On est parti tous les deux pour une drôle de vie
PV Leith - Jour 4

- Grumblr... Tête d'épouvantail...

Leonel était appuyé contre un haut mur qui lui procurait une ombre favorable en cette chaude journée. Il avait les bras croisés sur son torse et restait campé sur ses jambes d'une façon assez miraculeuse au vu du sommeil qui le gagnait peu à peu. On pouvait le dire : il dormait debout. Au moment où l'insulte avait jailli de ses lèvres, comme par hasard, un badaud avait eu la bonne idée de passer juste devant lui et s'était retourné vers lui pour lui lancer un regard noir que l'Aigle snoba sans le vouloir. Devant si peu de réaction, le gars décida de s'approcher et il se planta à quelques centimètres de lui, visiblement curieux. Et intéressé. Il tendit une main légèrement tremblante vers l'arme qu'il portait à la ceinture, persuadé que c'était le moment idéal pour un petit larcin. On ne pouvait pas en vouloir à ce pauvre bougre, c'était la crise et une arme à feu était un argument sérieux lorsqu'il s'agissait de parler survie.

- Pas les lunettes...

Alors que le Libre allait toucher la crosse du pistolet du bout des doigts, un fulgurant coup de poing lui amocha le nez et il tomba en arrière d'une façon particulièrement stupide, autant de douleur que de surprise. En plus de parler dans son sommeil, Leonel s'agitait toujours beaucoup et ce mec venait d'en faire les frais. Le contact de sa main contre un visage inconnu sortit immédiatement ce dernier de sa torpeur et il sursauta en constatant le type à ses pieds. Ses yeux s'arrondirent sous l'étonnement et il s'empressa d'aller s'accroupir au côté de l'inconnu en beuglant à la ronde.

- Leith ? LEITH ?! J'crois que j'ai amoché un mec sans le vouloir.

Son frère l'avait laissé là quelques instants plus tôt pour aller vérifier une présence suspecte, mais il ne pouvait décemment pas être bien loin. Sauf si bien sûr Leo avait dormi pendant des heures ce qui n'aurait pas été très étonnant à côté du fait qu'il avait cogné quelqu'un dans son sommeil.

Depuis la rébellion chez les Jaguars, quatre jours plutôt, nous nous devions d’être beaucoup plus attentif durant nos rondes. Toutes personnes que nous croisions sans les connaitre devaient être identifiées. Voilà pourquoi j’étais partit de mon côté alors que mon frère m’attendait à l’ombre d’un mur. Nous avions aperçus quelqu’un de suspect un peu plus tôt, et vu l’état de somnolence avancé de Leo, qui s’endormait presqu’en marchant, j’avais décidé d’aller vérifier seul. Sauf que voilà, laisser mon frère seul était en sois tout aussi dangereux que de le prendre avec moi… Et alors que j’étais partit depuis à peine quelques minutes, je l’entendis hurler après moi. Levant les yeux au ciel en soupirant, je fis demi-tour et rejoignis Leonel au pas de course. Je ne mis pas longtemps à repérer la silhouette allongée près de lui, qui se tenait le nez en gémissant. Je m’approchais en fronçant les sourcilles, fixais le mec un instant et me tournais ensuite vers Leo.

« Sans le vouloir… Sérieusement, t’es vraiment un boulet. »

Pas besoin de lui demander comment il avait fait son compte, je ne doutais pas qu’il était tout à fait capable de cogner quelqu’un sans le faire exprès…
Je me penchais à nouveau vers le mec, qui nous regardais avec de grands yeux en larmes, et affichais un grand sourire.

« Salut mec, tu t’en remettra, tu verras… »

Je m’accroupis à mon tour et m’adressais à nouveau à Leonel.

« T’as vérifier son appartenance avant de t’exciter ? »

S’il s’agissait d’un Membre, les choses seraient plus compliquées. Mais vu sa façon de gémir et le fait qu’il ne se relève pas ni ne parle, je doutais fort qu’il soit Membre. S’il s’agissait d’un Soumis, ce serait déjà moins embêtant, mais embêtant quand même, surtout s’il venait d’un autre clan. Si c’était un Libre, alors il devait surement s’agir de la présence suspecte que je cherchais, et là nous n’avions plus qu'à mettre les choses au point avec lui sans nous inquiéter d’éventuelles représailles.

