Je ne sais pas trop comment nous nous étions retrouvé dans cette situation en fait.. Enfin si, Flynn, un Spécialiste Fine Lame, était venu nous cueillir Ezea et moi après notre entraînement. Il était avec un de ses potes dont le nom m’échappait toujours, et ils nous avaient tous les deux entraîné dans les rues du territoire jusqu’à une zone quasi infréquentée… Ils ne nous avaient pas vraiment expliqué pourquoi, jouant sur le rang supérieur pour nous faire obéir, et comme de toute façon je n’avais rien de mieux à faire pour ma part, je les avais suivis, et Ezea également.

Nous étions donc tous les quatre là, dans une rue de hauts immeubles en ruines pas très stables aux limites du territoire. Flynn, qui nous avait à peine porté attention durant le trajet, sembla enfin reprendre conscience de notre présence et s’adressa à Ezea et moi avec un petit sourire qui me donna une étrange envie de le frapper… Je n’étais pourtant pas spécialement de mauvaise humeur, mais je n’avais pas spécialement envie de faire des efforts non plus aujourd’hui… Mais bon, comme déjà dis je n’avais rien d’autre à faire, alors je l’écoutais tout de même afin d’enfin savoir ce que deux Spécialistes voulaient à deux simple Basiques comme nous.

- Alors, alors… Vous avez de la chance aujourd’hui ! Vous avez été choisi par deux Spécialistes pour une petite mise en situation spéciale. Une simulation si vous préférez.

Il s’était exprimé avec un air amusé, impatient même, mais pour moi ce comportement – qui m’échappait complètement – me donnait juste de plus en plus envie de le frapper… Sérieux, fallait qu’il arrête, sinon il allait s’en prendre une… Heureusement, son pote prit la relève, déviant mes pensée de Flynn.

- Le but est de vous cacher de façon à ce qu’on ne vous attrape pas. On doit s’entraîner à la traque, et vous ça vous entraînera à vous fondre dans le décor. En tant que Basiques, c’est un truc que vous devez savoir faire, hein ?

Son ton était clairement narquois, même moi j’avais pu repérer l’ironie dans sa voix. Mais le jeu semblait plutôt intéressant, aussi ne fis-je aucuns commentaires, me contentant de tourner mon regard vers Ezea. On ne pouvait pas dire qu’on se connaissait vraiment bien, aussi ne savais-je pas trop comment elle pouvait réagir selon les situations et conditions. Tout ce que j’espérais, c’est qu’elle ne viendrait pas gâcher la partie avec des sentiments quelconques qui me brouilleraient l’esprit…

Flynn repris la paroles rapidement.

- Vous devrez nous échapper pendant une heure. Si jamais on vous attrape, et bien… on verra à ce moment-là.

« Et si vous nous attraper pas ? »

Flynn me lança un regard glacial. Il était impossible, inconcevable même que deux Basiques remporte une simulation de traque. Mais voyant que je ne réagissais pas à son œillade, il fini par répondre d’une voix sèche.

- On avisera en temps voulus. D’autres questions ?

Son ton voulait tout dire, on avait plutôt intérêt à la fermer, mais il laissa tout de même planer un petit moment, histoire de… Je me tournais alors de nouveau vers Ezea, attendant de voir si elle comptait prendre la parole ou non avant le départ.

Je suis complètement éreintée, épuisée, à bout de forces! Les gens savent que j’ai la fidèle habitude de me donner à fond dans ce que je fais, c’est ma voie de vivre, après tout. Sauf que là, c’était le top. Je m’étais fait malmenée tout le long par un gars qui s’était amusé à me voir souffrir. D’ailleurs, j’en ai encore le bras tout endolori … Bref, je pensais pouvoir m’en retourner peinarde pour aller me changer alors que Flynn déposa sa grosse patte moite contre mon épaule.

- Ezea, attends-moi ici.

Qu’est-ce qu’il me veut lui ? Pas encore un cas d’abus de puissance ? Le genre de gars qui s’excite parce que son rang lui permet de diriger les autres ? J’aperçois du coin de l’œil que Valerian s’approche de nous, accompagné par un autre spécialiste. L’air de Valerian ne me disait rien qui vaille, il avait l’air constamment froid et j’en savais peu de lui … Comme tout le monde, en fait. Son air glacial me fit raidir l’échine à l’idée qu’il soit inclus dans un quelconque scénario avec moi. J’ai déjà entendu dire que des spécialistes s’étaient amusés en faisant se confronter des Basiques … S’il fallait que je me retrouve contre lui, il n’aurait aucune pitié et merde! J’y laisserais probablement la peau.

Je ne travaillais plus physiquement et quelques sueurs froides perlaient à mon front, mon souffle s’accélérait un peu sous la pression et mes petits poings se recroquevillaient sur eux même, enfonçant mes ongles dans ma peau, débordante de nervosité.

