Elle balança mon t-shirt par terre en me disant de reprendre ma loque. J’allais le récupérer et l’accrochais avec mon blouson au bout de l’échelle qui dépassait du toit afin qu’ils sèchent un minium. Pendant ce temps, j’avais écouté d’une oreille un peu distraite les paroles de la blonde qui avait récupéré son sac et se refaisait une beauté pour énième fois de la journée.

Le fait qu’elle soit unique n’était pas vraiment un compliment, mais bon elle le prenait comme elle voulait après tout. Mais s’il avait fallu faire un soudage à l’école entre « plus d’Annabella du tout » ou « deux Annabella sur le campus », le choix serait vite fait pour la plupart des élèves je pense…

A ses dernières paroles, je ne pus m’empêcher de rire.

Je ne voudrais pas faire partie des mecs « digne de ce nom » selon tes critères, car ils ne doivent certainement pas valoir mieux que mes groupies sans cervelles qui ne vivent qu’à travers le fric et la popularité des autres. Les mecs qui ne t’ont jamais envoyés chier sont surement ceux qui ne voient que ta superficialité et qui supporte ton sale caractère pour mieux profiter de toi et de ton argent. Si c’est ce genre de petit cons qui t’intéresse, très peu pour moi.

M’asseyant à nouveau les pieds dans le vide, je tamponnais un peu ma plaie avec une petite grimace. Ça ne faisait pas vraiment mal, mais c’était plutôt dérangeant comme sensation. Il faudra que j’aille la désinfectée…

Il rit lorsque je lui dis qu'il ne faisait pas partie des mecs que je fréquentais. Il me dit qu'il ne voulait pas faire partie de ceux dont je parlais, qui ne devaient pas valoir mieux que ses stupides groupies. Je fus plutôt vexée par ses propos, totalement faux au demeurant. Ils me couraient après mais je ne les regardais même pas. Bon, parfois il m'arrivait de discuter avec l'un ou l'autre et de lui laisser entrevoir quelque chose afin d'obtenir de lui qu'il fasse tout ce que je voulais.

Malgré moi et mon éternel je m'en foutisme quant à ce que les autres pensent de moi, je ne pus m'empêcher de ressentir un sentiment étrange : j'étais un peu blessée par le fait qu'il me dise en fait que j'étais trop superficielle et que j'avais un sale caractère ; mais surtout que les mecs profitaient de moi et de mon argent. Je le savais déjà, en réalité. C'était comme ça depuis toujours.

Je m'approchai de Kim sans rien dire et descendis à l'échelle, plutôt énervée par ses paroles. Arrivée en bas, je levai les yeux vers lui en lui jetant un regard noir.

- Sache que ce ne sont pas ceux-là qui m'intéressent. Ceux que je côtoie ne fréquentent pas ce lycée et ne sont pas comme tu le dis !

Sur ces mots, je claquai la porte du toit et laissai Kim seul.

Touché. La blanche colombe au cœur de pierre avait été blessée, preuve qu’elle était un peu humaine, au fond. Soupirant après qu’elle ait claqué la porte derrière elle, je me basculais à nouveau en arrière et fermais les yeux. Tout ça pour en arriver là. Je jetais un œil à ma montre, heureusement étanche, et poussais un nouveau soupir en me relevant. Super, il était l’heure d’aller diner. La blonde m’avait tenue durant les deux heures, ou presque. Enfilant mon t-shirt encore mouillé, je jetais mon blouson sur mon épaule, descendis l’échelle, récupérais mon sac et entrais à mon tour dans le bâtiment. Je descendis les escaliers en trainant les pieds et fus intercepté par la directrice et la prof d’histoire qui me fusillait du regard. Je voulu passer à côté d’elles comme si de rien n’était mais la directrice m’appela d’une voix froide. Je me tournais donc vers les deux femmes avec un grand sourire.

« Un problème Madame le Directrice ? «

Madame Greyson voulut prendre la parole mais la directrice la fit taire d’un geste avant de parler.