Fort heureusement, Leith ne tarda pas à répondre à l'appel de son frère et il débarqua à ses côtés comme un preux chevalier venant sauver sa princesse en danger. Sauf que Leonel n'était pas une princesse et, qu'en l’occurrence, c'était lui le danger pour le moment. Les sourcils froncés, il se tourna vers lui et lâcha une remarque qui poussa Leo à faire la moue. N'importe quoi, il n'était pas un boulet. S'il y avait un boulet, c'était bien le mec allongé par terre.

- Mais non, rien à voir ! Je te jure, il s'est cogné tout seul avec mon poing quasi, j'ai rien fait pour. Tu crois qu'il va porter plainte pour agression ?

Mais son jumeau ne lui prêtait quasiment aucune attention. Il semblait bien trop occupé avec le type au nez qui pissait le sang. Il n'était pas particulièrement sympathique avec lui, mais il tâchait de recoller les morceaux pour éviter les problèmes, comme à son habitude. Lorsqu'il posa une question à Leo, ce dernier mit un temps avant de comprendre que c'était à lui qu'on s'adressait. Il s'accroupit alors au côté de Leith et détailla le type avec suspicion.

- Ah ben non. Maintenant que tu le dis, j'ai oublié de lui demander.

Il se pencha sur l'homme et esquissa un sourire complice.

- Dis monsieur, t'es quoi ? Si tu réponds gentiment, promis, mon frère te fera pas de mal. Dans le cas contraire, il sera peut-être un peu moins gentil. Tu vois lui c'est le mauvais et moi je suis le gentil un peu con. Alors, tu préfères parler auquel ?

Leo essaya de se défendre, mais je l’écoutais à peine, même si je lui lançait tout de même un regard en coin à sa question, les sourcils froncés, avant de soupirer en levant les yeux au ciel. Porter plainte pour agression, n’importe quoi.

A ma question sur l’appartenance du type, Leonel mit un certain de temps avant de réagir. Je faillis me relever pour le faire redescendre sur terre, mais il finit par atterrir de lui-même et s’accroupi à côté de moi en répondant qu’il ne lui avait pas demandé. Mais il rattrapa bien vite le coup, se penchant sur le gars en souriant. Le regard de celui-ci passa de l’un à l’autre, perdu. Je ris à la façon dont mon frère présenta la situation et le poussais légèrement de l’épaule.

« Ben vas-y, fais-moi passé pour le méchant je dirais rien. C’est toi qui l’a frappé je te signale. »

Je rigolais bien sûr. Il n’avait pas tort dans les faits. Le gars fini par se relever et recula contre le mur, nous regardant en se frottant les yeux. Il devait surement penser s’être prit un sacré coup pour voir double, mais il gardait le silence, ouvrant et fermant la bouche sans qu’un son n’en sorte. Je me relevais avec nonchalance et fit un pas vers lui.

« T’as perdu ta langue ou quoi ? Il t’a posé une question, ce serait dans ton intérêt d’y répondre. »

J’avais repris mon sérieux et juchais l’homme qui pissait toujours du nez et qui n’arrivait toujours pas à savoir s’il rêvait ou non. Finalement, je lui attrapais le bras droit sans ménagement, puisqu’il ne semblait pas enclin à parler, et examinait rapidement son poignet, vierge. Comme je m’en doutais. Il n’était définitivement pas un Membre au vue de sa réaction. Je le relâchais et reculais vers mon frère pour essayer ma main sur lui. Si j’avais fait attention, j’avais quand même du sang dessus. Le nez, ça ne pardonne pas…

« Libre, et tu me l’a salopé. Bon, qu’est-ce qu’on en fait, tu veux achever le travail ? »

Je m’adressais à Leo en faisant à peine attention au gars. Nous devions juste mettre les choses au point, savoir ce qu’il faisait là et pourquoi, mais pour s’être prit un poing de la part de mon frère c’est qu’il s’était approché un peu trop prêt de lui, et là sa présence devenait réellement suspect…

- Mais chut, tu casses toute ma stratégie. Et après ça, on ose dire que c'est moi le boulet.

