Du côté d’Oli

L’espion était resté au QG après avoir ramené les prisonnier, et il commençait à s’inquiété de ne voir revenir personne. Il fût donc soulagé lorsque Lucas revint, mais la nouvelle qu’il lui annonça plomba bien vite son moral : Kim était gravement blessé et avait faillit être achevé par Annabella. Jéremy, qui l’en avait empêché de justesse, était resté au centre hospitalier en attente de nouvelles, mais la situation semblait critique. Oli dût s’asseoir le temps de digérer cette annonce bouleversante et éviter de faire un scandale, et Lucas et lui passèrent les heures suivantes à attendre des nouvelle soit de Kim, soit d’Eli qui était au abonnés absents. C’était bien le moment de disparaître, encore…

Le seul moment où les choses avaient un peu bougées c'est lorsque Tomas était passé pour demander de l'aide. Oli avait alors envoyé Gabriel en aide puis avait essayé de rassembler un maximum de sentinelles pour les dispatcher aux frontières et ainsi renforcer la surveillance.

Le soleil était levé depuis un bon moment lorsque Jéremy revint à son tour. Dire qu’il semblait bouleversé aurait été faible, et les deux Aigles faillirent avoir une attaque en s’imaginant tout de suite le pire. Heureusement, si l’on peut dire, les nouvelles n’étaient pas si mauvaises, même si elles n’étaient pas très encourageantes non plus : l’état de Kim s’était stabilisé, mais il semblerait qu’il soit plongé dans le coma. Eli se trouvait également là-bas, et il demandait à Oli de l’y retrouver, seul. L’espion ne cacha pas sa surprise, mais il obtempéra malgré tout. Jérem lui avait conseillé de prendre la jeep car l’état du « second » ne semblait pas très convainquant non plus, et si Oli fût d’abord réticent de conduire seul il dût se résigner malgré tout. C’est donc avec prudence qu’il se rendit au Centre Neutre au volant du 4 roues, pas très à l’aise. Ce n’est qu’à la moitié du chemin qu’il réussi enfin à distinguer l’embrayage du frein, et il arriva finalement sans trop de brusqueries, mais il avait les jambes flageolantes en entrant de le bâtiment. Celui-ci était bondé. Des gens couraient dans tous les sens avec agitation, et Oli eu du mal à intercepté un soigneur pour lui demander des informations. Les indications qu’il lui donna étaient vagues, et il se perdit un moment avant d’enfin trouver la première chambre, celle de Kim.

Son chef était allongé paisiblement, le torse couvert de bandages et un simple fil planté dans le bras et lui injectant un quelconque produit. Oli resta un instant à la porte, fixant le corps inerte en essayant de refouler la rage qui montait en lui. Son regard dériva alors vers le lit d’à côté, et ses yeux s’écarquillèrent en reconnaissant la personne allongée, semblant de le même état que Kim : Annabella. Comment avaient-ils pu les mettre dans la même chambre ?! Avec colère, il attrapa le premier soigneur qui lui passa sous la main et lui hurla dessus que c’était impensable de laisser les deux chefs ensembles. Si la Vipère se réveillait en première, ça ne faisait aucun doute qu’elle finirait ce qu’elle avait commencé, et il était certain également que Kim chercherait à se venger s’il se réveillait avant elle. D’abord surprit, le soigneur fini par reprendre un sérieux et une autorité déconcertante et assura à l’espion que s’il ne se calmait pas, il serait évacué de force. Une fois Oli un peu calmé, il lui expliqua rapidement qu’ils manquaient de place, et qu’ils avaient donc décidé de mettre les deux chefs ensemble pour plus de facilité, étant donné que leurs états étaient similaires qui plus est. Mais il comprenait l’inquiétude du jeune homme, et il lui assura que des précautions seraient prisent, à savoir les attacher à leurs lits… Oli enrageait, c’en était trop pour lui et il commençait à avoir du mal à se contenir, mais il avait une mission et il se devait de garder son sang froid malgré tout… Il respira profondément à plusieurs reprise avant de chercher la seconde chambre, celle d’Eli. Le temps qu’il lui fallut pour la trouvé lui permis de se calmer, mais lorsqu’il entra dans la pièce et aperçu Eli sa colère augmenta de nouveau et il se força à aller s’asseoir au lieu de frapper ou renverser quelque chose. Les poings serrés, la mâchoire crispée et les jambes tressautant nerveusement, il se retint de réveiller le blond en le secouant violemment. Son sommeil semblait agité, aussi l’espion ne doutait pas qu’il allait se réveiller de lui-même d’un moment à l’autre, et en attendant il essayait de se calmer de nouveau et d’évaluer la situation, qui sur le coup lui semblait plutôt désespérante et désespérée…

