Don't get too close
PV Ezekiel - Jour 3

Cette nuit comme les trois précédentes, le QG restait calme. Quelques bruits provenaient bien des étages où la majorité des Membres dormaient, mais il n'y avait ni cris, ni coups de feu. Le cauchemar était fini. Malgré le calme qu'elle affichait en journée, Noâ ne parvenait pas à quitter son état de vigilance. La rébellion avait pu se produire car elle avait été trop confiante et désormais elle était bien incapable de dire à son corps de cesser d'être en alerte. Faute de réussir à dormir, elle errait dans le bâtiment, veillant sur ce clan qu'elle avait bien faillit perdre. Cette attitude n'allait pas l'aider à tenir la course de longue haleine qui s'annonçait, mais elle ne voulait plus perdre le contrôle. Elle ne voulait plus laisser une menace comme Abel se développer sous ses yeux sans qu'elle ne le remarque réellement. Elle ne voulait plus ressentir cette cuisante humiliation après avoir été mise en défaut de la sorte. Mais surtout, elle ne voulait plus porter le poids de la culpabilité parce qu'elle avait été incapable de protéger ces dizaines de personnes qui avaient mis leurs vies entre ses mains en devenant des Jaguars.

Un soupir quitta ses lèvres. La moitié de la nuit s'était déjà écoulée et l'ennui était bien trop favorable à la morosité. Quittant le palier du premier étage où elle était assisse, elle descendit lentement les marches. Il fallait qu'elle se change les idées. La veille, elle était partie se balader au-delà des frontières et elle avait fait une rencontre qui s'était avérée intéressante, mais elle ne voulait pas quitter le quartier général aujourd'hui. En arrivant au rez-de-chaussée, elle effectua un tour sur elle-même pour vérifier le hall avant de s'engouffrer dans le couloir menant à l'armurerie. Quelques tirs d'entraînement ne pouvaient pas lui faire de mal. En passant dans les anciennes cuisines, elle récupéra un deuxième chargeur et, après un bref salut à l'attention de Peacemaker qui travaillait comme à son habitude, elle se glissa par la trappe donnant sur les sous-sols.

L'escalier grinça légèrement lorsqu'elle passa sur la marche du milieu, mais le reste de la descente fut silencieuse. L'air été chargé d'une légère odeur de pain et de quelques autres parfums qu'elle peinait à identifier, elle ignora pourtant le faible grognement de son estomac et laissa les cuisines derrière elles pour s'enfoncer plus encore et atterrir dans la salle d'entraînement. Elle était vide et, même si elle aurait apprécié de voir l'un de ses Membres s'entraîner, elle en fut soulagé. Elle n'était pas d'humeur à badiner. S'armant de patience, elle actionna l'interrupteur à plusieurs reprises jusqu'à entendre un léger crépitement. L'obscurité fut lentement chassée par les ampoules qui pendaient du plafond aux bouts de fils nus et elle pu aller s'occuper des poulies pour mettre les cibles en place. Le pistolet n'était pas son arme favorite, mais elle respectait son pouvoir destructeur et s'était toujours appliquée à la maîtriser. En plus, elle serait précieuse en attendant qu'elle se soit complètement remise. Ses blessures n'étaient pas très graves, mais elle devait laisser le temps à son corps de se remettre si elle ne voulait pas les aggraver. Si la théorie était facile, la pratique un peu moins. Elle tentait pourtant de faire des efforts et voilà pourquoi elle s'était résolue à ne pas s'essayer au corps à corps pour le moment.

Après quelques pas pour s'éloigner des cibles, elle récupéra son arme qu'elle avait coincé dans sa ceinture et se mit en position. Elle ne prit qu'une seconde pour viser avant de presser la détente et le regretta amèrement en voyant la balle frôler l'épaisse plaque en bois. Devant le constat d'un si piètre résultat, ses lèvres se pincèrent. Son bras droit tressautait sous la douleur diffusée par son épaule blessée, il n'y avait en soi rien d'étonnant à ce qu'elle ait loupé son coup. Assurant sa visée de sa deuxième main, elle prit un peu plus de temps et tira un second coup. Cette fois, la cible fut percutée, mais elle était encore loin de ses performances habituelles.

- Je fais pitié...

