Depuis l’annonce de Nora et la réaction plutôt violente de Dalia, je n’avais plus eu l’occasion de voir celle-ci. Pourtant, je voulais voir si ça allait, voir comment elle prenait la nouvelle et ce qui semblait l’énerver autant – car sa réaction durant l’annonce ne lui ressemblait pas vraiment, ou du moins pas en publique… Oh bien sûr nous n’avions une réelle affinité hormis au lit, mais ce n’était pas pour autant que je ne m’inquiétais pas pour elle non plus.

Du coup, ce soir, j’avais décidé d’aller lui rendre une petite visite. Evidemment, je n’avais pas précisé à Kat où je me rendais, même si la voir s’énervée aurait pu être drôle. Je m’étais donc éclipser en douce de la maison pour me rendre chez la blonde. J’espérais qu’elle soit là, puisque nous ne nous étions pas donné rendez-vous aujourd’hui…

Arrivé devant son habitation, je frappais deux coups secs, laissais un temps puis refrappais trois coups. Ce n’était pas vraiment un signale, mais c’était ma façon de m’annoncer en quelque sorte. Une habitude.
J’attendis ensuite de voir s’il y avait quelqu’un, le dos appuyé contre le chambranle de la porte.

Depuis l'annonce de Nora, Dalia était comme déconnectée de la réalité. Lorsque Gaëlle lui avait volé son flingue pour faire joujou au cours de la même journée, la Tireuse avait manqué de réactivité et d'autorité. Heureusement, et malgré la folie de l'ingénieure du clan, elle était parvenue à récupérer son arme en état, c'était déjà ça. Mais cela n'effaçait en rien les récents événements qui l'avaient chamboulée. Alors, Dalia était rentrée chez elle dès que possible. Elle ne voulait pas que le clan entier la voie errer sur le territoire comme un fantôme, le regard vide et brillant. Ca, elle ne l'aurait jamais permis.

La jeune femme s'était enfermée à double tour en tentant d'oublier son malêtre. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire. La présence de Kayle aurait peut-être pu la calmer, mais seule, elle ne parvenait pas à trouver la sérénité. Alors, la Tireuse s'était d'abord défoulée sur son mobilier, avant de se jeter dans son lit pour hurler de toutes ses tripes, la bouche bien appuyée sur son coussin pour ne pas qu'on l'entende. Anna... Jéremy... Bérénice ... Nora ... Ces noms finissaient par lui donner le tournis et elle eut plusieurs fois des haut-le-cœur à force de ressasser toutes ces pensées. Celui qui la préoccupait plus que tout, c'était bien sûr son petit frère... Son Jéremya qu'elle venait de retrouver et qui, ironie du sort, appartenait à la faction adverse. La veille, Dalia avait envisagé l'espace d'un instant de tout plaquer pour le rejoindre. Oui. Quitter les Vipères. Rien que ça. Mais elle s'en était immédiatement voulue : c'était idiot. Son frère avait changé, elle le savait. Il ne voudrait peut-être plus jamais d'elle et cela la blessait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Et le fait de réaliser ce changement avait tué quelque chose en elle. Peut-être aurait-il mieux valu qu'il se fasse crever par les Dragons comme elle le pensait... Mais non qu'est-ce qu'il lui prenait de penser ça?! ... Jéremy déréglait toute sa logique personnelle. Il la détruisait. Littéralement. Alors elle chassa son frère de ses pensées pour quelques instants. Mais c'était alors Annabella qui prenait sa place, ainsi que les événements de cette matinée qui lui avaient donné envie de tuer tout le clan... Et ce n'était alors plus la tristesse mais la rage qui montait et Dalia repartait dans des rêveries mêlant haine et destruction.

Elle passa toute la nuit puis la journée suivante comme ça : à hurler et à pleurer comme une gosse, prostrée dans l'ombre de sa chambre. Lorsque soudain, après des heures de lamentation entrecoupées de sommeil chaotique, quelqu'un frappa. Plusieurs coups. Elle ne fit pas vraiment attention au nombre ni à l'ordre de ces petites percussions et hésita à aller ouvrir. La blonde ignorait la tête qu'elle pouvait bien avoir et ne voulait révéler son malêtre à personne. Sauf à Kayle... Peut-être le soumis avait-il pensé à elle et attendait en ce moment-même qu'elle lui ouvre la porte.

Une légère lueur d'espoir éclaira son visage gonflé par les pleurs et elle se leva, titubante, pour aller jusqu'au battant. Elle entrouvrit ensuite la porte et prit bien soin de rester dans l'ombre, de sorte à ce que son mystérieux visiteur ne distingue pas son visage. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu'il s'agissait de Remy!

D'ordinaire, les visites nocturnes du soumis emplissaient la Tireuse de joie et lui procuraient toujours d'excellents moments de plaisir. Il était bon. Excellent même. Et Dalia ne cachait pas son attrait purement sexuel pour lui. Mais là, elle ne comprenait vraiment pas ce qu'il était venu foutre chez elle. Il avait bien dû constater le matin même qu'elle n'était pas en état, alors qu'est-ce qu'il espérait? N'avait-il personne d'autre dans le clan pour le satisfaire? La blonde leva les yeux au ciel tout en lançant d'une voix froide mais faible

Désolée Remy, mais j'suis vraiment pas d'humeur là

Et elle claqua la porte sans attendre.

