Depuis sa chute au rang de simple membre, Peter s'était de nouveau intégré au cocon familial. Si on pouvait appeler cela un "cocon"... "Panier de crabes" ou "nid de guêpes" seraient des termes bien plus approprié pour qualifier la maison qui abritait ses tarés de parents. Le jeune homme leur avait tourné le dos après la mort de Cassy, mais, suite à sa rétrogradation, il avait bien vite dû retourner dans leur logement aussi déplorable que dangereux. Il en avait bavé - surtout au début - mais tout doucement, il commençait à trouver ses marques. Son père, qui le battait souvent après l'incident qui avait tout fait basculer, finissait par l'ignorer et l'indifférence remplaçait petit à petit la haine. L'indifférence était bien meilleure que la haine, dans son cas.

Ce matin, pourtant, elle fit place à un semblant de considération. Le patriarche fit une demande exceptionnelle à son fils : celle d'aller apporter les armes familiales aux Techniciens du clan. Certaines avaient besoin d'un petit entretien et un couteau papillon était désarticulé. Le jeune homme accepta la tâche sans hésitation vu qu'il n'avait rien à faire ce jour-là. De plus, l'un de ses kriss était un petit peu trop émoussé. C'était l'occasion de refaire une beauté à son arme de prédilection.

Le Dragon se mit en route le plus vite possible et traversa le clan sans encombres (car en plus des brimades familiales, il devait aussi affronter celles des autres, à l'extérieur, qui ne l'épargnaient pas) et atteignit les ateliers après seulement quelques minutes de marche. Il pénétra dans le bâtiment et trouva plusieurs personnes affairées autour de leurs établis. Ils travaillaient sur tout type d'armes et bien qu'il ait une connaissance avisée dans ce domaine, Peter se demanda à quoi pouvaient bien servir certains engins. Comme quoi, ce clan avait une imagination sans faille une fois qu'il s'agissait de blesser quelqu'un...

Bien vite, il se tourna vers une personne qui semblait inactive, ou plutôt pensive. C'était une jeune femme qui devait avoir son âge à peu près, mais qu'il ne connaissait que de vue. Il ne lui avait encore jamais adressé la parole, à sa connaissance. Le brun s'avança jusqu'à elle et comme à son habitude, dut signaler sa présence par un léger toussotement. Passer constamment inaperçu pouvait être assez agaçant parfois...

Tu t'occupes des lames?

Il posa sans attendre son sac sur l'établi duquel sortirent plusieurs couteaux et autres armes de corps à corps.

C'est pour un entretien.

Il voulait d'abord avoir confirmation qu'il s'adressait bien à la bonne personne avant de lui confier son Kriss.

La journée est bien morne aujourd'hui. Les ateliers des Dragons sont plutôt calmes même si chacun à de quoi faire comme toujours ce n'est pas le grand rush. Installée à ton poste de travail, tu t'occupes avec précision d'un couteau remis plus tôt par un Spécialiste des Fines Lames se plaignant de l’aiguisage de son arme. Il avait été déçu lors d'un entraînement et t'avait rabâché les oreilles durant de trop longues minutes à ce propos. Non sans avoir glissé une menace pour la forme – comme si ça allait te faire mieux travailler d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de ta tête -, il avait finalement disparu, te laissant t'occuper en paix de sa lame. L'équipe de Michael était certainement la plus arrogante et ça se ressentait à chaque passage de l'un de ses pions ici. Ils se croyaient tout permis et ne manquaient jamais d'essayer de faire peser la balance en leur faveur à coups d'histoires macabres. Dans les faits tu n'avais pas vraiment peur d'eux mais ils pouvaient assurément faire de ta vie un Enfer alors tu t'assurais toujours de faire de ton mieux. Comme d'habitude en fait. Une fois le couteau fraîchement aiguisé et prêt à fendre toute peau passant sur son fil, tu le met de côté avant de t'autoriser quelques secondes de répit. Malgré la rigidité de ton buste et ta position sur le tabouret, tes pensées dérapent quelques moments et tu glisses dans un délicieux break de pur blanc mental. L'instant est pourtant trop court et tu sursautes légèrement en entendant quelqu'un toussoter. Quand tu sors de ta réflexion tu constates la présence d'un jeune homme. Un jeune homme vachement discret. Si jamais il ne s'était pas signalé, il aurait pu rester là durant des heures sans que tu ne captes sa présence.

PETER – Tu t'occupes des lames?