Frustrée, elle laissa ses bras retomber trop vite le long de son corps ce qui fit naître une nouvelle décharge. Luttant contre cette douleur, elle étreignit son épaule d'une main et serra les dents. Elle avait besoin de se remettre rapidement. Elle ne voulait plus jamais endurer la même faiblesse ressentie des mois plus tôt avant la saison Aride. Un bruit derrière elle attira soudain son attention, la forçant à quitter ses souvenirs, et elle pivota rapidement, ignorant cette fois le mal alors qu'elle tenait en joug ce potentiel ennemi.

Don't get to cloose ΨParalyzed, I’m caught in the headlights unexpected but it feels like you already know. What you’re doing to me ? You’re a hit and I’m addicted couldn’t quit you if I wanted. But I don’t ever wanna turn away. One look and I’m frozen. I lose track of time. You move in slow motion and I can’t close my eyes. Takin all of my attention but I don’t want you to stop it. You keep me watching.

Ezekiel était un gardien. Faire attention aux autres et les protéger faisaient partie de son caractère. De son identité même. Suite à la rébellion, il avait donc enfuit toutes ses craintes et ses doutes au fond de lui de façon à prendre soin des siens. Il était resté attentif sans pour autant se montrer trop pressent à la manière d'une entité proche et rassurante. Il faisait savoir qu'il était là en cas de besoin, mais il évitait généralement d'intervenir auprès de quelqu'un s'il n'avait pas personnellement demandé de l'aide, une épaule pour le soutenir ou simplement une oreille pour l'écouter. Il distribuait aussi quelques conseils à l'occasion, conseils qu'il espérait avisés. Zeke savait néanmoins qu'il y avait des personnalités bien incapables d'admettre avoir besoin de qui que ce soit. Noâ était de ce fait la source principale de son inquiétude. Depuis l'aube du premier jour, elle se démenait pour les Jaguars. Elle montrait à son clan et aux autres l'image d'une Chef forte et stable qu'il serait bien mal avisé d'attaquer de front. Les Jaguars avaient beaucoup soufferts et certains craignaient qu'ils seraient désormais à la merci des Dragons du Nord, mais Noâ s'appliquait à effacer par ses actions et sa prestance la faiblesse de ses frontières. Zeke se doutait pourtant que derrière cette façade, elle n'était pas si équilibrée. Il la connaissait. Il savait que sa colère pouvait être destructrice et elle n'avait pas encore rugit à l'encontre de ceux qui s'étaient attaqués à son clan. Il ne trouvait pas cela normal. Il craignait même de la voir craquer à un moment malvenu si elle continuait à garder en elle toute cette rancœur. Et puis, il la savait blessée sans connaître la réelle gravité de ses plaies.

Depuis l'attaque, l'Ancien n'avait guère eu l'occasion de la voir. Il la croisait de temps en temps dans les couloirs du QG ou lorsqu'elle visitait un coin du territoire pour faire le point sur les réparations, mais cela s'arrêtait là. Elle lui semblait inaccessible et il détestait ça. Alors il avait fini par la suivre. Comme un idiot, il l'observait sans oser aller lui parler. Zeke avait peur qu'elle pense qu'il lui faisait la morale, il ne voulait en aucun cas qu'elle ait l'impression qu'il voulait lui dicter sa vie. Au fond, la seule chose qu'il souhaitait était qu'elle prenne soin d'elle. Ou à défaut d'y arriver, qu'elle laisse quelqu'un le faire à sa place.

Une nuit, Ezekiel l'avait longuement regardé. Elle montait la garde dans le quartier général. Noâ était attentive à chaque bruit et il avait bien cru s'être fait remarqué plus d'une fois, mais à chaque fois il avait réussi à se camoufler juste à temps. Heureusement pour lui, le QG était grand et offrait beaucoup d'ombres pour se cacher.

« - Va dormir, Noâ, il il est tard. Il avait murmuré ces mots pour lui-même, mais ce fut comme si la blonde les avait entendu car elle se leva. Au lieu de monter, elle descendit néanmoins ce qui arracha un sifflement mécontent à Zeke. Où est-ce que tu vas encore ? »

Noâ lui fit une belle frayeur en vérifiant encore les étages, mais il se savait bien à l'abri et il ne bougea pas d'un millimètre. Il cessa même presque de respirer jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision. Elle avait dut s'enfoncer dans un couloir. Le plus silencieusement possible, le Jaguar se hâta de descendre les escaliers pour la suivre. Il arriva juste à temps pour la voir s'infiltrer dans l'armurerie. Les sourcils de Zeke se froncèrent instantanément. Il ne comprenait pas ce qu'elle allait bien pouvoir faire là-bas à une telle heure. Devant la porte, il attendit quelques instants avant de s'engager dans la pièce lui aussi. Noâ ne s'y trouvait pas. Décidément, elle devait avoir passé un brevet en matière de disparition instantanée. Peacemaker leva la tête de son ouvrage et il lui lança un regard peu avenant. Zeke, assez mal à l'aise, passa la main dans sa nuque et bégaya quelques mots.

