Jour 2, dans le milieu de l'après-midi.

Nous avons tous déjà espéré une vie parfaite… Avec des amis ou des connaissances que nous sommes certains de plus ou moins bien connaître et en qui nous pouvons éventuellement avoir confiance. Alors forcément, quand un événement inattendu se produit et que ce dernier concerne l’une de ces personnes… Il y a de quoi tomber de haut. Et on a beau affirmer avec certitude et assurance que cela ne nous touche absolument pas, au fond, on ne fait que mentir aux autres, et pire encore, c’est à soi-même que l’on raconte des mensonges. Ce genre de moment, Hedwige pensait être assez forte pour pouvoir le supporter ou pour ne pas avoir à le vivre elle-même. Hélas, c’est toujours lorsque l’on dit haut et fort que ça n’arrive qu’aux autres… Qu’un événement similaire nous surprend et nous fait faire des choses étranges. Cela dit… Il en faut beaucoup pour perturber l’Ancienne des Dragons du Nord… Alors la question que vous êtes en droit de vous poser doit très certainement être : qu’est-ce qui a bien pu l’étonner à ce point pour qu’elle en arrive là ? En réalité, c’est assez simple et ça peut se résumer très facilement. La Dragonne a « juste » découvert, par un malencontreux hasard, l’identité de la personne qui s’était permis d’envoyer Samuel sur un lit d’hôpital. Autant dire qu’elle a très certainement vu rouge lorsque l’information est arrivée jusqu’à son cerveau. Elle aurait nettement préféré quelqu’un d’autre mais non. Il aura fallu que ce soit Zayne qui le blesse. Qu’importe. Sa décision était prise, elle avait prévu d’aller elle-même chez les Jaguars pour lui demander quelques explications ; que ça lui plaise ou non.

Dès l’instant où cette nouvelle lui est parvenue, Hedwige avait commencé à agir. Elle se permit un petit passage rapide chez elle pour prendre son épée en plus de son petit couteau ; certaine qu’elle n’échapperait pas à la passe d’arme habituelle avec celui qu’elle n’avouerait jamais considérer comme son ami. Toutefois, elle ne prit pas la peine d’en informer Zack d’une quelconque façon que ce soit. Ils avaient rapidement pris l’habitude de se faire confiance et chacun d’entre eux pouvait sortir pour faire ce qu’il avait envie sans se soucier de ce que l’autre peut en penser. De plus, elle ne tenait pas vraiment à ce que sa petite visite chez les Jaguars se sache parmi son clan. On ne sait jamais. Certaines personnes pourraient profiter de cette occasion pour la faire baisser dans l’estime des autres Dragons. Nous ne sommes jamais trop prudents, après tout. Une fois qu’elle eut fini de prendre le peu de choses qu’elle voulait, elle se dirigea vers la sortie de leur logement et prit discrètement et rapidement la direction de la frontière du Sud. Elle n’avait pas vu le Jaguar depuis un certain temps… ça promettait d’être assez… Explosif ?

Après plusieurs minutes de marche, elle arriva en vue de leur frontière ; impatiente de pouvoir s’expliquer avec lui. Oh, elle n’avait pas prévu de s’introduire dans leur camp en détruisant tout sur son passage. Elle n’est pas aussi extrême et elle ne tient pas non plus à aggraver à ce point la situation actuelle. C’était déjà bien assez compliqué sans en rajouter. Non, elle voulait simplement discuter. Ainsi, quand elle arriva près de l’un des Sentinelles du clan du Sud, elle lui adressa un sourire qu’elle voulait aimable et poli avant de briser le silence en lui faisant tout bêtement part de sa requête.

« On m’appelle Hedwige. Rassure-toi, je ne suis pas venue ici pour déclarer la guerre ou n’importe quoi d’autre… Il faut, par contre, que je parle à l’un de vos Anciens : Zayne. J’aimerais que tu ailles le chercher pour moi. »

Depuis la rébellion, les sentinelles étaient plus méfiantes et les frontières avaient été renforcées. Si les premiers jours, l'ordre de tirer à vue avait été donné, la tension était néanmoins descendue aujourd'hui d'un cran et même si elles étaient toujours aussi prudentes, les sentinelles se comportaient un peu plus comme à l'accoutumé et accueillaient donc durement plutôt que d'agresser. Ainsi quand une blonde arriva avec assurance au côté de Jonathan, il l'observa avec suspicion et, il fallait le dire, étonnement. Elle semblait assez culottée pour une personne solitaire approchant les frontières d'un clan en crise. L'arme braquée sur elle, il l'écouta pourtant. Si jamais elle était menaçante, il tirerait, mais pour l'heure, elle avait l'air plus encline à venir converser. Le sujet qu'elle choisit le laissa choqué et il baissa sa garde sans s'en rendre compte. La demande de cette Hedwige était bien trop étrange pour qu'il reste de marbre. Personne ne voulait voir Zayne. Personne sain d'esprit du moins. Ou suicidaire. Peut-être était-elle les deux.

