours, et je me sentis soudain las. Me stoppant net, j’interpelais mes deux amis et Al.

« Dites à la prof que je suis malade, mauvaise acclimatation au changement d’horaire. Je vais me poser sur le toit pour profiter du soleil, ce sera surement plus productif. »

« Je suppose qu’on n’a pas le droit de venir avec. Tu es conscient que Greyson va nous démonter, et te ratatiner pour ton absence n’est-ce pas ? »

Le toit était depuis longtemps mon domaine. Même Oli et Eli n’y montaient presque jamais. Pour ce qui était de me faire ratatiner…

« Je suis sûr que vous allez gérer. On se voit au diner. »

Les deux garçons soupirèrent, mais je les avais déjà dépassés. Je passais à côté des deux pompoms en leur souhaitant un bon cours et bifurquais vers l’escalier au lieu de continuer vers la classe d’histoire. Je montais les marches quatre à quatre et arrivais ainsi rapidement au toit. Il n’était jamais fermé, heureusement pour moi. J’allais m’installé contre l’aération, réfléchissant aux vacances qui venaient de se finir et à cette année qui serait peut-être plus compliquées que prévus tout compte fait…

Le cours d'histoire promettait d'être horrible, comme à son habitude. Madame Greyson détestait les sportifs de l'école, et elle ne faisait que nous mépriser à longueur de cours, quand elle ne lisait pas ses bouquins d'une voix monocorde et endormante. Lorsque Kim passa à côté de nous en nous souhaitant un bon cours, je compris tout de suite qu'il allait sécher, comme d'habitude. Bon, je le faisais quelques fois pour ce cours, quand je n'étais pas d'humeur à me faire insulter par un professeur débile. Mais le jour de la rentrée ?

Niant Kim, je rejoignis la salle de classe avec Katarina, discutant de ce que j'avais fait à Paris pendant les vacances et me plaignant de madame Greyson. Celle-ci arriva au ralenti, déposa ses bouquins touts pourris sur le bureau et nous jeta un regard antipathique.

J'espère que vous serez plus disciplinés que l'année dernière. Rater les cours pour aller s’entraîner n'est pas envisageable en terminale !

Ça commençait bien, elle nous faisait déjà une remarque le premier jour. Et Kim évitait tout ça, bien entendu. Non mais, pourquoi ne pouvais-je pas m'enfuir moi aussi ? Si je trouvais une bonne excuse, ça passerait tout seul. De toute façon, nous avions rarement des remarques, nous étions un peu les « intouchables » du lycée.

Je levai la main et attendis patiemment que la prof daigne m'interroger.

Qu'y a-t-il mademoiselle Wingswar ? Pourquoi vous permettez-vous d'interrompre ce cours ?

- Je ne me sens pas bien, j'ai tellement mal à la tête que j'ai du mal à vous écouter. J'ai dû manger quelque chose de mauvais pendant la pause.

Elle soupira.

Très bien, allez chercher un cachet à l’infirmerie puis revenez ici en vitesse.

Alors que je me levais en prenant mon sac, je l'entendis maugréer sur le fait que les sportifs avaient toujours des problèmes de santé à cause de l’entraînement, du sport, des efforts qu'ils fournissaient ailleurs que dans leurs cours.

J'étais persuadée que Kim était sur le toit. Il y allait toujours, c'était « son toit ». C'était pour cette raison que j'allais m'y rendre immédiatement : il ne supportait pas qu'on l'y dérange, et j'allais le déranger. Avançant rapidement mais silencieusement dans les couloirs, je rejoignis bien vite le fameux toit et y pénétrai sans en demander la fameuse permission. Cette école était aussi mon territoire, qu'il se le dise.

- Pourquoi tu n'es pas en cours ? demandai-je pour lui signaler ma présence.