« - Désolé pour le dérangement. Je ne fais que passer. »

Il n'avait jamais été très à l'aise avec cet homme à l'allure patibulaire. Peu désireux de rester plus longtemps en sa compagnie, Ezekiel s'empressa de passer par la trappe menant aux caves. Noâ n'avait pas pu disparaître, c'était en plus la seule issue depuis l'armurerie d'après ce qu'il savait.

Sa rencontre avec Peacemaker poussa Zeke à se montrer un peu moins prudent. Il s'enfonça dans la pénombre des sous-sols jusqu'à parvenir au dernier sous-sol illuminé. Noâ venait s'entraîner, voilà la raison de son périple ici. Zeke retient difficilement un grognement mécontent. C'était une très mauvaise idée.

Le claquement d'une balle le fit soudainement sursauté et il fit plus de bruit encore, révélant ainsi sa présence déjà peu discrète. Noâ le menaçait désormais de son arme, bien inconsciente de la personne sur qui elle la pointait. Zeke déglutit avec une certaine difficulté avant de lever les mains en l'air en signe de paix. Il s'avança ensuite de façon à se trouver dans la lumière.

« - Je plaide coupable Chef, je te suivais. Il sourit, légèrement moqueur, avant de continuer. Maintenant, je vais baisser les bras si tu le permet. Cette position est parfaitement inconfortable. »

Zeke s'exécuta donc et glissa les mains dans les poches de son pantalon. Il ne se sentait pas menacé par elle et il voulait qu'elle le comprenne bien. Il fit quelques pas supplémentaires pour se rapprocher d'elle, puis jeta un rapide regard vers la cible. Le point d'impact de la balle était encore bien visible et il ne put s'empêcher de penser que le résultat était bien en dessous des habituels tirs de son amie. Ses yeux revinrent donc vers elle pour se poser sur son épaule. Depuis le début, il lui avait semblé qu'elle en souffrait, mais il n'en avait jamais eu la certitude. Zeke fit encore deux pas pour se retrouver contre elle. Il la dépassait en carrure et en taille, et profita pour une fois de cet avantage pour saisir son épaule valide avant de tirer sur son col pour dégager l'épaule qu'il supposait blessée. En voyant le bandage, il eut la certitude qu'il attendait. Cette vision fit naître en lui un énervement causé par l'inquiétude. Cela ne pouvait plus durer.

« - Quand apprendras-tu à parler ? Nous ne sommes pas des animaux sauvages, il est inutile de se cacher pour lécher tes blessures. Sa voix était coléreuse. C'était la première fois qu'il lui parlait de cette façon. - Est-ce que je ne suis pas suffisamment digne de confiance ? Que tu ne le dises pas aux autres, je peux le comprendre, mais pourquoi me l'as-tu caché ? »

Profitant de sa proximité, Zeke la serra fort dans ses bras. Ces derniers jours, il s'était terriblement inquiété pour elle. Une inquiétude vaine et stupide qui aurait pu être contrôlée si elle avait simplement daigné lui parler. Il s'écarta un instant pour la regarder. Le regard qu'il lui lança était perdu, exempt de toute colère et sa voix se calma peu à peu à son tour.

« - Tu n'as pas besoin de tout endurer seule. Je suis là. Moi, je suis juste devant toi. »

Un poussée de culpabilité monta en lui. En disant cela, Zeke avait pensé à Adrian et il s'en voulu aussitôt d'avoir dit ça. Adrian n'avait pas choisi de ne pas être là, elle l'avait repoussé. Malgré tout, elle continuait de penser à lui, il en était certain. Zeke aurait voulu lui en parler. Il aurait voulu savoir ce qu'elle pensait exactement du retour de la Troupe à Paris, mais il n'osait pas. Il avait peur en réalité d'entendre les réponses à toutes les questions qu'il se posait. Alors elles continuaient de le ronger, comme d'habitude.