Plusieurs minutes passèrent sans que rien ne bouge, et je fini par me dire qu’il n’y avait personne. Mais alors que j’allais partir, la porte s’entrouvrit. Je ne pouvais pas distinguer Dalia, mais sa voix me parut faible, bien que glaciale malgré tout. Elle me dit qu’elle n’était vraiment pas d’humeur avant de claquer la porte sans que je n’aie eu le temps de réagir. Sans me laisser démonter, je m’approchais de la porte et prit la parole d’une voix suffisamment forte pour qu’elle puisse m’entendre.

« Je ne suis pas là pour ça. Crois le ou non, mais je voulais prendre de tes nouvelles. Et vu ta réaction, je n’ai pas besoin de te demander si ça va ou pas. De toute façon, ça se voit que ça ne va pas… »

Ma voix avait baissé sur ma dernière phrase. Sa réaction était compréhensible, je ne devais pas être la personne qu’elle s’attendait à voir en cas de coup dur. Mais même si d’apparence notre relation n’avait rien d’intime, dans le sens figuré du terme, cela n’empêchait pas qu’elle comptait un minimum pour moi, même si elle ne s’en doutait surement pas. Je repris en haussant de nouveau le ton.

« Je me suis dit que tu aurais besoin de te changer les idées, et il y a d’autre moyen de faire ça qu’au lit… »

Dalia s'adossa immédiatement au battant, à la fois déçue et en colère contre elle-même. Pourquoi avoir ouvert cette stupide porte? Et pourquoi Kayle n'était-il pas venu? Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire? Elle avait besoin de lui. Et espérer, ne fut-ce que quelques secondes que c'était bel et bien lui qui venait frapper à sa porte lui avait redonné un petit peu d'espoir. Mais non, c'était Remy. Il n'était pas méchant, mais Dalia doutait qu'il ait autre chose à lui offrir qu'une bonne partie de jambes en l'air. Elle s'attendait à ce que sa réaction le fasse fuir, mais le Soumis resta à sa porte. Il cria à travers le battant qu'il ne venait pas lui faire des avances, mais juste prendre de ses nouvelles. Il ajouta que son malêtre était plus que visible. Dalia serra les dents.

Non ça ne va pas. Tu as ta réponse maintenant.

Il savait... De toute façon tout le clan devait avoir remarqué son absence. Tout le monde devait se douter... Misère. Elle pesta. Qu'est-ce qu'elle était conne de réagir comme ça... Comme une enfant. Elle n'osait plus sortir de chez elle et craignait d'ouvrir sa porte à un Soumis... Non elle ne se reconnaissait plus... Il fallait que Remy parte, elle avait besoin d'un peu plus de temps pour se remettre d'aplomb. Elle faillit ajouter "Vas-t-en", mais se retint. Le contexte était déjà assez clair pour qu'en plus elle lui donne cet ordre. Il finirait bien par s'en aller lui-même et parler lui donnait des sanglots alors...

Mais Remy ne s'en alla pas. Il ajouta qu'elle aurait bien besoin de se changer les idées. Dalia eut un rire jaune.

Me changer les idées? Tu penses vraiment que j'ai la tête à ça? Elle laissa planer un silence afin de reprendre sa respiration. De toute façon, je ne vois pas ce qui m'aiderait en ce moment. Et il est hors de question que le clan entier me voie dans cet état...

Remy savait qu'elle était dans un sale état, mais d'autres l'ignoraient peut-être. Et elle ne voulait pas offrir ce spectacle aux autres Vipères, plutôt crever.

Dalia confirma que ça n’allait pas, et je soupirais en reculant légèrement. Je n’attendais pas de réponse, celle-ci étant claire. Sa réponse au fait de se changer les idées m’arracha un sourire narquois. Appuyant un bras contre la porte, je repris la parole en essayant de paraître le plus sincère possible afin que mes paroles ne soient pas prises comme du sarcasme.

« Le principe de se changer les idées, c’est justement de faire quelque chose afin de ne plus penser à autre chose. Ça ne te ressemble pas de te morfondre dans ton coin à ce que je sache. »

Je faillis ajouter que si Katarina l’apprenait, elle prendrait un malin plaisir à le lui renvoyer un pleine figure, juste pour la faire réagir, mais je m’abstins sur le coup. Me redressant, je croisais les bras me poitrine et repris.

« Je ne sais pas ce qui pourrait t’aider non plus… Surtout que je ne suis pas certain de ce qui te met dans cet état. Ne plus penser peut-être ? »

Ca ne pouvait tout de même pas être l’état critique d’Annabella qui retournait Dalia à ce point. Et au final, si elle ne voulait pas en parler, ce que je pouvais comprendre, libre à elle. Mais bon, si tout dans son comportement me disait de partir, mais conscience, elle, me l’interdisait. Si je pouvais ne serait-ce que la faire penser à autre le temps qu’elle arrive à me faire dégager, c’était déjà ça…

Remy insista encore. Et ce qu'il dit la laissa silencieuse. Il marquait un point. Elle devrait arrêter de s'apitoyer sur ce qui lui arrivait et penser à faire autre chose. S'enfermer ici n'était peut-être pas une bonne idée, vu que son état n'avait pas changé depuis qu'elle était dans sa chambre. Elle hésita un instant à rouvrir la porte au Soumis. Mais de toute façon pour quoi faire? Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir lui proposer pour ne plus qu'elle souffre? Non elle ne voyait vraiment pas. Elle attendit une proposition mais ce qu'il lui dit la renfrogna : ne plus penser? C'était bien plus facile à dire qu'à faire...