« Sécher les cours dès le premier jour de la rentrée n’est pas très conseillé Monsieur Dong-Yul. Vos entrainements vous sauvent souvent la mise, mais cette fois, vous n’avez aucune excuse. Vous ferez donc 2h de colle après les cours aujourd’hui durant lesquels vous réaliserez un travail sur le cours d’histoire que vous avez manqué. Mais ne vous inquiétez pas, votre amie Mademoiselle Wingswar vous accompagnera dans votre tâche. Rendez-vous donc à 16h15 salle B06. Soyez à l’heure ! »

Sur ces mots, les deux femmes s’éloignèrent, la vielle avec un sourire victorieux aux lèvres. Le miens s’effaça aussitôt, et je voulus frapper dans un casion lorsque je fus à nouveau interpellé.

Et aller me soigner cette vilaine plaie tout de suite. Je refuse que mes élèves donnent l’impression de s’être battu !

Lorsque je fus certain qu’elles étaient partie, je lui lançais un doigt d’honneur et donnait un coup de pied dans un casier du bas avant de me diriger vers les toilettes ou je nettoyais la plaie. Ce n’était vraiment pas grand-chose.
Je me dirigeais ensuite vers le réfectoire où je retrouvais Oli, Eli, Al et toute l’équipa à notre table habituelle. J’allais les rejoindre sans me servir et gardais le silence. Les autres comprirent bien vite que quelque chose n’allait pas et ils n’insistèrent pas sur le coup. Voilà que j’allais devoir me coltiner la pompom pendant 2h, pour bosser en plus de ça. Tu parles d’une année qui commence bien…

Alors que je descendais les marches en reprenant un calme tout illusoire, la cloche retentit. Je ne mis pas longtemps à croiser la directrice et madame Greyson qui m'annoncèrent que, ne m'ayant pas trouvées à l’infirmerie et constatant que j'allais beaucoup mieux, j'étais priée d'assister à deux heures de colle à 16h15. Avec Kim. Génial, il ne manquait plus que ça. Cette journée de rentrée n'était sans doute pas la meilleure journée que j'avais passé au lycée jusqu'ici.

Dalia et Katarina me rejoignirent directement et nous allâmes au réfectoire pour le dîner.

- Quelles imbéciles ! Non mais ? Me donner des heures de colle, à moi ?

Les deux filles acquiesçaient à mes paroles, restant plutôt silencieuse pour ne pas accentuer ma colère. Colère qui ne se retrouvait que dans mes paroles et qui n'était pas visible physiquement.

- Tu pourrais sonner à tes parents pour qu'ils te dispensent. Je suis sûre qu'ils n'auraient qu'un mot à dire...

- Non, tu sais bien que je ne veux pas que mes parents soient au courant. la coupai-je aussitôt. Ce qui se passait au lycée restait au lycée. Et c'était Nora, ma nounou, qui s'occupait de signer mes rares heures de colle.

Après avoir pris mon repas au self-service (une salade, une pomme et un verre de jus multi-vitaminé), je passai devant tout le monde dans la file et donnai ma carte d'étudiant pour que tout cela soit directement facturé à mes parents. Les filles firent de même et nous rejoignîmes notre table, retrouvant par la même occasion les autres cheerleaders du lycée. Et tout cela, sans même un regard à Kim et à ses amis.


Les deux heures de supplice allaient commencer. Et on ne pouvait pas sécher ses heures de colle, à moins de vouloir que la direction ne convoque vos parents – qui ne voudraient sans aucun doute pas se déplacer pour une bêtise pareille. J'arrivai la première dans la classe et m'installai en soupirant et en pestant contre madame Greyson. Qui ne tarda pas à montrer le bout de son nez, de mauvaise humeur car elle devait rester plus longtemps. Elle avait espéré que la directrice nommerait quelqu'un d'autre pour nous surveiller, mais celle-ci avait insisté pour qu'elle s'occupe de nous.

Si mes deux amis avaient bien essayé de me faire parler par rapport à mon humeur maussade, au fait que mes vêtements étaient mouillés à mon retour, que je n’ai rien mangé de la journée et que j’étais « blessé », ils n’avaient rien obtenu de moi. Les cours de l’après-midi s’étaient déroulés sans que je ne m’en rende compte, et je me séparais du groupe à la dernière sonnerie, disant que j’avais des trucs à faire. Je savais que ce n’était pas cool de les laisser ainsi s’inquiéter, mais je n’étais pas d’humeur à leur expliquer quoi que ce soit aujourd’hui. Ils en sauraient plus demain. En attendant, je me dirigeais vers la salle de retenue après être passé par mon casier. Anna était déjà là, ainsi que la prof. J’allais m’asseoir sans un mot le plus loin possible de la blonde, mais la prof m’interpella.