Le pistolet tremblait légèrement. Alors qu'elle le tenait d'une main, l'autre maintenant toujours son épaule, Noâ se fit la réflexion qu'elle ne tromperait personne. Au vu des tirs qu'elle avait effectué, elle pouvait dire que ses chances de réussir à toucher la personne camouflée dans l'ombre étaient quasiment nulles. L'urgence de la situation la força à réfléchir à une solution de repli et elle se tenait prête à récupérer sa lame à sa ceinture alors même qu'elle ignorait si la présence était amie ou ennemie. Cette vigilance bien trop accrue n'avait rien de positive et la pousserait à long terme à faire des erreurs. A court terme, elle l'épuiserait progressivement et réduirait encore sa capacité à maîtriser les éléments qui l'entouraient. Aucun doute, elle était sur une pente glissante. Cette réflexion s'insinua plus encore dans son esprit quand elle vu Ezekiel qui s'avançait vers elle, les mains en l'air. Elle braquait une arme sur l'une des personnes en qui elle avait le plus confiance, si ça ce n'était pas de la paranoïa. Mécaniquement, elle baissa le fusil et remit le cran alors même qu'il parlait. Il l'avait suivie. Pourquoi ? Elle n'eut même pas le temps de lui poser la question, le jeune homme continuant avec une décontraction qui l'irrita légèrement. Bêtement, elle resta immobile à le regarder bouger. Elle n'avait pas envie de jouer, elle voulait juste être seule, mais elle ne se voyait pas le congédier simplement. Elle le regretta pourtant quand elle le vit jeter un œil sur la cible avant de poser sur son épaule un regard évocateur. Il savait. Ou du moins, il s'en doutait.

Quand il combla la distance entre eux, elle accueillit sa soudaine proximité d'un regard mauvais. Même si c'était lui et qu'elle lui faisait confiance, elle n'aimait pas la façon dont il s'était approché. Son instinct se révéla d'ailleurs particulièrement clairvoyant. Sans lui demander son avis, il lui empoigna le bras et découvrit son épaule blessée. Elle l'avait connu plus délicat et cette impression se renforça plus encore par la suite. Zeke était hors de lui et cette constations la glaça. C'était la première fois qu'elle le voyait se comporter de cette façon et son temps de réaction s'avéra considérablement ralenti par la surprise.

- Zeke... Je...

Le brun la déroutait au plus haut point. Son énervement était si surprenant qu'elle n'en tient même pas rigueur et resta maladroitement dans ses bras. En réalité, cette étreinte n'avait rien d'agréable, elle lui faisait mal et un malaise nouveau s'était glissé entre eux. Ezekiel n'était vraiment pas comme d'habitude. Pourquoi tout devait-il exploser autour d'elle ces derniers temps ? Elle voulu se révolter, mais elle n'en eut pas la force. Il tenait les rennes de cette échange étrange, mais il ne la forçait pas à adopter une position soumise pour autant. Ils étaient comme sur un pied d'égalité. Peut-être était-ce pour ça qu'elle ne ressentait pas le besoin extrême de le repousser. Et puis, il était redevenu le Zeke qu'elle connaissait et elle pu aisément se perdre dans ses yeux verts. Elle l'avait blessé. Elle avait fait une erreur en se comportant avec lui de cette façon, elle le savait. Depuis la rébellion, elle le tenait à distance comme elle tenait tous les autres à distance, alors qu'il était différent, justement. Elle ne lui avait jamais rien caché, alors commencer maintenant était stupide. Étrangement coupable, elle s'écarta un peu de lui et esquissa un geste pour remettre son arme à sa ceinture, mais elle s'arrêta et fixa le pistolet avec lassitude.

- Je ne supporte pas cette faiblesse. Je suis leur Chef, je dois les protéger. J'aurais dû le faire.

Elle lâcha un rire sec qu'elle s'adressait à elle-même. Elle n'avait jamais été le genre de femme qui voulait protéger à tout prix. Elle savait qu'un bon Chef devait aussi se reposer sur ses Hommes, que c'était eux qui constituaient sa force, mais elle avait eu la fâcheuse tendance de l'oublier ces derniers temps par orgueil. Parce qu'elle ne supportait tout simplement pas d'avoir tant perdu à cause d'Abel. D'une certaine façon, à cause de Joshua aussi, encore une fois. Cela faisait dix ans qu'il avait révolutionné son existence sous le coup d'un caprice et elle ne savait toujours pas s'il ne lui restait pas un fond de regret. C'était un regret risible au vu de la vie qu'elle avait quitté pour celle qu'elle avait trouvé et s'était bâtie ici, mais il existait bien, minuscule et vicieux dans un coin de son cœur.