Leonel grommela en haussant les yeux au ciel. C'était du propre quand même. Et pendant ce temps, le Libre n'était bien sûr pas plus avancé. Il avait même l'air complètement à côté de ses pompes ce qui n'était peut-être pas si étonnant après le coup de poing qu'il venait de manger. Leo se demanda un instant s'il était possible d'avoir une commotion cérébrale après un choc au niveau du nez, mais il préféra ne pas poser la question pour éviter d'avoir l'air encore plus bête qu'il ne l'était déjà. En plus, il n'était même pas sûr que Leith le prendrait au sérieux. Il mettrait peut-être simplement cette question sur le compte d'une stupidité passagère alors que son interrogation était parfaitement sérieuse. Pendant qu'il réfléchissait, son jumeau se montrait toujours aussi pratique et continuait avec le mec. Il lui intima de répondre, mais ce dernier n'en fit rien, visiblement trop traumatisé pour penser à faire ce qui était dans son intérêt. Finalement, l'autre Patrouilleur vérifia par lui-même en attrapant le bras du gars. Cela révéla qu'il était bel et bien un Libre. Ah ben voilà, tout s'expliquait. Leonel resta pensif en hochant mécaniquement la tête, mais il réagit avec vigueur lorsqu'il sentit la main de son frère passer sur lui. Comme un chiot courant après sa queue, il tourna sur lui-même jusqu'à apercevoir la trace de sang sur son t-shirt.

- Non ! Mec, tu crains, j'étais propre !

Agacé d'avoir ainsi été utilisé comme un simple mouchoir, il poussa un peu son frangin.

- Tu me dois un t-shirt! En plus, c'était mon préféré. La couturière m'avait fait une petite broderie.

Il désigna la plume bleue qui marquait le tissu à hauteur du cœur.

- Marlène va être trop triste à cause de toi.

Une fois qu'il eut fini sa petite crise à propos de son vêtement, Leonel recommença à s'intéresser plus sérieusement au cas du Libre. Son frère parlait de finir le travail, mais par là, il voulait dire finir le travail ou finir le travail ? Il y avait une grosse différence entre les deux possibilités quand même. Après avoir sorti son revolver et relevé le chien, il haussa les épaules. Il n'en savait trop rien. Il pointa finalement l'arme vers la tête du Libre.

- Woh du calme.

Le Libre avait levé les mains en signe de paix et il avait commencé à reculer d'une façon assez pitoyable en poussant avec ses pieds pour ramper sur les fesses et ainsi reculer. Un peu perturbé par une telle réaction, Leo se gratta la tête avec le canon de son arme.

- Hé relax, je vais pas te tirer dessus. Mais vu que tu semblais t'intéresser à mon flingue, je me suis dit que j'allais te le montrer. Il est cool hein ? Enfin, c'est pas le mien, mais pendant que je patrouille c'est plus ou moins le cas.

Leo me rabroua sur le fait que je cassais toute sa stratégie. Quelle stratégie d'baord ? Le bon et le méchant flic ? Vu comment le type était paumé, je serait plutôt partis sur l'idée d'enfoncer encore plus la confusion, mais bon.

« Oh, désolé, j'oublie parfois qu'il t'arrive d'être stratège. »

Je ris de nouveau avant de reporter mon attention sur le blessé. Pendant ce temps là, mon frère dérivait de nouveau dans le méandre de ses pensées, et ce n'est que lorsque j'essayais ma main sur lui qu'il revins une nouvelle fois sur terre.

« Oh ça va, fais pas ta fillette. Un peu d'eau froide et il sera comme neuf ton t-shirt. D'ailleurs... c'est pas le miens ? »

Très sérieux, alors que je savais pertinemment que ce n'était pas mon vêtement, je m'abaissais en plissant les yeux vers la marque cousue au fil bleu.

« Ah non ça va, t'as de la chance. Je t'en aurais voulus si tu avais sali un de mes t-shirt en plus d'avoir amoché sans raison notre joujou du jour. »

Je gratifiais mon jumeau d'une petite tape dans le dos en retrouvant le sourire, appuyant ainsi sur la plaisanterie destinée à déstabiliser encore plus le Libre. Leo voulait que je sois le méchant flic ? Et bien j'allais l'être, à ma manière. Pourtant, Leonel me devança en pointant son arme sur le gars qui retrouva enfin sa langue.

