But when you're standing at a crossroad,
there's a choice you gotta make.
PV Eli (x)

On aurait pu croire qu'un long repos aurait été salvateur, mais c'était tout le contraire dans mon cas. J'avais passé ces trois derniers jours dans le cirage et, depuis, j'étais d'une humeur exécrable. Et ce n'était l'ambiance lourde qui pesait sur le territoire qui allait améliorer les choses. Même si je n'avais pas eu tous les détails, la venue de la Troupe de Virgo avait provoquée des remous. Leur aide pour les réparations était bienvenue, mais je sentais bien que Noâ n'était pas si ravie que ça de les avoir dans le périmètre. Elle aussi n'était d'ailleurs pas très avenante et je l'avais à peine vue depuis le soir où Abel avait été exécuté. Aussi, j'avais été étonnée qu'elle me convoque. Enfin non, pas vraiment. Elle voulait sûrement me voir à cause de ce petit accrochage avec un Membre à qui j'avais accidentellement foutu un coup de poing. D'ailleurs, ce n'était pas le premier accident de la journée et j'avais bien faillit me servir d'un type comme cible mouvante pour un petit entraînement au pistolet dans la matinée. Même si, techniquement, cette histoire là était restée cantonnée dans mon esprit. Ne sachant pas trop à quoi m'attendre, je pénétrais dans la salle de réunion où je découvrais la blonde en grande discussion avec plusieurs Membres. Roxanne lui glissa quelque chose à l'oreille et elle releva la tête pour m'adresser un bref regard avant de désigner le bout de la table d'un geste du menton.

Le sabre de Kim a été retrouvé. Il y aussi un couteau, celui de son Second probablement vu qu'il vient du lac. Rapporte-les, prendre l'air te fera le plus grand bien.

Prendre l'air ? Mais j'avais passé ma journée dehors à fouiller les décombres... Je finis par comprendre qu'elle voulait juste que je me change les idées en dehors du territoire pour éviter une énième brouille avec les autres. Qu'elle m'envoie voir Eli était par contre des plus perturbants. Surtout que je ne savais pas vraiment si j'en avais envie. Enfin si, je voulais le voir parce que je m'inquiétais, mais les choses étaient tellement compliquées que la politique de l'autruche me satisfaisait tout autant. Seulement, c'était ici un ordre et j'étais bien décidée à ne plus décevoir Noâ. Je pris donc les armes et me mis en route. Depuis la rébellion, les frontières avaient été plus sécurisées et il me fallut passer par un contrôle avant d'atteindre la route, m'approchant ainsi de la ligne de démarcation des Aigles. Si je n'avais pas mon arc avec moi - ce dernier étant en réparation depuis qu'un enfoiré de rebelle l'avait esquinté -, je portais quand même un pistolet à la ceinture et l'étui de ma lame y était accrochée. Adressant un signe à la sentinelle, j'attendis qu'il s'avance, espérant ne pas avoir trop de difficultés à atteindre le QG.

Les changements au sein du clan avaient été plutôt boulversant, et Loïc rageait quelques peu de ne pas avoir gagné en grade au passage. Deux de ses coéquipiés avaient obtenu un poste important, et lui se retrouvait une fois de plus à surveiller les frontières, pour ne pas changer. Heureusement, la journée ne serait peut-être pas aussi monotone que d’habitude. En effet, une demoiselle à la tenue plutôt sexy venait de faire son apparition à la limite du territoire et venait de l’interpeler. Elle tenais un sabre et un couteau, en plus des armes accrochées à sa ceinture. S’approchant avec un sifflement apréciateur il se stoppa à quelques pas d’elle.

- Qu’est-ce qu’un joli minou comme toi viens faire par ici ?

Le ton sur lequel elle lui répondit ne lui plus pas vraiment, mais la raison de sa présence ne lui laissait pas le choix : il devait l’ammenée au QG. Interpelant un de ses congénère pour le prévenir, il fit signe à la fille de le suivre, ne s’arrêtant pas là sur les commentaires.

- Je ne savais pas qu’il y avait des filles aussi sexy chez les Jaguars. Ta chef n’a pas peur de te laisser trainer seule parmis les méchants garçons ?

Sa réaction fût virulante, ce qui le fit rire plus qu’autre chose. Le trajet jusqu’au QG se déroula dans une ambiance tendue, l’Aigle profitant de la position de la demoiselle, à savoir une messagère en territoire ennemi et donc sans « pouvoir » pour la faire tourner en bourrique, ce qui marchait plus que bien d’ailleurs.

Mais si la route était longue, elle passa trop vite au goût du jeune homme. Lorsqu’ils arrivèrent au QG, il dut passer le relais aux sentinelles qui gardaient l’entrée pour retourner à sa tâche. Affichant un grand sourire, il fit une courbette à la Jaguar.

- Ce fut un plaisir joli minou, même si je ne doute pas que ce ne soit pas réciproque.

Et sur ces mots, il s’éloigna, ravis d’avoir pu pimenter un peu sa journée.

Si j’aurais dû être mis au repos depuis le combat au lac, l’état actuel de Kim, et donc du clan, ne m’en avait pas laissé la possibilité. Ainsi, cela faisait maintenant quatre jours que je me shottais aux médicaments, « gracieusement » fournis par Madame, afin de tenir le coup. S’ils me permettaient de garder une certaine contenance face aux Membres et d’atténuer un minimum la douleur en journée, la nuit était une autre histoire. En effet, entre la douleur qui revenait (puisque j’évitais les médocs lorsque cela ne me semblait pas nécéssaire), les effets secondaires qui se faisaient fortement ressentir et les cauchemards, je dormais très mal, voir pas du tout. Je pouvais donc ajouter les somnifères au reste, ce qui était dans les fait mieux que le manque de sommeil… Surtout que les journées n’avaient pas été de tout repos, loin de là. Heureusement pour moi, j’arrivais à avoir l’esprit suffisemment claire que pour pouvoir gérer le clan sans trop de soucis. Oli m’était également d’une grande aide, même s’il digérait toujours, et assez mal, le fait d’avoir été enlevé du terrain.