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Ezekiel outrepassait les bornes et il le savait. Pourtant, il était incapable de rester à la place qui était supposément censée être la sienne. Il désirait plus. Depuis la rébellion, un nouvel événement qui avait bien failli lui coûter la vie, il n'était plus capable de se contenter de ce qu'il avait. Son existence était exposée à un nombre incalculable de risques et il lui était impossible de savoir si la maladie ne le rattraperait pas demain. Ses réflexions d'abord hasardeuses s'étaient affermies. Il se rendait désormais compte qu'il allait devoir aller chercher son propre bonheur s'il désirait être heureux. C'était une chose que sa vie chez les Jaguars du Sud sous la tutelle de Noâ lui avait apprise : chacun avait droit à la joie simple de savourer sa propre vie en ménageant ses décisions. Il avait eu besoin de beaucoup de temps pour le comprendre, mais il savait désormais. Même lui méritait d'éprouver le plaisir d'une existence remplie d'amour. Et son amour, c'était elle. C'était Noâ. Durant des années, il avait ignoré ses sentiments car il avait jugé que l'aimer était une trahison pour Adrian. Mais il n'avait jamais cherché à éprouver cet amour. Il lui était tombé dessus. Il avait quitté la Troupe et avait cherché à rejoindre les Jaguars en espérant rassurer son meilleur ami, pour qu'il sache qu'elle avait un allié dans ce clan si dangereux à l'époque, mais Noâ n'avait besoin de personne. Pourtant, il était resté. Il s'était rapproché d'elle et était devenu un pilier sur lequel elle pourrait compter si le besoin s'en faisait ressentir. Au final, c'était elle qui était devenu son pilier. Elle était sa Chef, son amie, mais aussi l'une des personnes qui comptait le plus au monde pour lui. Adrian jugerait peut-être qu'il l'avait trahi, mais Zeke avait décidé d'accepter la culpabilité. Il vivrait avec. Noâ avait fait son choix dix ans plus tôt. Il était temps pour Ezekiel de faire le sien. Face au plus cruel dilemme de toute son existence, il choisissait l'amour. Même si celui-ci ne devait pas lui être retourné, il aurait au moins la satisfaction d'avoir été au bout de ce que lui dictait son cœur.

Noâ paraissait troublée. En la sentant si tendue contre lui, Ezekiel se rendit compte qu'il se comportait d'une façon étrange. Pendant que les pensées se bousculaient dans son esprit, il l'avait serré trop fort et s'était montré trop brusque. Son propre comportement le dégoûta et il tâcha de se reprendre. S'énerver contre elle était probablement la pire idée du siècle. Il s'étonna d'ailleurs qu'elle ne l'ait pas remis froidement à sa place. Il fallait croire que Noâ non plus n'était pas exactement elle-même ce soir. Une partie de son armure semblait baissée comme si elle lui laissait un peu de champ libre pour l'aider. Elle s'éloigna de lui, mais la distance n'était que physique. Elle s'était contenté de reculer pour parler. Le fait qu'elle ne se soit pas refermée soulagea Zeke qui se permit un sourire tendre. Quant la voix de Noâ brisa le silence du sous-sol, il n'éprouva  par contre plus le besoin de sourire. Ses lèvres tracèrent une mince ligne sur son visage et il la fixa avec inquiétude. Noâ avait l'air désemparé et semblait porter une lourde charge de culpabilité sur ses épaules qu'il trouva terriblement frêles aujourd'hui. Avec douceur, Zeke posa une main sur la sienne et enserra l'arme de la deuxième.

« - Tu les as protégé. Noâ, ils sont des centaines à avoir survécus. Les Jaguars étaient faibles, mais tu les as rendus forts. Cette épreuve le prouvera à tout ceux qui voudront encore s'en prendre à nous. Le cœur du clan bat. Il pulse avec puissance. »

Ezekiel croyait profondément en ses paroles. Naturellement, il aurait voulu que chaque Jaguar puisse être sauvé, mais le passé ne pouvait pas être changé. Il était certain que Noâ avait fait tout ce qu'elle pouvait pour son clan.