J’avais fini par somnoler, et lorsqu’une voix féminine que je ne connaissais que trop bien se fit entendre, je poussais un long soupire avant d’ouvrir les yeux, espérant rêver. Il n’y avait qu’une fille qui avait « autorisation » de venir ici sans s’en prendre plein la gueule en fait, et cela suite à de longues négociations. Anna n’avait rien à faire là, et le problème était qu’elle le savait très bien. Ne prenant pas la peine de me relever, j’hésitais à répondre à une question inutile dont elle connaissait la réponse. Mais je fini par marmonner quelques mots malgré tout.

« Je ne vois pas en quoi cela te regarde. Maintenant dégage d’ici si tu ne veux pas rejoindre le sol sans passer par la case escalier. »

Bien sûr je ne l’aurai jamais balancée du toit, ni quiconque d’ailleurs en fait. Mais sa présence me dérangeait…. Ce qui était son but, j’en étais certain. Me relevant en prenant le mur comme appuie, je lui retournais sa question… enfin presque.

« Tu n’as pas peur d’être punie pour avoir séché un cours ? Ça se saura vite avec la vielle. Tu devrais vite y retourner. »

Kim ne se leva même pas, il ne fit que marmonner une stupide menace qu'il ne mettrait de toute façon jamais à exécution.

- Je m'en tirerais avec une petite pirouette, j'ai l'habitude.

Je me rapprochai de lui et déposai mon sac de cours sur le sol tandis qu'il se relevait pour s'asseoir contre le mur. Il me demanda alors si je n'avais pas peur d'être punie, surtout en séchant madame Greyson.

- Je ne me sens pas bien, j'ai tellement mal à la tête que j'ai du mal à vous écouter. J'ai dû manger quelque chose de mauvais pendant la pause. répétai-je en mimant ma mine déconfite de tout à l'heure. Elle était tellement contente de me voir quitter le cours sans l'avoir dérangé qu'elle m'a donné la permission d'aller chercher un cachet à l'infirmerie.

Je m'étirai en élevant mes bras derrière ma tête.

- Mais toi, par contre, tu risques d'avoir des problèmes à ne même pas t'être pointé à son cours. Elle nous a jeté un de ses regards noirs, comme d'habitude.

Je doutais fort qu’elle s’en sorte avec une pirouette en tombant du toit, mais bon, si elle voulait y croire… Elle me mima alors la façon dont elle s’était éclipsée du cours, et je ne pus m’empêcher de répondre par un petit rire. Il fallait bien reconnaitre qu’elle avait un certain dont avec les professeurs. Je levais un sourcille étonner à sa dernière remarque.

« Des problèmes, moi ? Je suis sûr que je pourrais la faire renvoyer si je voulais. Dommage que je n’ai jamais testé d’ailleurs… »

Fermant à nouveau les yeux, je pris une grande inspiration puis expirais doucement. Il faisait bon, comment pouvait-on nous forcer à rester enfermer avec un temps pareil ?
Je me rendis soudain compte qu’Anna m’avait parlée sans me faire aucunes remarques personnelles (ses derniers mots étant plutôt une affirmation qu’une remarque..) et sans aucun sarcasme. J’ouvris un œil pour la regarder d’un air suspicieux.

« Qu’est-ce que tu fais là. J’veux dire à part pour m’emmerder, ce que tu n’es pas en train de faire… »

À ma question, il répondit simplement qu'il pourrait la faire renvoyer s'il le voulait. Moi aussi, en fait. Mais elle n'avait pas encore été trop loin. Quand je ne voulais absolument pas la supporter, je n'avais qu'à prétexter un mal de tête ou un entraînement de dernière minute.

Alors qu'il fermait les yeux, je m'appuyai à la rambarde pour regarder le paysage des bâtiments et des quelques rares arbres. Mais il faisait bon, et profiter de la fraîcheur du temps était mille fois plus agréable que d'écouter un cours barbant.

- Si jamais elle devient vraiment imbuvable, on sait ce qu'on doit faire.