Du côté d’Eli

Mon sommeil fût ponctué de réveils en sursauts et de pics de douleur. Autant dire que si j’avais passé la journée au lit, j’étais loin d’être reposé, mais qu’importe. J’avais perdu la notion du temps, aussi fus-je surpris d’apercevoir un silhouette assise au pied de mon lit alors que je me réveillais pour la énième fois, le souffle court. Me redressant d’un bond, je fus stabilisé rapidement par ce que j’identifiais comme un homme, et la voix d’Oli me calma aussitôt. Le message avait bien été transmit, Oli était là, apparemment seul. Plissant les yeux pour essayer de distinguer son expression, je fini par détourner le regard en soupirant. Il repris alors la parole d’une voix crispée mais directe.

« Tu as vraiment une mine de déterré…
Alors, je ne sais pas pourquoi tu m’a appelé moi en particulier, ni si tu es au courant pour Kim, ni pourquoi tu es aussi amoché, ni ce que tu comptes faire… Et ça fait trop de questions à mon goût. Alors HS ou non, j’aimerais des réponses, maintenant. »

Si c’était légitime de sa part de se poser ce genre de question, je lui aurais été reconnaissant d’éviter de les poser maintenant. M’asseyant sur le lit, face à lui, je le fixais un moment sans réussir à distinguer ses traits, et je fini par soupirer de nouveau en baissant les yeux et prenant la parole d’une voix rauque.

« Je suis au courant pour Kim, et c’est pour ça que je t’ai appelé. Je compte reprendre la gestion du clan, mais vu mon état je vais avoir besoin d’aide… et tu m’a sembler être le plus apte à prendre le rôle de second… provisoire. Tu as de l’expérience, une connaissance des clans poussée et tu es loyale, voilà pourquoi je t’ai appelé toi en particulier. Quant à mon état… c’est une longue histoire… Mais le fait est que je ne tiendrais pas sans support, et je sais où je peux en trouver. Alors à moins que tu n’ai d’autres questions, nous devons aller trouver Madame… »

Oli resta silencieux et immobile un bon moment. L’information prenait place dans son esprit avec lenteur : je prenais officiellement le rôle de second, et de la sorte prenais la place de Kim. Au vue des derniers événements, ça ne serait pas simple de faire accepter cette « auto-proclamation » à l’ensemble du clan, mais il fallait bien que quelqu’un prennent les choses en mains, et tant que maintenant j’étais le mieux placé… malgré mon état…

Finalement, le noir se mit en mouvement. Il s’approcha du lit, me tendis le short que j’avais complètement oublié et se dirigea vers la porte.

« J’obéirais donc aux ordres, mais sache que si tu me prend vraiment comme second, je ne compte pas fermé ma gueule quant à tes agissements ou quoi.
Maintenant je vais t’amener à Madame si tu penses qu’elle pourrait t’aider, même si je ne voit pas trop comment. Habille toi, je t’attend dans le couloir. T’as de la chance que je sois venu en jeep. »

Sur ces mots, ils sortit. Si je le prenait comme second, c’était justement pour qu’il soit mes yeux et mes oreilles, mais aussi mon conseillé. J’allais avoir besoin de quelque en pleine forme et avec l’esprit claire, mais ça j’aurais tout le loisir de le lui expliquer par la suite…

