Dépendance amère - PV Kahlan (jour 3)
Pourquoi les jaguars ? Anxieuse, Yulia faisait les cent pas. La veille, elle avait appris que des combats avaient eu lieu sur le territoire sud. Annabella y avait été blessée et se trouvait à l'heure actuelle à l'hôpital, plongée dans une inconscience que beaucoup jugeait définitive. Elle n'avait jamais aimé cette fille, elle n'éprouvait donc que peu d'intérêt pour son sort, mais la situation l'alarmait néanmoins. Moins que celle des jaguars naturellement, seulement les enjeux n'étaient pas les mêmes. D'un côté, il y avait sa chef, aisément remplaçable, et de l'autre ses proches, nettement plus importants à ses yeux.

Malgré ses recherches, elle n'avait pas réussi à obtenir des informations à leur sujet et elle vivait depuis dans l'angoisse d'apprendre que le pire s'était produit. Espérant voir l'un d'eux apparaître aux frontières, elle avait traîné plus que de raison à proximité du territoire sans se soucier des grommellements de sa partenaire qui jugeait que le centre neutre était prioritaire. En un sens, elle n'avait pas tort, mais Yulia peinait à rester concentrée sur son travail. Il fallait qu'elle sache. Durant la nuit, elle avait tenté de pénétrer sur le territoire par le biais du quartier des jeux comme elle en avait l'habitude, seulement on ne l'avait pas laissé passer. Le fait qu'elle était une habituée n'avait rien changé, le territoire était bouclé pour le moment et le quartier fermé. Personne ne rentrait, ni ne sortait sans une autorisation directe du QG selon la sentinelle. Autant dire qu'elle n'était pas prête de l'avoir.

En dernier recours, elle avait du se tourner vers lui. Après trois jours de patience, elle avait finalement craqué. Elle s'était rendue dans la zone industrielle en espérant le trouver, mais on lui avait annoncé qu'il ne travaillait plus là. Il était sentinelle pour le moment, c'était une bonne et une mauvaise nouvelle. En insistant un peu, elle avait même pu obtenir quelques informations sur ses heures de garde et elle attendait désormais qu'il se pointe. Elle était toujours hésitante sur ce qu'elle allait faire. Une part d'elle était dégoûtée à l'idée de devoir lui demander un service, mais sa fierté devait être mise de côté si elle voulait être rassurée à propos de sa famille.

Après un énième aller-retour, Yulia décida finalement de se lancer. Son arbalète bien en évidence pour éviter d'avoir l'air suspect, elle s'avança vers les frontières. Elle voyait clairement la silhouette de Kahlan se dessiner non loin et plus elle le discernait clairement, plus la boule dans son ventre se faisait dure et compacte. Il lui avait brisé le cœur et maintenant voilà qu'elle allait lui demander de la rassurer. C'était tellement risible.

— Kahlan ? Sa voix s'était faite suffisamment forte pour qu'il puisse l'entendre. Il faut que je te parle.

Loin au fond d'elle, elle rangea la rancœur, la frustration et le chagrin et lui lança un bref regard. Elle ne voulait pas avoir l'air faible devant lui, mais elle l'était car elle avait besoin de son aide. Elle s'était promise de ne plus jamais le revoir, de l'effacer de son existence, seulement la vie en avait décidé autrement.

Monter la garde n'est pas réellement problématique pour toi mais ces derniers temps tu as l'impression de ne faire que ça. Si aux champs, tu as tes habitudes, tu aimes nettement moins le poste de sentinelle. Parfois, tu aimerais voir d'autres horizons, avoir d'autres possibilités. Tu trouverais aussi plaisant de mettre tes qualités de combattant un peu plus au service des Jaguars. Tu ne cherches pas la castagne avec les autres clans pour autant. L'idée d'une guerre te déplaît d'ailleurs assez.