Après quelques instants de silence, Kim me posa une drôle de question. Alors comme ça, je n'étais pas en train de l'emmerder ? Mais c'était qu'il avait raison ! Je ne l'avais pas insulté depuis que j'étais arrivée. Je me tournai vers lui, un grand sourire sur les lèvres.

- Ne sois pas si pressé. L'année ne fait que commencer, et je suis plutôt de bonne humeur aujourd'hui.

Mon sourire disparut bien vite et je le fusillai du regard.

- Mais ça ne veut pas dire pour autant que je t'apprécie plus que d'habitude. Je te trouve toujours aussi stupide et inutile, tiens-le toi pour dit.

Je me retournai vers la ville et posai mon menton dans ma main, soupirant face à ce spectacle.

C’est vrai que si on s’y mettait à deux, la prof d’histoire ne ferait plus très long feu si on le voulait. Cette perspective me fit sourire. A ma question, elle répondit que l’année de faisait que commencée, et qu’aujourd’hui elle était de bonne humeur. Ce n’était pas peu dire. Mais elle me rassura en ajoutant que ce n’était pas pour autant qu’elle m’appréciait plus que d’habitude. Alors comme ça elle me trouvait stupide et inutile ? Vexant… Je gardais un moment le silence, non pas parce que je n’avais rien à répondre, mais plutôt parce que j’avais la flemme. Le toit avait toujours été un endroit qui m’apaisait, et je n’avais pas envie de me prendre la tête ici, même avec la blonde de service.

Pourtant, au bout d’un moment, j’allais m’appuyer sur la rambarde à mon tour et pris la parole en fixant l’horizon.

« Inutile je ne dis pas, après tout je ne suis bon qu’à maintenir une certaine réputation à l’école n’est-ce pas ? Mais stupide… tu es juste jalouse que nos notes se côtoient sur le tableau d’honneur. »

Mon ton était à la fois sarcastique et amusé. Mais je repris sur un ton un peu plus sérieux.

« C’est dommage quand même. La Anna de bonne humeur mérite un certain intérêt, dommage qu’on ne la voit pas plus souvent. »

Kim ne me répondit pas tout de suite. Il se leva et vint se poser sur la rambarde, comme moi. Il revint sur mes paroles en disant qu'il était plutôt d'accord pour l'inutilité, mais pas pour la stupidité. Il mit en cause le fait que nos notes étaient plutôt proche sur le tableau d'honneur. Oui, je devais bien avouer que le fait qu'il me collait toujours de près et qu'il me dépassait parfois m'énervait au plus haut point. Je n'aimais pas passer deuxième.

- Très drôle. Tu crois vraiment que j'en suis à t'en vouloir à cause de tes notes ? Tout le monde sait que tu fais faire tes devoirs aux petites minettes qui tombent à tes pieds parce que tu es le capitaine de l'équipe de foot !

En vérité, la réputation de mes notes n'était pas meilleure. Lèche-botte et hypocrite avec les profs, je faisais passer mes bonnes notes méritées pour du chouchoutage envers la capitaine des cheerleaders du lycée. C'était plutôt mal vu, une fille trop intelligente. Mais si tout le monde croyait que ça ne venait pas de moi, ça passait. J'étais simplement assez maligne pour me déhancher sensuellement et obtenir les réponses aux prochains examens. Tout le monde y croyait.

Kim me lança alors une réflexion encore plus bizarre que sa réflexion précédente. La Anna de bonne humeur méritait de l'intérêt ? Non, je méritais de l'intérêt tout le temps. Après tout, j'étais belle, riche, j'avais de bonnes notes, je faisais partie de l'élite du lycée, et j'étais en terminale avec un avenir prometteur. Tout cela faisait que je méritais de l'intérêt. Et que je sois de bonne humeur ou non n'y changeait rien.

- Ce que tu dis n'a aucun sens, Kim : je reste la même que je sois de bonne ou de mauvaise humeur.