Tu n'as même pas le temps de réagir qu'il dépose déjà son fatras sur ton établi. Heureusement tu n'avais aucun travail en cours dessus. Tu hoches distraitement la tête pour confirmer pendant qu'il déballe des armes que tu n'as jamais vraiment vues. C'est qu'il possède une sacrée collection. Un instant tu te demandes si tout ça est légal mais si ses armes n'étaient pas déclarées il ne viendrait sûrement pas aussi tranquillement ici.

PETER – C'est pour un entretien.

Au moins tu es sûre d'avoir du pain sur la planche pour le reste de ton tour de travail. Ce n'est pas une mauvaise chose vu que tu n'aimes pas rester bêtement à ne rien faire. Tu t'empares de l'une des armes que tu examines soigneusement.

SAWYER – Ok. Tu tombes dans un creux ça devrait aller vite. Il faut travailler sur l'une d'elles en priorité ?

On ne sait jamais autant avoir toutes les informations. Tu l'observes silencieusement en attente d'une réponse et il y a une légère lueur de reconnaissance dans ton regard. Tu vois qui est ce gars. Tu ne connais pas son nom mais tu sais que c'est celui dont on parle parce qu'il a chuté de sa position de Spécialiste. Tu as déjà vu des gens en parler sur son passage. Même suite à cette compréhension ton attitude ne change pas. C'est un détail qui ne va pas t'empêcher de faire ton boulot. Et tu ne vas sûrement pas te mettre à le rabaisser, ce serait se foutre de la gueule du monde vu ta propre position sans parler du fait que ce n'est pas vraiment dans ton caractère.

La jeune femme sursauta, surprise. Peter ne broncha pas, il était habitué à ce que la plupart de ses conversations commencent de cette manière. C'était devenu normal bien que parfois il aurait aimé exister un petit peu plus aux yeux des autres. La brune sortit assez rapidement de sa torpeur et commença à examiner les lames qu'il déballait une par une. C'était un sacré travail qui l'attendait mais elle ne semblait pas impressionnée. Au contraire, elle assura au Membre que tout irait très vite. Dubitatif, Peter parcourut l'établi bien rempli du regard. Il n'avait jamais vraiment observé quelqu'un travailler sur une lame, sans doute avait-elle raison. Après tout, elle connaissait son métier bien mieux que lui. Elle lui demanda ensuite si une arme en particulier était prioritaire. Le jeune homme haussa les épaules, indécis.

Le couteau papillon de son père était sans doute l'arme la plus mal en point. Mais d'un autre côté, il aurait aimé faire réparer son kriss en premier pour pouvoir partir pendant que la technicienne s'occupait des autres armes. Cependant, il ne s'imaginait pas confier son couteau en premier...
Il fouilla donc dans le sac pour en sortir un petit couteau papillon. L'un des manches était désarticulé, ce qui empêchait au mécanisme d'être fluide. Ce type de lame était plutôt une arme de démonstration, mais Peter savait que l'objet avait une valeur particulière pour son père qui y tenait beaucoup. Alors, il le tendit en premier à la technicienne.

Celui-ci. C'est le plus abîmé.

Il se tut, lui laissant le loisir d'observer l'objet pour qu'elle puisse tirer ses propres conclusions. Au fond de lui, il se demandait si cette fille l'avait reconnu. Peter était une vraie "star" désormais... Il ne pouvait aller nulle part sans se faire reconnaître (et insulter au passage). Peut-être n'en avait-elle juste rien à faire et le brun espéra sincèrement que c'était le cas. Il attendit quelques instants avant d'ajouter

J'en aurai un autre à faire réparer ensuite. Mais tu peux d'abord t'occuper de celui-là. Ça te prendra combien de temps?

Il voulait savoir s'il aurait le loisir de faire autre chose entretemps. Au pire, il attendrait sur place que la technicienne s'exécute. C'était peut-être ce qu'il y avait de mieux à faire.

Ta question laisse l'autre Membre en réflexion. Tu attends patiemment qu'il te fournisse l'information pendant que tu détailles les autres lames à la recherche des différents soins qu'il faudra leur apporter. Pour la plupart c'est visiblement juste une question d'aiguisage mais tu ne peux pas en être sûre tant que tu ne les auras pas dans les mains. Le jeune homme fouille finalement son sac et il en sort un couteau papillon qui nécessite clairement une réparation.

PETER – Celui-ci. C'est le plus abîmé.

Il te le tend et tu l'attrapes en commençant à faire doucement jouer le mécanisme récalcitrant. Rien de bien méchant. A première vue tu dirais que l'axe est déboîté. Si c'est la pièce de son arsenal la plus abîmée alors en effet pour le reste tout devrait rouler.