Aujourd'hui encore, tu arpentes les frontières. Tu as été affecté à la surveillance terrienne d'une vigie ce qui limite assez tes possibilités. Tu n'aimes en plus pas beaucoup d'avoir à supporter le regard de la sentinelle se trouvant au dessus de toi. Ce mec a été l'un de tes adversaires dans le quartier des jeux et il n'a visiblement pas digéré le fait que tu lui ais botté le cul. Son ego n'est même pas prêt de s'en remettre d'après ce que tu as compris. Au moins, tu es seul au sol ce qui te garde d'un bavard mais t'expose aussi beaucoup plus à la morosité. Tu as du mal à penser à autre chose qu'à Alessandra. Depuis la rébellion, tu l'as dans la peau. Enfin encore plus qu'avant. Tu ne pensais pourtant pas que cela serait possible mais le fait qu'elle t'ait repoussé a rendu ton envie qu'elle te reconnaisse plus irrésistible encore.

SENTINELLE – Halte là !

La voix de l'homme te surprends. Tu t'es arrêté et tu te demandes un instant durant combien de temps tu es resté dans le vague. L'urgence de la situation se rappelle pourtant à toi. Tu es en mission et les frontières sont dangereuses, il ne faut pas que tu l'oublies. D'un mouvement sec, tu dégages ton poinçon et tu l'empoignes, prêt à lancer. Quelqu'un s'approche et il ne semble pas s'intéresser aux recommandations de la sentinelle. Pourtant, son fusil braqué sur lui est clairement menaçant. Ou plutôt sur elle. Cette silhouette que tu discernes dans le soleil est clairement féminine. Tu plisses les yeux pour essayer d'en apprendre plus mais c'est sa voix qui te livre finalement toutes les informations dont tu as besoin.

YULIA – Kahlan ? Il faut que je te parle.

Tu la reconnais sans mal maintenant. Même si vous ne vous êtes plus vus depuis un bon moment, il te serait difficile de l'oublier. Tu restes néanmoins surpris par sa présence. Que fait-elle là ? Elle a pourtant été claire en te disant qu'elle ne voulait plus jamais te revoir il y a plusieurs mois de cela.

SENTINELLE – J'ai dit halte !

La sentinelle s'énerve. Tu lâches un grognement avant de tourner le regard vers lui, ton corps restant résolument face à Yulia. Elle ne semble pas venir avec une intention hostile mais on ne sait jamais. En plus, tu la sais dangereuse. En élevant la voix, tu t'adresses à la sentinelle.

KAHLAN – C'est bon, je m'en charge. Calme toi !

Tu n'aimes décidément pas ce type. Une fois sûr qu'il a bien baissé son flingue, tu t'avances vers la jeune fille. Tu es un peu inquiet, il n'est clairement pas normal qu'elle vienne expressément te voir toi.

KAHLAN – Qu'est-ce que tu fais là ? Les frontières sont fermées aux étrangers. Surtout aux Vipères.

Tu ne veux pas paraître rude, ce n'est que la stricte vérité. Les Vipères sont assez mal vues ici depuis que l'information concernant la présence d'Annabella et des siennes sur le territoire s'est répandue.

KAHLAN – Donne moi ton arme, ça le calmera peut-être.

Tu crains que la sentinelle ouvre le feu sans raison. Avec la force de l'habitude, tu ranges ton poinçon et tu tends la main pour accueillir son arbalète.

KAHLAN – J'assurerais ta protection jusqu'à ce que tu la récupères.

Un brin provocateur, tu lui adresses un sourire en coin. Une lueur d'amusement brille aussi dans ton regard. Si elle est toujours la même Yulia qui t'a charmée, tu sais qu'elle ne résistera pas à cette légère pique.

La voix de la sentinelle était venue de loin. Trop préoccupée par sa visite, Yulia n'avait pas prêté assez attention à l'homme qui se tenait dans la vigie. Il lui avait demandé de s'arrêter, mais elle l'avait sciemment ignoré pour continuer à progresser lentement vers Kahlan. Elle était résolue à lui parler et ce n'était pas une sentinelle qui allait l'arrêter. Dans le pire des cas, il tirerait à côté d'elle en guise d'avertissement, mais elle n'avait pas la sensation de craindre quoi que ce soit. Elle continua donc jusqu'à pouvoir appeler le brun qui la fixa avec surprise. Sa présence ici était étonnante, elle l'avouait bien volontiers. Et dieu qu'elle aurait préféré être ailleurs qu'ici. La sentinelle reprit avant même qu'il n'ait le temps de lui dire quoi que ce soit. Il devenait drôlement agaçant celui-là. Yulia se permit de lui lancer un regard noir depuis le sol. L'idée de lui ficher un carreau entre les deux yeux était plaisante, mais la situation était déjà assez complexe sans avoir en plus un mort sur les bras. Kahlan semblait du même avis car il grogna et s'adressa au gars en lui disant qu'il s'occupait d'elle. La sentinelle se calma suite à cette intervention et le brun pu enfin s'approcher et lui parler. Yulia fut surprise du frisson qu'il fit naître sur son échine et elle se maudit d'être aussi faible. Elle avait été amoureuse de ce connard et elle en avait gardé des séquelles significatives. Il lui signifia que les frontières étaient fermées pour les vipères ce qui la poussa à lever les yeux au ciel.