» La Bête... Tu veux voir la Bête..?

Il avait répété sa demande bêtement pour tenter de l'intégrer même si son cerveau peinait encore à s'y faire. Fort heureusement, une autre sentinelle proche se rapprocha pour voir ce qu'il se passait et ils échangèrent une conversation à voix basse durant une grosse minute, débattant sur la question jusqu'à finalement jouer à pierre, papier, ciseau pour savoir qui jouerait les messagers. Finalement ce fut l'autre qui perdit et il partit en courant, laissant Jonathan face à la blonde.

» Il va revenir bientôt. Avec Zayne. Tu es sûre de vouloir le voir ? Non, ne dit rien en fait. Si tu changes d'avis et que tu pars avant qu'il ne revienne, il va me tuer ce que je préfèrerais éviter.

Un certain temps plus tard, la deuxième sentinelle revient suivit de près par Zayne. Le brun avait été un peu réticent au début, mais quand il avait entendu le nom de celle qui voulait la voir, il avait cédé et s'était rendu jusqu'aux frontières. Comme à son habitude, il portait son katana dans le dos, mais il était bel et bien forcé d'afficher le bandage à son bras et l'écharpe qui le retenait. Il essayait de ne pas la porter en public, mais il avait dû s'y résoudre pour ne pas traîner cette blessure jusqu'à la fin de sa vie. D'un regard noir, il chassa les deux sentinelles et se planta devant Hedwige.

» Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Il avait beau apprécier la Dragonne, il n'allait pas commencer à lui faire la conversation. Il aurait pu lui donner des nouvelles de Molly directement, mais il n'était pas vraiment sûr qu'elle était réellement venu pour ça. Elle semblait trop sérieuse pour ça.

Hedwige ne fit aucune remarque lorsque la sentinelle Jaguar se mit à l’observer avec suspicion et étonnement. Après tout, c’était une réaction légitime. Qui réagirait autrement en voyant quelqu’un seul approché d’un clan qui venait de vivre une terrible rébellion ? Un idiot, peut-être. Et encore. Elle ne se formalisa pas non plus de l’arme que braquait la sentinelle vers elle. En parler ou même tenter quoique ce soit contre cette attitude, c’était risquer un incident diplomatique entre leur clan respectif et ça, ce n’était vraiment pas l’objectif d’Hedwige. Elle venait voir une personne en particulier et surtout, elle ne voulait pas que cette petite rencontre vienne à se savoir, surtout par chez elle. Et si Jonathan semblait encore imperturbable et de marbre au départ, ce ne fut plus le cas lorsque la blonde prononça le nom de l’homme qu’elle était venue voir. Une réaction qui ne l’étonnait pas, au fond. La réputation du terrifiant Zayne n’était plus à prouver, que ce soit dans son propre territoire et même parfois au-delà. Mais à elle, il ne lui faisait pas peur. Parce qu’elle se savait capable de pouvoir au moins rivaliser avec lui. Ou en tout cas, elle ne se laisserait pas avoir aussi facilement. Alors oui, elle voulait réellement le voir. Et non, elle n’avait pas un caractère à tendance suicidaire et son esprit était très sain. Du moins, pour une Dragonne. Quand la sentinelle lui demanda confirmation en ce qui concerne sa demande, Hedwige ne put s’empêcher de lâcher un soupir. « Oui, j’aimerais voir la Bête. Je ne suis pas folle. J’ai parfaitement conscience de ce que je suis en train de faire, ne t’inquiète pas. » Et de toute façon, lui ne risquait rien. Si Zayne devait s’en prendre à quelqu’un, ce serait à l’Ancienne et pas à cette pauvre sentinelle qui ne faisait que faire ce qu’on lui demandait. Son travail. Pourtant, il ne bougea toujours pas jusqu’à ce qu’une autre sentinelle Jaguar ne vienne voir ce qu’il se passait d’un peu plus près. Les deux collègues discutèrent quelques instants à voix basse, faisant comme ci Hedwige n’était pas présente. Elle commençait sérieusement à s’impatienter mais elle faisait tout ce qu’il fallait pour ne pas le montrer. Elle devait absolument rester calme si elle voulait qu’ils accèdent enfin à sa requête. Ils prirent un peu de temps supplémentaire pour jouer à pierre, papier, ciseau. Sans doute pour déterminer à qui reviendrait la lourde tâche d’aller chercher l’ancienne Fine-Lame de leur clan. Sérieusement ? Il leur faisait si peur que cela ? Au final, la deuxième sentinelle finit par partir en courant après avoir perdu. Hedwige se retrouvait donc de nouveau seule face à Jonathan. Elle le fixait en l’écoutant vaguement parler. La blonde avait saisi ce qu’il venait de lui dire et elle se contenta de lui répondre par un simple haussement des épaules. Qu’il ne s’inquiète pas, elle n’avait pas l’intention de partir d’ici sans avoir vu Zayne et elle resterait donc campée sur ses positions.