Enfin, les choses commençaient à se calmer un peu, et aujourd’hui était la première journée « tranquille » depuis plusieurs jours. Oli était allongé dans le divan et jouait machinalement avec sa lame tout en marmonant les différents endroits où se situaient ses espions, et les autres étaient à leurs entrainements respectifs. Des bruits de luttes nous parvenaient d’ailleurs du deuxième étage, les jeunes recrues participant à un entrainement au corps à corps.
Pour ma part, je me forcais à rester assis à la table et à prendre des notes sur les derniers évènements. Akiro faisait très bien son travail, mais il fallait bien que je m’occupe pendant les moment de blanc, et dormir en journé n’était malheureusement pas possible… même si je l’avais voulus.

La journée était déjà bien avancée lorsqu’une sentinelle apparu à la porte et annonça la visite d’une Jaguar. Oli se redressa d’un bond et se rua dehors en bousculant le mec au passage, qui le suivis en maugréant. Le Second revint quelques secondes plus tard et vint me souffler un nom qui me figea : Alessandra. Pinçant les lèvres, je me relevais et boitillais jusqu’au fauteuil où je m’installais avec le plus de contenance possible avant d’enjoigner à Oli de la faire entrer. Si ça n’avait tenu qu’a moi, je me serais précipité dehors pour l’enlacer et l’embrasser, et pour véifier qu’elle allait bien, mais un sentiment étrange m’en empéchait, et surtout je me devais de me montrer digne de la place que j’occupais actuellement…

En arrivant, la sentinelle se fit tout de suite remarquée d'un sifflement que je mis un peu de temps à comprendre. Les sourcils froncés, j'avais essayé d'en saisir le sens, ce dernier finissant par me frapper brutalement lorsqu'il m'accosta. Appréciant peu cette façon de faire, je lui jetais un regard noir avant de répondre à sa question sur un ton cassant. Je n'avais décidément pas envie de perdre mon temps avec ce pigeon dragueur.

Noâ me charge de ramener des armes vous appartenant. Je dois les remettre à Eli. En mains propres.

Si avec ça il n'avait pas compris le message, c'est que j'étais en plus tombée sur un benêt. Heureusement, sa réaction alla dans mon sens et il m'intima de le suivre. Seulement, il avait encore la langue bien agile et ne cessa de faire des petits commentaires qui me déplurent fortement. J'avais déjà du mal à supporter les sous-entendus des Jaguars, mais alors là, c'était un véritable chemin de croix. Tâchant de conserver mon calme, je ne me privais par contre pas de lui asséner des répliques cinglantes, rentrant ainsi dans son jeu sans vraiment m'en rendre compte.

Merci de t'en soucier, mais je sais me défendre contre les méchants garçons. Le dernier qui m'a emmerdé est d'ailleurs allongé six pieds sous terre.

Seulement l'entendre me qualifier de sexy me poussa à me poser des questions et je jetais un coup d’œil à ma tenue. Bon d'accord, mon short était un peu court, mais c'était ce que j'avais trouvé de plus pratique pour travailler avec cette chaleur. Si j'avais été passer un dessus propre avant d'aller voir Noâ, je n'avais pas pris la peine de mettre autre chose en dessous, peut-être aurais-je dû. Mais à quoi je pensais là ! Qu'il aille se faire voir ce foutu pervers !

Le QG se présenta au bout d'une longue marche qui mit mes nerfs à rudes épreuves. Avant de partir, la sentinelle s'offrit une dernière remarque et je levais les yeux au ciel avant de l'envoyer paitre. J'espérais vraiment ne plus avoir affaire à lui ! Le garde alla annoncer ma présence et je vu débouler Oli qui repartit aussitôt. Et puis, je pu enfin faire mon entrée dans la salle de réunion où Eli se trouvait, l'Espion toujours à ses côtés. Le savoir dans la pièce me rassurait, je ne me voyais pas trop affronter l'Aigle seule pour le moment. Même si sa présence me dérangeait aussi d'une certaine façon, mais c'était une autre histoire.

Voir Eli me fit un choc. Il n'avait vraiment pas l'air en forme. Son teint déjà pâle de nature avait tourné à un grisâtre maladif et plus je m'approchais, plus il m'apparaissait comme mal en point. Décidément, les blessures que j'avais récolté au lac n'étaient rien en comparaison des siennes. Un peu mal à l'aise, je passais malgré moi la main sur le bandage qui entourait mon bras sans oser croiser son regard.

Nous avons retrouvés le sabre de Kim. Et ton couteau. Noâ m'a chargée de les ramener.

Je me tus ensuite, ne sachant pas trop quoi dire.

Alessandra entra dans la pièce à la suite d’Oli qui, si l’expression m’échappa, tirait une tête jusque par terre. Malgré le flou qui m’empêchait de discerner ses traits, je remarquais rapidement la tâche au niveau de son bras : un bandage surement. Je remarquais également qu’elle avait détourné légèrement la tête, mais je n’arrivais pas à distinguer son expression. La dernière fois que nous nous étions vu, elle se jetais dans la gueule du loup alors qu’elle était déjà bien amochée. Je lui en avais voulut pour ça, et je m’étais inquiété aussi, Heureusement, d’une certaine façon, si cela ne faisait que quelques jours, j’avais l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis cette sombre nuit. J’avais eu le temps de laisser retomber ma colère et de réfléchir à ces dernières semaines. J’avais prit la décision de plus croire en ses capacités, mais cette bonne intention vacilla alors qu’elle se tenait devant moi. Hormis le bandage à son bras, elle ne semblait pourtant pas en trop mauvais état, de ce que je pouvais en voir. Mais lorsqu’elle prit la parole, je ressentis un certain malaise dans sa voix qui me fis serrer les poings. Elle ramenait le sabre de Kim et mon couteau, de la part de Noâ ?! Après cinq jours, elle se décidais à nous faire revenir nos armes par le biais d’Alessandra ? Cela cachait quelque chose… mais je n’allais certainement pas formuler cette question à haute voix.