— Bien sûr que je le sais ! Pourquoi est-ce que tu crois que je suis là ? cracha-t-elle, hargneuse.

La suite fut difficile à entendre pour Yulia. Elle le regarda avec des yeux ronds et resserra sa prise sur son arbalète. Il était hors de question qu'elle lui donne quoi que ce soit. Elle regarda sa main sans réagir jusqu'à ce qu'il ajoute la provocation de trop. Un grognement quitta très distinctement ses lèvres alors qu'elle le fusillait du regard. Elle aurait aimé se jeter sur lui pour réduire son visage en charpie. Néanmoins, Yulia était en territoire ennemi et elle n'était pas vraiment en mesure de refuser si elle voulait obtenir ce qu'elle voulait. Avec brutalité, elle lui fourra son arme dans les bras. Elle avait veillé à ce que la pointe de l'arc de l'arbalète lui rentre violemment dans les côtes en guise de maigre vengeance.

— J'espère que tu n'es pas sur plusieurs cibles en même temps. Dans le cas contraire, je ne donne pas cher de ma peau.

Frustrée, Yulia croisa les bras sur sa poitrine et le fixa de ses yeux noirs.

— Je me protégerais moi-même. Je n'ai pas besoin de toi. Elle rectifia le tir de mauvais gré. Du moins, pas pour ça.

Yulia n'a pas changée. Elle semble toujours aussi susceptible et tu songes que lui faire sortir les crocs serait facile. Tu n'y tiens pourtant pas à l'instant. Si jamais elle se montre violente tu ne sais pas si tu pourras arranger la situation avec la sentinelle qui se trouve dans la vigie. Pourtant si une querelle devait éclater entre vous ça n'aurait aucun rapport avec vos clans respectifs. Ce serait juste les restes d'une histoire ancienne qui s'est mal finie.

YULIA – Bien sûr que je le sais ! Pourquoi est-ce que tu crois que je suis là ?

La demoiselle est chauffée à blanc. En fait les crocs, elle les sort préventivement car ton contact semble l’insupporter. C'est bête mais à la voir réagir de la sorte tu as juste envie de l'ennuyer un peu. Les choses se passaient déjà comme ça lorsque tu la fréquentais. Faire criser Yulia, c'est comme avoir un morceau de sucre qui fond sous la langue.

KAHLAN – La raison de ta présence à quelques mètres des frontières n'est pas exactement claire.

Tu veux calmer un peu le jeu en récupérant son arbalète mais son attitude t'informe qu'elle déteste cette idée. Ca ne t'étonne vraiment pas. Sans son arme elle perd clairement en dangerosité. Elle t'adresse un regard qui n'a rien de sympathique et finit par te balancer son arbalète sans douceur. Tu la réceptionnes tant bien que mal, cachant une grimace de douleur sous le coup reçu. Tu sais pertinemment qu'elle l'a fait exprès et tu ne veux pas lui offrir le plaisir de te voir souffrir. A la place, tu lui adresses un grand sourire et tu cales son arme contre ton épaule.

YULIA – J'espère que tu n'es pas sur plusieurs cibles en même temps. Dans le cas contraire, je ne donne pas cher de ma peau.

Ce rappel à votre histoire est de bonne guerre. Il efface néanmoins ton sourire. Tout ça c'est juste un malentendu. Avec Yulia vous n'avez juste pas été sur la même longueur d'onde.

YULIA – Je me protégerais moi-même. Je n'ai pas besoin de toi.

Tu n'en doutes pas dans les faits mais il serait trop facile de l'avouer.