Et je méprisais toujours autant les gens qui m'entouraient. Il y avait juste des jours où je le montrais plus, et d'autres où je le montrais moins. Il n'y avait que cela qui changeait.

Je rigolais de nouveau et posais mon front dans mes mains, fixant ainsi le sol quelques étages plus bas.

« Les petites minettes qui tombent à mes pieds juste parce que je suis capitaine sont bien trop stupides pour faire mes devoirs de façon à avoir d’aussi bonnes notes. Mais tout comme tu passes pour la pétasse qui fait du gringe aux profs pour avoir tes notes, je passe pour le footballeur sans cervelle juste bon à hypnotiser les filles pour qu’elles obéissaient à tous ses ordres. C’est comme ça marche, que ça a toujours marché, et que ça marchera toujours. »

Je relevais les yeux, me demandant soudain pourquoi je lui parlais de tout ça. Voilà pourquoi je refusais que quiconque monte sur ce toit. C’était mon havre de paix, où je pouvais oublier que j’avais une réputation à tenir, et voilà que la fille qui m’insupportait au plus au point, et vice-versa, empiétait sur ce territoire sacré. Mais il était difficile pour moi de jouer mon rôle ici, et cela allait me jouer des tours.

Lorsqu’elle me répondit qu’elle restait toujours la même quelle que soit son humeur, je lui lançais un bref regard signifiant « Si tu le dis. ». Mais je n’en croyais pas un mot. M’éloignant un peu de la barrière, je repris avec mon ton habituel cette fois :

« Bon, tu comptes libérer le périmètre un jour où tu as décidé de jouer les squatteuse à plein temps ? »

Il avait bien compris que nous étions à peu près dans la même situation. Enfin, la manière dont il décrivait la mienne ne me plut pas énormément. Je ne me considérais pas comme une pétasse. Mais je savais évidemment que beaucoup de gens le pensaient. Enfin, au final, ça m'importait peu. Tant que j'avais la main mise sur eux et sur ma vie, le reste importait peu. J'aurais pu passer pour la plus horrible des filles que ça ne m'aurait fait ni chaud ni froid. Qui veut la fin utilise les moyens.

- Ça me fait mal de l'avouer, et je ne le redirai plus jamais, mais tu as raison.

Il me demanda bientôt si j'allais bientôt libérer le périmètre. Me tournant vers lui, je lui offris un sourire tranchant dont j'avais le secret.

- Je reste. Je veux bien sécher mais pas me faire attraper. Les profs ne viennent jamais sur le toit.

« Et je peux t'embêter et t'empêcher de tourner en rond en restant ici » pensai-je en même temps. Après un coup de vent qui me décoiffa un peu, je rangeai ma mèche à sa place pour retrouver une coiffure parfaite.

- Si tu ne veux pas devoir me supporter, je t'autorise à t'en aller.

Oula, ça avait dû lui faire mal en effet. Un vrai compliment, je me retins bien de lui lancer une pique en retour et gardais donc le silence en souriant. Elle me répondit ensuite qu’elle comptait rester là, comme quoi les profs ne montaient jamais ici (ce qui n’était pas faux), et que si je voulais partir elle m’y autorisait. Je me tournais vers elle en la regardant de travers. Il ne manquerait plus qu’elle me fasse dégager de MON toit. Et puis quoi encore. Je me dirigeais vers la porte, mais au lieu de partir, j’attrapais l’échelle à côté et me tirais un étage au-dessus. Les jambes dans le vide, je me laissais aller en arrière sans un mot ni un nouveau regard vers la pompom encombrante. Je pouvais très bien l’ignorée, elle finirait par se lasser. Je fermais à nouveau les yeux, les mains sous la tête. La Anna de bonne humeur était peut-être plus attrayante, elle n’en restait pas moins chiante apparemment… Mais je n’allais pas la laisser pourrir mon atmosphère, pas sur ce toit !