Je fini donc de m’habiller et rejoignit l’espion. J’avais hésiter à prendre la béquille, mais trois pas suffirent à appuyer mon choix : je n’avais pas le choix de la prendre avec… Oli vint me soutenir sans me demander mon avis, et si cette situation me faisait rager, je lui était malgré tout reconnaissant pour son aide spontanée. La marche jusqu’à la jeep garée un peu plus loin que l’entée fut un parcours du combattant auquel je ne m’attendais pas, et je fus plus que soulagé lorsque je pus enfin m’asseoir côté passager. Oli s’installa derrière le volant et mit l’engin en marche, toujours silencieux. La jeep s’ébranla et après quelques crachotements qui me firent rapidement comprendre qu’Oli n’avait jamais conduit avant, nous fûmes sur la route qui menait à l’habitation de Madame. Le soleil commençait à baisser à l’horizon, et afin d’oublier les élancements que provoquaient  les secousses de la voiture je me tournais vers Oli pour lui poser les questions auxquels je n’avais pas pu avoir de réponse jusqu’à maintenant.

« Sais-tu ce qui est arrivé à Kim exactement ? As-tu pu le voir ? Et y a-t-il d’autres blessés ?  »

Oli me lança un rapide coup d’œil avant de me répondre. Il était concentré sur la conduite, mais cela ne l’empêcha pas de parler avec un sérieux qu’on lui connaissait peu…

« Je ne sais pas ce qu’il s’est passé exactement, mais apparemment Kim se serait fait tiré dessus alors qu’il combattait avec Annabella. Celle-ci aurait essayé de l’achever, mais Jéremy est arrivé juste à temps pour la stopper. Depuis Kim est dans le coma, et au moins a-t-il l’air… paisible.

Sinon il n’y a pas d’autres blessés, et nous avons pu ramener trois prisonniers, mais ils n’ont pas encore été interrogés. Je n’en sais donc pas plus. »

Il avait omis volontairement de parler du fait que Kim et Annabella se trouvaient dans la même chambre. Je voulus lui demander des précisions, mais avant que je n’ai pu mettre mes idées en place pour poser mes questions nous étions arrivé à destination. La douleur était maintenant difficilement supportable, et je me sentais faible et fatigué. Pourtant, je m’obligeais à remettre mon masque pour faire face à Madame. Si je ne pouvais pas dissimuler ma faiblesse physique, je pouvais au moins dissimuler ma faiblesse mentale.

Oli vint m’aider à descendre du véhicule, et me soutins jusqu’à la porte à laquelle il frappa avec conviction. Me redressant le plus possible, je me tins derrière lui, le visage impassible.

Tout à un prix.
Sauras-tu deviner le mien, jeune moineau ?
Madame aux commandes
PV Eli

Brusquement, l'homme sortit du sommeil. Dans sa surprise, il avait bien faillit tomber de sa chaise, mais il s'était rattrapé juste à temps et se tenait désormais debout, les bras déployés autour du corps, tous les sens en alerte. De carrure, il n'avait rien à envier aux colosses qui peuplaient les rangs des clans, mais de tête, il ressemblait bien plus à un Saint-Bernard qu'à un molosse aux babines écumeuses. Edmund était un brave gars qui souffrait d'une allure peut amène au premier regard. Il n'en restait pas moins fort, mais contrairement à la pensée populaire, il ne pensait pas avec ses muscles et savait parfaitement se servir de sa tête. Il aimait les jolis objets qu'il entretenait avec bonheur et suivait Madame comme son ombre depuis plusieurs mois déjà. Une fierté qu'il espérait éprouvé durant de longues années avant qu'elle ne le jette. Il n'était pas idiot, il savait qu'elle le ferait un jour et profitait donc de chaque instant.

La personne dehors réitéra ses coups, il se dirigea donc vers l'entrée et entrebâilla la porte pour jeter un œil critique sur les visiteurs. Un type en forme et l'autre en mauvaise état. Que venaient-ils faire ici ? Il faillit les envoyer bouler en leur indiquant l'hôpital, sa patronne ne faisant pas la charité, mais il se força finalement à poser les questions d'usage. Si Madame manquait une affaire à cause de lui, elle ne le lui pardonnerait sûrement jamais. Et puis, ils avaient une jeep, c'était un signe de richesse.