YULIA – Du moins, pas pour ça.

Elle a rectifié son discours parce qu'elle le devait visiblement bien. Ce changement attise ta curiosité. Peut-être vas-tu enfin pouvoir savoir ce qu'elle fiche ici.

KAHLAN – Et que puis-je pour toi ? Si ma présence t'est si désagréable tu pourrais te dépêcher de me dire ce que tu attends de moi qu'on en finisse.

Concrètement tu n'as pas envie d'en finir mais tu as la sensation que vous n'en arriverez jamais aux faits si tu ne la pousses pas un peu. Si elle est ici c'est que l'affaire doit être grave. Yulia ne mettrait jamais sa fierté de côté en venant te voir si le jeu n'en valait pas la chandelle.

Kahlan n'avait pas tort et Yulia détestait ça. Elle ne pouvait par contre pas dire qu'il avait raison. Ne pas avoir tort était une chose, avoir raison en était une autre. Là se trouvait la limite. C'était comme leur histoire. Yulia avait été idiote de croire qu'elle était la seule et l'unique alors que Kahlan ne lui avait rien promis, mais Kahlan ne lui avait pas non plus exactement dit que ce qu'il se passait entre eux se passait aussi avec n'importe quelle autre fille croisant sa route. En sentant une bile amère lui remonter dans la gorge, la vipère secoua brièvement la tête. Il fallait qu'elle cesse de penser à tout ça et qu'elle retrouve la froideur dont son esprit pouvait faire preuve habituellement. C'était difficile avec le jaguar devant elle, surtout alors qu'elle était dans une position qui lui donnait plus envie de rugir que de courber l'échine. Mais elle avait besoin de Kahlan. Il était sa seule solution pour mettre un terme à son angoissante attente. Tout ça parce que Anton n'avait pas été foutu de la contacter pour lui dire comment tout le monde allait. Puisqu'elle ne pouvait pas s'en prendre à Kahlan, c'est son frère qui accueillit ses pensées furieuses alors qu'elle maîtrisait ses humeurs. Ses poings étaient serrés et ses yeux restaient aussi coupant que des lames, mais elle ne réagirait plus aux provocations du brun. Elle se l'était promis et elle comptait bien respecter cette promesse.

Durant quelques instants, Yulia regarda son arbalète sur l'épaule de Kahlan. Au moins, il traitait correctement son arme. Elle lui aurait probablement fait avaler son t-shirt s'il n'en prenait pas soin. Déjà parce qu'elle avait toujours été consciencieuse avec ses outils de travail, mais aussi parce qu'elle ne voulait pas attirer sur elle les foudres de la terrible Gaëlle. Une fois cette vérification faite, elle croisa les bras sur sa poitrine et leva un regard agacé vers le ciel avant de se lancer. Elle n'aimait vraiment pas ça.

— J'ai besoin de quelques informations. Sa voix s'adoucit légèrement. Je n'ai pas eu de nouvelles de ma famille. Mais elle reprit avec plus de mordant. J'ai essayé de croiser Anton, mais impossible. Et les petits cons qui montaient la garde ne m'ont jamais laissés aller au bout de ma demande avant de me braquer de leurs armes. Du coup, je stresse sans savoir comment ils vont. Tu sais quelque chose ?

C'était déjà une première chose. S'il pouvait déjà simplement lui donner quelques indices sur l'état de ses proches, Yulia apprécierait beaucoup. Elle avait une autre demande, mais pour celle-ci, elle savait que la chose serait un peu plus tendue.

— Et aussi... Je sais que vous ne vous supportez pas, mais est-ce que tu pourrais passer un message à Anton ? Sans avoir à le frapper pour ça. dit-elle, un peu trop incisive vers la fin.

Yulia avait fait un effort pour ne pas être trop désagréable vu que c'était des services qu'elle demandait à Kahlan, mais elle ne pouvait pas juste faire comme si de rien était et lui sourire béatement comme le faisait les greluches qui se pendaient à son cou pour tout oublier au petit matin.

