Aujourd’hui, je voulais rouler. Peu importe la chaleur, peu importe les éclats de voix de mon père en colère, sur ma planche plus rien ne comptait. Mon t-shirt me collait à la peau, mes cheveux étaient humides de sueur, mes poumons étaient en feu, et je me sentais bien. Je ne pensais à rien. Enfin c’était le cas jusqu’à ce que quelqu’un vienne se mettre sur mon chemin… Perdu dans ma pseudo liberté, je n’avais pas du tilté que j’avais heurté quelqu’un, mais ses mots par contre m’atteignirent sans problème. Lâche ? Qui était lâche ?! Je m’arrêtais aussitôt, pilant net, et me retournais vers la victime qui ne comptait pas laisser l’affront que je venais apparemment de commettre. Dans les faits, j’aurais pu m’excusé : s’il avait été une fille déjà, et s’il avait demandé poliment ensuite. Mais il n’était dans aucun des deux cas. Il s’agissait en effet d’un gars énervé et prêt à en découdre, qui me menaçait comme si de rien n’était tout en m’enfonçant un doigt accusateur dans le torse.

Une fois le moment de surprise passé, j’écartais sa main d’un geste du bras violent et répondit sur un ton sec.

Déjà tu me touche pas, sinon c’est toi qui va finir la tronche encastrée dans le bitume, et ensuite t’as vu comment tu demandes tes excuses ? Tu peux toujours rêver pour les avoirs, comme si j’avais peur d’un mioche comme toi.

Je ne connaissais absolument pas le mec, mais il était certain que n’allais faire aucun effort de caractère avec lui. D’accord je l’avais peut-être bousculé (bien qu’il aurait très bien pu tombé tout seul, après tout je n’avais pas le souvenir de l’avoir percuté), mais ce n’était pas une raison pour me menacer de la sorte.

Le gars éclata de rire, affirmant par une fausse question qu’il n’allait pas venir réclamer des excuses gentiment. Je soupirai, en ayant déjà marre de cette « discussion », et m’apprêtais à repartir comme si de rien n’était : ce gars ne méritait pas mon attention, je comptais donc bien l’oublier rapidement, ainsi que sa façon de me traiter de lâche. Je n’étais pas lâche non, j’en avais juste rien à foutre !

Mais alors que je faisais volte-face sans plus de cérémonie, mais planche se déroba sous mon pied, manquant de m’étaler de tout mon long. Heureusement, je pu me rattraper facilement (il vaut mieux avoir de l’équilibre quand on fait du skate), et je me retournais de nouveau vers l’inconnu en le fusillant littéralement du regard. Là, il venait de faire une très grosse erreur.
Sans même écouter ce qu’il venait de débiter – des conneries très certainement – je fis un pas vers lui et lui enjoignais d’une voix glaciale :

Rend moi ça tout de suite !

Si en temps normal je n’avais pas d’envie de meurtre envers ceux qui s’en prenaient à mon skate, là ce mec m’excédait tellement que je l’aurais bien éclaté dans la seconde. Sérieux, il avait réussi à me pourrir la journée avec ses envies d’excuses à la con. Je fis un nouveau pas vers lui, les poings serrés. Là je lui avait demandé gentiment, mais je ne comptais pas me répéter…

Le mec souriait, comme si la situation l’amusait. Moi par contre je serrais les dents, et j’allais rapidement lui faire ravaler son sourire s’il ne me rendait pas vite ma planche.  Sauf qu’au lieu d’obéir bien gentiment, il me demanda mon nom. Sérieusement, la seule raison pour laquelle je lui donnerais mon nom c’est quand je lui aurais éclaté la gueule, afin d’être certain qu’il n’oublie jamais à qui il avait à faire. Et il réclamait encore et toujours des excuses… Plus les choses avançaient, moins j’avais envie de lui en faire, c’était certain. Pourtant, le gamin semblait de bonne foie, mais il suffit qu’il parle des Dragons du Nord pour que je n’ai définitivement plus la moindre envie de faire de quelconques excuses. Il parlait tout seul, il se sentait menacé… Il pouvait bien, frapper un Dragon qui avait osé poser les mains sur mon skate après m’avoir insulté aurait illuminé ma journée préalablement assombrie par le dit Dragon. Pourtant, lorsqu’il posa ma planche à terre en me demandant de desserrer les poings, j’obtempérais. Non pas en réponse à se demande, mais bien pour le toiser avec un peu plus de recule : plus de colère, mais beaucoup plus de froideur…