PETER – J'en aurai un autre à faire réparer ensuite. Mais tu peux d'abord t'occuper de celui-là. Ça te prendra combien de temps?

Tu réfléchis durant quelques instants. La réparation ne devrait pas prendre trop de temps. Ensuite il faudra aiguiser la lame mais c'est une formalité. Avec la réparation supplémentaire le besoin de déléguer devient par contre plus pressant.

SAWYER – Pas longtemps. Pour celui-ci ça ne vaut pas la peine que tu repasses. Tu pourras le récupérer rapidement.

Tu n'as aucune raison de faire des efforts avec lui mais Peter n'a pas l'air d'être un mauvais bougre et tu n'aimes pas faire perdre leur temps aux autres.

SAWYER – Maintenant si tu me montres l'autre arme pour que je puisse voir l'ampleur des dégâts je pourrais te donner un délai plus clair pour la récupération.

C'est comme il le sent. Pendant qu'il y pense, tu détailles les différents techniciens qui travaillent aux alentours et tu en repères deux à la faible charge de travail.

SAWYER – Aline. Joffrey. Vous pourriez faire un peu d'aiguisage ?

La première te glisse un léger sourire alors que l'autre hoche la tête en se levant. Ils sont les deux seuls vraiment sympathiques avec toi dans les ateliers et vous n'hésitez jamais à vous épaulez pour traiter au mieux les demandes. Joffrey arrive près de ton établi et il zieute bizarrement Peter avant de s'emparer de plusieurs lames qu'il partage entre Aline et lui. Ensuite il se remet au travail sans faire plus de vague et la roue d'aiguisage commence à rouler lentement sous le pompage de son pied.

La jeune femme prit le couteau papillon avec tout le soin nécessaire et analysa l’arme en quelques secondes à peine. Le verdict tomba tout aussi rapidement : « pas longtemps ». Ce n’était pas très précis mais ça avait au moins le mérite d’indiquer à Peter qu’il pourrait attendre ses armes avant de repartir. C’était déjà ça. Il s’était déjà trouvé un petit coin dans l’usine, à l’écart de tout, où il pourrait observer la mécanicienne sans gêner personne. Et surtout sans être vu. Peter acquiesça donc, s’apprêtant à aller s’installer de son côté, mais la brune lui demanda alors de jeter un œil à la deuxième arme nécessitant une autre réparation importante. Peter resta silencieux. Il aurait préféré voir comment cette fille travaillait avant de lui confier ses lames, mais elle avait l’air de s’y connaître. Et puis, il resterait en observateur. Si quelque chose clochait dans sa façon de faire, il pourrait toujours interrompre l’opération pour récupérer ses armes .

Pendant ce temps, la Dragonne délégua les plus petits ajustements à deux autres ouvriers qui travaillaient à ses côtés. L’un d’eux, un certain Joffrey, laissa son regard traîner sur le membre… un petit peu trop longtemps. Mais il finit par se mettre au travail sans causer davantage de souci.

Décidé, Peter dégaina alors ses deux Kryss, les bras en croix. Il avait parlé d’ »une autre arme » car pour lui, ces deux lames faisaient partie d’un même tout et ne formaient qu’une entité insécable. Bien sûr, une lame était plus abîmée que l’autre, mais il considérait tout de même que les deux nécessitaient un rafraîchissement. Il tendit ses lames assez exotiques avec soin sans donner davantage d’indication. Si la brune connaissait son job, elle saurait comment les manier et surtout combien de temps il lui faudrait pour les réparer. Mais Peter n’attendrait pas le verdict.

Si je te les laisse maintenant, je préfère attendre que tu aies terminé avant de repartir. Si ça ne te dérange pas.

Son manque de confiance aurait pu être pris pour une insulte. Mais ce n’était vraiment pas dans son intention. Il voulait juste s’assurer que l’arsenal familial – et surtout que ses lames personnelles – soient entre de bonnes mains. Il commença à s’éloigner pour laisser la mécanicienne travailler en paix, ne s’attendant pas vraiment à un refus de sa part.