Pourquoi est-ce que Yulia est toujours séduisante quand elle a envie de te faire la peau ? C'est une excellente question à laquelle tu n'as jamais pu trouver de réponse. Tu la trouves toujours attirante mais elle l'est d'autant plus quand elle est énervée. Tu es incapable de ne pas sourire quand tu vois les efforts qu'elle déploie pour rester calme. Tu es sûr qu'elle ne veut pas te donner la satisfaction de répondre à ton attitude mais elle le fait déjà en quelque sorte et tu prends du plaisir à le voir. C'est salaud mais tu as bien besoin de te changer les idées donc tu sautes sur l'occasion qui se présente quitte à te comporter n'importe comment avec elle. Ce n'est de toute façon pas la première fois que tu lui donnes une occasion de te considérer comme un enfoiré. Elle se démène pour trouver son calme et finit par croiser les bras sur sa poitrine, visiblement frustrée de devoir parler. Tu restes quand à toi sur tes positions, maintenant bien son arbalète d'une main alors que l'autre se tient prête à proximité de ton arme. On ne sait jamais. Yulia n'est pas connue pour être tendre et tu la sais vicieuse lorsqu'elle le souhaite. Et dieu qu'elle doit le souhaiter avec toi comme cible devant elle.

YULIA – J'ai besoin de quelques informations. Je n'ai pas eu de nouvelles de ma famille. J'ai essayé de croiser Anton, mais impossible. Et les petits cons qui montaient la garde ne m'ont jamais laissés aller au bout de ma demande avant de me braquer de leurs armes. Du coup, je stresse sans savoir comment ils vont. Tu sais quelque chose ?

Tu te doutais que ça avait un rapport avec ça mais l'entendre de sa bouche te rend plus compréhensif. Elle est inquiète pour sa famille et c'est un truc que tu peux comprendre. Pour qu'elle vienne te voir elle a aussi du épuiser toutes ses autres possibilités.

KAHLAN – Ton frère va bien. Pour ta famille je ne sais pas trop. Il n'a pas l'air trop mal psychologiquement parlant donc je suppose que ça va aussi de ce côté là. Mais tu sais bien ce que je pense de lui alors moins je l'observe, mieux je me porte. C'est tout ce que je peux te dire.

Tu fais un effort pour être sincère et pas désagréable même si tu es en train de parler d'un mec que tu ne peux décidément pas piffer. Tu as peu à lui dire mais c'est déjà ça au moins elle pourra arrêter de se faire des films à propos de la mort de son idiot de frère.

YULIA - Et aussi... Je sais que vous ne vous supportez pas, mais est-ce que tu pourrais passer un message à Anton ? Sans avoir à le frapper pour ça.

Sa demande t'arrache une grimace. Tu n'es vraiment pas chaud à l'idée de parler à Anton mais tu comprends qu'elle est encore moins chaude de devoir te demander de l'aide. Il faut vraiment qu'elle soit désespérée en fait.

KAHLAN – Tu m'en demandes beaucoup là. Surtout si je dois être pacifique. Tu sais très bien que je suis un mec incapable de retenir ses pulsions.

Il y a un peu de sarcasme qui suinte. Tu n'aimes pas trop l'idée qu'elle se fait de toi. Si tu le dois vraiment tu peux parler à Anton sans lui mettre une. Tant qu'il ne te provoque pas bien sûr.

KAHLAN – Mais d'accord. Je peux faire passer un message pour toi. Ce ne sera pas gratuit par contre.

Tu laisses ensuite planer le mystère, un sourire malicieux aux lèvres. Tu serais bien idiot de ne pas tenter la chance qui s'offre à toi.

Yulia s'attendait à tout. Kahlan lui avait donné toutes les raisons d'être méfiante même si elle ne l'avait pas été dès le début avec lui. Bien au contraire. Il avait été quelqu'un en qui elle avait eu un jour confiance qui l'avait d'autant plus roulée dans la farine. Suite à sa demande, elle n'aurait donc pas été étonnée qu'il ne lui réponde pas ou qu'il le fasse de façon détournée. Mais il se montra pour une fois clean et ne la fit même pas lanterner avant de parler. Il fallait croire que même lui avait un sens de la famille qui se cachait quelque part dans son coeur de salaud. Quand il lui annonça que Anton allait bien, un énorme soupir de soulagement échappa à Yulia. C'était le principal. Anton allait bien. Il lui fallut quelques secondes pour que l'information s'imprime correctement, mais elle perçut quand même la suite. Il ne savait pas pour les autres. Elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, le clan était grand et elle n'avait jamais fait réellement les présentations. Elle l'aurait probablement fait s'il lui en avait laissé le temps avant d'aller sauter la première fille venue. La ferme cerveau, c'est pas le moment de penser à ça, se glissa-t-elle l'air de rien en tentant de mettre de l'ordre dans ce que Kahlan lui avait dit.