J’ai une tête à être un lézard ? Toi t’en es bien un pour être vexant à ce point. Tes conseilles tu peux te les garder, Kalis, mais crois moi que si tu ne me rends pas cette planche dans les cinq secondes mon nom je vais te l’imprimer bien profond là où je pense.

Mon ton était parfaitement posé et mesuré. La menace était bien réelle dès l’instant où il avait osé prendre un otage, à savoir mon skate. S’il espérait obtenir des excuses de la sorte, il se foutait le doigt dans l’œil jusqu’au coude…

Un... deux...

Maintenant il voulait se battre. Kalis secoua la tête. Il lui avait laissé une chance de se racheter, de s'excuser, mais le gamin n'était pas prêt à la prendre. Il le menaça, et se mit à faire le décompte avant de lui sauter dessus. Kalis croisa les bras en attendant le "deux". Puis il afficha un fin sourire ironique. Il posa le skate sur le sol, mit un pied dessus.

Bah alors viens ! Je t'attends ! Viens me foutre une raclée pour que je me souvienne de toi éternellement !
Sur ces mots, il écarta les bras sur le côté comme pour recevoir une accolade et lui lanca un regard plein de défi.

Tu es vraiment pitoyable. Quand je pense que je t'avais proposer la paix contre de simple excuses, mais apparemment tu préfère la difficulté et le conflit. Fit il remarquer en soupirant.

Il fut tout de même rassuré de voir que son adversaire faisait à peu près la même taille que lui. Au moins, il ne prendrait pas très cher. Un contre un. Ca avait le mérite d'être égal comme combat.
Au moins, j'ai mes chances contre un gosse comme toi. Parce que je doute fort que tu en ai toi des chances.

Je continue de compter, ce qui ne semble pas effrayer l’autre gars plus que ça. Trois, j’avance d’un pas et lui continue de blablater. Quatre, je suis maintenant très proche de lui, qui m’attend bras ouvert. Cinq, tout comme il m’a floué un peu plus tôt, je retourne sa ruse contre lui, me baissant subitement au lieu de le frapper pour lui arracher ma planche de sous le pied. Je recule ensuite de plusieurs de pas, tenant fermement mon bien le plus précieux, et fronce les sourcilles lorsque je me rends compte de ce qu’il vient de dire. Moi, aucune chance ? Je laisse échapper un petit rire malgré moi avant de lui répondre avec le plus grand sérieux.

A partir du moment où tu t’en prends à ma planche, la paix tu peux toujours la rêver. T’as de la chance d’être assez con pour te faire prendre à ton propre jeu.

J’avais ce que je voulais, je pouvais reprendre ma route, mais avant je comptais mettre les choses au claire avec ce gringalet.

Et sache que tu t’adresses à un futur Membre entraîné pour devenir un combattant digne de ce nom. Toi, vu ta carrure de croquette, tu ne dois être qu’un simple Soumis qui ne dépassera jamais ce stade et qui ne dois certainement rien y connaître en combat. Alors avant de parler de chance, analyse un peu mieux la situation, gamin !

Me faire traiter de gosse par un Membre, ok, mais par un mec qui devait avoir mon âge, voir moins, et qui n’avait absolument rien d’un Membre en devenir, là c’était hors de question.

En tout cas, tu parles beaucoup pour ne rien dire, alors si t’as fini j’ai mieux a faire de ma journée, j’ai un entraînement qui m’attend.

