Jour 3 début de soirée

Et merde ! J’avais tout foiré ! Tout ça à cause de cet enfoiré qui avait réussi à aborder le sujet qui fâche ! C’était vraiment n’importe quoi !

Le temps de me rendre compte de ce que je venais de faire, j’avais accumulé suffisamment de colère que pour littéralement exploser. J’étais d’abord rentré à la maison où j’avais retourné la chambre, j’avais engueulé Leo qui n’avait rien demandé (il avait l’habitude de ce genre de crise) puis j’étais sortit en trombe sans avoir où aller. Et c’est là que j’avais prit pleinement conscience de ce qu’il s’était passé : j’avais échoué au test de Fine Lame… Je venais de laisser passe une putain de chance qui ne se représenterait peut-être jamais. Là, s’en était trop. Je devais faire quelque chose pour oublier, où j’allais finir par faire une connerie. Seulement, le seul endroit où j’aurai vraiment pu me défouler était fermé… Il y avait bien un autre lieu, dont j’avais entendu parler sans jamais y mettre les pieds, et c’était peut-être une bonne occasion d’y aller en fait, même s’il se trouvait à l’Ouest… Mais qu’importe, il fallait que je me vide la tête, et je n’avais pas envie de rester sur le territoire. Direction donc les Vipères de l’Ouest et leur fameux Bar à Drogue !

Il commençait à faire sombre lorsque j’atteignis enfin la frontière avec l’Ouest. L’avantage des Vipères, c’est qu’elles sont toutes des filles. J’attendis donc patiemment d’en croiser une et jouais de mes charmes pour qu’elle m’emmène au lieu désiré. Il était ouvert à tous après tout, non ? Enfin même si pas, cela m’importait peu. L’important sur le moment c’était de profiter tant qu’on ne mettait pas dehors.

Le Bar était étrange, et l’odeur qui y régnait me fit froncer le nez. La fille m’avait rapidement entrainé au comptoir où elle commanda deux verres d’alcool pour que nous trinquions, puis elle me souhaita de bien m’amuser et repartit (au travail apparemment), non sens m’avoir proposé de venir la voir quand je le souhaitais. J’avalais mon verre d’une traite et lui souris avec charme en guise de réponse. Je me retrouvais donc maintenant seul dans un lieu inconnu, et en territoire ennemi. Rien de mieux pour me vider la tête !

Elle détestait mettre les pieds dans le bar à drogues. Il y avait cette fumée constante qui imprégnait chaque fibre de ses vêtements et l’odeur étrange la suivait pendant des jours. L’idée vague de brûler ses habits, après chacune de ses visites là-bas, la charmait, mais c’était trop cher payé, malheureusement. Toujours est-il qu’elle attendait sagement un paiement pour les quelques drogues qu’elle avait fourni, une saison plus tôt. Étrangement, on l'accueillait à bras ouverts quand venait le temps d’apporter de nouvelles substances plutôt rares pour renflouer les stocks, mais quant arrivait l’heure du paiement du pourcentage sur les ventes, étrangement, c’était elle, la scientifique, qui devait courir pour ses rations. Inacceptable. C’était elle, la fille intelligente, mais c’était pourtant elle qui se faisait pigeonner à chaque fois.

Elle avait donc terminé sa journée dans les laboratoires avant de retourner chez-elle pour enfiler les vêtements de Zola. La toute jeune troqua sa petite robe pour un pantalon et un chemisier. Non seulement elle n’aurait pas à souffrir de l’étrange brume vaporeuse sur ses propres vêtements, mais en plus, elle serait toute disposée à filer à toutes jambes, sac de rations sous le bras, en cas de réticence majeure. Après avoir soigneusement tressé quelques fin brins de ses cheveux -selon sa cousine, les garçons ne comprenaient pas la complexité d’une tresse et donc en appréciaient particulièrement la présence, Louane dénicha un morceau de papier et de quoi écrire. Comme pour se faire pardonner, elle laissa une note à sa soeur, quelque part dans sa chambre :

Je suis au bar à drogues.
Je te remercie pour tes vêtements!
L.

Lorsqu’elle entra dans le bar, un nuage vaporeux eut tôt fait de l’envelopper. La vipère se glissa jusqu’au comptoir, les mains sur sa taille fine et la tête relevée avec toute la majesté du monde. Une petite moue dédaigneuse s’était dessinée, sur ses lèvres, plus en réaction à la fumée ambiante que pour être réellement destinée à la revendeuse.

- Bonsoir! Excuse-moi… Je viens chercher mes rations. Gemmy m'a dit de...