Une fois qu'elle eut repris le contrôle de ses pensées qui décidément avaient tendance à partir en vrille en présence de Kahlan, elle continua sur le même registre, mais en tentant d'aller sur un terrain plus pratique. Faire une telle demande était déplaisant. Encore plus déplaisant que de lui demander des nouvelles d'Anton. Même pour lui, tout ça devait être déplaisant au vu de la grimace qu'il servit à Yulia. Elle savait qu'il ne supportait pas son frère, mais quand même il pouvait faire un petit effort. Non ? La rugosité de son discours lui revient en pleine figure et Yulia leva les yeux au ciel avec agacement. Elle ne le sentait pas du tout. D'accord, elle avait été la première à remettre leur histoire sur le tapis de façon plus ou moins subtile, mais... Non, pour une fois tu n'as aucune excuse ma grand.

Le chantage, c'était la goutte d'eau. Pourtant, Yulia n'était pas vraiment étonnée. L'envie de lui mettre son point dans la figure la traversa, mais elle n'avait pas assez de force pour ça. En le cognant, elle lui offrirait juste une nouvelle occasion de se moquer d'elle.

— Crache. lâcha-t-elle avec un peu de venin dans la voix.

Yulia est soulagée par le peu d'informations que tu lui fournis et quand tu vois ça tu te sens un peu crapuleux. Elle est réellement inquiète et toi tu en profites. Enfin pas vraiment dans les faits tu n'as pas beaucoup de renseignements à lui fournir donc ce n'est pas non plus comme si tu lui cachais quoi que ce soit. Mais tu profites quand même de la situation pour faire un deal avec elle. C'est moyen et ça prouve que tu es quand même un salaud dans ton genre. Tu vois les choses de façon sensiblement différente mais tu accepterais la critique. Oui tu abuses mais tu ne fais pas ça avec un but réellement mauvais derrière la tête. Égoïste oui mais pas mauvais. Ton petit chantage provoque moins de remous chez Yulia que tu le pensais. Tu observes soigneusement sa réaction, prêt à esquiver mais rien ne vient.

YULIA – Crache.

Avec les années, elle a appris à se contrôler beaucoup mieux visiblement. Tu souris légèrement car bon sang ce que tu aimes quand elle siffle de la sorte. En fait Yulia te manque. Tu l'avoues sans honte. Votre rupture a créé un vide parce qu'elle comptait quand même dans ta vie. Parfois tu aimerais retrouver votre relation d'avant. Avant que tu ne déconnes en la laissant se faire des illusions et que ça casse tout entre vous. Longtemps tu l'as accusée d'avoir fait une erreur, d'avoir été bête mais vous êtes tous les deux en tort. Tu le comprends maintenant, tu as ta part de responsabilité dans cette situation.

KAHLAN – Viens au quartier un de ces jours. Quand tu veux mais pas dans trop longtemps quand même. Je te demande pas de me pardonner juste... On boit un verre ensemble, avec les autres, on profite de la soirée. Comme avant.

Ça te fait bizarre de le dire. Tu es nostalgique et plutôt que de jouer les arrogants tu sembles un peu penaud. Ouais, Yulia te manque vraiment.

La crapule avait déjà sa petite idée derrière la tête. Il ne fut pas long à balancer son prix et Yulia ne cacha pas son choc. Sérieusement ? C'était ça qu'il voulait ? Qu'ils passent la soirée ensemble ? La mention des autres ajouta quelques questions à toutes celles qu'elle se posait déjà. La vipère peinait à comprendre ce qu'il cherchait vraiment. Elle s'était attendu à quelque chose de beaucoup plus difficile à accepter. Elle aurait probablement mieux compris s'il lui avait demandé de passer la nuit avec lui ou autre chose dans le genre. Quelque chose de plus Kahlan, en somme. Mais peut-être que tout comme elle, Kahlan avait changé. Ils avaient grandis séparément et maintenant il n'était pas illogique de découvrir que le Kahlan qui lui avait brisé le cœur n'était plus complètement là. Celui qui se tenait devant elle n'était pas fier de sa petite combine, il semblait à peine l'assumer.

