La journée avait très mal commencée. Durant un entraînement, une Membre avait eu la bonne idée d'esquinter son arme et toutes mes tentatives de réparation avaient été vaines. L'une des pièces était complètement démolie et, pour cause, la dernière personne qui s'était occupée de cette arme avait fait un véritable travail de cochon. Manque de bol, je n'avais plus la pièce en stock et après un essai infructueux pour envoyer quelqu'un aux entrepôts, j'avais fini par prendre la décision de m'y rendre moi-même pour fouiller. L'autre idiote avait été incapable de la dénicher et je devrais donc perdre un temps précieux à faire le chemin. Chercher la perle rare ne me posait aucun problème, mais c'était une autre histoire lorsqu'il s'agissait de faire des déplacements inutiles. Avant de partir j'avais fait passer un mot à Sasha pour l'a prévenir que nous ne pourrions pas nous voir après sa garde, puis je m'étais mise en route avec un fusil à pompe accroché dans le dos. On ne savait jamais les rencontres que l'ont pouvaient faire dans les ruines. La preuve, on pouvait tomber sur moi, ma mauvaise humeur et mon shotgun.

Après un trajet bien trop long, je n'avais plus la patience de me taper les vérifications des surveillants et je me la jouais donc en mode furtif, comptant sur ma chance pour parvenir sur les lieux. J'avais bien croisé quelqu'un, mais il s'agissait d'une Vipère qui m'avait reconnue et avait supposé à ma tête que j'avais une excellente raison d'être là. Je poussais donc la porte de l'un des entrepôts de façon à pouvoir m'y engouffrer. Le calme qui y régnait et l'odeur familière me calmèrent presque instantanément. Ici, c'était un peu comme dans l'Atelier et je trouvais tout de suite mes marques. Dès que j'eus repéré une caisse de pièces, je m'attelais à la tâche en espérant trouver rapidement ce dont j'avais besoin. Ainsi le temps passa sans que je ne m'en aperçoive, bien trop absorbé par les bouts de métal dans lesquels j'avais le nez...

Habituellement, les champs sont ton domaine mais il n'est pas rare que tu effectues des remplacements aux vergers ou aux entrepôts. Le boulot reste plus ou moins le même, c'est surtout une question de vigilance différente. C'est le cas aujourd'hui. A cause d'un clampin qui s'est foulé la cheville durant sa garde, tu as été dépêché en urgence à la surveillance d'un entrepôt en attendant que l'on te remplace. Par chance, il s'agit d'un entrepôt de stockage et non un alimentaire alors tu peux te permettre d'être un peu plus cool. S'occuper d'un entrepôt alimentaire est toujours particulièrement stressant car les Libres essayent souvent d'aller y voler. Du côté des autres, c'est une autre histoire. Voler du matériel peut rapporter gros mais encore faut-il pouvoir revendre le fruit de son larcin pour obtenir des consommables. Et avec l'accord entre les clans et les Intouchables, la tâche est loin d'être aisée. Tu es donc à l'aise, à faire tes rondes. Tu as déjà eu une visite aujourd'hui, une jolie jeune fille malheureusement pressée. Tout se passe bien jusqu'à ce que tu passes devant la porte. Elle est ouverte et ce n'était pas le cas lors de ton précédent tour. L'information t'alerte immédiatement et tu passes ton arme à ta ceinture pour récupérer ton poinçon. En cas de pépin, tu iras plus vite en le lançant pour ralentir ta potentielle cible. A pas de loup, tu pénètres dans le hangar. Il fait un peu sombre et tout est calme à l'exception de légers cliquetis métalliques. Tu en repères rapidement la provenance, il faut dire que l'intrus ne fait rien pour se cacher. Une blonde est en train de fouiller dans une caisse de pièces et elle a un fusil à pompe dans le dos. Une Libre ne pourrait décemment pas se payer une telle arme, tu supposes donc qu'il doit s'agir d'une Membre. Mais il n'empêche qu'elle n'a pas le droit d'être ici. Toujours silencieux, tu t'avances vers celle qui ne semble pas avoir repéré ta présence et tu te saisis d'elle, ton poinçon piquant sa gorge en guise de menace.