- Qu'est-ce que vous voulez ?

Edmund s'était forcé à prendre un ton bourru, renforçant son apparence comme la papesse le lui avait demandé dans un premier temps lorsqu'il accueillait des gens. Si elle ne voulait pas rater une affaire, elle exécrait encore plus les problèmes et c'était son rôle de les éviter.

Les premiers coups restèrent sans réponse. Oli tourna un regard vers moi et je lui indiquais d’essayer de nouveau, ce qu’il fit avec un haussement d’épaules. Finalement, la porte s’entrebâilla, laissant apparaitre une tête qui nous dévisagea un instant avant de prendre la parole d’un ton bourru, nous demandant ce que nous voulions. Oli se décala pour me laisser la place et je pris une grande inspiration avant de répondre à la question posée.

« Je m’appel Eli, des Aigles de l’Est, chef provisoire du clan en remplacement de Kim Dong-Yul, qui n’est actuellement pas en état d’assurer ses fonctions. Et voici Oli, espion et second encore non-officiel. Je souhaiterais faire une affaire avec Madame. »

Cette tirade m’avait essoufflé, mais je fit de mon mieux pour reprendre ma respiration le plus discrètement possible. Je venais de dévoiler volontairement toutes une série d’informations afin de prouver à Madame ma « bonne fois ». Si je n’avais jamais eu a faire à elle jusqu’à maintenant, je connaissais sa réputation qui la précédait de loin. Elle serait mise au courant d’une manière ou d’une autre, je n’en doutais pas, alors autant qu’elle l’apprenne en exclusivité dès maintenant. Cela pourrait peut-être jouer en ma faveur…

Toujours à moitié caché derrière la porte, Edmund observait d'un œil sceptique le duo. Il n'était pas à l'aise avec les blessés et le blond paraissait réellement en mauvais état. Non, mais quelle idée aussi de venir ici alors qu'il tenait à peine debout. L'homme ne comprenait pas ce genre de comportement, il était surtout particulièrement idiot de se montrer aussi faible devant Madame. Il l'aimait beaucoup, mais c'était une véritable rapace et elle ne manquerait pas un tel détail, s'avérant aussi d'autant plus difficile en affaire. Et pourtant, ce fut bien lui qui prit la parole en premier, l'autre homme restant en retrait. Avec attention, Edmund écouta les explications de son interlocuteur, notant toutes les informations avec beaucoup de soin. Son rôle était aussi de chercher les incohérences dans les histoires qu'on lui servait, mais il fut ici soufflé par l'ampleur des nouvelles. Il avait beau savoir pour la rébellion, il ne s'était pas attendu à ce qu'il y ait de telles pertes. Et surtout pas du côté de la hiérarchie des Aigles. Nerveux, il mordilla un peu sa lèvre et jeta un bref coup d’œil vers l'intérieur.

- Qu'ils entrent.

Hochant brièvement la tête, Edmund se décala sur le côté et ouvrit complètement la porte pour les laisser pénétrer dans le bâtiment. La pièce principale étant utilisée comme magasins, chaque mur était caché par de lourdes étagères soutenant la marchandise. Ici, on trouvait de tout que ce soit des réserves de nourritures, des vêtements, des livres ou des bibelots en tout genre. La collection de Madame s'étendait aussi dans la remise et abritait des trésors que peu de gens avaient eu l'occasion de contempler. Logique, la papesse ne montrait ses plus belles pièces qu'aux personnes capables de les acheter et elles étaient rares à Paris. La rousse était assise sur un haut tabouret et surplombait une table ronde sur laquelle était posé son précieux livre de comptes. Le vieux carnet était épais et sa couverture reliée de cuir rouge détonnait particulièrement dans son environnement. Posant son stylo, elle posa un regard intrigué sur le duo qui s'était introduit dans son antre.

- Lequel de vous deux est Eli ?

La question était particulièrement sérieuse. D'un côté, il y avait un jeune homme en parfaite santé qui affichait une solide stature et de l'autre un misérable blessé à l'allure sale. Autant dire que la réponse changerait du tout au tout le marché qu'ils allaient conclure.