Vous avez une minute de retard Monsieur Dong-Yul ! Venez-vous asseoir à côté de votre camarade, ce sera plus pratique pour travailler à deux. Voici votre sujet. Vous avez donc 1h et 58 minutes pour me le terminer. Je suis dans la salle en face et je laisse les portes ouvertes. Alors je ne veux entendre parler que d’histoire, est-ce bien compris ?

Je hochais la tête en soupirant et allais m’installer à côté d’Anna que j’ignorais royalement. Je ne regardais même pas l’intitulé du devoir posé sur le bureau. La prof sortit avec une grimace de dédain et je posais ma tête dans mes bras sur le table en murmurant.

« Cette prof fait vraiment chier. »

Lorsque Kim arriva, il alla s'asseoir à l'opposé de la classe mais fut bien vite rappelé à l'ordre par la mégère qui lui ordonna de se rapprocher de moi. Un travail à deux, super. On allait bien s'amuser. D'autant plus que je ne voulais plus lui adresser la parole pour le moment. Et c'était réciproque, si j'en jugeais la manière dont il m'ignorait royalement.

Elle nous laissa bien vite pour aller rejoindre le local à côté, laissant les portes ouvertes et n'oubliant pas de nous menacer si nous discutions d'autre chose que de l'histoire. Kim finit par murmurer que la prof faisait vraiment chier tout en cachant sa tête entre ses bras. Après quelques instants de silence, je répliquai comme pour moi-même :

- Elle est tellement sourde qu'on pourrait faire la fiesta sans qu'elle s'en rende compte.

Je ne m'adressais pas spécialement à Kim, mais bon il fallait bien commencer par quelque chose si nous ne voulions pas avoir zéro – car oui, le travail compterait pour des points, elle l'avait bien précisé avant de quitter la pièce.

- Enfin, ça sera vite fini. La question est beaucoup trop simple. Elle nous prend vraiment pour des idiots...

Même si je m'amusais à le traiter d'idiot à longueur de temps, je savais pourtant qu'il avait à peu près le même niveau que moi pour ce qui était des études. Et cette prof avait du mal à le comprendre, même quand les autres professeurs l'obligeaient à revoir les notes qu'elle nous donnait injustement.

Anna fini par prendre la parole en disant que la prof était tellement soude qu’elle ne nous entendrait même pas faire la fête à l’instant. Je rigolais et me redressais pour jeter un œil à la feuille et au tas de livre posés sur le bureau. Une question trop simple ?

« La Seconde Guerre Mondiale du point de vue des nazis, sérieux ? Y a moyen de pondre une disert là-dessus en trente minutes à peine, et sans bouquin… Enfin si, pour confronter les points de vue peut-être. Disons quarante minutes alors. »

Attrapant un stylo dans mon sac, je me tournais enfin vers Anna.

« On se répartit les rôles ? Intro, conclusion et argumentation. On liste les idées et on se les partage pour argumenter, ça te va ? »

Peu de gens m’avais réellement vu au travail. Généralement, dans les travaux de groupe, je m’arrangeais pour faire ma part dans mon coin et faire croire qu’un intello l’avait fait à ma place. Sinon, je ne restais jamais à l’école pour étudier ou faire mes devoirs. Et durant les heures de colle, j’avais rarement des travaux cotés… Mais cette fois, j’allais devoir prendre sur moi, surtout si je voulais que les choses aillent vite. A nous deux, nous pourrions bluffer la vielle. Et même si je n’appréciais pas de devoir bosser avec la pompom girl, surtout après l’épisode du toit, je refusais d’obtenir une mauvaise not à cause de ça. Alors au boulot !

Il avait enfin décidé de se mettre au travail. Plus vite on avait fini, plus vite on pourrait s'ignorer à nouveau. Fouillant dans mon sac que j'avais dû ranger avant les cours de l'après-midi à cause de Monsieur qui l'avait balancé bien loin, j'en sortis ma trousse et y pris un stylo pendant que Kim faisait de même.