« - Même les Chefs ont leurs limites. Tu n'as pas a avoir honte d'avoir trouvé les tiennes au cours d'un affrontement pareil. »

Lentement, l'Ancien la fit lâcher son pistolet qu'il glissa à sa ceinture. Lorsque ce fut chose faite, il se permit de passer un bras autour de sa taille et attira Noâ contre lui. Il la serrait fermement d'une main, l'autre passant dans ses mèches blondes en un geste pour la rassurer. Il n'aimait pas la voir comme ça, mais il savait d'expérience que les émotions avaient besoin de sortir à un moment ou à un autre. L'instant lui semblait propice pour se faire.

« - Shhh. Tu peux arrêter d'être Chef durant quelques instants pour être juste une Jaguar qui a perdu les siens. Personne ne t'en voudra tu sais. »

Ezekiel glissa sa bouche sur son front et vient embrasser sa tempe avec douceur. Même si elle essayait de le repousser, il n'était pas sûr de réussir à la lâcher. Pas alors qu'il la sentait si fragile.

Zeke avait toujours eu en lui cette capacité à faire céder ses barrières. Lorsqu'ils faisaient encore partie de la Troupe, ils n'avaient jamais eu réellement l'occasion de se rapprocher, mais ils avaient fait du chemin chez les Jaguars. Il était profondément gentil et il avait été là au moment où elle avait eu besoin de quelqu'un bien des années plus tôt. Leur relation était partie de là. Avoir Zeke à ses côtés, c'était conserver un morceau de sa vie passée et une trace de celle qu'elle était avant. Elle avait donc toujours eu sensiblement moins de mal à se montrer faible face à lui parce qu'il l'avait connu lorsqu'elle n'était pas encore la femme qu'elle était aujourd'hui. En sentant la chaleur de la paume de l'homme sur sa main, elle ne bougea donc pas. Pas plus qu'elle ne chercha à se dégager alors qu'il empoignait son arme. Il pouvait bien la prendre, elle ne lui était d'aucune utilité. Par contre, elle ne pu s'empêcher de se rebiffer un peu en l'entendant.

- Ce n'est pas assez ! Cette nuit, ils devraient tous être en train de dormir paisiblement et à la place de ça, ils sont morts. Morts ! Des dizaines de corps refroidis par ma faute.

Elle s'en voulait beaucoup trop. Noâ savait pertinemment que cette attitude ne lui réussirait pas, mais elle ne parvenait pas à se débarrasser de cette culpabilité. Chaque visage déformé par la tristesse qu'elle croisait était un cruel rappel. Une lame de plus enfoncée dans son cœur de Chef. Malgré tout, Zeke continuait de la sécuriser. Ses paroles étaient un baume qui l'apaisait un peu, mais cela n'arrangeait rien. Au petit matin, la sensation serait revenue. Ce n'était pas le genre d'événement qui s'oubliait en l'espace de quelques jours. Cette rébellion la marquerait pour le restant de sa vie, elle en avait la quasi certitude. Quand l'Ancien l'attira contre elle, la blonde se laissa maladroitement faire. Elle le laissait l'enlacer, la toucher, mais elle était bien incapable de lui rendre son geste. Alors, elle restait là, les bras le long du corps.

- Ce n'est pas si simple...

Noâ se mordilla la lèvre avec amertume. Il n'y avait pas de bouton pause. Elle ne pouvait pas soudainement décider de ne plus être Chef. C'était ce qu'elle était, elle avait ça en elle depuis six ans déjà. Elle ne voyait donc vraiment pas comment elle était censé arrêter d'être Chef. La voix chuchotante de Zeke, la douceur de son baiser sur sa tempe et la caresse dans ses cheveux faisaient pourtant effet. Elle se détendait un peu, se laissant progressivement aller contre lui alors que quelques minutes plus tôt, elle était tendue comme la corde d'un arc.

- Je ne sais pas quoi faire.

Honteuse, elle enfouit son visage contre le torse du brun. Son aveu ne lui plaisait pas, mais c'était la vérité. Elle ne savait pas comment aider au mieux le clan car la rébellion avait tout bousculée. Ce qui était en soi une bonne et une mauvaise chose. Des idées, elle en avait bien, naturellement, mais elle avait peur qu'elles soient trop guidées par les sentiments qui s'agitaient en elle. Colère, rancœur, tristesse, inquiétude,... C'était un bien mauvais mélange qui pouvait s'avérer trompeur.