« Miracle, il parle ! Et t'es pas fou toi ma parole ?! »

Mes derniers mots s'adressaient à mon frère, qui ne trouvait rien de plus intelligent que de pointer sont revolver armé sur lui-même. Et en plus il se tapais la causette avec le potentiel voleur ?!

Un long soupir s’échappa de mes lèvres, tout sourire disparu. J'attrapais le bras armé de Leo et pointais l'arme, toujours dans sa main, sur le Libre sans pour autant lui jeter un regard.

« Et je t'ai déjà dis de ne pas papoter avec les jouets. C'est moins drôle quand ils sont trop en confiance. »

Ben quoi, j'avais dis que je jouais le méchant là non ? Faire croire au Libre que nous comptions l'utiliser comme un pantin pour nous distraire me semblait être un bon scénario. Et pour ce qui était de la bêtise de Leo, détourner le canon m'avais suffis, pas besoin de s’éterniser là-dessus, j'aurais bien d'autres occasion de la rappeler à l'ordre de toute façon. Là tout de suite, je voyais une occasion de nous amuser !

Le brun roula des yeux avec agacement. Leith se moquait de lui et cela ne lui plaisait pas du tout. Bien sûr qu'il pouvait être stratège, il pouvait même dire qu'il était intelligent juste il le cachait contrairement à certains frimeurs. Son jumeau balança soudainement que la vie de son t-shirt serait sauvée avec un peu d'eau froide, mais Leonel n'en fut pas si convaincu. Il continua à fusiller l'autre du regard, marmonnant des paroles inintelligibles dans sa barbe. Son t-shirt ? Non, mais n'importe quoi ! Lui, il n'avait pas de supers vêtements customisés !

- Cause toujours, bouffon !

Leo étreignit son t-shirt dans un geste de protection et tenta de reculer, mais une tape dans le dos l'arrêta.

- Et si je l'avais pas amoché, ce serait pas notre joujou au cas où. T'es con aujourd'hui, frangin.

Le Libre semblait perdu dans toute cette histoire et Leonel ne pouvait pas lui en vouloir. Même lui s'était perdu en cours de route. Il se grattait donc négligemment la tempe quand Leith intervient avec force et lui tira le bras. Surpris, Leo le fixa sans comprendre. Ben quoi ? Il se laissa manipuler sans réfléchir et se retrouva à pointer le canon à nouveau sur l'inconnu, le doigt fort heureusement absent de la gâchette.

- Mais Leith, papoter ça fait partie du plaisir ! Tu pourras toujours t'amuser avec lui après. Pour parler, il faut qu'il soit en bon état. Et entier. T'as déjà vu quelqu'un parler sans sa langue ?

Leonel m'insulta, deux fois, ce qui lui valut un regard à la fois surpris et assassin. Et lorsqu'il affirma que papoter faisait partie du plaisir, je le lâchais un poussant un soupir agacé, levant les mains en signe de désespoir avant de les laisser retombées lourdement le long de mon corps. Mais ce n'était que de la comédie tout ça, un simple jeu visant à déstabiliser un maximum le voleur, qui d'ailleurs tentait de se faire la malle ?!

Attrapant le Libre, qui semblait avoir repris suffisamment ses esprits que pour essayer de se tirer à quatre patte l'air de rien, par le colle, je le relevais avec force et le repoussais contre le mur. C'est qu'il avait de l'audace le mec, l'air de rien.

« Et où est-ce que tu compte aller toi ? Mon frère te parle et toi tu te casse, comme ça ? Mais quel malpolis ! C'est pas le moment d'aller refaire ton bronzage mec. »

Me tournant vers Leo, tout en gardant une main au niveau du cou du gars pour le maintenir contre le mur, gars qui transpirait désormais de peur d'ailleurs, je sortit mon couteau et le fixais en pinçant les lèvres quelques secondes – couper la langue du gars n'aurait pas été très productif en effet... – avant de reprendre.

« Si t'as vraiment envie de le faire parler, demande lui ce qu'il comptais faire avant de se prendre un poing. »

Dommage que le mec n'était pas une fille, j'aurais pu jouer les phallocrate...