Ce capitaine sans cervelle se contenta de m'ignorer sans rien répondre. Je crus qu'il allait s'en aller comme je lui en avais donné la permission, mais au lieu de cela il monta sur l'échelle et s'installa confortablement, les jambes pendant dans le vide. Son attitude ne me plut absolument pas. M'énervant tout en essayant de garder mon calme, je rejoignis mon sac avant de monter à mon tour, tenant ma mini-jupe pour éviter qu'elle ne se soulève avec un coup de vent.

- Kimi chéri, commençai-je comme toutes ces pouffes que l'on croisait autour de lui, avec une voix suraiguë et exaspérante, Ne m'ignore plus jamais comme tu viens de le faire ajoutai-je sur un ton froid qui m'était bien plus habituel.

Ajoutant le geste à la parole je débouchai ma bouteille d'eau et la lui versai sur le visage jusqu'à la dernière goutte. Voilà ce qu'il méritait. Ayant accompli mon méfait, je remis calmement le bouchon et rangeai ma bouteille vide dans mon sac comme si c'était tout à fait normal.

Je sentis la blonde approchée avant d’entendre sa voix horripilante. Je continuais de l’ignorée malgré sa remarque, mais me redressais d’un bon lorsqu’elle m’arrosa, manquant de tomber du petit toit. Je me relevais, trempé, et lui lançais un regard glacial.

« Tain, tu fais vraiment chier ! Tu veux prouver quoi là, que tu à la main mise même sur moi ? Remballe ta fierté, là t’es qu’une chieuse qui empiète sur mon territoire. »

Mais c’était son but après tout. Le fait d’avoir été ainsi aspergé d’eau juste pour m’emmerdé m’avait clairement énervé, e je fis quelques pas en me secouant pour égoutter un minimum mes vêtements et mes cheveux. Essayant de reprendre mon calme, je m’efforçais de ne pas plaquer Anna contre la cheminée qui s’élevait à quelques pas histoire de lui faire suffisamment peur pour qu’elle regrette son geste, si c’était possible. Je pris quelques inspirations et retrouvais peu à peu mon calme, tournant le dos à la blonde. Passant mes mains sur mon visage, puis dans mes cheveux, je fini par me tourner vers elle.

« Ok, alors puisque ni l’un ni l’autre ne compte quitter les lieux, autant faire les choses bien n’est-ce pas ? Alors vas-y, tu veux faire quoi ? Taper la discute ? M’insulter ? M’arroser avec ton parfum cette fois ? Je te laisse le champ libre, amuse toi ! »

Si ma voix était plus zen, on sentait un profond sarcasme dans mes paroles. Elle m’avait cherché, elle m’avait trouvé. Enlevant mon blouson puis mon t-shirt, je lui balançais ce dernier en boule avec force, histoire qu’elle aussi ai droit à la douche, même si un simple t-shirt mouillé n’allait pas l’arrosée beaucoup…

Là, j'avais réussi à l'énerver. À le mettre en colère. Il faillit même tomber en se relevant, surpris par mon geste. Je ne pus retenir un rire discret devant sa tête. Ce genre de choses ne lui arrivait pas souvent, c'était plutôt amusant de le voir dans cet état. D'autant plus que c'était moi qui l'y avait mis.

Ses insultes me passèrent complètement par-dessus la tête, je n'y prêtai pas attention le moins du monde.

- Non, je voulais juste te donner une bonne leçon. répliquai-je simplement, masquant mon sourire et étouffant mon fou rire de ma main.

Il essaya de se sécher tant bien que mal en se secouant comme un chien trempé. Il me tournait le dos. Je repris mon calme et respirai. Ça faisait longtemps que je n'avais pas autant ri, et surtout que je n'avais pas ri de façon sincère. La situation était tellement amusante.