- Vingt minutes, et c'est parce que je prends le temps de relire.

Il proposa de se répartir les rôles. C'était une bonne idée, ça nous éviterait un maximum de contact.

- On développe chacun la moitié des arguments. Pour la conclusion et l'intro, on les fera après, ça ira plus vite.

Je pris une feuille que je plaçai entre nous et commençai à noter la liste des arguments – domination, purification, et tout ce qui allait avec.

Frimeuse. En même temps elle devait bien connaitre le sujet, s’en inspirant pour dominer les autres élèves. J’acquiesçais à sa proposition et ajoutais « extermination et race pure » à la suite du mot « purification ». Nous montâmes ainsi une petite liste d’arguments. J’en cochais la moitié pour moi et lui rendis la feuille.

« Let’s go. »

Je me mis aussitôt au travail, me levant au bout de quelques minutes pour feuilleter un des bouquins puis revint à ma place en soupirant. J’avais connu mieux comme sujet de devoir. Et il me semblait que le temps ne passait pas. Après trente minutes et quelques vérifications dans les livres, je clôturais mes deux pages d’argumentations. Je me tournais alors vers Anna.

« Tu as fini ? Il faudra réécrire le tout pour uniformiser le travail après. »

J’espérais qu’elle allait se proposée. Je ferais bien un somme. Mais il fallait d’abord terminer l’introduction et la conclusion en fonction de nos argumentations respectives. Je lui tendis les miennes pour qu’elle puisse les lires et attendis les siennes.

« Si tu vois des corrections ou des objections n’hésite pas à la dire. »

Il compléta rapidement les arguments et choisit les siens, me laissant une liste égale. J'aurais préféré choisir mais je n'avais pas envie de m'attarder. Je me mis aussitôt au travail et il fit de même. Je n'eus pas besoin de faire beaucoup de vérifications, une ou deux tout au plus. Lorsqu'il me demanda si j'avais fini, j'étais en train de réfléchir à la prochaine paire de chaussures que je m’achèterais après ces deux heures de colle pour oublier cette atroce journée.

- Je t'attendais. Je le ferai, je ne veux pas qu'elle nous retire des points à cause de ton écriture de cochon.

Nous fîmes l'échange des feuilles et je parcourus rapidement les siennes. J'aurais aimé y trouver des défauts, mais à part son écriture que je n'aimais pas du tout, tout était correct. Je notai quelques lignes d'introduction et de conclusion.

- Voilà pour l'introduction et la conclusion. Ça te convient ?

Ouf, elle acceptait de réécrire le travail. Je n’avais jamais perdu de point pour mon écriture, même si ce n’était pas la plus belle du monde. J’avais une écriture de mec quoi, et elle était lisible, c’était le principale. Lorsqu’elle me donna sa feuille, je m’attendais presque à voir des petits cœurs au-dessus des « i ». Je fus presque déçu que ce ne soit pas le cas. Je relus ses lignes et y ajoutais également un intro et une conclusion correspondant. Je repris ma feuille pour lire les siennes et comparais en soulignant quelques points sur mes propres notes.

« Ajoutes-y ceci et ça devrait être bon. Si avec ça elle nous colle une mauvaise note, je porte plainte. »

Remettant mon stylo à sa place dans mon sac, je me recouchais sur le banc après avoir regardé l’heure. Encore 1h10 à poireauté. La poisse. Je retins un petit « Aïe » lorsque je frottais ma tempe blessée sur mon bras sans faire exprès et me redressais en me frottant la tempe.

« Tu ne m’a pas loupée avec ton rouge à lèvre tout à l’heure. C’est dangereux ces machins-là. Mais honnêtement, je m’attendais plus à ce que tu sorte une bombe lacrymo… »

Nous reprîmes nos feuilles pour y lire les commentaires de l'autre. Je ne fis que hocher la tête quand il me parla de rajouter quelques trucs. Et qu'il précisa que si la prof nous mettait une mauvaise note, il porterait plainte. Il rangea son stylo et me laissa le reste du boulot. Alors que je recopiais bien proprement, il revint sur l'épisode de tout à l'heure. Une bombe lacrymo ? Mes parents voulaient que j'en ai toujours une sur moi, mais je n'en voyais pas l'utilité pour aller au lycée. Même si maintenant qu'il en parlait, ça aurait peut-être été plus amusant de l'asperger avec plutôt que de lui lancer mon rouge à lèvres. Après avoir terminé un paragraphe, je finis quand même par lui répondre.