Je pris à mon tour la parole d’une voix neutre et sans expression, m’adressant à Oli. Depuis mon retour, j’avais repris mon masque de glace, ne laissant transparaître aucun sentiments, comme au bon vieux temps…

« Amène ces armes à Tommy pour qu’il en fasse l’entretiens. Tu peux y aller après. »

Sous-entendant qu’il pouvait prendre le reste de la journée pour lui. Il prit les armes des mains d’Al avant de sortir sans un mot, fermant la porte derrière lui. Une fois que nous fûmes seuls, je me levais et comblais les quelques pas qui nous séparait pour rejoindre Al. Je fis un effort pour ne pas trop boité et éviter de me tenir les côtes. Une fois face à elle, je l’enlaçais sans retenue par la taille et enfui mon visage dans ses cheveux. Oui, elle m’avait manqué, et si je sentais le malaise qui l’entourais, qui nous entourait, je ne voulais pas la laisser partir sans m’être assuré qu’elle allait un minimum bien malgré tout…

« Tu n’as rien ? »

Le départ d'Oli me perturba un peu. Il vient réceptionner les armes que je lui laissais de bonne grâce et disparu par une porte, nous laissant seuls. On y était cette fois, le fameux face à face. Toujours incapable de croiser son regard, je laissais glisser mon regard sur son corps, déviant de temps en temps pour regarder ce qui l'entourait. Et puis, il se leva. Les yeux écarquillés, je le regardais approcher sans trop savoir comment réagir. Les informations se bousculaient dans ma tête sans que je ne parvienne à les démêler. Le fait qu'il boîte ne m'échappa pas et je grimaçais. Je me sentais coupable. Et puis, tout s'envola lorsque je sentis ses bras autour de ma taille. Son souffle tiède balaya mes cheveux et j'esquissais un léger sourire. Comment avais-je fait pour ne pas me rendre compte qu'il m'avait manqué à ce point là ?

Rien de grave. J'ai comaté pendant trois jours, mais rien de grave.

Je passais finalement mes bras autour de sa taille, ne serrant quasiment pas de peur de lui faire mal.

La jeune fille me répondit que si elle avait comaté pendant trois jours, elle n’avait rien de grave. Elle m’enlaça ensuite à son tour, mais pour ma part je pris quelques centimètre de recule, ne la lachant pas pour autant, afin de l’observer avec susption.

« Comaté pendant trois jours ?! »

Le pire, c’est qu’elle avait l’air sincère en disant cela. Ce n’était pas « rien de grave » de comaté de base, mais alors pendant trois jours…

A cette distance, je pouvais enfin distinguer ses traits. Deux bleus coloraient son visage et une fissure en court de guérison barrait sa lèvre inférieur. Rien de grave en apparence en effet, mais c’était de trop pour moi. Ressenrant légèrement ma prise, je posais mon front contre le sien en soupirant, m’éfforçant de ne pas faire de commentaires. Je me concentrais sur le fait qu’elle était là, dans mes bras, et qu’elle n’avait pas l’air mal en point hormis des blessures à l’apparences légères qui commençaient déjà à guérir. Je devais faire bien piètre figure à côté, mais cela m’importait peu.

Je plongeais mon regard dans le sien, essayant de déchiffrer ses pensées. Le malaise semblait s’être apaisé, et je la sentais détendue, contrairement à moi. Gardant un bras autour d’elle, je passais doucement du bout des doigts sur sa pommette bleutée avant d’afficher un petit sourire, à l’air plus triste et las que joyeux...

« On ne doit pas avoir la même notion de « rien de grave »… »

Il fallait croire que j'avais encore dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Alors que je me détendais enfin contre lui, Eli recula un peu pour me fixer. Visiblement, mon repos forcé lui paraissait anormal. Pourtant, Charly n'avait pas trouvé cela réellement étonnant. Selon lui, j'étais juste épuisée et mon corps avait fini par prendre les heures de sommeil dont il avait besoin pour récupérer dès que je n'avais plus été sous pression. Certes, je m'étais écroulée sans que rien ne vienne annoncer une telle fatigue et je ne m'étais pas vraiment réveillée en grande forme, mais maintenant je me sentais mieux. Enfin en partie bien sûr. D'ailleurs, j'avais été jugée suffisamment reposée pour travailler avec les autres, n'était-ce pas un signe évident ?

Il observa un peu mes blessures, mais, bien vite, je pu le sentir à nouveau plus proche de moi. Lorsque son front se posa contre le mien, je fermais les yeux, mais ce n'était qu'une fuite inutile. Finalement, j'acceptais un premier contact visuel et luttais pour ne pas me détourner. Je ne comprenais même pas pourquoi il m'était si difficile de le regarder au fond des yeux. Je frémis un peu lorsque ses doigts passèrent sur ma joue, mes yeux se baissant comme par réflexe.

Je vais bien.

C'était un mensonge bien stupide, même moi j'étais bien consciente de ne pas être au top de ma forme. Encore que je ne me sentais pas vraiment fatiguée et les douleurs n'étaient pas très importantes.

J'avais juste besoin de dormir un peu. Bon maintenant, je n'arrive plus à fermer l’œil, mais au moins je me suis bien reposée.