KAHLAN – Qu'est-ce que tu fous ici ?!

Ma concentration était à la fois mon plus grand défaut et ma plus grande qualité. J'étais capable de m'occuper d'une tâche pendant des heures sans m'en lasser et sans même perdre ma productivité. En contrepartie, je devenais alors assez peu attentive à mon entourage et je m'exposais ainsi aux dangers. J'étais parfaitement consciente de tout cela, mais j'étais bien incapable de corriger cette fâcheuse manie. Ainsi, je fus complètement prise de court lorsque l'on m'attrapa durement et qu'un objet pointu vient me piquer la gorge. Une voix masculine résonna ensuite, me demandant ce que je faisais ici. Quelle question stupide !

- Je pille les réserves que ces stupides Surveillants ne sont pas capables de garder.

J'avais roulé des yeux vers le plafond, complètement ironique. Je repris néanmoins plus sérieusement, bien consciente d'être menacée.

- Tout doux, mon grand. Va pas faire un truc que tu pourrais regretter.

Malgré la proximité du gars, je n'avais pas peur. Même si j'avais un peu zappé les protocoles, je n'étais pas en tort. J'avais parfaitement le droit d'être ici et si jamais il venait à me blesser, c'était lui qui serait considéré comme en faute.

GAELLE – Je pille les réserves que ces stupides Surveillants ne sont pas capables de garder.

La réponse de la fille ne se fait pas attendre et elle est loin de te plaire. Sa voix dégouline littéralement d'ironie, elle se fout ouvertement de ta gueule. En fait, elle se moque doublement de toi vu que sa voix et ses paroles sont insultantes pour les surveillants.

GAELLE – Tout doux, mon grand. Va pas faire un truc que tu pourrais regretter.

Tu ne sais pas si elle est complètement inconsciente ou si elle est trop sûre d'elle. Ce qu'elle te dit te donne justement envie de transpercer sa peau en guise d'avertissement mais tu te retiens. Elle n'a fondamentalement pas tort. Tu ne sais pas à qui tu as affaire et tu pourrais le regretter. Son comportement t'agace au plus haut point alors faute de pouvoir lui faire quoi que ce soit, tu vas te faire un plaisir de procéder à quelques vérifications d'usage.

KAHLAN – Je veux voir ta marque.

Tu resserres ta prise sur elle pour lui faire comprendre qu'elle n'a pas intérêt à te faire un sale coup mais tu lui libères le bras de façon à ce qu'elle puisse te montrer son poignet.

KAHLAN – Après déclines ton nom, ton grade, ta tâche et la raison de ta présence ici.

Tu ajoutes finalement.

KAHLAN – Et plus accessoirement tu vas me dire pourquoi tu es entrée comme une voleuse.

J'avais beau avoir l'empathie d'une huître, je pouvais nettement sentir toute la tension que mon ironie avait fait naître chez le Surveillant. Il fallait dire qu'au vu de notre position, j'aurais difficilement pu passer à côté de son envie de me mettre en pièce. La provocation avait donc marché. Oui, c'était parfaitement stupide de provoquer quelqu'un qui aurait pu m'égorger avant même que je n'ai le temps de réagir, mais je m'en fichais bien. C'était plus fort que moi, je ne pouvais tout simplement pas me faire piétiner de la sorte par un type qui pensait avoir raison alors qu'il avait tort. En quelque sorte. Bon d'accord, j'étais un tout petit peu responsable aussi dans l'histoire, mais ce n'était pas une raison.

Après quelques instants de mauvaise humeur refoulée, l'homme reprit la parole. Face à sa demande – ou plutôt son ordre -, je poussais un soupir. Super ! Cette journée était définitivement pourrie. Pourquoi avait-il fallut que je tombe sur un mec qui faisait un excès de zèle pour compenser son impuissance ? Avant que je n'ai l'occasion d'envisager le fait d’obtempérer, il raffermit son étreinte et continua avec une série d'instructions. Sérieusement ? Il croyait vraiment que j'allais faire l'effort de retenir toutes ces données inutiles juste pour satisfaire sa curiosité ? En sentant que mon bras n'était plus entravé, je décidais néanmoins de satisfaire sa première réclamation. Peut-être qu'il finirait pas me lâcher si je négociais ma libération progressive en échange de réponses. Je soulevais mon bras droit et tirais sur ma manche avec les dents pour la faire descendre. Je lui présentais ensuite ma marque non sans affichée un sourire satisfait.