- Je ne pensais pas te blesser en le lançant, ce n'était pas prévu... dis-je d'un ton un peu ennuyé.

Ce n'étaient pas des excuses, même si ça pouvait y ressembler ! Mais je ne m'excusais jamais. Pour éviter qu'il prenne mes paroles comme telles, je rajoutai aussi vite :

- Mais la prochaine fois, tu auras droit au lacrymo, ne t'en fais pas !

Je retournai ensuite à notre devoir pour en terminer la copie.

J’espérais bien que ce n’était pas voulu. Je souris lorsqu’elle ajouta que la prochaine fois j’aurai droit au lacrymogène. Qu’elle essaye seulement et je ferais en sorte qu’elle se mange malencontreusement un mur.

Le silence revint alors qu’elle continuait de recopier, et j’hésitais à reprendre la parole pour revenir que ce que je lui avais dit avant qu’elle ne parte, et sur sa réponse, que je savais à moitié fausse. Prenant une grande inspiration, je fini par parler.

« Par rapport aux mecs dont on parlais tout à l’heure, je voulais juste que tu saches que tu mérites mieux que ça. Tu es suffisamment intelligente pour ne pas te faire abuser… »

Ce n’était pas vraiment des excuses non plus, mais c’était sincère. Bien sûr, un mec qui arriverait à supporter Anna sans en avoir après son argent et sa popularité, ça ne devait pas courir les rue, mais ça devait bien exister quelque part, sinon ce serait vraiment triste pour elle…

Il sourit à ma dernière réflexion. Ce n'était pas forcément une blague. Enfin, peut-être que si. Je me remis à notre devoir, recopiant notre dissertation en silence.

Alors que j'avais presque terminé, Kim reprit la parole et je voulus soupirer – il m'interrompait – mais ne le fis pas en attendant ce qu'il avait à dire. Il essayait de s'excuser ? Et depuis quand considérait-il que je valais mieux que ça ? Je levai les yeux vers lui, perplexe sur ses paroles. Mais au final, plutôt contente qu'il les ait dites. Enfin, je ressentais quelque chose, je ne savais pas vraiment dire ce que c'était, mais ce n'était pas négatif.

- Merci.

Ce mot sortit tout seul de ma bouche et je me maudis de l'avoir laissé faire. Moi ? Remercier Kim Dong-Yul ? Mais qu'étais-je en train de faire ? C'était impensable !

Gênée par la situation et par ce que je venais de dire, je revins sur aussitôt sur la feuille pour terminer la rédaction, en espérant qu'il ne ferait pas tout un plat sur un si petit mot.

Je me retins de la regardée lorsqu’elle leva les yeux vers moi. Touché, une fois de plus. Elle me répondit simplement merci, et ce mot la surprit surement plus que moi, même si je ne pus éviter de lui lancer un regard étonné. Mais je détournais bien vite les yeux, fixant le tableau. J’aurai pu répliquer de nombreuses phrases, mais je me contentais d’un « De rien. ». Bizarrement, malgré les deux heures pourries qu’elle m’avait vivre le matin, je n’avais pas envie de l’enfoncée.

J’attendis qu’elle termine de recopier avant de parler à nouveau, fixant toujours le tableau. Passer l’heure restante en silence était plutôt tentant au début, mais paraissait ennuyant maintenant…

« Je me demande si on aurait pu « s’apprécier » en dehors de nos rôles respectifs… Tu as remarqué que la plupart du temps, soit les capitaines des équipes sportives sortent ensemble, soient ils se vouent une haine féroce sans vraiment de raison… D’ailleurs pourquoi on se déteste en fait... ? »

Hormis le fait qu’elle me prenne pour un idiot et que je la trouve extrêmement superficiel, mais cela faisait partie de nos rôles justement.