Après un certain temps à se regarder dans le blanc des yeux, l’autre sentinelle finit enfin par revenir. Zayne la suivant de près. Toutefois, il y avait quelque chose de changer chez lui. Il portait toujours son katana dans le dos mais aujourd’hui, il était en plus affublé d’un bandage et d’une écharpe pour son bras. Signe qu’il avait probablement durement lutté pendant la rébellion. Quant à Hedwige, elle était en pleine forme et surtout physiquement. Et comme lui, elle portait son katana sur elle mais pour le moment, elle ne montrait pas de signe signifiant qu’elle comptait s’en servir. Etant donné l’état actuel de Zayne, elle n’en aurait même peut-être pas besoin s’il en venait à se jeter sur elle suite à ce qu’elle voulait lui dire. La blonde était prête à agir en conséquence de son interlocuteur. Elle se sentit tout de même beaucoup quand il ordonna de partir aux deux sentinelles en usant d’un simple regard. Et évidemment, il n’était pas des plus accueillants. Mais sa question ne refroidissait pas la motivation d’Hedwige pour autant. Elle se mit à le fixer dans les yeux pour lui répondre. « C’est évident, non ? Je viens simplement discuter. Et pas de Molly, cette fois. Je sais que tu t’occupes très bien d’elle et que je n’ai pas trop à m’en faire. Non, aujourd’hui, c’est un tout autre sujet bien moins… Cordial, dirons-nous. » Elle se tut quelques instants pour lui laisser le temps de digérer la première information. Il valait mieux procéder étape par étape avant d’en venir au fait qui risquait fortement de déclencher certaines réactions. Une fois qu’elle jugea qu’elle lui avait laissé suffisamment de temps, elle poursuivit sans le quitter des yeux, pour autant. « Il se trouve que je suis au courant de certaines choses que je ne devrais peut-être pas savoir, c’est vrai… Mais maintenant, c’est trop tard et je veux vérifier ces dires par moi-même en demandant directement au principal concerné. Zayne… Est-ce vraiment toi qui a attaqué et blessé Samuel… ? » La bombe était lancée. Hedwige ignorait comment le Jaguar allait réagir face à sa question mais elle était parée. Qu’il devienne violent ou autre… Elle était prête à se défendre.

Non, ce n'était pas vraiment évident. Il roula des yeux avec agacement alors qu'elle venait à peine de commencer à parler ce qui n'était pas vraiment dans son habitude. Seulement, aujourd'hui, la situation était particulière. Les Jaguars et les Dragons étaient dans une position précaire et il ne savait pas exactement comment se comporter avec Hedwige. Deux jours plus tôt, Samuel était là avec certaines de ses troupes et il lui faisait face, alors étonnement ça changeait les choses. Pas complètement car ils n'étaient pas en guerre, mais ce n'était peut-être qu'une question de temps. Il n'apprécia pas non plus beaucoup sa façon de mettre directement Molly sur le côté. Le territoire où vivait sa fille avait été attaqué et elle ne voulait même pas s'assurer qu'elle était saine et sauve ? Ou même entière ? Zayne ne la savait pas forcément sentimentale, mais quand même. Bien sûr, s'il était arrivé quelque chose à la petite fille, il aurait fait en sorte de lui faire savoir. Et même s'il ne se l'avouait pas, il ne serait sûrement pas aussi calme en cet instant. A force, il s'était attaché à cette gamine, c'était plus fort que lui. Face à son sérieux et à ce sujet moins cordial qu'elle voulait aborder, il décida finalement de changer son fusil d'épaule. Son premier réflexe aurait été de lâcher une remarque cinglante, mais le temps n'était visiblement pas à quelques passes, qu'elles soient verbales ou physiques. Quand elle lâcha finalement sa fameuse bombe, il manqua bien d'éclater de rire. Quoi, c'était tout ? Bien sûr, penser à l'attaque des Dragons et aux blessures qu'il avait récolté durant le combat ne lui faisait pas plaisir, mais ce n'était pas un sujet tabou.