Remy avait compris que ce n'était pas seulement l'absence d'Anna qui la plongeait dans la dépression... Dalia s'en inquiéta. Il était vrai que son attitude ne manquerait pas d'attiser les soupçons ainsi que les interrogations à son égard. Il ne fallait pas que le clan apprenne pour Jéremy... Elle serait dans de sales draps. Mais pour l'heure, elle trouvait le soumis un brin trop curieux. Elle répondit sèchement.

Ca ne te regarde pas. J'ai pas envie d'en parler. Sinon t'as une autre proposition? Parce que "ne plus penser" c'est un peu difficile en ce moment...

Bon sa voix ne tremblait plus au moins, c'était déjà ça.

Le silence plana un moment, et je commençais à me demander si Dalia ne m'avait plantée là. Mais elle fini par reprendre la parole, disant que la raison de son état ne me regardait pas et qu'elle ne voulait pas en parler. Mais tout n'était pas perdu, car elle me demanda ensuite si j'avais une autre proposition. Je réfléchi quelques secondes, et mon visage s'éclaira alors qu'une idée lumineuse venait de me traverser l'esprit. Mais bien sûr, pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ?! C'était le meilleur endroit pour oublier, c'était certain. Souriant, même si elle ne pouvait pas me voir, je répondit, l'épaule appuyée contre le chambranle de la porte toujours close.

« J'ai bien une petite idée en fait. Un endroit parfais pour ne plus penser à rien. Le bar à drogue, ça te dit ? »

Ce n'était pas vraiment le genre d'endroit où j'avais l'habitude de traîner, mais j'étais certain que pour se changer les idées, il ne devait pas y avoir mieux. Je lui aurait bien proposé le Quartier des Jeux des Jaguars sinon, plus de possibilités, mais leurs frontières semblaient malheureusement fermées... Nous devrions donc nous contenter du bar.

Dalia commençait à désespérer. Elle avait, l'espace d'un instant, cru que Remy pourrait bel et bien la divertir et lui faire penser à autre chose. Mais alors qu'elle venait de lui demander une solution pour se changer les idées, il tardait à répondre. Elle faillit lui dire de laisser tomber, mais le Soumis la devança. Le bar à drogues? La blonde haussa les sourcils. Elle n'y avait pas vraiment pensé et ce n'était pas une si mauvaise idée que ça. Pourtant, elle n'était pas une cliente habituée de ce genre d'endroit, considérant que les poisons en tout genre qu'on y servait étaient faits pour les faibles ne sachant se satisfaire de leur quotidien. Bien sûr, elle s'y était déjà rendue sur un coup de folie et pour tester certaines nouveautés dont tout le clan raffolait. Mais elle n'appréciait pas l'état dans lequel la drogue la mettait. Elle détestait perdre le contrôle. Mais maintenant qu'elle y pensait, c'était justement ce dont elle avait besoin.

Attends deux secondes.

Il fallait qu'elle se prépare, et qu'elle prenne assez de rations pour payer ce dont elle aurait besoin. Dalia se coiffa et se passa un peu d'eau fraîche sur le visage. Ensuite, elle enfila un pantalon noir et sa veste kaki habituelle. Bizarrement, se préparer lui avait déjà fait oublier ses tracas, l'espace de quelques secondes. Elle décida d'emporter avec elle une dizaine de rations rassemblées dans un large sac, ça devrait largement suffire même pour se payer les drogues les plus chères du bar.

Ensuite, la blonde sortit et ne prit pas la peine de saluer Remy.

Bon on y va?

Elle prenait bien soin de conserver son visage baissé ou dérobé. Ses pleurs avaient tracé des sillons rouges sur ses joues qui étaient plutôt gênants et elle ne supportait pas l'idée que le Soumis la voie dans cet état. Mais s'il restait le seul à profiter de ce spectacle, ce n'était pas encore trop grave.

La blonde m'indiqua d'attendre, me laissant toujours sur le pas de la porte. J'appuyais mon dos contre le mur et attendis donc, me disant qu'elle aurait quand même pu me laisser entrer... Mais bon, je comptais bien garder cette remarque pour moi. Au moins, elle avait accepté ma proposition.

Après plusieurs minutes, alors que je commençais à somnoler contre mon mur, Dalia apparu enfin, prenant les devant sans même dire bonjour, mais je ne me formalisais pas la dessus, la saluant simplement et sans aucun sarcasme.

« Salut, et je te suis. »

Dalia faisait en sorte d'éviter mon regard, gardant le visage détourné. Je marchais donc légèrement en retrait, derrière elle, afin de lui laisser son intimité. Elle ne pourrait rester caché éternellement, mais je ne comptais pas lui forcer la main non plus, je tenais trop à ma vie...

Nous marchâmes en silence un moment. Je n'osais pas prendre la parole en premier, mais alors que je posais enfin mon regard sur elle je remarquais le sac qu'elle avait emporté. Sûrement de quoi faire les échanges, et c'est là que je me rendis compte d'un détail assez important...