- Comme tu le vois, je ne suis pas une Libre avide de larcins. Maintenant, on pourrait peut-être imaginer que tu me relâches histoire qu'on continue cette passionnante conversation de façon plus civilisée ?

J'avais bien insisté sur le mot 'passionnante' et 'civilisée' pour lui faire comprendre que je n'en pensais rien. Pour patienter, je me pris à imaginer les différentes nuances que prendrait son visage lorsque je lui aurais balancer un coup de genou dans l'entrejambe. A moins que je n'utilise la crosse de mon fusil à pompe pour voir les dégâts que ça ferait ? Non, c'était cruel pour cette pauvre arme. Dans tous les cas, ce blaireau n'allait pas emporter cette histoire au paradis.

La blonde soupire comme si tu l'importunais mais tu ne fais que ton travail. Elle ne t'aide vraiment pas à le faire qui plus est. Si elle était plus participative cette histoire serait déjà réglée depuis longtemps mais puisqu'elle voulait se mettre des bâtons dans les roues inutilement tu n'allais pas l'en empêcher. De toute façon elle t'emmerde alors sérieusement tu ne te vois pas jouer les gentils et compréhensifs surveillants avec cette peste. Lorsqu'elle déplace son bras tu restes légèrement méfiant mais tu la laisses se débrouiller pour dégager son poignet. Sa marque se révèle et tu constates qu'il s'agit d'une Vipère. Pourquoi est-ce que ça ne t'étonne pas vraiment ?

GAELLE – Comme tu le vois, je ne suis pas une Libre avide de larcins. Maintenant, on pourrait peut-être imaginer que tu me relâches histoire qu'on continue cette passionnante conversation de façon plus civilisée ?
KAHLAN – Si j'avais vraiment cru que tu étais une Libre tu serais déjà morte depuis longtemps.

C'était juste parce que tu te doutais qu'elle appartenait à un clan que tu avais été si conciliant. Ses provocations ne te touchèrent pas vraiment. De plus si elle voulait de la civilité, elle n'avait qu'à montrer l'exemple au lieu de jouer les chieuses avec toi. Mais comme elle ne le fait pas tu continues à l'ennuyer. Tu as du temps à perdre et quelque chose te dit que ce n'est pas forcément son cas. Ou en tout cas en perdre l'agace et ça rend la chose encore plus amusante pour toi.

KAHLAN – La suite. Je connais ton clan mais il me manque toujours ton nom, ton grade, ta tâche et la raison de ta présence ici. C'est trop compliqué comme questions ? Il faut que je me répète une troisième fois ou tu les as comprise cette fois ?

Ce mec n'était vraiment pas drôle. Il était aussi incroyablement et inutilement tenace. Qu'est-ce qu'il craignait ? Il me tenait de façon étroite et c'était à peine si je pouvais déplacer un bras. J'aurais pu l'utiliser pour virer l'arme qui piquait toujours ma gorge, mais je ne le fis pas. A la place, j'étouffais un bâillement magistral alors qu'il parlait. Tout ça commençait à devenir ennuyant et j'avais autre chose à faire de ma journée que de satisfaire les petits trips dominateurs d'un surveillant sortit de nulle part. Lorsqu'il répéta donc ses demandes avec beaucoup trop de sarcasme dans la voix, je décidais cette fois de lui répondre, non sans avoir rouler un regard blasé vers le plafond.

- Si le crétin de surveillant veut tout savoir, donnons lui ce qu'il demande... Je m'appelle Gaëlle et je suis ici parce que j'avais besoin de pièces pour réparer des armes. Parce que oui, je travaille à l'armurerie là où il y a des choses importantes et intéressantes à faire. Je dirige même l'armurerie, alors je te conseille de reconsidérer tes options en me lâchant parce qu'il y a beaucoup d'armes que je pourrais tester sur toi.

La menace était claire, mais je n'envisageais pas vraiment de l'utiliser comme cible. Pas là dans l'instant du moins. Je n'avais même pas de prototypes avec moi à tester.