Leith était définitivement bougon aujourd'hui. Leonel se demanda un instant ce qu'il lui prenait, mais il abandonna rapidement l'idée et haussa simplement les épaules tout en observant les gestes agacés de son frère. Il était drôle quand il jouait les exaspérés. Jouer était le mot-clé. Il avait finalement compris quand il l'avait vu commencé à exagérer ses gestes. En fait, il était inutile qu'il réfléchisse avec son frère. Plus Leo le faisait, moins il le comprenait. Comme toujours, il fallait qu'il se laisse sentir les choses pour être dans le vrai et pour capter tout ce que les autres ne voyaient pas quand il regardait Leith. Le truc des jumeaux quoi. Avec tout ça, il ne constata pas le départ du Libre qui devait se dire qu'il valait mieux s'éloigner de ces deux drôles de débiles. Et il avait bien raison. Heureusement, comme toujours, Leith veillait au grain et il l'attrapa sans douceur. Le gars se retrouva déplacé comme un chiot par la peau du cou - aka son col - avant de heurter le mur. Il commença à lui faire la leçon sur son impolitesse et Leo jugea que c'était le moment idéal pour intervenir.

- Ouais ! En plus, tu as pensé à mes sentiments ? Ils souffrent quand on me snobe. Et si je souffre, mon frère, il risque de vouloir que tu souffres aussi. Tu vois le rapport ?

Comme si nous étions sur la même longueur d'onde - ce qui était le cas -, Leith sortit alors son couteau. Timing parfait ! Même si la suite était un peu moins maline. Non, mais pourquoi il voulait que le Libre réponde à cette question alors qu'ils connaissaient déjà la réponse ? Leo haussa les épaules et pointa le mec du doigt.

- Mais tu sais bien, il voulait me piquer mon flingue ! Tu dois faire les mauvais flics, mais inutile de forcer le rôle en te faisant passer pour un débile. Genre ce type va croire qu'on est deux rigolos et on va devoir le supprimer pour éviter qu'ils répandent la rumeur.

Leonel suivis le jeu en continuant sur la lancée du gentil flic, mais à sa dernière remarque je plissais les yeux en me retenant de le fusiller du regard. Il venait de me traité de débile là ? Heureusement pour lui qu’il avait fait passé ça pour du jeu, mais nous allions devoir remettre les choses au point une fois que nous en aurions fini avec le gars, gars que je maintenais toujours d’ailleurs et qui se rappela à moi en gigotant lorsque mon frère affirma qu’il allait falloir le supprimer. Me retournant vers le Libre, je levais de nouveau ma lame et la pointais au bout de son nez.

« C’est vrai que c’est le gentil flic qui est sencé passé pour le débile en fait. Mais bref, donc on l’élimine. Et puisqu’il voulait te piquer ton arme, à toi l’honneur férot. »

Le gars, qui louchais sur la pointe de mon couteau, releva les yeux vers Leo i vite qu’il se coupa lui-même. Je relachâis légèrement ma prise et me décalais un peu pour laisser la place à Loenel. J’avais retrouver le sourire, mais puisque je devais jouer les méchant, c’était un sourire mauvais que j’affichais.

Soudain, alors que je venais à peine de m’écarter, je fis mine de me souvenir de quelque chose.

« Oh attend, j’ai oublié un truc. »

Lâchant le Libre, je lui envoyais aussitôt un coup de poing dans le ventre qui le plia en deux et le fit tomber à genoux en gémissant.

« Ca, c’est pour avoir snober mon frère. »

Ce que Leith pouvait être désagréable quand il le voulait. Leo ne le prenait pas vraiment mal, ça ne le dérangeait pas de se faire traiter de débile. Les gens pouvaient bien penser ce qu'ils voulaient, lui savait qu'il n'était pas idiot. Il était juste un peu différent. Généralement, les gens prenaient ses remarques à côté de la plaque et ses côtés rêveurs pour de la débilité, mais ils se fourraient profondément le doigt dans l’œil. Ce n'était qu'un mot et les mots n'avaient que l'importance qu'on leur donnait. L'insulte roula donc au-dessus de sa tête sans faire de dégâts. En plus, ce n'était qu'un jeu. Jeu qui approchait de sa fin selon son frère. Dommage. Enfin, ce n'était pas comme s'il avait d'autres idées pour faire durer encore un peu le plaisir. Le gars en face était déjà suffisamment flippé vu qu'il en venait à se blesser tout seul. Leonel tira donc le chien de son arme et se prépara à viser, mais Leith cru bon d'intervenir à nouveau. Il venait de foutre un coup en plein dans le bide du type en guise de vengeance pour un vieux truc. Enfin un truc vieux de quelques minutes.