Kim se tourna finalement vers moi pour reprendre. Il me demanda ce que je voulais vraiment et me laissa même le champ libre pour le faire. Il enleva en même temps son blouson et son t-shirt. Lorsqu'il me lança ce dernier, je n'eus pas le réflexe de reculer et je me le pris en plein sur la poitrine. Je reculai de quelques pas et butai contre le mur derrière moi (heureusement qu'il était là celui-là, sinon j'aurais pu tomber dans le vide pour de vrai). Il fallait bien avouer qu'il avait de la force, le petit Kim. Je reculai son t-shirt et pus constater que le mien était mouillé aussi maintenant. L'arroseur arrosé, comme on dit. Plutôt pas contente (voire même très en rogne), je finis par répliquer à sa petite tirade.

- Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement !

Je fouillai dans mon sac pour y trouver un projectile à lui envoyer, mais à part mon rouge à lèvre hors de prix je ne tombai sur rien d'autre. Le serrant entre mes doigts, je le sortis de mon sac et le lui jetai à la figure. J'en avais des dizaines comme cela, ça m'importait peu.

- Tu voulais que je te jette quelque chose au visage ? Voilà, tu es content ?

La demoiselle ne sembla pas appréciée le projectile. Elle répliqua sèchement en fouillant dans son sac, et m’envoya quelque chose en pleine figure. Je reçus un tube de rouge à lèvre sur la tempe, endroit sensible qui saignait malheureusement facilement. Impassible dans un premier temps, je portais la main à la fente ensanglantée qui était apparue près de mon œil droit et fixais la petite tache de sang sur mon doigt. Elle m’avait vraiment balancé un truc à la figure, et ce truc était suffisamment solide pour me blesser, même si ce n’était qu’une petite égratignure. Relevant les yeux vers elle, je comblais la distance entre nous d’un bon, lui arrachais son sac des mains pour le balancer derrière moi et plaquais violement mes mains contre le mur à quelques millimètres de ses oreilles. Elle était ainsi bloquée. Je fixais un regard glacial dans le sien et pris la parole sur un ton froid, trop calme pour la situation.

« Ne joues pas à la plus forte avec moi Anna. Je ne suis pas une de tes acolytes ou une de tes cheerleadeuses. Tes manières d’enfant gâtée ne me dupent pas. Alors si tu ne veux pas que je détruise ta réputation, t’as intérêt à changer de comportement. »

Je ne lui demandais pas si elle avait compris ou non. Je savais qu’elle ne se laisserait pas impressionner, mais la mise en garde était sérieuse cette fois, et si elle ne voulait pas en tenir compte, tant pis pour elle, c’est elle qui en payerait les frais. Je ne bougeais pourtant pas pour autant, attendant sa réaction. Cette position aurait pu être très mal interprétée d’un point de vue extérieur, mais c’était le cadet de mes soucis. Tout ce que je voulais, c’était faire comprendre à cette gamine beaucoup trop prétentieuse qu’elle s’attaquait à la mauvaise personne, au mauvais endroit…

Bon, il était clair que je n'avais pas dans mes intentions de le blesser en lui lançant mon tube de rouge à lèvres. C'était un dégât collatéral. En général, j'étais blessante verbalement mais pas physiquement, c'était bien plus efficace comme tactique. Et aussi bien plus discret si la victime voulait cafter. Mais ce n'était pas pour autant que j'allais m'excuser, et encore moins devant le capitaine de foot le plus détestable du monde !

Ce dernier se rapprocha rapidement de moi, m'arracha mon sac à main et le balança derrière lui. Je voulus protester en lui faisant remarquer que ce sac valait plus que toute sa garde robe mais il ne m'en laissa pas le temps : il me coinça contre le mur et prit la parole. Même si son regard et son ton étaient froids, je n'étais pas vraiment impressionnée. J'avais l'habitude de ce genre de confrontation. Bon, pas forcément dans ces conditions, en général la personne était plus éloignée, mais au final ça revenait au même. Il essayait de me faire plier, mais il n'y parviendrait pas.