- Et, au cas où ton sens de l'humour serait aussi inexistant que ta répartie est chiante, ceci était une blague.

Ou pas, mais je ne tenais pas non plus à ce qu'il me garde ici pendant encore trois plombes. Comme je l'avais déjà dit, j'avais des choses à faire contrairement à lui dont le boulot semblait se résumer à emmerder les gens. Avec mauvaise humeur, je crachais une dernière remarque qui pourtant n'aurait pas dû sortir car elle n'allait pas arranger notre relation déjà conflictuelle.

- Même si je n'aurais pas besoin d'une arme pour te faire du mal.

Cette fois c'est une certitude tu es tombé sur un spécimen de toute première qualité. Cette fille est un cas et quelque chose te dit qu'elle doit faire partie des cinq personnes les plus chiantes de la ville. Elle étouffe un bâillement qui te donne envie d'enfoncer ton arme dans sa chair mais tu te retiens toujours. Tu ne veux pas de problèmes inutiles et une meuf de sa trempe ne peut apporter qu'un paquet d'embrouilles avec elle même lorsqu'il s'agit de mourir.

GAELLE – Si le crétin de surveillant veut tout savoir, donnons lui ce qu'il demande... Je m'appelle Gaëlle et je suis ici parce que j'avais besoin de pièces pour réparer des armes. Parce que oui, je travaille à l'armurerie là où il y a des choses importantes et intéressantes à faire. Je dirige même l'armurerie, alors je te conseille de reconsidérer tes options en me lâchant parce qu'il y a beaucoup d'armes que je pourrais tester sur toi.

Elle est fondamentalement désagréable mais au moins elle parle et réponds à certaines de tes questions. A l'entendre c'est comme si tu étais un gros lourd qui tentait de lui arracher des informations mais elle semble oublier que tu ne fais que ton boulot. Le fait qu'elle soit armurière ne tombe par contre pas dans l'oreille d'un sourd. Elle est plus gradée que toi. Ca n'excuse en rien son comportement mais ça t'indique que tu as bien fait de ne pas trop la brutaliser et qu'il est nécessaire de la garder en vie même si elle a clairement outrepassé ses droits et que les gens qui font ça termine généralement avec une balle dans la tête ici. Sa menace par contre te laisse de marbre. Ce n'est pas parce que tu ne la sous-estimes pas que tu vas te mettre à trembler pour autant.

GAELLE – Et, au cas où ton sens de l'humour serait aussi inexistant que ta répartie est chiante, ceci était une blague.

Elle te prends vraiment pour un con. Tu ravales un grognement de pure frustration parce qu'il faut bien l'avouer tu as les poings liés pour le coup. Mais tu peux continuer à l'ennuyer un peu – maigre consolation mais consolation quand même – puisque tu as encore une question basique à lui poser.

GAELLE – Même si je n'aurais pas besoin d'une arme pour te faire du mal.

Bien sûr elle te coupe la parole. Le soupçon de défi dans sa voix met néanmoins cette fois le feu aux poudres. Elle t'a cherché et maintenant elle va te trouver. Tu ne sais pas à quel jeu elle joue mais si elle pense que son grade ou sa condition de femme vont t'empêcher de la frapper, elle se fourre le doigt dans l’œil. Et profondément encore. Tu la lâches et immédiatement tu recules. Ton poinçon retrouve sa place et tu te présentes à elle désarmé.

KAHLAN – Jusqu'ici tu n'as fait que caqueter. Vas-y prouve le si tu es si forte.

Tu écartes les bras pour l'inviter à frapper. Tu ne fais même pas l'effort de te mettre en garde. Elle n'a rien d'une combattante hors-paire et tu comptes bien lui faire comprendre que tu le sais. C'est peut-être con comme attitude mais cette blondasse a dépassée les bornes.

KAHLAN – Au passage tu me donneras le mot de passe qu'on en finisse.

Dernier détail à vérifier. Une fois qu'elle se sera fait mal en te cognant, tu pourras comme ça enfin décamper.