L’homme resta un moment silencieux, nous observant d’un œil suspicieux, avant de se tourner vers l’intérieur. Une voix féminine retentit alors derrière lui, nous enjoignant d’entrer. La porte s’ouvrit alors complètement pour nous laisser le passage vers l’antre de Madame. Oli me laissa passer en premier après que j’ai refusé son soutiens pour marcher. Essayant de garder contenance, je m’avançais vers notre hôtesse installée au fond d’une pièce bondée d’objets divers et variés. Celle-ci nous lança un regard intrigué avant de demander lequel de nous deux était Eli. Je croisais le regard de Oli, qui retenais difficilement un sourire, même s’il était impressionné par Madame.
Il fallait dire qu’il y avait de quoi. Cette femme avait une allure qui imposait le respect, qu’on la connaisse ou non.

Après un court instant de flottement, je finis par retourner mon regard sur la femme pour répondre.

« Je suis Eli. »

Les lèvres pincés, Madame eut un regard circonspect pour celui qui répondit. Un long silence s'étendit finalement avant qu'elle ne laisse passer un sifflement désappointé. Comme elle s'en était doutée, Eli était bien le jeune homme blessé. Dans un geste mécanique, elle se saisit de son stylo et le fit tourner quelques instants entre ses doigts avant de reprendre la parole.

- Je t'en prie, assieds-toi.

Elle ne s'était adressée qu'à Eli, son garde du corps ne l'intéressant pas. Avant de reprendre, elle attendit qu'il s'installe et en profita pour observer ses mouvements, cherchant à jauger plus précisément son état de santé. Sincèrement, l'affaire s'engageait mal. Madame avait ses principes et l'un d'eux était d'être particulièrement dure avec les personnes en mauvais état car le risque qu'elles meurent avant d'avoir régler leur note était bien plus important. Il faudrait donc que le gamin ait d'autant plus de moyens pour qu'elle accepte de traiter avec lui.

- Que puis-je pour toi, Eli ?

Le regard que me lança Madame me fit serrer les dents. Je ne doutais pas que je devais donner un bien piètre spectacle, mais tout de même, je n’étais pas agonisant non plus. Après un long silence suivi d’un sifflement qui n’améliora pas mon sentiment de rabaissement, l’hôtesse me proposa de m’assoir. Je jetais un rapide coup d’œil à la pièce, cherchant un endroit où m’installer sans trop de difficultés. Je serais bien resté debout, mais je tremblais déjà d’être rester en position verticale aussi longtemps. Avisant une chaise un peu plus loin de Madame, je pris un grande inspiration avant de m’y diriger d’un pas la plus assuré possible, non sans avoir laissé la béquille à Oli. Celui-ci ne bougea quant à lui pas, ayant bien compris que l’invitation ne s’adressait pas à lui.

Lorsque je fus assis, la dame me demanda ce qu’elle pouvait pour moi. Fixant mon regard sur elle, ce qui n’était pas simple, je lui répondit en prenant soin de réguler ma voix.

« Je ne vais tourner autour du pot. J’aurais besoin de médicaments. Quelque chose qui me permettrait de tenir le coup au moins la journée et qui atténuerai la douleur un maximum… »

De simples antidouleurs ne suffiraient pas, il fallait quelque chose de plus fort. Je me devais de diriger le clan le temps que Kim se réveille, et pour cela je devais pouvoir tenir debout plus de cinq minutes…

Oli, qui n’était au courant du pourquoi de ma présence, me lança un regard à la fois surpris et réprobateur. Nul doute qu’il comptais bien donner son avis une fois que nous serions dehors, mais en attendant il gardait poliment le silence, se contentant de me vriller du regard pour bien me montrer son désaccord.