Par contre, je n’avais clairement pas eu mon cota de toit de la journée pour réfléchir ainsi en pleine heure de colle. Maudite soit-elle…

Kim me répondit pas un simple « de rien ». Je continuai donc à recopier notre devoir. Lorsque j'eus terminé, il reprit la parole d'un air penseur, se demandant pourquoi nous nous haïssions tant alors que nous aurions très bien pu sortir ensemble. Je me retins de pousser un cri de dégoût devant sa proposition, chose que j'aurais faite à n'importe quel autre moment.

- Pourquoi on se déteste ? lui demandai-je étonnée.

Il osait me demander pourquoi ? Depuis le jour où il s'était moqué de moi à la maternelle parce que mes parents m'avaient affublée d'un atroce capuchon rouge, je n'avais cessé de le détester et de le trouver idiot. Et même si j'avais adoré mon manteau avant son intervention, je n'avais plus jamais voulu le remettre. C'était idiot, tout comme lui. Mais c'était comme ça. Et il ne s'en souvenait même pas.
Et puis, c'était bien connu, sous mes airs hypocrites je détestais tout le monde.

- Parce que tu n'es qu'un idiot et que je déteste tout le monde. Voilà pourquoi.

Je rangeai mes affaires dans mon sac avec empressement, prête à aller rendre notre devoir à Madame Grayson et surtout ne voulant plus parler de cela.

Sa réponse aurait pu me vexer, mais idiot était un mot qui revenait souvent dans sa bouche, particulièrement à mon égard. Haussant simplement les épaules, je rangeais lentement mes affaires, même s’il nous restait encore un moment à tirer.

« Ok, donc moi je suis vraiment idiot, et toi tu déteste vraiment le monde entier pour une raison qui m’est inconnue. Ben ça va, on ne doit pas trop se fouler pour duper les autres alors, c’est plutôt cool. »

Me levant, j’allais m’asseoir au bord du bureau du prof et essayais de m’imaginer face à une classe. Déprimant… Poussant un long soupire, je passais mes mains dans les cheveux en basculant la tête en arrière.

« Raaaa, faut que je bouge, ça commence à faire long là. »

Suite à sa remarque, je répliquai rapidement :

- Voilà, tu as tout compris.

Il ajouta que ça commençait à faire long. Je hochai brièvement la tête. La fin de la colle se passa lentement. Nous rendîmes notre devoir à notre prof, qui fulminait toujours d'avoir dû nous surveiller.

- Tu vas à la soirée chez Ben ce soir ?

Alors que je lui posais cette question, j'envoyai un sms à Dalia et Katarina pour leur donner rendez-vous là-bas.

Malgré tout, le reste de la colle se déroula presqu’en silence. Lorsque ce fût enfin fini, nous rendîmes le devoir à la prof qui le parcouru rapidement et sembla déçue. Elle nous congédia avec froideur, et je le lui rendis avec un salut théâtral accompagné d’un grand sourir avant de m’éclipser avec Annabella en faisant la grimace. Qu’elle emmerdeuse cette femme… La blonde me demanda alors si j’allais à la soirée de Ben le soir même. Toute l’équipe y serait, ou presque, il n’y avait pas de raison que le capitaine n’y soit pas également. Je jetais un coup d’œil à ma montre : 18h10. La soirée commençait à 20h, mais il n’y aurait surement personne avant 22h au moins. Cela me laissait le temps de repasser chez moi pour faire un peu d’exercice et me changer.

« Yep, ça promet d’être épic comme fête de la rentrée, je ne voudrais pas manquer ça. Je suppose que tu y vas aussi ? »

Passant devant nos casiers, je m’arrêtais au miens et y fourrais tous mes livres. Il n’y avait rien à faire pour le moment, donc pas besoin de s’encombrer sur la moto. Je sortis mon casque et refermais la porte en me tournant vers Anna.

« Je te dépose ? »

Je relevai les yeux de mon gsm alors que Kim répondait à ma question par l'affirmative. Je devrais encore le supporter ce soir.

- Bien sûr que j'y vais ! Que serait une soirée sans moi ?