» Non.

Il haussa légèrement les épaules en passant machinalement les doigts sur son bandage.

» Il s'en est pris à l'une des nôtres, j'ai simplement réagis. Je suis celui qui l'a blessé et qui l'aurait tué si l'autre imbécile n'était pas intervenu. Ton Chef est venu sur notre territoire pendant une attaque avec une intention malveillante et ce n'est pas vraiment un secret par chez nous.

Les mots étaient sortis avec dédain. Il ne parvenait pas à croire que les Dragons étaient aussi peu sous-informés et qu'elle avait eu besoin de venir le voir directement pour en savoir plus. Et puis, quel était le sens de tout ça ? Qu'est-ce qu'il y avait vraiment derrière cette visite ?

» Crache le morceau ! Qu'est-ce que tu veux ?

Elle savait. Hedwige savait qu’elle ne rendait pas service à son clan en se rendant actuellement sur le territoire même des Jaguars du Sud. Seulement, elle n’avait pas pu s’en empêcher. Elle avait uniquement suivi cette pulsion et sans réfléchir, elle s’était retrouvée là. Et à présent, elle discutait plus ou moins avec Zayne alors que la situation entre leurs clans respectifs était compliquée. Sauf que voilà, elle n’avait pas pris le temps d’y réfléchir et elle avait tout bonnement foncé. Mais elle n’était pas aveugle pour autant. La Dragonne voyait bien qu’elle agaçait doucement le Jaguar. Il faut dire qu’elle était particulièrement douée dans ce domaine… Mais maintenant qu’elle se trouvait en face de lui, c’était un peu tard pour faire marche-arrière et de toute façon, cette option ne s’est jamais trouvée dans ses intentions. A ses yeux, reculer était un signe de faiblesse or, elle n’était pas faible. Hedwige s’est toujours donné l’image d’une femme forte et ça n’est pas prêt de changer, quoi qu’il arrive. Elle ne réagit même pas plus que cela lorsqu’il lui formula un simple « non » en guise de réponse à l’une de ses dernières interventions. Puis, Hedwige grinça des dents en entendant la réponse qu’elle était venue chercher. C’était bien lui qui avait envoyé Samuel à l’hôpital et sans aucun remord, visiblement. Il parlait même du fait qu’il l’aurait tué si Chad n’était pas intervenu… Quoique venant de Zayne, cette attitude ne devait pas l’étonner. A force, elle le connaissait et elle savait qu’il n’avait pas été Fine-Lame sans d’excellentes raisons. La Dragonne avait capté le dédain dans les mots de l’Ancien mais elle décida de ne pas en faire cas. A la place, elle se contenta de simplement lui répondre. « C’est tout ce que je voulais savoir. Seulement, j’espère pour bon nombre de personnes qu’il va finir par se remettre de cette mésaventure avec toi… » Non, ce n’était pas une menace. Ça aurait pu, c’est vrai. D’ailleurs, elle avait hésité à lui sauter à la gorge en entendant ses mots mais au dernier moment, l’Ancienne s’est dit que ça ne servait à rien de réagir de cette manière. Au contraire, ça ne ferait certainement qu’envenimer une situation déjà bien délicate entre deux clans. Et elle était suffisamment raisonnable pour ne pas vouloir être la cause d’un nouveau conflit de ce genre. Battante mais pas suicidaire. Surtout qu’elle venait juste se renseigner parce que les Dragons ne sont pas très communicatifs sur ce genre de sujet. C’est pour cette raison qu’elle avait décidé de venir voir à la source, directement.