« Je vais devoir repasser par chez moi pour prendre de quoi troquer aussi... »

Remy resta discret. Il avait naturellement posé quelques regards curieux sur elle, mais se rattrapa bien vite en évitant de la dévisager. Bien. Le Soumis avait compris qu'elle ne désirait pas être vue comme ça et respectait sa décision. Dalia savait qu'elle pouvait compter sur lui pour ce genre de chose et ses inquiétudes se dissipèrent bien vite. Ils se mirent en route à travers les logements qui étaient pour la plupart déserts. Le bar à drogues se situait à l'extérieur du territoire, il leur faudrait donc marcher un moment avant de l'atteindre. Cela ne réjouissait pas trop Dalia. La situation la mettait déjà assez mal à l'aise comme ça... Mais en plus il faudrait qu'elle se tape plusieurs bornes à pieds avec un Soumis dans son dos...

Elle marchait assez rapidement et lançait des petits regards perçants de toute part, craignant certainement de voir débarquer l'une ou l'autre membre. Mais personne ne les croisa. Qu'est-ce qui la prenait d'agir comme ça? Elle ne craignait personne, et elle s'était jurée de ne jamais perdre la face. Pourtant c'était bien ce qui lui arrivait aujourd'hui et elle avait un peu de mal à l'admettre.

Soudain, Remy s'arrêta. Il n'avait pas pensé au troc. La blonde haussa les sourcils. D'ordinaire, elle l'aurait ridiculisé en deux secondes d'une réplique acerbe bien placée mais elle se retint. Aujourd'hui, elle était différente, et elle ne voulait pas entrer dans ce petit jeu mesquin qu'elle affectionnait tant d'habitude. Sans se retourner complètement, elle lança dans son dos.

Vas-y, je t'attendrai à la sortie des logements. Remy n'habitait pas très loin d'ici. Il ne devrait pas trop tarder à la rejoindre. Avant de s'éloigner, elle ajouta. Prends-en le plus possible.

Si elle devait se défoncer ce soir, il faudrait qu'il suive le mouvement. Le message était clair.

Dalia était nerveuse, cela se voyait, mais je m’abstins de tout commentaire. A mon constat, je m'attendis à ce qu'elle me balance une réplique bien trempée, mais elle n'en fit rien, m'indiquant simplement qu'elle m'attendrait à la sortie des logements. Je la regardais quelques secondes, surpris, avant de tourner les talons pour passer chez moi en trottinant, non sans lui avoir fait signe que j'avais compris pour le fait de prendre un maximum de quoi échanger.

Heureusement pour moi, la maison était déserte. J'attrapais un sac à dos et fouillait les armoire pour en sortir tout ce qui pourrait être utile au troc. J'évitais les rations des parents, mais piochais dans les miennes et celle de Kat. Elle m'en voudrait sûrement, mais je pouvais gérer ça, et puis elle trouverait bien un moyen de récupérer le tout. Une fois le sac plein, je rejoignis la Vipère au lieu dit et nous nous remîmes en marche, toujours en silence.

Il nous fallut un moment pour atteindre le bar, et il y avait pas mal de monde contrairement à ce que j'avais espéré. Je lançais un regard à Dalia et affichais un sourire que je voulais décontracté.

« Je te suis ma belle, par quoi on commence ? »

Dalia fut soulagée de franchir les portes du bar à drogues. Le trajet avait été long et lourd. Le silence l'incommodait et Remy avait semblé tout aussi mal à l'aise qu'elle. Paradoxalement, elle n'avait pas vraiment eu envie d'engager la conversation car elle craignait d'en dire un petit peu trop sur son état d'esprit du moment. Et pendant une grande partie du voyage, elle avait même regretté d'avoir quitté sa chambre. Mais tout changea lorsqu'ils arrivèrent à destination. L'ambiance chaude du bar avait quelque chose de réconfortant. Les abat-jours rouges voilaient les lumières de la pièce, prodiguant à l'endroit une atmosphère intime. Pourtant, le bar était assez agité. Pas mal de monde s'y trouvait et pourtant Dalia ne reconnut personne. Cela la soulagea.

Ils s'installèrent au bar dans un premier temps et Remy l'invita à commander. Sans même jeter un oeil à la carte, elle héla le serveur.

Un alcool Maison et Une Reggae.
En poudre ou à fumer?
À fumer.

Elle ne voulait pas traîner. Son état l'insupportait et elle voulait mettre un terme à ce malaise de façon assez rapide. La blonde se tourna vers son acolyte du moment.

Et toi?

A peine installé que Dalia passa commande sans même regarder la carte. N'y connaissant pas grand chose, je prit la même chose qu'elle, mais à diluer pour ma part. Il ne fallut pas attendre longtemps pour être servis, et je pu constater que ce mélange ne coûtait pas trop cher en ration. J'essayais d'en prendre bonne note, même si ne savais pas trop à quel moment j'allais perdre toute notion de temps, tarif, etc. Levant mon verre d'alcool vers Dalia, je souris.

« A la tienne ! »

Je cussais l'alcool avant d'en faire de même avec la poudre diluée. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre, ni comment allait réagir Dalia en fait, mais au fond je m'en fichais...

« Wow, ce truc est immonde... »

J'aurai peut-être du boire la poudre en premier, car le goût étai vraiment dégueux, mais j'avais parlé en riant, sentant déjà une douce chaleur se répandre de mon corps après la brûlure de l'alcool.