Je checkai l'heure et fis la moue : si je demandais au chauffeur de venir me chercher à cette heure-ci au lycée, j'allais devoir expliquer que j'avais écopé de deux heures de colle. Alors que je réfléchissais à une bonne excuse à donner à mes parents tout en rangeant mes livres dans mon casier, Kim me proposa de me raccompagner. Je fermai vivement mon casier et lui jetai un regard surpris. J'avais bien entendu ? Je voulus refuser sans attendre mais me retins de justesse. Après tout, c'était peut-être la solution pour ne pas dire à mes parents que j'avais été punie. Même s'ils le sauraient un jour ou l'autre, mais le plus tard était le mieux. Pesant rapidement le pour et le contre, je finis par me décider pour la méthode la plus discrète.

- D'accord, mais juste pour cette fois. Et ne t'avise pas de le raconter à quiconque !

C'était sans compter le détail que j'avais oublié : Kim n'était pas en voiture, mais à moto. Il fallait croire que mon cerveau n'avait pas fait attention à cet aspect du débat. Je n'étais encore jamais montée sur l'un de ces engins, tant parce que mes parents me l'interdisaient que parce que je n'appréciais pas la proximité avec les gens. Mais je n'allais tout de même pas avouer à Kim que je n'avais aucune expérience avec les motos, ça serait lui montrer une faiblesse de plus ! Et j'en avais déjà bien assez révélé pour aujourd'hui.

La jeune femme ma répondit qu’elle y allait également, sinon ce ne serait pas une vraie fête, en gros. Je levais les yeux au ciel alors qu’elle rangeait ses livres. A ma proposition, elle me lança un regard surpris, et alors que je m’attendais à essuyer un refus – ce qui aurait été sympa puisque je lui avais posé la question par pure politesse – elle finit par accepter, me mettant en garde de ne raconter ça à personne. Comme si j’allais me vanter d’avoir ramené la vipère du lycée chez elle… J’étais surpris qu’elle accepte, mais n’en montrais rien. Lui désignant la sortie du menton, je me dirigeais d’un pas lent vers le parking. Une fois à ma moto, je sortit un second casque et le tendis à la pompom avec un petit sourire.

« Je te rassure, ça ne décoiffe pas tant que ça contrairement à ce qu’on dit. »

Enfilant le miens, j’enfourchais mon bolide et le mis en marche en faisant vrombir le moteur. J’attendis qu’Anna s’installe en me demandant si elle allait survivre au voyage, et cela m’amusait pas mal en soi. Une fois qu’elle se fut décidée, je lui criais pour couvrir le bruit du moteur.

« Accroche toi, je n’ai pas envie de ta ramasser à la petite cuillère parce que tu as basculer en arrière… »

Et sur ce, je démarrais sur les chapeaux de roues. J’aurai pu y aller molo, mais je pouvais bien lui rendre la monnaie de sa pièce pour l’épisode du matin, non ? Une fois sortit du parking, je ralentit tout de même un peu histoire qu’elle ne fasse pas une crise cardiaque.

« Guide moi ! »

Il me donna son deuxième casque et je me retins de le regarder d'un œil dégoûté – je ne savais pas qui l'avait posé sur sa tête avant moi et y avait laissé je ne sais quelles traces de laque ou de gel bon marché. Me laver les cheveux à mon retour me sembla tout de suite encore plus indispensable avant de me rendre à la soirée.

- Oui eh bien je n'en suis pas si sûre.

Je finis par mettre le casque de Kim sur la tête et déglutis en l'entendant faire rugir son moteur. Mais dans quoi est-ce que je m'embarquais encore ? Je n'aurais jamais dû accepter. Mais il était encore plus impensable de changer d'avis maintenant. Qu'est-ce qu'il irait raconter sur mon dos ensuite ? Que j'étais une froussarde ? Jamais de la vie !

Je m'assis ensuite derrière lui en remettant ma mini-jupe en place. Ce n'était pas la tenue la plus adéquate pour faire un tour en deux roues, mais je n'avais pas le choix. Il me cria bientôt de m'accrocher si je ne voulais pas finir en bouillie sur le sol. Alors qu'il finissait sa phrase, il démarra si rapidement que j'en fus surprise et que mes bras vinrent automatiquement le serrer fortement à la taille, mon visage venant se blottir un instant dans son dos. Je restai ainsi jusqu'à ce qu'il ralentisse et qu'il me demande de le guider jusqu'à chez moi. Reprenant mon souffle – j'avais arrêté de respirer – je m'écartai de lui tout en me tenant toujours assez pour ne pas tomber.