La moue de Madame ne s'améliora pas alors qu'elle observait le jeune s'installer. Il se forçait à ne pas paraître trop diminué, mais elle n'était pas dupe. Et puis, il avait choisi une chaise un peu éloignée d'elle alors qu'il y avait un tabouret plus haut devant la table, signe qu'il prenait soin de ne pas infligé trop d'efforts à son corps. Du bout de son stylo, elle tapota le livre ouvert devant elle avec un certain agacement tout en écoutant sa demande. Elle avait l'impression qu'il lui faisait perdre son temps et cela ne lui plaisait pas beaucoup. Pourtant, la recherche d'Eli paraissait légitime et elle se décrispa un peu en l'entendant parler de médicaments. Ce qu'il lui demandait était rare donc coûtait cher. Pesant le pour et le contre, elle décida de lui laisser une chance de la convaincre et se racla discrètement la gorge en prenant une posture plus droite encore que celle qu'elle arborait en temps normal.

- En admettant que j'ai ce que tu recherches, que me proposes-tu en échange ?

Ne jamais admettre que l'on avait la marchandise recherchée, c'était l'une des clés de la réussite. Au pire, elle pourrait toujours refuser poliment en lui disant qu'elle devrait faire trop de recherches pour trouver les fameux médicaments.

- Je ne te cacherais pas que ce genre de denrées ne sont pas donnés. Que ce soit en valeur marchande ou en petits secrets bien cachés. Et ton lien avec cette Jaguar m'importe peu depuis que l'information s'est répandue alors tu devras trouver quelque chose de plus...épicé.

Madame semblait de plus en plus agacée, et je craignit un instant qu’elle refuse ma requête. Si tel était le cas, il me faudrait reconnaître que je n’étais pas en état d’assurer la fonction de chef, mais cette option me paraissait inconcevable tant que maintenant. Heureusement, après un moment de silence, Madame se redressa encore plus avec un léger raclement de gorge et pris la parole, me demandant ce que je lui proposait en échange de ces médicament. Elle précisa que ceux-ci n’étaient pas donnés et que ça ne valait pas la peine de lui donner comme secret ma relation avec Alessandra puisque celle-ci n’était plus un secret désormais. Je pinçais les lèvres tout en m’efforçant de ne pas détourner le regard. Oli s’agita, ayant du mal à garder le silence. Il n’avait pas les détail sur cette histoire avec Al, et sa curiosité le démangeait maintenant que Madame avait abordé le sujet. Mais je coupais court à ses réflexion en prenant à mon tour la parole.

« Je n’ai aucun secret à offrir, ni aucun objet de valeur. Je propose donc mes services. Si je ne suis actuellement pas en grande forme, cela ne durera pas. Je m’engage donc à vous servir dès que vous en aurez le besoin, et ce en toute circonstance et autant de fois que vous le jugerez nécessaire... »

Pas sûr que cela lui convienne, surtout vu mon état, mais ce payement s’étalait sur le long terme et n’avait pas de limite. Je venais de m’offrir en pâture à Madame, autant dire que ces médicaments, en espérant qu’elle puisse me les fournir, me coutais une partie de ma dignité. Oli soupira entre ses dents et fixa son regard sur notre hôte en attente d’une réponse, tout comme moi…

Alors qu'elle le regardait parler, Madame ne put s'empêcher de se dire qu'elle était face à un garçon particulièrement intéressant. Elle avait toujours eu un feeling particulier avec ses clients et, visiblement, il ne l'avait pas trahie lorsqu'elle avait décidé de le faire entrer dans sa boutique malgré ses doutes. Elle n'était pas encore pleinement convaincue à cause de son état, mais au moins l'homme n'avait-il pas peur de mettre en avant des arguments de taille. Il lui proposait quand même un payement extrêmement généreux au vu de sa position. Même si Kim s'en sortait et qu'il reprenait sa place, ce Eli resterait malgré tout Second ce qui était un détail non négligeable. Néanmoins, il y avait son état de santé. Les médicaments qu'il lui demandait ne l'aideraient pas à guérir, mais bien à tenir ce qui sous-entendait qu'il allait forcer et donc prendre le risque d'aggraver son état. C'était un business risqué, mais ô combien alléchant. Que faire ?

- On peut dire que tu sais parler affaire ! Donc quoi que je te demande, tu obtempéreras ? Sais-tu que c'est un marché risqué que tu passes là ?