Remy commanda la même chose qu'elle, certainement parce qu'il était un peu perdu. Dalia le pensait pourtant habitué des lieux. Au contraire, on aurait dit que c'était la première fois qu'il y mettait les pieds. Lorsqu'il commanda le Reggae à diluer, la blonde sourit, mais se tut. Elle savait que le tabac dilué avait un goût atroce mais souhaitait voir quelle tête ferait Remy en découvrant cette étrange saveur.

Lorsqu'ils furent servis, la blonde trinqua et but l'alcool maison cul sec, en même temps que le Soumis. Ensuite, elle alluma le long cigare qui s'offrait à elle en observant son voisin du coin de l'oeil. Devant sa mine écoeurée, elle ne put retenir un léger ricanement. C'était la première fois qu'elle riait de la soirée et cette pensée la laissa un instant perplexe. Elle se tourna ensuite vers lui pour lui tendre le cigare qu'elle avait déjà entamé.

C'est pour ça qu'il faut le prendre à fumer, t'aurais dû suivre l'exemple. Tiens, essaie.

L'alcool s'évaporait à peine dans sa gorge que les effets du cigare se faisaient déjà sentir. Une chaleur intérieure l'envahit et ses yeux se plissèrent sous l'effet de la drogue douce. Elle se sentait bien. Pas au point d'oublier le pourquoi de sa présence ici, mais la tristesse et l'angoisse commençaient à s'apaiser tout doucement. Dalia choisit alors de se focaliser sur Remy pour accélérer l'oubli et la désinhibition.

C'est la première fois que tu viens ici, pas vrai?

Elle avait appuyé sa tête sur son poing et se penchait légèrement vers le brun, tout sourire. Un spectacle tellement rare qu'il en était presque effrayant.

Le rire de Dalia me surpris et me rassura en même temps. J'allais peut-être réussir à lui changer les idées au final. Lorsqu'elle me tendis le cigare en m'expliquant qu'il valait mieux fumer que diluer, je le prit en la remerciant et tirai un coup. Je ne sais pas si c'est parce que j'avais aspiré trop fort, mais je lui rendis rapidement le cigare alors qu'une quinte de toux me secouais. Dalia me demanda alors si c'était la première fois que je venais. Je hochais la tête tout en essayant de reprendre mon souffle.

« Ca se voit... tant... que ça ? »

J'indiquais mon verre vide a la barman afin de recommander un autre que j'avalais d'une traite pour finir de faire passer ma toux. Je montrais ensuite le verre a Dalia, puis le cigare.

« Je suis plus habitué à ça. Mais c'est vrai que ça passe mieux à fumer. »

La chaleur devenait de plus en plus douce et agréable. Tourné vers Dalia, je m'appuyais à son image sur mon poing, le coude appuyé sur le bar.

« Et toi, tu as l'air un peu plus habituée par contre. »

Remy accepta le cigare mais toussa. Décidément, il n’était pas habitué. Lorsque le Soumis demanda entre deux quintes de toux si ça se voyait tant que ça, la Tireuse acquiesça en souriant.

Mais ce n’est pas grave hein, faudra juste que tu fasses gaffe à ne pas essayer certains trucs disons… costauds.

Si le Soumis s’attaquait aux drogues dures, les dégâts pouvaient être énormes et mieux valait qu’ils s’en tiennent aux drogues douces pour l’instant. Dalia continua à fumer et Remy lui expliqua qu’il était plus habitué à l’alcool. Cela expliquait peut-être ses premières réactions peu engageantes. Il s’appuya lui aussi sur son poing pour faire face à la blonde et remarqua qu’elle avait l’air bien plus habituée que lui. Dalia sourit.

Je suis déjà venue plusieurs fois. Ca permet de décompresser en cas de coup dur.Et c’était exactement ce qu’ils étaient en train de faire, d’ailleurs. Mais il ne faut pas en abuser. Certains deviennent fous à cause de cet endroit. Ils se ruinent pour tout tester et finalement ils préfèrent se droguer plutôt que de se nourrir. La Tireuse avait entendu certaines rumeurs d’overdoses, de décès ou d’extrêmes dépendances qui faisaient froid dans le dos. Un silence s’en suivit. Mais désolée de parler de ça, ce n’est pas très réjouissant. Elle ne voulait pas plomber l’ambiance, ils n’étaient pas là pour ça.

Dalia souriait, ça faisait plaisir à voir. C'était la preuve qu'elle se détendait. Je ne pu m'empêcher de sourire également lorsqu'elle répondit qu'en effet, ça se voyait que je n'étais pas habitué. Elle me conseilla même d'éviter les drogues dures, ce à quoi j’acquiesçais.

« Je retiens le conseil, mais de toute façon je crois que celle-là fera largement l'affaire. »

Je désignais le cigare en riant. La blonde m'indiqua alors qu'elle venait de temps en temps, pour décompresser. Elle enchaîna sur le fait que certain devenaient complètement fou en ces lieux. Étrangement, cela ne me surpris pas plus que ça.

Lorsque Dalia s'excusa de parler de se genre de choses, je ne pu m'empêcher de sourire de nouveau.