- C'est sur Garden Street, le numéro 6. Tu prends la première à droite puis la troisième à gauche.

Mieux valait ne pas envenimer les choses. Je devais l'avouer à regret mais il avait sans doute ma vie entre ses mains en cet instant précis, et je préférais ne pas l'énerver même si j'avais envie de lui crier des tas de choses – notamment que je le détestais et qu'il n'était qu'un idiot !

Je ne pus m’empêcher de sourire en la sentant s’agripper à moi de toutes ses forces. Elle l’avait bien cherché. Lorsque je ralentit, elle sembla reprendre contenance et m’indiqua la route à suivre. Ce n’était pas très loin, beaucoup de jeunes auraient fait le trajet à vélo, si pas à pied, mais ces jeunes-là étaient considérés comme « ringards » par l’élite du lycée. M’engageant dans la rue en modérant ma vitesse un maximum, je suivis la route indiquée jusqu’à chez la demoiselle. Nous y arrivâmes assez rapidement, et je stoppais le moteur juste devant son allée. Retirant mon casque, je sifflais d’une fausse admiration devant la demeure démesurée qui trônait là. Je n’avais rien à lui envier, mais je pouvais bien jouer un peu. Puisqu’elle me prenait pour un idiot, autant me comporter comme tel non ? Histoire de justifier la chose.

« Jolie villa. Madame est arrivée à destination. J’espère que le trajet vous a été agréable. Désolé pour le démarrage un peu brutal, l’habitude surement. »

Je n’étais absolument pas désolé, et cela se lisait sur mon visage tout sourire. J’attendis qu’elle descende avant de reprendre, toujours sur le ton de la plaisanterie.

« A qu’elle heure dois-je passer vous prendre ? »

Si elle me donnait vraiment une heure, j’en avalerai mon casque. Plaisanter ok, mais manquerait plus qu’elle ne prenne la chose au sérieux, chose dont je doutais fortement, mais après le coup d’accepter que je la ramène… tout était possible…

Le trajet me parut anormalement long. Je fus soulagée lorsque la moto s'arrêta devant l'allée menant jusqu'à chez moi. Kim descendit le premier tout en feintant la surprise et l'admiration face à la villa où je vivais. Il s'excusa faussement pour le démarrage féroce qui était totalement calculé !

Il eut ensuite l'audace de me demander à quelle heure il pouvait passer me prendre pour aller à la fête. Plutôt furieuse contre lui, je descendis rapidement à mon tour de la moto, détachai le casque et le lui rendis en le jetant dans ses mains avec force.

- Pas la peine de venir me prendre, je ne monterai plus jamais là-dessus avec toi !

Sans un merci, je me précipitai jusque chez moi et le laissai à l'entrée. Il était temps que je me prépare, et surtout que je me calme. Même si la fête devrait sans doute m'aider pour la seconde nécessité.

Anna ne semblait très contente, ce qui me fit bien rire. Elle me rendit le casque en me lançant et répondit que c’était inutile de venir la chercher, elle ne monterait jamais plus sur la moto avec moi. Me retenant d’éclater de rire alors qu’elle rentrait chez elle sans même dire merci, je lui criait sur un ton amuser.

« Oh mais j’ai aussi une voiture tu sais. »

Remettant mon casque et enfourchant à nouveau la deux roues, je repartis en rigolant toujours. Il ne me fallut pas longtemps pour arriver chez moi, pouvant rouler à ma guise cette fois. Je rangeais ma moto au garage et me précipitais dans la pièce qui nous servait de salle de sport pour y passer une bonne heure. Défoulé, j’eu largement le temps de prendre une bonne douche, d’enfiler des vêtements mi- classes, d’avaler un sandwich et de checker mes mails. Un sms d’Oli m’indiqua qu’il était temps de me remettre en route. Je n’avais pas croisé mes parents, ce qui n’était pas plus mal. De retour au garage, j’empruntais la Porsche de mon père et pris la route de chez Ben où je retrouvais toute l’équipe. J’allais saluer notre hôte avant d’aller m’installer dans les divans près de la piscine avec les autres, à proximité du buffet/bar. Il était près de 21h30, il n’y avait donc pas encore grand monde, mais l’ambiance était déjà plutôt bonne, ce qui promettait une soirée du tonnerre.