Et puis, elle se rappela qu’il y avait quelqu’un d’autre dans ce clan, avec qui elle était censée être proche. Il s’agissait de la chaire de sa chaire. Le seul enfant qu’elle n’avait jamais eu et celui qu’elle avait volontairement refusé d’élever. Beaucoup par égoïsme même si elle se disait qu’elle avait fait cela pour la protéger et rien d’autre… Parce qu’elle ne voulait pas que son père soit au courant de son existence. Parce qu’elle ne voulait pas que ça soit une éternelle source de tensions alors qu’il venait de la tromper. A cette époque… Hedwige préféra éviter d’y repenser. S’infliger volontairement un tel supplice, c’était stupide. Stupide et inutile, de surcroît. Elle poussa un long soupir et reporta son intention sur le Jaguar qui se trouvait en face d’elle. C’était dommage de repartir aussitôt alors qu’elle avait fait un bout de chemin pour venir ici, malgré tout. « Ma fille… » Prononcer ces mots dans ces conditions, ça lui faisait bizarre. Parler de cette façon, ce n’était pas dans ses habitudes. Il faut dire qu’elle n’avait jamais vraiment eu besoin de dire ces derniers chez elle… Mais pour une fois, elle avait décidé de l’appeler autrement que simplement : Molly. Et pour elle, c’était déjà bien. « J’imagine qu’elle va bien ? » Le ton était un peu froid… Mais il ne fallait pas trop lui en demander d’un coup. L’amour maternel et même l’amour des parents, tout simplement, elle n’avait jamais vraiment su ce que c’était. Alors c’était bien difficile pour elle de tenter de faire quelque chose qui était censé être naturel mais qu’elle-même ne connaissait pas. On avait voulu faire d’elle une personne ayant du mal avec les sentiments… Et le pire, c’est qu’on avait réussi. Preuve en est par sa démonstration relativement… Pitoyable. Il faut le dire…

L'attitude de Hedwige était profondément agaçante. Et pourtant, il appréciait cette femme. Parfois. Il n'avait pas de dédain pour elle en tout cas. Cette visite lui laissait par contre un goût amer dans la bouche. Il n'aimait pas sa présence, ses questions et ses remarques. Il pouvait comprendre que les Dragons n'avaient pas été vraiment mis au courant de la situation - ils n'étaient pas connus pour être très communicatifs -, mais elle allait trop loin. Il ne fallait pas oublier que c'était de la faute de son clan, de son Chef, si la trêve entre le Nord et le Sud était menacée.

» S'il ne se remet pas, c'est qu'il est faible. Les faibles meurent, c'est comme ça. Tu ne vas pas me dire que tu as oublié ça ? Tu t'es ramollie pendant la Saison Aride ou quoi ? A moins que ce gars, ce Samuel, ce soit ton pote ou un truc du genre ?

Zayne n'était pas un homme particulièrement curieux, mais quelque chose le titillait dans cette histoire. Certes, la perte d'un Chef était un problème, mais ce n'était pas insurmontable. Pour qu'une Ancienne décide de venir jusqu'ici, il fallait donc que l'affaire vienne tirer une corde plus personnelle. En parlant de corde personnelle, Hedwige décida enfin d'en tirer une. Une particulièrement importante. Le Jaguar fourra une main dans sa poche de pantalon, patient, alors qu'elle galérait avec ses mots. C'était bizarre de l'entendre dire "ma fille". Même si c'était le cas, même Zayne peinait à réellement imaginer Hedwige en mère. Pour lui, c'était comme si Molly n'en avait pas. Il y avait des gens autour d'elle, ces gens qui l'aimaient, une famille, mais pas de mère. Pas même la sienne ou Azur.

» Il est temps que tu t'en inquiètes. C'était le carnage ici, elle aurait pu mourir dix fois.

Il n'avait pas honte de retourner le couteau dans la plaie. Zayne n'était pas un homme gentil, il n'enrobait pas ses mots et ses actions de sucre. C'était ce qu'il était. Au fond, c'était pour ça qu'il avait été aussi bon dans son job. Il n'avait aucun souci à faire souffrir. Il aimait même ça. Seulement, ce n'était pas ici un sursaut de sadisme. Il essayait plutôt de lui mettre du plomb dans la tête.

» Elle va bien. Quelques cauchemars depuis cette nuit là, mais physiquement rien à signaler.