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Ezekiel ne supportait pas cette situation. Il ne supportait pas de voir Noâ dans cet état et il aurait donné tout ce qu'il avait pour porter avec elle ne serait-ce qu'une infime partie de la culpabilité qu'elle ressentait. Pour elle, il y avait bien des choses que Zeke aurait pu abandonner. La seule limite étant sûrement son humanité. Jamais il n'aurait accepté de devenir un monstre pour elle car cela l'aurait arraché de façon définitive à cette personne qu'il voulait justement protéger. Choisir la noirceur n'était pas une solution, c'était même à ses yeux le début de la fin.

« - Non. Ne dis pas ça. Les rebelles sont les coupables. Ce sont eux qui les ont tués, pas toi. »

Une pensée éclaira l'esprit de l'Ancien. Il y avait une chose qu'il aurait pu dire pour l'aider. Une chose d'apparence facile, mais qui aurait demandé un sacrifice. Après une courte réflexion, Zeke décida de garder cette pensée pour lui. Il ne pouvait pas lui dire qu'elle avait eu raison de châtier Abel. Certes, il était le coupable, mais il restait persuadé que Noâ avait fait une erreur en lui imposant une telle punition avant de le tuer. Alors même si lui donner raison aurait pu la soulager un peu, il se tut. Il ne voulait pas lui mentir sur un point de vue aussi important.

Ezekiel n'en était pas certain, mais il avait la sensation qu'elle se calmait. Noâ avait accepté qu'il la prenne dans ses bras et il pouvait désormais la serrer contre lui pour lui apporter un peu de réconfort. Ça n'avait peut-être l'air de rien, mais c'était beaucoup pour lui. Zeke se sentait moins inutile. Il avait enfin la sensation de pouvoir agir, même de façon minime, dans le but de la soutenir. La blonde avait accepté de le laisser entrer dans son monde et c'était une victoire. Elle se reposait sur lui. Même si ce n'était qu'une seconde, ils venaient de faire un pas en avant. Ezekiel eut un sourire teinté de tristesse. Comment était-il possible d'éprouver deux sentiments aussi divergents que la joie et la tristesse au même instant ? Doucement, il resserra un peu son étreinte et déposa un baiser au sommet de la tête de Noâ.

« - Je suis certain que tu vas trouver. Il avait voulu dire nous, mais il avait eu peur qu'elle ressente ça comme un pas de trop sur son territoire. Je t'aiderais. Du mieux que je peux. Tu peux compter sur moi Noâ. Et sur pleins d'autres gens. Je suis sûr que de nombreuses personnes n'attendent qu'un geste de ta part pour t'épauler. »

Les mains de Ezekiel glissèrent lentement dans son dos. Elles remontèrent de longs des bras de la Chef, se posèrent un instant sur sur ses épaules pour l'écarter, puis pressèrent ses joues. En la maintenant comme ça, il pouvait enfin la regarder dans les yeux. Il pouvait aussi étudier son visage marqué par la fatigue et l'anxiété.

« - Tu as besoin d'énergie si tu veux contre-attaquer. La première étape, c'est de dormir. Ou au moins de t'allonger un peu pour que ton corps puisse récupérer. A force de t'épuiser comme tu le fais, tu ne seras plus capable d'aider les Jaguars. Ils ont besoin de toi en forme. »

Peut-être que Noâ lui dirait qu'il pouvait garder ses conseils pour lui. C'était une possibilité, mais Zeke avait eu besoin de le dire. Il n'aurait pas été un bon ami s'il n'avait pas sous-entendu qu'elle avait une tête de déterrée et qu'elle devait dormir.