« Tu fait bien de me prévenir au contraire, je ne voudrais finir ainsi... »

Je balayais alors l'endroit du regard, histoire de voir un peu les têtes, et c'est alors que je constatais la pénombre des lieux. Il y avait des fenêtres, certes, mais elles étaient occultées afin de rendre l'ambiance plus intime. Je blêmis en regardant tout entoure de moi à la recherche d'une ouverture quelconque. Mon rythme cardiaque accéléra, et ce n'était ni à cause l'alcool, ni à cause de la drogue. J'avais soudain la gorge sèche et je serrai les poings pour éviter de paniquer. Je me voyais mal demander à Dalia de sortir, ou même simplement la planter là, alors qu'on venait à peine d'arriver. Je recommandais deux verres – un pour la blonde et un pour moi – et cussais une nouvelle fois le miens avant de prendre la parole d'une voix légèrement tendue.

« Je n'avais pas fait attention au fait que c'était si... fermé... ici... »

Remy accepta son conseil en riant tout en lui assurant qu'il s'en tiendrait au cigare pour cette fois-ci. Dalia sourit mais doutait des paroles de son ami. Elle, en tout cas, comptait bien se lâcher. Elle en avait besoin. Après tout que Remy la suive ou pas, cela n'avait pas vraiment d'importance. Du moment qu'il était là pour la surveiller en cas de pépin... Il sembla également intéressé par ses dires quant au bar et aux dépendances qu'il pouvait engendrer. La blonde, malgré sa compréhension, ne voulait pas non plus plomber l'ambiance.

Enfin, parlons d'autre chose.

À ce moment-là, elle observa son compagnon qui commençait à lancer des œillades à tout-va. Il semblait nerveux et recommanda deux alcools. La Tireuse fronça les sourcils. Qu'est-ce qu'il lui arrivait? C'était comme si l'angoisse s'était soudainement saisie de lui. Il lui confia alors qu'il trouvait le bar "fermé". Dalia le dévisagea sans comprendre. Elle balaya le bar du regard.

Ah bon? Je ne trouve pas. Remy faisait sans doute un malaise. Si tu veux sortir, n'hésite pas. Mais je crois qu'avec ça ça devrait passer

dit-elle en désignant les alcools. D'ailleurs, elle prit l'un des deux shots pour lui tendre, l'invitant à boire cul sec. Ce truc résolvait tous les problèmes, elle en était certaine. Et au pire, Remy pourrait toujours sortir prendre l'air, elle pouvait très bien rester seule quelques minutes.

Dalia préférait changer de sujet, ce qui pouvait se comprendre en soi. Mais de toute façon, je fus moi-même une distraction de part mon comportement... La blonde m'assura que les lieux n'étaient pas si fermé que ça, mais que si je voulais prendre l'air je ne devais pas hésiter. Elle me tendis un shots en disant que ça devrait faire passer mon angoisse, mais je pris le cigare à la place, tirant un grand coup qui me fit tousser. Le bar était grand, je devais me concentrer là-dessus et non sur le fait qu'il n'y ai pas d'ouvertures. Légèrement tremblant, je agrippais au bar après avoir rendu le cigare à Dalia et prit quelques inspirations le temps de sentir les effets du mélange drogue alcool. Je sentis soudain que même si je n'abusais pas, j'allais finir la tête à l'envers à se train là... Mais ça pouvait me faire oublier ma claustrophobie, je prenais avec plaisir. J'avais une soudaine envie de profiter du moment, et ça je ne pourrais pas le faire dehors...

Lorsque je sentis une douce ivresse prendre le pas sur l'angoisse, je relâchais un peu la pression et me tournais vers Dalia, un sourire pas encore très convaincu aux lèvres.

« Désolé, j'ai comme qui dirait un problème avec les endroits clos... Par contre, c'est la lumière ou tu es particulièrement jolie aujourd'hui ? »

Attente, PAUSE ! De quoi ? Bon ok Dalia était clairement attirante en temps normale, mais je ne me souvenais pas le lui avoir déjà dit... surtout de façon aussi cash... et surtout qu'elle avait un peu une tête de déterrée pour le moment, il fallait bien l'avouer... même si elle était plus souriante déjà. Putain leur machin était radicale en fait... surtout mélangé à l'alcool sûrement...

Remy choisit de se détendre en tirant un coup sur le cigare. Dalia reposa le shot et attendit de voir la réaction du Soumis. Ce dernier resta encore tendu quelques secondes mais finit par se détendre soudainement. Il rendit le cigare d'un air absent. La Tireuse ricana : il n'avait décidément pas l'habitude des drogues pour planer aussi vite. Quelque part, la blonde l'enviait. Elle, par contre, serait obligée de prendre plusieurs substances avant de perdre complètement sa lucidité.

Le brun se tourna vers elle avec des yeux un peu trop brillants et lui confia détester les endroits clos. C'était donc ça. Comme quoi, tout le monde avait ses petites faiblesses. Il enchaîna en lui disant d'une façon très peu subtile qu'il la trouvait particulièrement attirante. À nouveau, Dalia eut envie d'éclater de rire mais se retint, tout de même désarçonnée par cette déclaration aussi maladroite que surprenante.

Je crois surtout que ce truc a de drôles d'effets sur toi. Mais merci, tu ne me l'avais jamais dit. Enfin... si tu pensais l'inverse, je le saurais je crois.