Elle persista à dire qu’elle allait bien, précisant qu’elle avait juste eu besoin de dormir et qu’au moins maintenant elle était bien reposée, même si elle n’arrivait plus à fermer l’œil. Elle disait cela comme si c’était tout à fait naturel, et j’en aurais presque ri dans d’autres circonstances.

Mais si je voulais commenter le fait qu’elle n’était pas honnête avec moi, un vertige me prit et je la lâchais un peu trop vivement pour éviter qu’elle ne sente le léger vacillement qui me parcouru. Fermant les yeux, je me détournais et rejoignis mon fauteuil tout en lui indiquant un autre qui y faisait face. Rester debout et immobile ne me réussissait pas, entre autre à cause des médicaments qui avaient une fâcheuse tendance à provoquer des vertiges, mais également à cause de ma jambe qui me lançait plus qu’elle ne le devait lorsque je la sollicitait de trop. Pitoyable… mais qu’importe. Même si je l’avais voulut, je n’avais pas l’énergie de dissimuler quoi que ce soit à Al, pompant déjà sur mes réserves pour garder contenance face aux Membres que je me devais de diriger. Une fois assis, son visage me paru à nouveau flou. J’en vint à regretter qu’il n’y ai pas qu’un seul et unique siège dans cette salle… La sensation de malaise apparu de nouveau, comme si le moindre centimètre de distance le provoquait. Passant une main tremblante dans ma nuque, je détournais les yeux de la silhouette de la jeun fille avant de reprendre la parole.

« Si tu le dis… »

Un peu tardive comme réaction, mais qui résumait plutôt bien ma pensée. Je ne pouvais deviner ce qui n’allait pas, et si je lui posais la question j’étais presque sûr qu’elle allait se braquer, alors je ne pouvais que prendre sur moi. Après tout, si elle m’avait posé la même question, je lui aurais surement donné une réponse du même type…

« Merci pour les armes. J’espère que la situation se rétablis bien du côté sud. »

De peur que la situation ne parte en vrille, j’avais donc préféré changer de sujet. Mais mes mots me parurent tellement formels qu’ils sonnèrent presque faux à les oreilles. Ce n’était pas ce que je voulais lui dire. Je vouais lui dire qu’elle m’avait manqué, que je m’étais inquiété pour elle, que je m’inquiétais toujours pour elle, bonne résolution ou non, que j’avais peur aussi… mais de quoi ? C’était une bonne question…
Bref, je voulais lui dire beaucoup de chose, mais c’était des formules toutes faites qui sortaient à la place. Je mis cela sur le compte des médicament également, et mieux valait m’en convaincre…

Notre couple s'enfonçait. Sans que je ne parvienne à comprendre d'où provenait cette idée, j'en étais persuadée. Il y avait quelque chose de différent entre nous ces derniers temps et ce depuis la Fête des Orages. Au fond, nous avions passés ces deux dernières semaines à flotter entre une dispute n'arrivant pas à éclater et des non-dits qui nous pourrissaient l'existence. Seulement, je n'avais aucune idée de ce qui aurait pu arranger les choses. Je n'avais pas envie de me battre avec lui, je voulais juste pouvoir mettre tout ça de côté en attendant d'avoir un peu plus la tête à gérer ce genre de situation. Pourquoi n'existait-il pas un moyen d'arrêter tout ça, voir de passer simplement à autre chose ?

La façon dont Eli me parla à nouveau des armes me révulsa. Ce changement était bien trop brutal et particulièrement blessant. Lèvres pincées, je serrais les poings et luttais contre mon envie de le planter là. C'était une possibilité plus que séduisante, mais cela ne ferait qu'empirer les choses. Lasse, je poussais un profond soupir et tâchais de détendre mes muscles. Il fallait que je fasse un pas vers lui, mais combler cette distance était bien plus compliqué que je ne l'avais imaginé. Lentement, je m'approchais jusqu'à aller m'accroupir à côté du fauteuil et posais une main sur sa cuisse alors que l'autre effleurait sa joue. Mordillant ma lèvre pourtant déjà bien amochée, je levais les yeux vers lui et tentais de capter son regard.

C'est...compliqué en ce moment, mais ça ira.

Après ces derniers mois, je pensais ne pas pouvoir tomber plus bas, ce n'était pas humainement possible, du moins je l'espérais. Alors, je ne pouvais que remonter et je ne manquais pas de motivation à ce sujet.

Il faut juste que je mette de l'ordre dans certaines choses. Ce sera difficile, mais je veux me faire une vraie place au sein des Jaguars. Et retrouver la confiance de Noâ. Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, mais elle finira par passer l'éponge, j'en suis certaine.

Al s’avanca lentement et vint s’accroupir près de moi. J’avais du mal à soutenir son regard cette fois, mais elle réussi tout de même à attirer mes yeux vers le siens. Elle repris la parole en essayant de me rassurer. Mais est-ce que c’était réellement moi qu’elle essayait de convaincre au final ? A ces derniers mots, je ne pu m’empêcher de me détourner, chassant malgré moi la main qui effleurait ma joue. Les mots sortirent alors sans que je ne puisse le contrôler, mais je regrettais aussitôt mes paroles…

« Elle a bien rendu l’appareil pourtant… »

J’avais parlé dans une impulsion qui me fit serrer les dents. Les tremblements redoublèrent d’intensité suite au sentiment de colère qui m’avait envahit, et je du me forcer a respirer avec calme pour évité de perdre le contrôle. Et puis d’autres mots firent leur chemin dans mon esprit : « Il faut juste que je mette de l'ordre dans certaines choses. » Etrangement, ces mots me mettaient mal à l’aise, comme s’ils me menaçaient d’une certaine façon, ou plutôt nous menaçaient. Mais il était trop tard pour revenir là-dessus, Alessandra ayant à son tour tiqué sur la réponse que je lui avais donné…