Enfin, elle disait ça, mais ce n'était pas ses affaires. Pour Madame, la seule chose qui comptait était qu'il soit capable de respecter sa part du contrat. Elle ferait donc en sorte de surveiller de près son investissement.

- Je tiens à te dire qu'il y aura néanmoins une sorte de police d'assurance. Je sais beaucoup de choses sur les gens vivants ici et je ne mettrais pas longtemps à connaître les vilains petits secrets de tes proches. Si jamais tu venais à ne pas respecter ta parole, ce sont eux qui payeront ta dette. Ne l'oublie pas.

Je fus soulagé lorsque Madame sembla aller dans mon sens. Elle me demande de confirmer mes dires en précisant que je passais un marché risqué. Je pris une légère inspiration en serrant mon poing valide avant de répondre.

« J’en suis bien conscient, mais je sais également que vous êtes dure en affaire, et j’ai vraiment besoin de ces médicaments… Mon engagement est don total si cela suffit comme payement. »

Sa menace envers mes proches ne pesait pas si lourd, mais je m’abstint bien de le lui dire. Mes seuls proches pour qui je pouvais réellement m’inquiéter étaient ma mère – dont je doutais fort qu’elle ai des petits secrets bien gardés - et mon frère – qui était bien trop jeune pour être menacé de la sorte. Je ne voyais donc qu’Alessandra, et lorsque son nom s’imprima dans mon esprit je fermais brièvement les yeux, me crispant douloureusement.

« Je ne compte pas l’oublier. »

Il était hors de question qu’Al subisse quoi que ce soit par ma faute, encore… Rouvrant les yeux, je les fixais sur la dame avec toute la volonté et la force qu’il me restait.

« Est-ce que cela vous convient ? »

Lorsque cette nuit était tombée, Madame ne s'était sûrement pas attendue à recevoir une visite aussi intéressante. Même lorsque Edmund était allé ouvrir, elle avait cru qu'elle perdrait son temps avec un nouveau client idiot, mais elle avait visiblement bien fait de suivre son instinct. Il avait toujours raison lorsqu'il s'agissait des affaires, c'était d'ailleurs son flair qui l'avait rendue si célèbre dans cette ville et qui lui offrait aujourd'hui une vie confortable. Elle profitait ouvertement de la faiblesse et des envies des autres, mais elle se fichait bien d'être considérée comme une ordure de la pire espèce. Elle était Madame, elle régnait d'une certaine façon sur les ruines, et ce n'était pas quelques remords qui allaient la pousser à descendre de son trône.

- Nous avons donc un marché.

Reprenant délicatement le stylo dans sa main, elle nota quelques mots dans son registre pour résumer les termes du contrat. Ensuite, elle se leva et partit dans l'arrière-boutique pour prendre un flacon qu'elle remplit de cachets avant de retourner vers Eli. Elle lui tendit les médicaments, le scrutant de son regard incisif.

- Ce ne sont pas des bonbons. Pas plus de trois par jour, moins si tu le peux. Je ne connais pas exactement les effets secondaires, mais soit sûr qu'il y en aura.

Pour mon plus grand soulagement, Madame accepta le marché. Elle nota quelques chose dans le livre poser en face d’elle et quitta la pièce quelques instants. Quand elle revint, elle me tendis un flacon remplis de cachets et me mit en garde contre leurs effets. Attrapant le flacon d’une main que je voulais ferme, j’essayais de soutenir son regard, mais avec difficulté…

« Je ferai attention. Du moment que ça atténue la douleur, c’est tout ce qui compte. »

Oli fixait les médicaments dans ma main avec amertume, mais il s’abstint de tous commentaires. Le marché était conclus, il ne pouvait rien y faire.
Me levant avec un peu de difficultés, je saluais Madame d’un signe de tête.

« Merci. Nous allons y aller. A bientôt je suppose. »

A ces mots, je tournais les talons et suivis le garde du corps de la dame, Oli derrière moi. J’espérais que les médicaments feraient suffisamment effet, mais je ne savais pas encore le prix que cela allait me coûter…