Ses lèvres vermeille s’arquèrent dans un rictus de stupeur lorsque la vipère, de l’autre côté du comptoir, leva un index pour lui intimer une minute d’attente, sans même daigner la saluer. Incrédule, elle papillonna les cils sans savoir quoi dire ni faire. Dans le doute, elle ravala ses paroles amères et se posa plutôt sur un tabouret, au côté d’un garçon qu’elle n’avait jamais vu, jusqu’à présent. Après avoir jeté un oeil sur son verre vide, la toute jeune s’adoucit et esquissa un sourire empreint d’innocence qui, jusqu’à présent, n’avait pas fait l’honneur d’orner ses lèvres.

- Si tu savais ce qu’elle met dans son alcool, tu ne boirais pas ça.

C’était petit, c’était méchant, c’était surtout faux, mais on ne faisait pas attendre la cadette d’une famille vieille comme le monde, brillante alchimiste de surcroît, sans s’attendre à une riposte. Tout de même!

Alors que je réfléchissais à comment profiter de la soirée, une jeune femme débarqua à mon côté, semblant vouloir quelque chose que la serveuse ne semblait pas prête à lui accorder. Elle était plutôt mignonne, dans le style « air innocent », et le sourire qu’elle m’offrit tout en me mettant en garde contre la boisson confirmait cette idée. Je lui rendit un sourire de défit avant de répondre.

« A partir du moment où s’est offert, je ne me permettrais pas de refuser. »

Je me tournais un sur mon tabouret pour faire face à la demoiselle et repris, toujours souriant.

« Mais puisque tu à l’air de bien connaître les lieux, tu vas peut-être pouvoir me dire ce que je pourrais tester ou non ? Afin d’éviter à un pauvre ignorant de finir empoisonné par l’alcool d’une méchante serveuse trop surmenée pour daigner adresser ne serais-ce qu’un regard à une aussi jolie cliente, ce que je trouve très mal poli soi-dit en passant. »

Ok, là j’y allais franco, mais je n’étais d’humeur romantique ce soir, bien en contraire. Ca passe ou ça casse, mais je ne comptais pas tourner autour du pot. Si ça devait casser, et bien ça passerait avec une autre, même si cela aurait été assez dommage car plus je regardais la jeune femme, plus je la trouvais jolie dans son genre « petite fille ». Parce que oui, même si je ne doutais pas qu’elle devait avoir un âge proche du miens et qu’il ne fallait certainement pas la sous-estimer (je me trouvais chez les Vipères quand même…), son visage semblait tout droit sortit d’un livre de princesse que j’avais eu l’occasion de feuilleté une fois chez Madame : enfantin et innocent. Et sa coiffure complétait parfaitement le tableau. La question était donc : jusqu’où était-elle innocente. Voilà un challenge qui était plutôt accrocheur en fait. Bon, et bien mieux valait faire en sorte que ça passe du coup…

« Alors, accepterais-tu d’aider un néophyte à ne pas succomber à ces lieux ? En échange, je ferais en sorte que la serveuse n’est plus d’yeux que pour toi. »

Sur ces mots, je me redressais légèrement sur mon siège et interpellais la Vipère avec mon air le plus charmeur. Lorsqu’elle arriva vers nous, je me penchais pour lui murmurer quelques mots à l’oreille, puis me rasseyant je repris en m’adressant à l’étrangère à mes côtés, l’autre attendant de l’autre côté du comptoir.

« Tu voulais quoi au fait ? »

L’idée qu’une jeune femme offre un verre à un garçon la rendait mal à l’aise, dans l’absolu. Louane avait toujours eu ce luxe de se faire dorloter, partout où elle mettait les pieds, tant dans sa famille qu’avec sa binôme. Certes, elle rendait les attentions avec grand intérêt et beaucoup d’application, mais de là à offrir un verre à un garçon…! Définitivement, c’était à eux de devoir débourser pour ça. À moins, justement, que ce garçon-ci n’ait pas suffisamment de rations pour s’offrir un peu d’alcool si mauvais en bouche? Louane l’étudia un petit moment, la mine toute songeuse quant à la misère noire dans laquelle il devait vivre, avant d’écarquiller les yeux au compliment. Ses pommettes, elle le sentait bien, rougissaient soudainement et trahissaient sa sensibilité face aux gentils mots malgré son habitude à les entendre. Elle était et resterait une indécrottable princesse. La rouquine avait déposé une main sur sa joue, façon adolescente embarrassée, pour s’efforcer de rafraîchir un tant soit peu la chaleur sur son minois. Elle souriait un peu plus encore, désormais, et l’Aigle pouvait s’en féliciter; la petite demoiselle ne jouait pas et ne surjouait pas.