Dans l'atmosphère flottait quelque chose que je ne parvenais pas à identifier, mais qui avait le don de faire naître une boule au fond de mon ventre. C'était un peu comme de la peur, mais je n'avais aucune raison d'avoir peur en cet instant. Du moins, je tentais de m'en convaincre. Seulement, il fut difficile de refouler ce sentiment dès lors qu'il eut fui mon regard. C'était de bonne guerre, j'avais eu du mal à croiser le sien, mais un frisson désagréable me traversa alors que je laissais retomber ma main le long de mon corps suite à son mouvement. Non, il ne me rejetait pas. Les mâchoires serrées, je me répétais cette phrase plusieurs fois pour éviter de partir en vrille et restais attentive au reste de son discours. Sa répartie me dérouta d'autant plus et je penchais la tête, cherchant à croiser à nouveau son regard, tout en tâchant de comprendre où il avait voulu en venir.

Qu'est-ce que...?

Même si je voulais savoir, une part de moi n'avait aucune envie de poser cette question. La vérité pouvait être dangereuse et blessait plus souvent qu'elle ne soignait, pourtant... Pourtant, j'aurais été bien incapable d'en rester là. Soudainement désireuse de prendre du recul, je me relevais et fis quelques pas en arrière.

Comment Noâ t'a-t-elle rendue la pareille ?!

Ma voix avait été plus dure que je ne l'avais voulu, mais j'étais bien incapable de contrôler quoi que ce soit en cet instant.

Je gardais la tête obstinément tournée vers le mur alors que la Jaguar c’était levée pour me faire face. Son ton me fit frissonner malgré moi et je maudis la sueur froide qui me coulais le long du dos. Les effets secondaires des médocs étaient vraiment foireux…

Sa question resta en suspend un moment alors que je régulais toujours ma respiration. Lorsque les tremblements se clamèrent enfin un peu, je tournais enfin la tête vers elle. Cela n’avais pris que quelques secondes, mais le temps semblait s’étirer et se tendre jusqu’à vouloir craquer. Je ne voulais pas lui parler de ce qui s’était passé ce jour-là. Je ne voulais pas la blesser encore plus, mais j’avais aussi peur de sa réaction. Mais d’un autre côté, s’il avait un bon moment pour lui en parler, c’était maintenant ou jamais. Au point ou nous en étions après tout… Enfin je pouvais toujours éviter les détails malgré tout…

« Disons qu’elle en sait plus que ce qu’elle peux le laisser croire sur ma courte séquestration chez les Jaguars. »

Ma voix était étonnement calme. Bizarrement, cela me procurait un certain plaisir de discriminer ainsi Noâ. Je fixais Al en attente de sa réaction, et je m’étais perceptiblement détendu. S’il y a quelques secondes encore j’avais peur de lui avouer ce qu’il s’était passé, je prenais maintenant un plaisir malsain à descendre sa chef. Je me retenais de ne pas tout lui déballer direct, histoire de faire durer le plaisir. Mais il n’y avait pas que ça, non, je voulais aussi voir comment elle, son ancienne seconde, allait réagir : S’en prendrait-elle à sa chef ou à moi ?

Un sentiment étrange m’avait envahit en un éclaire, un sentiment que je ne me connaissais as jusqu’à maintenant et que je n’aurais pas su décrire avec des mots…

Sa réponse me fit l'effet d'une douche froide, mais elle laissa aussi place à un étrange sentiment de lassitude. Je pouvais me montrer naïve, mais je n'étais pas complètement stupide non plus. Depuis le début, je m'étais doutée que Noâ était impliquée. Il n'était pas dans le caractère de Roxanne d'agir de la sorte, mais elle exécutait très bien ce genre d'ordre. Et puis, elle n'aurait jamais eu assez d'autorité pour empêcher Zayne de réduire Eli en charpie, ce type était une bête et je ne l'avais toujours vu obéir qu'à son Chef. Seulement, je n'avais pas voulu croire tous ces indices prouvant la culpabilité de Noâ, mais il était difficile de nier les faits lorsqu'ils étaient exposés par le principal concerné. Serrant les poings, j'allais me camper directement devant Eli et fixais obstinément mes yeux sur lui.

Cette fois, t'as intérêt à tout me dire !

Cette autorité ne me ressemblait pas beaucoup, mais j'avais besoin de savoir. Oui, c'était véritablement vital. Et puis, cette position n'était pas si désagréable que ça.

Après un court instant de silence, Alessandra vint se camper face à moi et m’ordonna, c’était bien le terme exacte, de tout lui dire. Cette réaction m’arracha un sourire narquois, que j’effaçais bien vite de mon visage, tout en m’impressionnant quelque peu, et c’est toujours avec ce même plaisir étrange que je lui racontais les faits.

« C’est elle qui à organisé ma capture. Ca faisait un moment qu’elle le préparait, pour me punir de t’avoir aidé je suppose, mais elle n’a pas été très précise sur la raison exacte en fait. Les deux autres étaient juste là pour la forme, et si au début elle n’agissait pas, elle fini par frapper là ou ça fait mal… dans tous les sens du terme. »

Si le rappel de ce souvenir n’était pas agréable, la colère était en ce moment secondaire, et j’avais parlé sur un ton presque froid. Sur mes derniers mots, j’avais porté ma main valide au col de mon t-shirt et tiré légèrement dessus pour laisser apparaitre la cicatrice qui barrait mon torse.

Le rictus qui apparu furtivement sur les lèvres du blond eut le don de m'irriter plus encore. Les lèvres frémissantes, je le fusillais du regard et enfonçais mes ongles dans les paumes de mes mains. En cet instant, j'avais juste envie de réduire quelque chose en charpie pour me calmer, mais je n'avais rien sous la patte.