L'homme de Cro-Magnon qui me tenait avait visiblement ses limites. Quelque chose dans mon discours le fit tiquer et je ne sentis soudain plus la piqûre de son arme sur ma gorge. En le sentant reculer, je m'offrais le luxe de passer la main sur ma peau douloureuse et récoltais un petit peu de sang. Il n'y en avait peut-être qu'une goutte, mais il s'étala sur mes doigts. Pauvre type. Je lâchais un faible grognement et me tournais vers lui. Il m'avait prise au mot à propos de cette histoire de lui faire mal sans arme et ne semblait attendre que de voir ça désormais. Quel abruti ! Dans les faits, il n'avait pas tort néanmoins. Depuis notre rencontre, il y avait eu beaucoup de blabla pour pas beaucoup d'action. La provocation était déjà claire dans la voix du brun, mais la décontraction qu'il affichait l'était encore plus. Maintenant que je le regardais mieux, je pouvais dire d'où lui venait son assurance. Il était grand et baraqué. Tout le contraire de moi. Et en plus il devait probablement savoir ce qu'il faisait alors que moi... Disons que le combat au corps à corps n'avait jamais été l'un de mes talents. J'avais de la force, mais j'étais prodigieusement incapable de l'utiliser. Je n'avais jamais cherché à apprendre non plus. Je n'y voyais aucun intérêt. Pourquoi combattre sans arme quand on pouvait avoir un merveilleux pistolet au creux de la main pour utiliser son adversaire comme cible mouvante ? Toujours dans son trip de "je suis un gardien professionnel", le gars posa une ultime question. Pff. Je la connaissais la réponse, mais je n'allais pas lui faire le plaisir de la lui donner. Ou peut-être que si, mais après. Là, j'avais quelque chose de beaucoup plus stupide à faire.

Le coup partit avant que je n'y réfléchisse vraiment. J'avais balancé mon poing droit vers l'avant sans viser d'endroit particulier, ni adopter de stratégie particulière. J’espérais que la chance serait avec moi et que la frappe atteindrait sa cible, si possible à un endroit qui faisait très mal. Point.

Le drôle d'animal que tu avais aujourd'hui attrapé grogne après s'être assuré que sa gorge était indemne. Naturellement elle n'avait rien trouvé de bien grave. Tu as juste percé la peau et au vu de son attitude elle avait de la chance que tu ne t'en sois tenu qu'à ça, tu espérais donc ne plus la voir râler. Mais vu la bête quelque chose te disait que ne pas râler lui était impossible. Elle devait avoir ça dans le sang. Désormais face à face elle te jauge et tu en fais de même. Si elle n'avait pas ce caractère elle ne serait pas mal du tout. Elle est bien foutue mais beaucoup trop chiante pour que ça suffise. Ta question ne reçoit à nouveau aucune réponse mais tu n'en avais pas réellement espéré. Tu commençais à t'habituer à son fonctionnement et tu ne t'offusquais plus pour si peu. Alors que tu es en attente la blonde se lance enfin. Elle te balance un coup de poing sortit de nulle part et vu comment elle s'y prend tu devines immédiatement qu'elle n'a aucune connaissance en combat au corps à corps. Elle cogne sans technique, en utilisant toute sa force et ne fait même pas attention à son équilibre. Face à ça la meilleure chose à faire est d'esquiver. Tu te déplaces latéralement et tu laisses son poids l'emporter vers l'avant, plaçant juste un coup du plat de la main sur son dos pour encourager sa chute. Tu aurais pu faire beaucoup de dégâts au vu de sa garde béante mais ce n'est ici pas le but alors tu fais juste en sorte de rendre ce combat le plus humiliant possible pour elle. S'il s'agit d'un combat...

KAHLAN – Que de la gueule, c'est bien ce que je pensais.