- Mec, c'était peut-être pas obligé si on le tue. D'ailleurs, pourquoi on le tue encore ?

Ce n'était pas de la connerie, juste du désintérêt. On pouvait avoir une mémoire formidable, mais quand il n'y avait pas d'intérêt, parfois tout s'effaçait directement. Il fallait bien faire de la place de temps en temps. Seulement la réponse lui revient presque aussitôt et il émit un sifflement dégoûté. Il venait encore de perdre une occasion de fermer sa gueule.

- Oh juste. Faut pas qu'il puisse répandre de rumeurs. C'est vrai qu'on est un peu trop reconnaissable avec nos deux faces similaires.

Maintenant qu'il avait sa raison, il n'avait pas besoin de plus. Leonel pointa son arme sur le crâne du Libre et tira sans éprouver de remords. Leith lui avait dit de tirer après tout.

Mon jumeau ne sembla pas approuver mon geste, mais ce fût surtout sa question qui me fit le regarder de travers. Sérieusement ?! Heureusement pour lui, il se rendit compte tout seul de sa « bêtise » et tira en pleine tête du Libre sans plus de cérémonie. L’autre n’avait clairement pas eu le temps de voir le coup venir, et je regardais le résultat en silence quelques instants, la tête légèrement penchée sur le côté, comme pour avoir un meilleur angle de vue. Après quelques secondes, je fini par hausser les épaule et passais un bras autour de celles de Leo.

« Bon, j’ai faim frérot, on va bouffer ? »

Pour le corps, je préviendrai un nettoyeur de sa position tout en faisant un rapport en bonne et due forme, avec juste quelques détails de modifiés… En fait, j’allais clairement arranger la scène pour que nous nous en sortions sans aucun problème. Après tout, il n’y avait pas de témoins, et ce n’était qu’un Libre qui s’en était prit à un Membre.

Entraînant mon frère avec moi, je jetais un dernier regard au corps effondré contre le mur et pinçais brièvement les lèvres. Le tire de Leonel m’avait tout de même surpris, presqu’autant que le gars surement… Mais bon, cette pensée s’effaça bien vite et je ris en me retournant vers Leo.

« Va quand même falloir qu’on revois notre numéro de flics, on était pas très synchro j’ai l’impression. »

Et c’était ma faute, ça j’en étais bien conscient… Je digérais clairement mal mon échec au test de la veille, mais je ne voulais pas en parler à mon jumeau, pas maintenant… car pour en parler il aurait fallut que j’explique ma réaction, et ça il s’avait très bien à quel point ce sujet était sensible… même s’il ne le comprenait pas…
Ce devait certainement être le seul point sur lequel nous n’étions pas sur la même longueur d’onde, et j’avais peur que ce seul point ne finisse par devenir un fossé… Alors autant éviter d’en parler, non ?

Ébouriffant les cheveux de Leonel en riant toujours, comme si de rien n’était, je fini par partir en courant en lui criant qu’il n’aurait plus rien à manger s’il ne se dépêchait pas, car je comptais bien tout manger !

Le tir n'avait été qu'un évènement lambda dans la journée de Leonel. Si on lui avait demandé, il n'aurait sûrement pas su dire depuis quand il lui était devenu si facile de tuer quelqu'un. Il n'avait jamais été particulièrement affecté par la mort, mais c'était aujourd'hui encore pire. Ce n'était qu'un détail, un geste aussi anodin que celui de lacer ses chaussures. Aussi quand il sentit le bras de Leith sur ses épaules et que celui-ci lui proposa d'aller manger, il ne s'en offusqua pas. Il posa juste la main sur son estomac en pensant que lui aussi il avait une petite faim. Leur garde était finie, il était enfin temps de s'amuser. Mais son frère reparla sérieusement à propos de leurs actions et Leo poussa un soupir. C'est vrai qu'ils n'avaient pas été très opérationnels. Comprenant le trouble de son jumeau, il rigola un peu.

- On peut pas être exceptionnels tous les jours, frangin. Parfois, même nous on a besoin de repos.

Leith passa vite à autre chose et il se mit à courir en lançant qu'il allait tout manger. Leo oublia donc et il lui couru après. C'était après tout une journée comme les autres.