C'est du délire.

Je ne mettais pas en doute son histoire, mais j'avais un peu de mal à voir Noâ en tortionnaire. Certes, ce n'était pas une enfant de cœur, mais elle n'avait jamais caché que blesser un homme attaché ou frapper quelqu'un alors qu'il était déjà à terre ne lui plaisait pas. Elle avait toujours préféré les cibles plus remuantes et c'est bien pour ça qu'elle laissait toujours ce genre de boulot à la Fine Lame. Mais l'Aigle paraissait parfaitement sérieux et il avait de plus été touché à un endroit particulièrement symbolique. Et bien sûr, il n'y avait que quelqu'un qui avait été présent le jour où Kim lui avait fait cette cicatrice pour comprendre la dite symbolique du geste.

Tu dis qu'elle a fini par frapper là où ça fait mal, mais qu'est-ce qui l'a décidée ?

L'affaire n'était pas si simple, quelque chose avait dû se passer pour qu'elle agisse de la sorte.

La colère était de plus en plus perceptible chez la Jaguar, et moi je sautais de joie à l’intérieur sans que je ne sache trop pourquoi, mais je restais toujours impassible extérieurement. Al semblait avoir du mal à avaler la chose, et la question qu’elle me lança me fit tout de même redescendre un peu de mon nuage sans pour autant me ramener totalement sur terre. Baissant les yeux, je pris une grande inspiration et répondis en expirant.

« La vérité je suppose, elle n’a pas du apprécié d’y être confrontée… »

Relevant les yeux vers Alessandra, je guettais à nouveau sa réaction. Elle n’avait plus rien de celle qui avait bravé l’autorité de sa chef durant la Fête des Orages, ni de celle que j’avais amené chez moi pour la protéger. Elle avait repris des forces et semblait plus déterminée que jamais. Et si la situation ne se prêtait guère à ce genre de pensées, je ne pu pourtant m’empêcher de la trouver belle ainsi. Enfin plus que d’habitude…

Prenant conscience que mon esprit partait dans tous les sens, je serrais les dents sans pour autant essayer de me reprendre. Ou plutôt sans réussir à me reprendre. Je me sentais étrangement bien, comme si je n’étais pas sur le point de m’écrouler à tout moment, mais ce n’était pas pour autant un sentiment positif, loin de là. Ce n’était pas moi, ce mec qui se délectait d’enfoncer une personne face quelqu’un qui y tiens et qui arrivait à penser d’une fille qu’elle est sexy alors que la conversation est on ne peu plus sérieuse… Et pourtant, je me laissais couler dans ce délire avec pour seul barrage mon habituel masque de marbre. Je perdais le contrôle face au effets des médicaments… et j’aimais ça…

Mais qui était ce mec ? Bordel, j'avais la sensation d'être confrontée à un sinistre inconnu. Et c'était le cas d'une certaine façon. Le visage d'Eli était complètement fermé. En cet instant, il ressemblait à l'homme de confiance de Kim, celui que j'avais rencontré quelques fois alors que j'étais au côté de Noâ. Un type que je regardais sans vraiment le voir en somme.

Quelle vérité ?

Les mots avaient eu du mal à sortir. Je ne comprenais pas tout. La vérité, Noâ la connaissait déjà alors je ne voyais pas pourquoi elle l'aurait fait réagir de façon si virulente. Toute cette histoire ne ressemblait à rien, c'était un vaste sac de nœud que je doutais de pouvoir réellement défaire un jour. Surtout si Eli restait aussi flou.

Décidemment, elle insistait. Et moi je continuais de lui répondre comme si je me fichais des conséquences alors que ce n’était pas le cas, loin de là… Mais je ne contrôlais plus que les apparences… pour l’instant.

« Elle disait qu’elle ne pourrait jamais te tourner complètement le dos, or ce n’est pas vraiment ce qu’elle a démontré ces derniers mois… »

Pas besoin de préciser les paroles exactes prononcées ce jour-là. Al avait maintenant tous les détails, à une ou deux provocations près. Je m’étais redressé, ignorant le lancement à peine perceptible de mes côtes cassées, et je soutenais le regard de la Jaguar sans siller. Je jouais avec le feu et cela ne me faisait ni chaud ni froid. Est-ce qu’elle se rendait seulement compte que ce n’était pas moi ? Si oui, elle cachais tout aussi bien son jeu que moi derrière sa prestance qu’elle maintenait malgré tout.

« C’est tout ce qu’il y a savoir sur le sujet. »

Je ne sais pas ce que j’attendais en fait. Est-ce que j’attendais seulement quelque chose ? Inconsciemment oui, j’attendais une réaction de sa part autre que des questions. Je voulais savoir comment elle allait rejeter la faute sur moi pour se ranger du côté de Noâ, parce que j’étais presque sûr que c’est ce qui allait se passer, et c’est pour ça que je ne voulais pas lui en parler à la base, entre autre. Mais il fallait croire qu’une part de lucidité trainait encore quelque part car je repris d’une voix plus basse.

« Je ne voulais pas t’en parler car je sais que tu aimes Noâ… »

…et que du coup elle en souffrirait… même si j’étais fautif aussi dans les faits…

Sans que je ne m'en rende compte, ma respiration s'était faite plus courte. L'angoisse avait rampé insidieusement en moi, se répandant progressivement dans mon corps. Cette prestance qui me donnait la sensation d'occuper la place dominante s'était vite envolée et je tremblais désormais, mon souffle haletant me donnant la sensation de manquer d'air. Je n'étais pas comme lui, je n'avais pas cette capacité à cacher mes émotions derrière un masque de glace. Elles me traversaient avec violence, me laissant faible et perdue, et cela se voyait. Et pendant ce temps, ses paroles ne cessaient de tourner dans mon esprit. Il avait appuyé là où ça faisait mal, mais ça je ne pouvais pas le lui reprocher. Il ne savait rien de moi, nous n'étions que des inconnus au final. Si l'amour était une chose, je doutais qu'il puisse nous garder envers et contre tout proche l'un de l'autre. L'amour... Je n'aurais jamais cru que cela puisse faire si mal. Je l'aimais et pourtant il m'avait profondément blessée.