L'autre gamin ne semblait vraiment pas prêt à tirer le moindre trait sur ce qu'il venait de se passer, c'était assez dommage. Eh bah! Qu'il campe sur ses positions, Kalis n'avait pas besoin de lui. Peut être devrait il passer par une autre alternative pour tenter une réconciliation ? Il croisa les bras contre son torse et fixa longuement le jeune homme alors qu'il exprimait son mécontentement. Sinon, il ne connaissait toujours pas son nom. A la fin, il lui sourit.
Bon, alors si tu n'es pas d'accord pour faire la paix...Peut être tentons une autre approche ? Je t'avoue que tu avais l'air assez classe sur ton skate...Tu pourrais peut être m'apprendre ?

Comme il s'attendait à une mauvaise réaction de la part du gamin,il continua de sourire en ajoutant rapidement:
Oh, ne prend pas ça comme une demande pour être ami avec toi. Je ne suis ami avec personne. Mais peut être qu'on pourrait essayer de calmer les tensions ?
D'un geste de menton, il désigna le skate de nouveau entre les mains de son adversaire. C'est vrai quoi. Pourquoi se disputer pour quel chose d'aussi con ? Et puis Kalis n'avait même plus besoin de ses excuses de toute façon. En y repensant, il avait sans doute eu l'air d'un vrai gamin à réagir comme ça.
Alors ? Partant pour me donner une petite leçon ?

Le revirement de situation était tellement soudain que j’en restais coi quelques secondes. Un moment il me réclame des excuses à grand cris, et l’instant d’après il me demande de lui apprendre le skate ? Ce mec devait avoir un sérieux problème… Mais cela avait au moins eu l’intérêt d’attiré mon attention. Les sourcilles froncés, je reposais ma planche au sol et posais mon pied dessus.

On t’as déjà dis que t’étais spec comme mec ?

Personne ne touchait à mon skate, à part Nuka, et uniquement en ma présence. Pourtant, ce mec avait piqué ma curiosité, et puis si quoi que ce soit arrivait il pouvait faire une croix sur le fait de revoir un jour le soleil.

Si tu essaies de te barrer avec, t’es un homme mort, pigé ? Pareil si tu me l’abîme.

D’un mouvement de la jambe, je fis rouler la planche vers lui. Je voulais voir comment il allait réagir, ce qu’il comptait faire. Je restais plus que méfiant évidemment, près à lui sauter à la gorge au moindre geste suspect de sa part.

Commence déjà par me montrer si tu sais tenir dessus.

Kalis avait un véritable don pour faire changer d'avis les gens et il devait l'avouer, le retournement de situation qui venait de se produire ne l'étonnait guère. Spécial ? Oui on me l'a déjà dit, cependant on n'a jamais eu le temps de me voir mort comme tu peux le dire. Kalis leva ses yeux clairs sur lui, amusé. Car personne n'a jamais eu le temps de m'attraper. Il souligna ses paroles d'un petit clin d'oeil et d'un sourire. Ca ne rimait en aucun cas à de la provocation, le jeune homme tenait juste à le prévenir, au cas ou. La menace de son camarade ne lui faisait aucunement peur, il ne tenait pas non plus à ouvrir une bagarre bien sûr. A vrai dire, bien que ses paroles n'avaient pratiquement aucun effet sur lui, il ne les aimait pas non plus. Les menaces franchement, le poussaient juste à vouloir se défouler sur la personne pour lui montrer qu'il détestait ça. Une manière de le défier...Dans le mauvais sens.

Rassure toi bonhomme, je n'abîmerais pas ton précieux objet. Contente toi d'être heureux: J'ai arrêter de te demander des excuses.

Le garçon fit rouler la planche jusqu'à lui et Kalis posa un pied dessus une fois qu'elle fut arrivée à sa hauteur. Se tenir dessus ? Le plus simple. Il posa ses deux semelles à plat sur la planche à roulette et pria le ciel pour ne pas se fracasser la tête la première contre le bitume. C'était absolument pas le moment de se ridiculiser. Par chance, il resta stable.
Ok. Ensuite ?

Finalement, ça allait être amusant, non ? Il posa une nouvelle fois ses yeux sur le jeune homme, debout devant lui.