- Le but est de vous cacher de façon à ce qu’on ne vous attrape pas. On doit s’entraîner à la traque, et vous ça vous entraînera à vous fondre dans le décor. En tant que Basiques, c’est un truc que vous devez savoir faire, hein ?

Se cacher ? Je suis excellente ! Cet imposant stress qui commençait à me faire suffoquer s’envola comme on balaie un mur de briques en le faisant exploser. Je déglutis néanmoins d’angoisse, ce n’était pas peu demander. J’allais être confrontée à deux spécialistes et en équipe avec un inconnu, de surcroît! J’aperçus Valérian sourciller d’agacement face aux deux supérieurs mais il ne sourcilla pas d’un poil, ll gardait toujours cet air froid et distant. Mes deux grands yeux pers croisa finalement les siens et je me senti, malgré la distance dont il faisait preuve, un brin rassurée.

- On avisera en temps voulus. D’autres questions ?

- Et on part maintenant ? Toute suite ?

Dieu que j’aurais aimé porter des vêtements moins voyants. Mon short ébène ne posait pas problème, mais j’arborais tout de même une camisole écarlate et, c’était moins recommandé pour une mission où la discrétion prime. Mes longs cheveux sont en bataille et j’aurais aussi, privilégié de les attacher, toujours dans l’optique où on ne doit pas se faire remarquer.

- Et bien non, allez prendre un bon bain, puis allez-vous gaver de bon pain. Vous en profiterez aussi pour aller faire un petit somme avant, hein, question d’être bien en forme …Son timbre de voix empestait le sarcasme et la mauvaise foi.

- Bien sûr que oui, vous partez toute suite! On vous donne 5 minutes pour faire votre plan de match puis 10 minutes d’avance pour aller vous cacher. Après ça, on viendra vous trouver, tous les deux. Il fit exprès d’aller poser sa main contre le gloc qui dormait dans son étuis à sa ceinture. Il tapotait la crosse de son arme en étirant les lèvres dans un sourire entendu.

Je ne les saluais pas, je ne leur souhaitais pas bonne chance, j’emboitais le pas rapidement vers les décombres de la ville et j’espérais que Valérien vienne à moi pour qu’on discute d’un plan d’action. Je me suis mise à chercher des yeux une arme que je pourrais empoigner parce que, la nervosité, ca ne me connaissait pas. Tout le monde savait comme je pouvais performer, autant au corps a corps qu’à bout portant, mais que dès qu’un peu de stress me menaçait, j’en perdais tous mes moyens. Je trouvais finalement un tuyau de plomberie auquel je refermais ma main solidement et j’attendais que Valérian me rattrape pour discuter.

J’espère qu’il saura me calmer parce que sinon, je sens que je vais tout faire rater…

Lorsque Ezea demande si l’on part tout de suite, un bref sourire apparaît sur mes lèvres pour disparaître presqu’aussitôt, mais il est plus franc lorsque Flynn réplique. Son répondant compensait son attitude qui me frustrait de plus en plus : Hautain ? Pour moi c’était juste un mec qui se la pétait un peu trop, ni plus ni plus… Le genre de mec avec qui la bagarre ne vaut même pas la peine d’être lancée tellement ce n’est pas amusant car beaucoup trop rapide…

Flynn repris alors pour donner les derniers détails des règles du jeu.

- Le terrain comprend cette rue et celle qui lui est parallèle sur la gauche. Vous ne pouvez pas rester sans bouger plus de quelques minutes.
Si vous sortez du périmètre ou si l’on remarque que vous restez au même endroit trop longtemps, vous perdez la partie. Compris ?

La question n’en était pas vraiment une et ne demandait pas de réponse non plus. Et lorsque le Spécialiste tapota la crosse de son arme d’un air entendu sur ce qu’il nous arriverait s’ils nous trouvaient où si l’on ne respectait pas les règles, je pinçais levais les yeux au ciel et suivis la brune qui avait filé sans plus de cérémonie. Elle marchait vite, et je ne comptais pas lui courir après. Je marchais donc tranquillement, réfléchissant à ce petit jeu qui nous avait été proposé. Un nouveau sourire naquit alors sur mes lèvres : ça allait surement être très distrayant !

Je fini par rejoindre Ezea qui s’était enfin arrêtée, et je lui indiquais d’un signe de tête de rentrer dans un immeuble qui semblait un peu moins sur le point de s’effondrer que les autres. Ce n’est qu’alors que je lui adressais enfin la parole, examinant les lieux avec attention.

« Bon, on est sur leur terrain de jeu donc on a intérêt à la jouer finement. »

L’affirmation était surement inutile, mais bon.

« Déjà, on pourrais commencer par éviter les endroits où se trouvent des cadavres… »

Sur ces mots, je désignais une main, certainement reliée à un corps qu’on ne pouvait voir d’en bas, qui pendait au rebord de l’étage supérieur. Non seulement ça confirmais mes dires sur le terrain de jeu, mais ça nous éclairait pas mal sur l’issue du jeu en question si nous le perdions.