Luttant contre les larmes qui cherchaient à remonter vers mes yeux, je le regardais brièvement, puis fixais piteusement le sol.

Je...

Mais qu'avais-je à dire au final ? Rien ne me venait en tête, je savais juste que rester silencieuse n'était pas une solution. Je ne savais même pas comment réagir. J'aurais pu partir, mais pour aller où ? Noâ, les Jaguars,... Je ne me sentais pas capable pour le moment de les affronter. Mon univers se résumait à tellement peu de chose qu'en plaçant un doute, c'était comme si Eli y avait creusé une véritable fosse.

Elle m'a sauvée...

Je ne savais même pas pourquoi je lui parlais encore, les mots sortaient tout seul de ma bouche sans que je ne m'en rende réellement compte. Au fond, mes lèvres se contentaient peut-être juste d'exprimer ce qui passait dans mon esprit.

Noâ... Je n'étais rien, mais elle m'a accordée de l'importance... C'est la première personne qui m'a témoignée de l'amour. Depuis cette nuit là, elle ne m'a jamais lâchée... Je...

Et comme si je n'offrais pas déjà un spectacle assez pitoyable, les larmes se mirent à rouler sur mes joues.

J’eu enfin droit à une réaction, mais ce n’était pas vraiment ce à quoi je m’attendais. Al perdit complètement contenance. Elle voulut prendre la parole mais ses mots semblèrent s’étrangler dans sa gorge. Elle retenait difficilement ses larmes. Cela me fit l’effet d’une douche froide. Mon euphorie retomba comme elle était venue je pu laisser tomber le masque, affichant un air à la fois surpris et décontenancé également. Je me levais, un peu trop vite, ce qui me fit grimacer de douleur (même si elle était largement atténuée), mais fus stoppé dans mon élan alors qu’Al reprenait la parole. J’étais debout, à quelques pas de la Jaguar en larme, mais si je n’avais pas l’esprit très claire ses paroles firent rapidement route en moi. Ma première réaction fut de vouloir la prendre dans mes bras, mais tout comme elle juste avant, c’est la curiosité qui prit le dessus. Et puis franchement, j’aurais mal supporter le fait qu’elle me repousse…

« Quelle nuit… ? »

Oui, c’est tout ce que je retenais de ce qu’elle venait de me lancer à la figure. Dans mon délire, j’avais apparemment réveillé quelque chose en elle sans le vouloir. Si je savais que le fait d’appendre la vérité lui ferait du mal, je ne m’attendais pas à de larmes, mais plutôt a de la colère, et sur le coup je fus déstabilisé, voilà pourquoi j’embrayais sur autre chose… sans savoir que cette chose pouvait empiré encore plus la situation…

Mais pourquoi est-ce que cela faisait si mal ?! Tout ça ce n'était que des détails élimés du passé, pourtant ils me faisaient perdre pied comme s'ils s'étaient soudainement mis à signifier autre chose. Portant une main à ma poitrine, je serrais fort le tissu de ma chemise. Mon cœur battait toujours trop vite, chaque pulsation me donnant la sensation d'agrandir une faille que je découvrais seulement. Quelle idiote, j'avais été en clamant que tout irait bien. Entendre Eli me rappela sa présence. Gardant les yeux sur le sol, je frémis néanmoins en constatant qu'il s'était rapproché. Une part de moi avait peur. Par peur de ce qu'il représentait, mais de ses questions et des évidences qu'il introduisait en moi sans s'en rendre compte. De très loin, je perçus ma voix cassée par les larmes lui répondre, chaque mot se faisait aussi douloureux que le précédent.

Le lac... Ma mère s'est noyée dans le lac... Et moi aussi.

Durant quelques secondes, je fus perturbée par les images qui défilaient dans ma tête. C'était la première fois que je les vivais éveillée d'une façon aussi nette. Titubant légèrement, je conservais un équilibre précaire. J'avais mal à la tête et ma vision s'était faite plus floue. C'était pire que dans mes cauchemars car ici il n'y avait pas de porte de sortie, tout était trop douloureusement réel.

Alessandra semblait sur le point de s’effondrée. Elle bredouilla quelque chose que j’eu du mal à comprendre. Fronçant les sourcilles, je ne pu m’empêcher de demander plus de détails, ne comprenant rien à son état, ni à ses paroles…

« Mais de quoi tu parles ? »

La Jaguar vacilla. Comblant la distance qui nous séparait, je l’attrapais le plus doucement possible par l’épaule pour la stabiliser, pestant de ne pas pouvoir la tenir à deux mains. Avec ma main immobilisée, j’essayer de lui relever la tête pour attraper son regard. J’étais tirailler entre l’envie d’en savoir plus et celle de laisser tomber pour l’instant, voyant bien qu’elle n’était pas en état de parler. Finalement, je laissais retomber mon bras et l’enserrais par la taille, sa tête au niveau de mon épaule.