Mon coup ne posa aucun problème au brun. Malgré sa carrure, il bougeait vite et plutôt que d'encaisser, il retourna mon attaque en esquivant. Il ne frappa pas en retour, préférant me laisser me casser la figure parce que bien sûr j'avais juste cogné sans réfléchir à ce qu'il se passerait si j'échouais. Je sentis mon corps partir en avant comme au ralenti et je tentais de me rattraper au vide, mais cela n'eut aucun résultat à part celui de me rendre ridicule. J'avais à peine senti la poussée dans mon dos qui accéléra pourtant ma chute. Je m'étalais comme une crêpe sur le sol poussiéreux du hangar en grognant sous la douleur. Alors que mon but avait été de lui faire mal, c'était moi qui était en train de me faire des bleus d'une façon idiote. Sa voix narquoise résonna derrière moi et je m'arrachais au béton en rugissant, balançant des coups vers lui sans plus de technique que tout à l'heure. Ce type m'énervait. Si j'avais eu un flingue, je lui aurais mis une balle dans l'épaule ou dans le genou pour passer mes nerfs. Je n'étais pas particulièrement fière pour ce genre de trucs, mais il était venu frapper une zone sensible que je ne me connaissais même pas et désormais je voulais juste lui prouver qu'il avait tort. En cet instant, je ne pouvais simplement pas accepter qu'il puisse avoir raison. Que ce n'était que de la gueule. Je valais mieux que ça. Au fond, je valais mieux que lui qui semblait se fier plus à ses poings qu'à ces armes que je chérissais. C'était une bagarre ridicule qui n'aurait sûrement bien vite plus d'importance à mes yeux, mais pour le moment elle comptait beaucoup trop pour que je lui donne raison.

Cette fille a au moins le don d'être divertissante. Tu observes sa chute avec un sourire moqueur aux lèvres. Elle s'est bien ramassé et ses petits mouvements avant l'impact étaient particulièrement drôles. Il fallait aussi lui reconnaître qu'elle était tenace. Dès qu'elle avait touché le sol elle s'était relevée furieusement pour passer à l'attaque. Tu esquives certains de ses coups et tu en encaisses d'autres sans réelles difficultés. Au bout d'un moment tout ça devient lassant et tu l'arrêtes d'une main plaquée sur sa tête. Tu profites largement du fait que tu es plus grand qu'elle pour la maîtriser. « Tu penses pas que tu t'es assez excitée comme ça ? Tu me donnes chaud à t'agiter. » L'absence d'air dans le hangar est particulièrement désagréable et tu sortirais bien pour respirer. Mais impossible de bouger comme tu le veux tant que cette furie a dans la tête de t'en mettre une. « Avec une technique pareille, tu n'arriveras à rien donc juste stop. »

Ce blaireau continuait à esquiver les coups comme si de rien n'était. Et parfois, il me laissait frapper et là, c'était pire. Ses bras musclés laissaient des fourmis dans mes poings et je sentais la peau tendue chauffer douloureusement. Pourtant, je n'arrêtais pas parce que je voulais lui faire cracher son sang. Espoir futile. Comme s'il ne m'avait pas déjà assez humiliée, il m'arrêta en me tenant à distance, une main puissante coinçant fermement ma tête. Je me laissais lourdement peser contre cet appui, cherchant à l'atteindre d'abord du poing, puis au moins d'attraper son t-shirt du bout des doigts, mais j'avais les bras trop courts.

- Ta gueule !

Je grommelais, mais moi aussi j'avais chaud. J'avais envie d'enlever mon blouson qui se collait à ma peau avec la sueur. L'exercice gratuit, ce n'était vraiment pas mon truc. Je soufflais, la respiration hachée et la fatigue se faisant plus présente maintenant que j'avais cessé de gesticuler. Il avait raison. Il était trop fort pour moi et je ne pouvais même pas dire de l'avoir à l'usure puisque le seul qu'il s'épuisait ici c'était moi. La colère redescendit aussi vite qu'elle était venue et un nouveau soupir, fort et mécontent passa mes lèvres.

- C'est bon, j'arrête.

Je ne fis néanmoins aucun effort pour me déplacer. Ce n'était pas si inconfortable que ça d'être maintenue de la sorte.