Remy et elle étaient amants. Du moins, quand l'envie s'en faisait sentir. Le jeune homme avait son petit succès. Certains le considéraient d'ailleurs comme un "mignon", c-à-d un Soumis qui gagnait son influence grâce à des relations charnelles ou privilégiées avec certaines membres. Dalia, elle, s'en foutait. Remy faisait ce qu'il voulait de son corps, du moment qu'il ne blessait personne - quoique ça aurait pu être amusant aussi...

Elle approcha son visage du sien et resta là, à quelques centimètres de lui. La blonde observa l'expression bizarre du Soumis et l'envia presque. Alors, elle se redressa d'un coup et avala son alcool cul sec. Elle enchaîna en hélant le serveur.

Eh Un Crapaud pour moi.

Elle ne tarderait pas à le rejoindre dans son euphorie. Il lui fallait simplement plus de temps. Et plus de drogue... tout en attendant sa commande, Dalia se tourna à nouveau vers Remy.

Et donc, que raconte cette chère Katarina?

L'ironie était évidente. Mais dans son état, Remy ne le remarquerait certainement pas.

Dalia confirma le fait que je ne lui avait dis qu'elle était jolie, et supposa que si je pensais le contraire, elle le saurais. Le sous-entendu était claire, même pour moi actuellement... Je souris à cette remarque. Elle le saurait en effet. Après tout, Dalia était l'un de mes plan les plus régulier si je puis dire, et même si je savais pertinemment que c'était principalement pour emmerder ma sœur, cela ne nous empêchait pas de passer du bon temps ensemble. En même temps, ceux qui ne me plaisait pas, je faisais généralement en sorte qu'ils m'oublie... Parce qu'être un Mignon c'est bien, mais j'en jouais autant que les autres jouaient avec moi, et c'était là toute la subtilité de l'affaire...

Alors que j'en étais là de mes réflexions, un peu plus désordonnées il fallait bien l'admettre, la blonde approcha dangereusement son visage du miens. D'abord surpris, je la fixais sans comprendre avant de pouffer. Je fus tenté de l'embrasser comme un gamin, mais j'étais encore suffisamment lucide que pour ne pas risquer de me faire tirer comme lapin en fait...
Je sursautais lorsqu'elle se redressa brusquement pour boire et passer une commande. Un crapaud ? Qu'elle nom étrange... Mais je n'eus pas le temps de poser la question qui me traversait l'esprit que Dalia me demanda des nouvelles de Kat. Je la regardais de travers, à nouveau surpris.

« Depuis quand tu t'intéresse à ma sœur toi ? »

Oui bon, j'aurai du percevoir l'ironie dans sa question, mais là tout de suite je me sentais fonctionner un peu au ralentit, vraiment comme un gosse en fait... D'ailleurs, j'en revins vite à ma question de base, estimant qu'elle était plus importante que la sienne.

« Et c'est quoi le Crapaud ? Ça à l'air crade comme truc... »

Les réactions de Remy étaient exacerbées. Cela devait être l'un des effets de la drogue : il pouffa lorsque Dalia approcha son visage du sien et sursauta lorsqu'elle se redressa ensuite. C'était presque mignon et Dalia l'observa avec un sourire en coin. Remy lui demanda alors depuis quand Katarina était l'une de ses préoccupations. La Tireuse ricana. Était-il donc aussi loin?

Mais voyons, depuis toujours! Tu sais que j'adore la détester pas vrai?

Remy tenait à sa sœur mais il ne se rebiffait pas lorsque la Tireuse se montrait acerbe envers elle. Il était au courant de leur rivalité - en même temps, Kat n'était pas très appréciée dans le clan, il fallait bien le reconnaître - et ne s'en formalisait pas. Souvent, il s'en amusait même. La blonde parcourut le bar du regard.

D'ailleurs elle vient souvent ici je crois. Ce serait drôle de la croiser. Eh! Kat! Cria-t-elle en faisant un signe de la main dans le vide.

C'était presque amusant d'imaginer la membre débarquer au milieu de tout ça. Au moins, cela aurait un peu pimenté les choses, Dalia se serait empressée d'embrasser Remy sous son nez pour ensuite déclencher une bagarre mémorable. Mais elle n'était pas en état, mieux valait rester sagement accoudée au bar.

Le Crapaud? C'est un truc à injecter directement dans les veines. Je sais pas trop comment ils le fabriquent, mais l'effet est top. Enfin, pour toi, vaut mieux éviter je crois. Lui conseilla-t-elle en lui ébouriffant les cheveux.

Remy semblait loin, c'était le moment de le taquiner. Le serveur lui apporta alors une petite assiette dans laquelle se trouvait une dose accompagnée d'une cordelette.

La réponse de Dalia sur Kat éclaira ma lanterne, et je laissais échapper une exclamation silencieuse.

« Ouai, vu comme ça ça se tiens. Et bien pour répondre alors, ça ne serait pas drôle pour moi si elle débarquait maintenant en fait... »

Non pas que j'en avais à faire si les deux filles commençaient à se taper dessus – ma sœur était assez grande pour se défendre à ce niveau-là – mais me voir dans cet état ne la réjouirait sûrement pas. En effet, si nous n'avions jamais jugé ni l'un ni l'autre, Kat restait ma grande sœur, et elle était assez protectrice envers moi sur certains points. Et mon état de lucidité en faisait partie... Ajouter à cela le fait que je lui ai piqué des rations, et ce ne serait pas Dalia qui se ferait démontée mais bien moi...