Tous les arguments du monde n'auraient pas su la convaincre. Ce que disait Zeke était bien sûr vrai, mais à ça Noâ aurait pu répliquer qu'elle avait permis aux rebelles de s’infiltrer sur le territoire. Que si elle avait été plus attentive, jamais ils n'auraient réussi leur percée. Pourtant, elle ne le dit pas. Elle feignit de s'être laissée convaincre et resta silencieuse. Débattre de tout ça avec Ezekiel était inutile. L'un comme l'autre, ils n'étaient pas prêt à en démordre à ce propos. Et elle n'avait aucune envie de se prendre la tête avec lui à cette heure tardive alors qu'elle était exténuée et sous pression. A la place, elle choisit la solution de facilité en lui laissant une marche de manœuvre qu'elle jugeait raisonnable. Même s'ils n'étaient pas des amis très tactiles, il était déjà arrivé à Zeke de la prendre dans ses bras, mais jamais il ne l'avait fait comme ça. Elle avait la sensation qu'il cherchait à la protéger dans cette étreinte. Il le faisait sans être étouffant comme Adrian avait parfois pu l'être. Il voulait l'épauler et non devenir un bouclier. C'était une chose qui lui avait toujours semblé claire avec Ezekiel. Il ne la jugeait pas faible, jamais. Il semblait savoir qu'elle était parfaitement capable de se débrouiller toute seule, mais il lui ouvrait la possibilité de choisir de se laisser aider. Il lui faisait savoir qu'il pouvait la soutenir si elle le désirait et seulement si elle le désirait. Prévenant, c'était ce qu'il était. Sûrement sa qualité principale en plus de son humanité et sa gentillesse sans bornes. Trop de choses qui manquaient encore parfois à Noâ. Elle avait assurément été dotée de ces qualités un jour, mais Joshua s'était appliqué à les enfuir et elles peinaient parfois encore à refaire surface. Joshua. Depuis la rébellion, ce dernier était un peu trop présent dans ses pensées. Son fantôme semblait rodé autour d'elle. C'était son souvenir qui la hantait qui avait déclenché sa première nuit d'insomnie. Ivre de fatigue, elle avait sombré, mais il ne s'était quasiment pas écoulé de temps avant qu'elle ne se réveille en sursaut, le corps ruisselant de transpiration et la respiration saccadée. Après ça, elle avait été incapable de fermer l’œil et elle avait commencé à veiller pour lutter contre deux spectres : celui de la rébellion et celui de son prédécesseur.

Dans les bras de Ezekiel, elle était toujours aussi coincée. Alors que lui redoublait de douceur, elle s'avérait toujours incapable de faire un geste vers lui. Malgré tout, elle se sentait bien contre lui. Et c'était bien ça le plus déroutant. Pourquoi rester bêtement les bras ballants alors qu'elle appréciait ce contact et qu'il aurait été si facile de lui rendre son étreinte ? Il n'était pas Adrian. Il ne verrait pas là une invitation à aller plus loin ou un signe de faiblesse. Elle le croyait du moins. Heureusement, Zeke ne s'en formalisait pas. Et il était toujours d'aussi bons conseils. Elle retrouvait ce premier Second qui l'avait bien aidé à redresser le clan. Encore une fois, elle resta silencieuse. Elle n'était plus vraiment certaine d'avoir envie de parler de tout ça. Elle préférait rester avec la tête enfouie dans les vêtements de Zeke, à feindre qu'elle n'avait rien entendu. Comment lui expliquer qu'elle ne se sentait pour l'heure pas apte à demander de l'aide ? Qu'elle avait d'abord besoin de retrouver sa propre force avant de pouvoir réellement se reposer sur les siens ? Elle ne pensait pas qu'il pourrait la comprendre. Trop rapidement, il la priva de son moment de fuite. Pour atteindre son visage, les mains de Zeke n'avaient pas choisis le chemin le plus court et elle aurait dû s'inquiéter de le découvrir si tactile, mais lorsqu'elle se retrouva confronté à son regard alors que son corps frémissait encore, elle fut bien incapable de manifester un quelconque mécontentement. Était-elle vraiment mécontente de toute façon ? Non. Elle était juste complètement paumée. Et actuellement sous le charme du regard vert de Zeke.

- Tout ce que tu voudras.

Une minute. Est-ce qu'elle venait vraiment de dire ça ? Le cœur de Noâ manqua un battement avant de partir au galop. C'était un peu tendancieux non ? Et tout ça à cause des yeux de cet imbécile qui décidément étaient superbes même sous le mauvais éclairage de la salle d'entraînement. Et puis, il y avait ses paumes brûlantes sur ses joues. Jugeant qu'il était plus préférable de se détourner, la blonde s'écarta doucement et fit un pas de côté.

- Euh... Enfin... Je veux dire, oui, je vais aller dormir.

C'était assurément une excellente idée au vu de l'efficacité moyenne de son filtre tête-bouche.