— C'est tout ? dit-elle étonnée.

Venait-elle vraiment de lui demander ça comme si son prix n'était pas suffisant ? C'était idiot et elle prenait le risque de voir le deal devenir plus complexe. Elle sauta donc sa réponse et préféra mettre les choses au clair à la place.

— Si tu me fais un coup foireux, je te démolis. Et par un coup foireux, j'entends : que tu tentes de t'approcher à moins d'une longueur de bras ou qu'on se retrouve seuls. Ella doit être là. Et tu payes les boissons.

Yulia ne semblait soudain plus la victime de ce chantage et, pour cause, elle avait profité de l'attitude de Kahlan pour retourner un peu la situation en sa faveur.

— Si c'est clair pour toi, on a un deal.

Visiblement le fait que tu veuilles passer une soirée tranquille avec elle et d'autres amis est inconcevable. Mais quelle image a-t-elle réellement de toi ? Tu commences à te poser sérieusement la question. D'accord tu as été un véritable enfoiré mais c'était uniquement dans le cadre de votre relation. Relation qui n'était perçue de la même façon des deux côtés. C'est à croire qu'elle a complètement oublié tous les bons moments que vous avez passés ensemble. Qu'elle a même oublié que avant tout ça vous étiez amis et que ça se passait plutôt bien entre vous. « C'est tout ? » Tu as presque envie de lui dire de ne pas faire sa teigne seulement Yulia ne semble pas te chercher. Elle a l'air vraiment étonnée. « Si tu me fais un coup foireux, je te démolis. Et par un coup foireux, j'entends : que tu tentes de t'approcher à moins d'une longueur de bras ou qu'on se retrouve seuls. Ella doit être là. Et tu payes les boissons. » Et toi tu l'es par sa rapidité à finalement accepter. Tu n'as pas eu le temps d'en placer une et c'est peut-être pas plus mal. Au moins tu n'as pas fait de nouvelle gaffe. Une chose est sûre : elle n'est pas tendre en affaire. Elle n'est pas tendre tout court. Tu viens de te faire rouler mais tu acceptes, beau joueur. « Si c'est clair pour toi, on a un deal. » « Tes conditions sont les miennes princesse. » En fait tu te fiches pas mal qu'elle ait réussi à t'entuber tant que ton objectif est rempli. C'est ça le plus important. Yulia va revenir passer du temps avec toi au quartier. Tu auras une soirée pour la convaincre que tu as changé et reformer ce lien qui a été violemment coupé par ton incapacité à être fidèle. Tu ne comptes pas rater cette occasion. « Maintenant quel est le message ? » Il te tarde presque de faire ta part du contrat. Tu seras sûrement moins positif une fois que tu devras faire face à Anton mais c'est une autre histoire.

Le surnom faillit presque faire grincer des dents à une Yulia qui pu retenir son insulte, mais seulement partiellement. Connard. Le mot résonna très clairement dans sa tête et elle le fusilla du regard. Elle n'était même pas sûre qu'il agissait de cette façon pour la provoquer, mais quand même. Après tout, c'était plus ou moins son second prénom, donc peut-être que c'était aussi sa seconde nature. Kahlan se rattrapa par sa motivation à accomplir sa mission. Cela la dérida presque. Presque.

— Je l'attendrais aujourd'hui. Il sait où.

C'était court, mais suffisant. Yulia ne tenait pas non plus à dévoiler le point de rendez-vous habituel qu'elle avait avec sa famille. On ne savait jamais, Kahlan pourrait décider de s'y pointer pour l'ennuyer.

— Merci.

Il y avait une pointe de sincérité dans sa voix cette fois. L'instant passa néanmoins très vite quand elle attrapa son arbalète toujours tenue par le brun et la lui arracha. Yulia avait passé définitivement assez de temps à sa compagnie. L'arme posée sur son épaule, elle tourna les talons et commença à partir, lâchant un au revoir au-dessus de son épaule sans se retourner.

— Adios.