Monsieur me menaçait ! Non mais, pour qui se prenait-il ? Et puis, depuis le temps que nous nous lancions des menaces discrètes, il croyait vraiment que j'allais le croire cette fois-ci ? Il voulait que je change de comportement pour préserver ma réputation ? Non mais quel idiot !

Je pensai un moment à m'éclipser sans explication en passant sous son bras, mais prendre la fuite aurait été plier devant lui, avouer une hypothétique défaite de ma part. Non, au lieu de cela, je me contentai de le fixer droit dans les yeux en lui renvoyant son regard glacial tel un miroir. Après un instant de silence, je finis par lui répondre sur le même ton que lui.

- Tes menaces ne me font pas peur le moins du monde, Kim.

La réponse qu’elle me donna était celle à laquelle je m’attendais. J’eus un petit sourire, ne bougeant toujours pas d’un pouce. Elle avait tort de ne pas me croire, parce que cette fois c’était fini la petite guéguerre. Je fini par me détacher du mur et lui tournais le dos.

« Tu sais quoi Anna, il y a une chose qu’il faut bien reconnaitre, c’est qu’il n’y a pas deux filles sur cette terre avec un caractère comme le tient. Et le fait que tu sois en plus sexy, même si un peu superficiel, fait de toi une femme redoutable. Est-ce qu’un mec t’as déjà envoyée chier ? »

Je passais vraiment du coq à l’âne, mais c’était voulu. J’avais repris un ton calme et amusé, mon ton habituelle quoi, et affichais toujours un petit sourire. J’étais sincère dans mes paroles (si si). Je me tournais vers elle en m’étirant vers le ciel puis désignais le t-shirt qu’elle tenait toujours.

« Ah, et tu comptes le garder en trophée aussi ? »

C’est changements d’humeur en aurait déstabilisé pus d’un. Passer de la colère froide à la désinvolture n’était pas très courant généralement… Mais je venais de me rendre compte que j’étais en train de lui donner ce qu’elle voulait, et ça, ce n’était pas une bonne chose. Je pris donc la décision de lui faire la conversation comme je le ferais avec n’importe qui, et ce jusqu’à ce qu’elle craque… si elle craquait.

Il lui fallut un moment pour se détacher du mur et me libérer le passage. Il commença alors à parler, et je dus bien avouer que je fus quelque peu décontenancée par ses réflexions. Ça n'avait rien à voir avec la discussion précédente, et il n'affichait plus la colère dont il était ampli il y a quelques instants. Je ne lui répondis pas tout de suite. Quand il se tourna à nouveau vers moi et me demanda si j'allais garder son t-shirt comme trophée, je le jetai par terre avec dégoût, me rendant compte que je le tenais toujours.

- Tiens, reprends ta loque.

Il n'était plus énervé ? Était-ce une de ses petites stratégies ? Je me doutais en tout cas que cette réaction n'était pas naturelle. Mais tout comme lui, je pouvais aussi bien cacher mon jeu. Affichant à présent un sourire dont j'avais le secret, j'entrepris de répondre à sa première tirade.

- Je préfère le prendre comme un compliment, Kim. Je sais à quel point je suis unique, mais il est vrai que j'aime l'entendre préciser de la bouche d'un adversaire – aussi idiot soit-il. Enfin, peut-être n'es-tu pas si idiot que ça puisque tu t'en es rendu compte après tout.

Tout en parlant, je le contournai nonchalamment pour aller ramasser mon sac derrière lui.

- Et aucun mec digne de ce nom ne m'a jamais envoyée chier, en effet. Pas ceux à qui je m'intéresse, évidemment. Et tu n'en fais pas partie, dommage pour toi.

Un peu plus loin, je me baissai pour récupérer également mon rouge à lèvre et j'en profitai pour me refaire une beauté en quelques secondes, comme ignorant la présence de Kim.