Même si tu as dit à l'autre Membre qu'il n'aurait pas à repasser tu espères qu'il ne va pas rester au-dessus de ton épaule. Il y a pleins d'endroits où il pourrait attendre après tout. Tu n'as jamais aimé travailler sous le regard de quelqu'un. Pas que tu n'as pas confiance en tes capacités. C'est plutôt que tu n'aimes pas avoir l'attention de quelqu'un sur toi. Même si tu peux faire abstraction de beaucoup de choses, être sous l’œil d'un autre être humain te déplaît. C'est un coup à faire une gaffe et ça pardonne rarement avec une lame. Tu as miraculeusement réussi à conserver tous tes doigts jusqu'ici et tu ne comptes pas changer ça. Donc ça t'arrangerait vraiment qu'il attende ailleurs. Pour autant il faut d'abord terminer le blabla. Après le départ de Joffrey, l'homme se décide finalement à te présenter l'arme récalcitrante. Ce n'est pas une lame qu'il sort néanmoins mais deux. Tu plisses légèrement les yeux dans la concentration en les voyant parce que avouons-le tu n'en as jamais vu de pareilles. Il y a bien cette longue épée un peu similaire possédée par un Spécialiste qui y ressemble un peu mais la comparaison est bien faible. Tu déposes immédiatement le couteau-papillon sur la table et tu prends les deux larmes pour les observer de plus près. « Si je te les laisse maintenant, je préfère attendre que tu aies terminé avant de repartir. Si ça ne te dérange pas. » Il te parle. Il faut que tu répondes. Tu ne peux pas juste rester à fixer ses armes avec passion. « Ouais, ouais je comprends. Tu ne veux pas sortir non-armé. Je t'appelle dès que j'ai fini, tu peux attendre dans le coin. » Il te faut une seconde pour te rendre compte que tu as parlé à un natif avec peut-être un peu trop de désinvolture. Tu relèves rapidement la tête, prête à te reprendre mais il s'en va déjà de toute façon. Et puis c'est un natif déchu, il n'y a donc pas de pincettes spéciales à prendre avec lui seulement les habitudes ont la vie dure. Tu retournes donc aux deux lames que tu as dans les mains avant de te souvenir qu'il faut d'abord que tu t'occupes du couteau-papillon. D'abord le boulot, le plaisir de la découverte après. Comme prévu, ça ne prends pas bien longtemps. Démonter, remettre l'axe en place, huiler, remonter et aiguiser. Tu en es à l'étape de l'aiguisage minutieux quand la porte s'ouvre en fracas. Tous les techniciens lèvent le nez de leur travail dans un même mouvement pour tomber sur un trio franchement pas apprécié. Everett, Brodie et Mila. Certains retournent directement sur leurs ouvrages, pas inquiété. Ce n'est pas ton cas, ni celui d'Aline. Joffrey quand à lui sourit car ces trois là sont ses amis. Leur amitié t'étonne toujours vu qu'il est plus ou moins sympa avec toi alors que ses potes sont... Eh bien disons qu'ils ne le sont pas. Dans le tas, il n'y a que Mila qui est Aspirante, les autres ne sont que des chairs à pâté mais ils se sentent souvent pousser des ailes juste parce qu'ils sont issus du clan. Tu feins rapidement de ne pas être là et tu te tentes de terminer avec le couteau-papillon mais un nouveau vlam agite le bâtiment et cette fois c'est un Spécialiste qui rentre. Bas dans le classement mais foutrement hargneux. Tout ça te déplaît, ça fait un peu trop de crétins rassemblés dans la même pièce. Dès que tu termines d'aiguiser la première arme, tu hésites sur la marche à suivre. Peter semblait vouloir le récupérer rapidement mais si tu l'appelles ou que tu l'approches, tu risques d'attirer l'attention sur toi. Ce que tu ne veux vraiment pas. Pour le moment, le groupe papote bruyamment mais tu es invisible pour eux. Et tu décides finalement de le rester. Tu vas juste espérer qu'ils partent avant que tu ne doives rendre ses biens au Membre. Tu t'intéresses donc à nouveau aux armes inconnues. Elles sont vraiment curieuses. Surtout la forme que prends la lame. Avec le double-tranchant, ça va être un morceau à aiguiser. Tu en manipules avec attention une quand ton champ de vision est soudain rempli de brun. Le brun du t-shirt que porte Everett. Il s'est appuyé à ton établi. « Sympa ton arme. J'peux l'essayer ? » La demande est purement rhétorique, il a déjà la jumelle de celle que tu tiens dans les mains. « C'est quoi ? » Et là tu te rend compte que tu es dans la mouise parce que tu ne sais pas le nom de cette arme. Tu pourrais l'inventer mais ton esprit devient blanc parce que tu as la pointe sous la gorge et que tu viens de te retenir de toutes tes forces de la chasser. Sous la table ta main libre est serrée autour du manche de ton couteau que tu brûles de dégainer mais il reste invisible sous tes vêtements. « Je ne sais pas. » Tu grinces en ravalant ton envie de lui faire bouffer du métal. Tu te forces à desserrer ta prise sur ton arme et à poser ta paume sur ta cuisse. Ne pas répliquer c'est la meilleure façon de s'en sortir.