« Des idées ? »

Je m’étais retourné vers la brune avec toujours mon sourire et en ayant déjà oublié le cadavre dont la fraîcheur m’importait bien peu. Qu’elle puisse être choquée par mon comportement m’importait peu… en fait je ne pensais même pas qu’elle puisse l’être… Je l’avais dis : pas envie de faire des efforts aujourd’hui, donc pas de comédie…

« Déjà, on pourrais commencer par éviter les endroits où se trouvent des cadavres… »

Il avait a moitié raison. Le fumet nauséabond des cadavres en putréfaction dérangeait, ça ce n’était pas à discuter. Sauf qu’il reste que s’il est écœurant pour nous, il l’est autant pour les Spécialistes. D’un autre sens, s’ils sont là, étendus sur le sol et tous biens morts, c’est qu’ils n’étaient pas au bon endroit au bon moment, il fallait trouver meilleure idée qu’eux.

« Des idées ? »

J’ai aimé le fait qu'il m’ait demandé mon avis mais, lorsqu’il s’est retourné vers moi, tout sourire … J’en suis restée un peu pantoise. Je ne pouvais pas dire si la situation l’amusait, si c’était le fait d’être prit avec moi ou parce qu’il avait trouvé sa dernière remarque amusante. Je pris un petit moment pour réfléchir puis répondait d’un timbre de voix qui avait perdu un peu d’assurance face au sourire qu’il m’avait réservé.

« Pour commencer, j'ai pas beaucoup de veine, je n’ai visiblement pas choisi les bons atours aujourd’hui pour jouer une partie de cache-cache …  Il fallait que je trouve le moyen de changer d'allure, j'allais être reperée des milles à la ronde si je ne faisais rien. Peut-être que ça n’aidera pas, mais ça ne fera certainement pas de tord non plus. »

Un genou au sol, lui faisant dos (j'avais bien fait attention de fuir son regard, son sourire m’avait tout renversé, je ne savais plus comment agir et celà m'enrageait au plus au point) je m’enduisais de poussières pour amenuir les couleurs vives de mon accoutrement. Une fois fait, je me redressais et me mettais a regarder un peu partout, analysant les endroits potentiellement viable pour se camoufler.

« Je suggère qu’on se sépare, mais pas trop. Il faudrait que l’on reste à distance, mais qu’on puisse s’entre-aider en cas de panique, s’il arrive un pépin quelconque. Ce serait plus aisé d’attirer leur attention, si on n’était pas trop loin l’un l’autre. Il faudra aussi se camoufler mais, ne jamais s’approcher d’une cache sans issue, s’il fallait tomber dans un cul de sac nous serions pris comme des rats. »

« Qu’est-ce que tu en dis ? »Lui disais-je, en redressant finalement mon regard vers le sien, pour tenter de reprendre le dessus sur le fait qu’il m’avait vraisemblablement ébranlé.

La fille sembla un peu perturbée, mais cela me passa largement au-dessus de la tête. Elle me tourna le dos et se lança dans une tirade comme quoi elle n’était pas vraiment accoutrée pour une partie de cache-cache. Elle se recouvrit ensuite de poussière afin de dissimuler un minimum les couleurs de ses vêtements. L’idée n’était pas mauvaise, même si peu utile…
Pour ma part, étant habillé en gris et noir, je ne m’inquiétais pas trop d’être vu de loin.

Lorsqu’Ezea se redressa, elle proposa une idée et divers suggestions d’actions. Je l’écoutais jusqu’au bout, plutôt ravis à l’idée de nous séparer. Flynn n’avait en effet à aucun moment précisé que nous étions obligés de rester ensemble, et je l’en remerciais intérieurement. Pour le coup de rester proche l’un de l’autre par contre, l’idée semblait un peu moins tentante, mais bon… nous étions à deux dans ce jeu alors je pouvais bien faire un effort.

Lorsqu’elle me demanda mon avis sur ses idées, relevant enfin les yeux vers moi, je hochais la tête d’un air songeur, mon sourire ayant momentanément disparu.

« Dans un premier temps, nous devrions rester dans les bâtiments centraux, cela nous laissera plus de possibilités de mouvements… »

Je lui indiquais l’autre bout de l’immeuble où nous nous trouvions.

« Prend l’autre côté, je prend celui-ci. Quand ils lanceront le départ, on monte d’un étage et on se dirige vers eux. Avec un peu de chance, ils penseront que l’ont aura tendance à s’éloigner et passeront à côté de nous… »

Alors que je finissais de parler, la voix de Flynn se fit entendre un peu plus loin, annonçant le départ du jeu. Souriant de nouveau, je trouvais un moyen de grimper à l’étage supérieur, m’aidant d’un tas de gravas, et avançais en sens inverse en longeant les murs, évitant les percées, n’y jetant que de brefs coup d’œil afin de vérifier où ils en étaient et surveillant les mouvements de la jeune femme de l’autre côté.