Lorsque Dalia fit un signe dans le vide en interpellant Kat, je ne pu d'ailleurs m'empêcher de me retourner pour vérifier qu'elle n'était pas là, et je ne cachais pas mon soulagement en constatant que la blonde rigolait.

Je me tournais à nouveau vers Dalia lorsque celle-ci commença à m'expliquer ce qu'était le Crapaud. Un injection qu'il valait que j'évite apparemment. Je grimaçais lorsqu'elle m'ébouriffa les cheveux en essayant de chasser sa main comme on chasse une mouche gênante. Je répondit ensuite sur un ton détaché.

« A vos ordre chef. De toute façon, ça à l'air trop dégueux. »

Le contenu de la seringue qui venait d'arriver n'était en effet pas très engageant. J'en profitais pour recommander quatre shots d'un coup et avalais d'une traite deux d'entre-eux à peine posés devant moi. Je me sentais déjà suffisamment loin, alors autant repasser aux bonnes vielles habitudes. Sérieusement, c'était normale de réagir aussi vite à ce qui est sensé être une drogue douce ?

Ma rappuyant d'un coude sur le bar, j'observais Dalia se faire son injection, essayant de l'autre main de me recoiffer. Je devais tirer une mine gamin boudeur sur le coup... Je lui aurait bien rendu la pareil en fait, mais là encore l'idée me paraissait suicidaire...

« C'est de la triche, toi tu peux m'embêter mais moi je peux pas, sinon je vais me faire taper dessus... »

Ouai bon ok, en fait je me comportais comme un gamin boudeur suicidaire... Super, on pourra annoncer à ma sœur que je suis mort heureux après être retombé en enfance... En fait, si je le prenait comme ça, l'idée ne paraissait pas si terrible... Penser en gamin, agir en homme. Y avait de l'idée...

Remy semblait vraiment inquiet à l’idée que sa sœur débarque. Dalia se plaisait à imaginer la situation que ça donnerait et espérait presque que ce coup du sort finisse par se réaliser. Mais bon, ils étaient bien, tous les deux. Il n’y avait pas vraiment besoin d’ajouter un peu d’action pour l’instant. Le brun se retourna vivement pour vérifier que sa sœur ne venait pas de pénétrer dans le bar et Dalia se retint de pouffer de rire, tellement le Soumis était facile à surprendre en ce moment. Ca promettait d’être drôle…

Le brun, soulagé, avala deux shots d’affilée, prétextant que la drogue en injection ne lui inspirait pas vraiment confiance.

Tout doux. J’aimerais encore profiter un petit peu de toi avant la fin de la soirée…

Si Remy finissait déjà saoul maintenant, ce ne serait plus drôle. Dalia voulait le voir dégringoler vers l’ivresse… Et l’accompagner si possible, bien évidemment. La Tireuse se banda le bras et serra assez fort pour former un garrot. Elle prépara l’injection et se piqua sans trop de mal. Presque aussitôt, elle ressentit les vapeurs chaudes de la drogue remonter son bras. En reposant le matériel, elle se laissa aller sur son siège, enfin détendue. Elle était presque parvenue à oublier ses soucis. Il fallait juste que la drogue fasse effet, à présent.

Remy fit mine de se plaindre : on aurait dit un enfant qui râlait. Selon lui, la tireuse avait tous les droits sur lui, alors que, pour sa part, il ne pouvait se permettre de l’« embêter ». Quelque part il n’avait pas tort. Un sourire aux lèvres, Dalia lui répondit presque euphorique.

Ce soir c’est différent. Ce qui se passe ici restera entre nous. Oublie que je suis gradée. On est juste deux amis en train de décompresser, rien de mal. Elle se tourna ensuite vers lui avec un air interrogateur. Pourquoi ? Tu comptes m’embêter beaucoup ce soir ? Je ferais quand même attention, si j'étais toi.

Dalia m'indiqua de freiner sur l'alcool, disant qu'elle voulait encore profiter un peu de moi avant la fin de la soirée. Profiter de moi, rien que ça ?

« Il m'en faut plus plus pour me saouler. »

Mais avec la drogue, les choses n'étaient pas vraiment habituelles non plus, il fallait bien l'admettre... Je ne relevais par contre pas oralement sa remarque sur le fait de profiter, gardant ma réflexion pour moi. Après tout, c'était moi qui était venu la cherchée pour lui changer les idées, je devais donc assumer désormais...

Une fois la piqûre faite, la blonde attira de nouveau mon attention en disant que ce soir, les choses étaient différentes. Je me redressais légèrement, la moue toujours boudeuse, ne la croyant pas vraiment sur le coup. Mais la suite de ses paroles firent pourtant apparaître un sourire. S'il serait facile d'oublier qu'elle était gradée, ce ne serait pourtant pas aussi simple d’oublier qu'elle était Dalia, mais l'alcool et la drogue aidait bien pour ça...

« Je ne sais pas, ça dépend à quel point toi tu m'ennuie. »

Sur ces mots, j'allais la chatouillée un peu au niveau de la taille.

« A chaque coup je le rend plus fort, jusqu'à ce que tu m'achèves... »

Si j'aurais du être très sérieux, je riais pourtant bêtement. La soirée promettait...