Elle ne pèse pas bien lourd mais sa tactique n'est pas franchement mauvaise. En se relâchant à ce point elle te force à supporter une bonne partie de son poids. Dans d'autres circonstances ça aiderait peut-être mais là il te suffirait d'un pas de côté pour qu'elle s'étale misérablement sur le sol à nouveau. Tu ne le fais pourtant pas. Tu la laisses même s'escrimer un moment à gesticuler pour t'atteindre. « Ta gueule ! » Tu roules des yeux. Si en plus tu ne peux même plus parler. Et dire que tu lui donnais un conseil. Il faut croire qu'elle n'aime pas trop entendre la vérité. Finalement elle arrête de bouger pour reprendre son souffle mais elle reste en place. Tu ne sais pas trop quoi faire, ni si elle ne te prépare pas un sale coup donc tu gardes le bras tendu et tu la soutiens. Elle soupire et enfin c'est bon signe. « C'est bon, j'arrête. » « Il était temps. » Tu lâches en soupirant toi aussi. Tu t'attends à ce qu'elle se redresse mais non elle continue à peser sur ton bras. Un peu blasé tu fais un pas en avant pour te rapprocher et tu la pousses un peu de façon à la remettre totalement à la verticale. Tu lâches sa tête mais ton autre main est sur son épaule pour la stabiliser. Il ne faudrait pas qu'elle se prenne une gamelle et qu'elle recommence son cirque sous prétexte que ce serait de ta faute. « Ramasse ton bazar qu'on sorte d'ici. » Tu n'as pas oublié ton job malgré ce petit divertissement et tu ne comptes pas la laisser toute seule dans l'entrepôt.

Je ricanais un instant devant son attitude blasée, au moins je n'aurais pas perdu ma journée en pourrissant celle d'un gardien. S'il n'était pas si chiant ce serait presque un gardien gentil car, au lieu de me laisser tomber, il prit le temps de m'aider à me redresser et veilla à me stabiliser. Quel brave toutou. Il n'y eut pas de merci qui quitta mes lèvres, juste un regard plus ou moins sympathique et un petit hochement de tête. Je n'allais pas non plus me mettre à être gentille sous prétexte qu'il avait été correct. Cette fois quand il me donna un ordre, je ne me rebellais pas. Je râlais un peu, bien sûr, mais je me dirigeais vers mon sac et y fourrais toutes les pièces que j'avais dénichée avant de le placer sur mes épaules. Il était un peu lourd, mais ce n'était pas ça qui allait m'arrêter. J'avais suffisamment fait le trajet entre ici et l'Atelier chargée comme un baudet pour ne plus m'en soucier. Pas vraiment désireuse de recommencer un combat avec le brun, je me gardais bien de toucher mon shotgun sanglé à mon sac. Une fois parée, je le dépassais et m'empressais de sortir de l'entrepôt.

- A plus, craignos.

Une fois dehors, je me retournais vivement et pointais un doigt accusateur sur lui, juste pour le style.

- Et comporte toi bien la prochaine fois sinon je te dénonce pour maltraitance sur gradé.

Il n'y avait rien à dire de plus, je n'étais pas vraiment sérieuse de toute façon. C'était beaucoup trop d'emmerdes inutiles quand un seul coup de fusil suffisait pour me débarrasser d'une nuisance. Maintenant que tout était mis au clair, je m'éclipsais vers l'ouest. Il y avait du boulot qui attendait à la maison et j'avais plutôt hâte de replonger les mains dans les armes.

Tu l'observes, presque certain que tu vas avoir à la trainer de force hors de l'entrepôt pourtant il faut croire que cette fille aime vraiment te contrarier. Elle ronchonne un peu mais elle récupère quand même son sac et se dirige vers la sortie. Tu es soulagé d'en avoir enfin fini mais bien sûr elle veut le dernier mot. « A plus, craignos. » Tu te gardes bien de renchérir, il ne manquerait plus qu'elle reste. Mais ça ne l'empêche pas d'en rajouter une couche, s'arrêtant dans une pose qui devait être significative pour elle à l'entrée de l'entrepôt. « Et comporte toi bien la prochaine fois sinon je te dénonce pour maltraitance sur gradé. » La réplique devrait te laisser de marbre mais il y a un coin de tes lèvres qui se soulève un peu. Pour ta défense, cette menace était marrante. Et puis comment cette drôle de fille pourrait-elle être gradée ? C'est probablement juste dans ses rêves. Tu sors un peu après elle et tu vérifies qu'elle a bien disparu avant de te remettre à ta ronde. C'était pas tout ça mais tu avais du boulot sur les bras quand même.