« Tu ne t’es pas noyée puisque tu es là, et il ne t’arrivera rien ici. »

Je me voulais rassurant dans mes paroles alors que je ne savais même pas de quoi elle avait peur en ce moment. Mais sur le coup, je ne pouvais qu’essayer d’être là pour elle, et espérer qu’elle ne fuit pas…

Le contact d'Eli se fit brûlant et je me raidis légèrement lorsqu'il me saisit. S'il essaya de capter mon attention en me faisant relever ma tête, mes yeux restèrent soigneusement hors de la portée des siens. Je me sentais pas capable de soutenir son regard et encore moins de répondre à ses questions. Malgré ses paroles réconfortantes, je n'étais pas plus rassurée que cela. Que pouvait-il en savoir alors qu'il était totalement étranger à la situation. Malgré tout, je le laissais m'enlacer et enfouis mon visage contre son épaule. J'avais la sensation d'être enveloppée par son odeur et je tâchais de me concentrer sur sa respiration pour calmer les battements de mon cœur.

Il s'écoula finalement un très long moment avant que je ne parvienne à reprendre la parole d'une voix mal assurée.

Je ne me souviens quasiment de rien précédant ma soumission. Je sais vaguement que ma mère a été noyée dans le lac des Jaguars, mais c'est tout.

J'avais toujours été hantée par des mauvais songes concernant cette nuit, mais depuis peu les rêves s'étaient faits plus perturbants encore et ils me poursuivaient même lorsque j'étais consciente. J'avais voulu en parler à Noâ, mais les circonstances ne le permettaient jamais vraiment ces derniers temps.

Elle m'a retrouvée là-bas et elle s'est occupée de moi pendant des jours parce que je refusais de la lâcher.

Cette pensée fit naître un faible sourire sur mes lèvres. Malgré le tragique de l'histoire, il s'agissait de mon premier souvenir positif.

Si je sentit Alessandra se raidir dans mes bras, elle ne bougea pas, enfouissant même sa tête contre mon épaule. Son cœur battait la chamade, et le silence tomba le temps qu’elle se calme un peu. Je la gardais dans mes bras, contrôlant tant bien que mal les tremblement qui m’avaient repris et gardant les yeux fermés pour éviter le vertige. Je n’osais pas bouger…, je ne voulais pas bouger.

Finalement, Al repris la parole, donnant un semblant d’explication sans pour autant entrer dans les détails. Sa mère s’était donc bien noyée, et Noâ avait apparemment recueillie Al et s’en était occupée. Je voulais lui demander quand cela s’était passé, avoir plus de détail, mais j’espérais que cela viendrais sans que je n’ai à le demander, quand elle serait prête… Et puis j’avais peur que le moindre mot de ma part ne la braque de nouveau.

Rouvrant les yeux, je m’écartais légèrement pour pouvoir regarder le visage de la Jaguar. Si j’en voulais à Noâ, il me faudrait bien admettre qu’Alessandra ne pourrait jamais lui en vouloir quoi qu’il arrive. Je me rendis alors compte que l’idée de montée Al contre sa chef, qui serait toujours un obstacle, m’avait traversée l’esprit un peu plus tôt, et se fût à mon tour de me raidir. Mais qu’est-ce qu’il m’était passé par la tête ?!

J’ouvris la bouche pour parler, mais je ne savais pas quoi dire. Je fini par détourner le regard pour aller fixer le mur à ma gauche pendant quelques secondes avant d’enfin prendre la parole en revenant sur elle.

« Je ne sais pas ce que tu as vécu… mais je veux que tu saches que tout comme Noâ a été là pour toi à ce moment-là, je suis là pour toi aujourd’hui. Je sais que tu es capable de te défendre, que tu es forte, mais je sais aussi qu’on a tous des faiblesses, et je suis là pour ces moment-là aussi… et j’espère que tu as autant confiance en moi qu’en Noâ que pour me laisser t’aider lorsque tu en auras besoin… »

Je m’étais écarté un peu plus mais lui avais prit la main. Mes paroles faisaient très cliché romantique, mais elles étaient sincères, et directes au moins. Et puis je voyais pas comment le dire d’autre de toute façon…

Malgré tout ce qu'il s'était produit ces derniers jours, je trouvais saisissant d'être encore capable de trouver du réconfort dans les bras d'Eli. Nous ne nous étions quasiment pas parlés durant la semaine qu'il avait passé en convalescence chez Aaron, puis il y avait eu la rébellion et les circonstances nous avaient rapprochés. Au vu de la peur que nous avions chacun éprouvée pour l'autre, il aurait difficilement pu en être autrement. Seulement, cela n'effaçait rien à la situation. Malgré notre rapprochement sur certains points, il y avait comme un mur entre nous pour d'autres choses. Et pourtant, en cet instant, tout cela n'existait plus malgré toutes les raisons qu'il aurait eu de m'en vouloir. Il était si gentil... Et moi qu'avais-je fait pour lui à part le mettre en danger et lui attirer des ennuis ? Il était mal en point et n'aurait eu besoin que de repos, mais il prenait quand même du temps pour moi. Combien de fois ne s'était-il pas déjà mis en danger pour me protéger ? En fait, depuis que cette nuit au lac j'avais fait voler en éclat ce qu'il avait construit en même temps que ce masque qui le protégeait.

Si son discours me toucha, il ne fit que planter plus profondément le clou de la culpabilité et du doute. Pourquoi l'amour me donnait tant l'impression de se rapprocher d'une certaine forme de destruction de l'autre ? Voir d'une auto-destruction pour l'autre dans le cas présent. Ma main qu'il tenait dans la sienne se mit à trembler, passant d'un léger frémissement à des soubresauts plus dérangeants.

Tu... Tu l'as déjà fait. Si tu n'étais pas intervenu quand Jesse m'a entraînée dans le lac, je ne serais plus là à l'heure actuelle. Et même avant. Malgré ton état, tu m'as suivie alors que je me jetais stupidement dans la gueule du loup. Tu as même payé le prix de notre liaison par deux fois. Eli, je...

Ma voix se mua en un frêle murmure alors qu'une évidence s'insinuait douloureusement en moi. Doucement, je fis glisser ma main d'entre ses doigts et m'écartais un peu de lui.

Je crois que je devrais te laisser...