- Il y a bien quelque chose… Mais je doute que tu puisses t’en offrir. C’est dispendieux, mais ça te fera planer plus qu’avec ce que tu as bu. La tête dans les airs et tes sens aux aguets, surtout si c’est la première fois. ..C’est ta première fois?

Du bout de son museau tacheté de rousseurs, elle désigna le verre désormais vide, comme explication. S’il ne parvenait pas à s’offrir un verre d’alcool, il ne serait absolument pas en mesure de se payer la moindre drogue. Louane savait combien chère elle valait, pour en avoir fabriquée à quelques rares occasions. C’était justement pour ça qu’elle était ici. Pour se faire rembourser.

- Je me demande parfois si je ne suis pas une apparition spectrale, ou que sais-je, tant elle m’ignore.  Je voulais qu’elle me rende les rations qu’elle me devait, mais elle repousse encore et toujours.

La vipère se redressa sur son siège, la mine intriguée, pour inspecter les sièges voisins, à la recherche d’on ne sait trop quoi. En vérité, elle s’assurait que Zola ne soit pas là. Sa soeur lui en voudrait probablement pour laisser un garçon lui faire la cour de manière si expéditive. Une fois rassurée, elle s’avança vers l’étranger pour lui parler plus bassement, non sans l’un de ses battements de cils.

- Si tu parviens à obtenir mes rations, je t’en offre une part pour te payer l’une des substances que tu désires. Je souhaite simplement être là lorsque tu t’envoleras.

Parce qu’une fois envolée, elle pourrait très certainement lui faire les poches, à ce garçon venu d’ailleurs. Ou peut-être pas… Il semblait gentil, après tout. Même sans être là, le spectre de sa soeur semblait planer au-dessus de sa petite tête de rousse, la pressant de nuire et de détruire la gente masculine plutôt que de jouer à la princesse, ce soir-là encore. Elle aurait tout le temps de se décider. Pour le moment, Louane quitta son tabouret et désigna l’une des alcôves de l’index, interrogeant par le fait même le garçon d’un coup d’oeil. Oserait-il la suivre?

Apparemment, mon compliment avait fait mouche. Sa réaction était adorable, et piqua encore plus ma curiosité quant à son apparente innocence. Elle avait bien une idée en tête pour me faire planer, mais il semblait que c’était cher payé. Je pinçais les lèvres, n’ayant pas prit grand-chose d’échangeable avec moi. Mais mon sourire revins rapidement lorsqu’elle me demanda si c’était ma première fois.

« Dans ce cas-ci, c’est ma première fois oui. J’ai envie d’innover ce soir. »

La précision sur le type de première fois n’était pas nécessaire, mais cela fait partie du jeu, les sous-entendus. La demoiselle se plaint alors du fait que la serveuse se fichait bien d’elle, à tel point qu’elle se pensait transparente. J’affichais un air outré et répondit aussitôt.

« Je t’assure que n’as rien d’une apparition spectrale. Par contre, tu corresponds assez à la description de sublimes créatures que l’on retrouve dans certains livres. Le nom m’échappe, mais j’ai retenu qu’elles étaient époustouflantes de beauté. »

Je forçais la dose là, mais vu sa première réaction je voulais voir jusqu’où elle pouvait se laisser flatter de la sorte. Et puis après tout le compliment était peut-être exagéré, mais pas faux pour autant : elle était vraiment mignonne.

La rousse sembla chercher quelque chose, ou quelqu’un, du regard avant de revenir vers moi et de me proposer un marcher. Elle s’éloigna ensuite vers une alcôve, attendant que la suive. Un sourire aux coins des lèvres, je me tournais vers la serveuse qui avait fini par s’éloignée, exaspérée, et l'interpellais de nouveau, indiquant à la rouquine que j’arrivais tout de suite puis m’adressant a la Vipère de l’autre côté du bar.

« Bon, il semblerait que la jolie rousse ici présente attende avec impatience un payement. Ce qui serait donc super, c’est que tu la paye tout de suite, et d’ici dix minutes tu récupères déjà une partie puisque du coup nous allons consommer avec ce fameux payement. Ca te va comme marché ? »

La Vipère resta muette quelques secondes, essayant de comprendre de quoi je lui parlais, puis elle fini par acquiescer et m’indiqua qu’elle nous apportera tout ça à notre table. Je la remerciait de mon plus sourire et rejoins enfin l’innocente demoiselle dans son alcôve.

« Si j’ai bien calculé mon coup, tu ne devrais pas tarder à récupérer tes rations ma belle. Je compte sur toi pour me commander le meilleur. »