One exception isn't weakness
jour 3 - fin de journée

Quelle journée ! Aujourd'hui tu t'es concentré sur ton clan. Tu préfèrerais être pleinement productive en ne t'occupant que des Dragons mais puisque tu ne fais plus confiance à tes Espions il faut bien que tu t'assures que rien ne se trame du côté de ton propre clan. De plus tu dois préserver une couverture solide. Et pour ça tu dois t'impliquer un peu plus. Généralement tu faisais en sorte d'être relativement invisible parmi les tiens en ne sortant pas de la normalité mais il faut désormais que tu te fasses un petit peu plus remarquée en jouant clairement de ton statut de Jaguar affectée par la rébellion. De plus tu as clairement délaissé tes contacts récurrents. Tu n'as quasiment pas vu ton petit ami ces derniers jours et encore moins sa bande. A cause de la rébellion, hors de question pour les sentinelles de laisser traîner Louise dans le coin. Et Louise est une Dragonne d'où l'importance de rester proche d'elle. Après tout elle est l'une de tes plus proches amies. Donc si Louise ne peut pas venir à toi, tu iras à Louise. Tu te pointes dans la zone industrielle vers la tombée du jour lors du changement de gardiens. Ce n'est pas la première fois que tu fais ça. Tu connais ton rôle. Tu sais comment agir. Quand le petit groupe de gardiens quitte les alentours de la citerne tu fais de grands gestes vers eux pour signaler ta présence. Jason te voit et il accélère le pas en souriant d'une façon lumineuse alors qu'il te regarde. Ton sourire est plus discret mais il s'agrandit un peu quand tu passes tes bras autour de son cou pour l'embrasser tendrement. L'instant ne dure pas longtemps, tu le lâches bien vite pour aller vers les autres et plus précisément vers Louise. Le rayon de soleil de la bande.

APRIL – Louiiiiiiise.

Faire semblant de l'aimer n'est pas difficile. Être gentille avec elle ne t'arrache pas la peau. C'est presque naturel. Tu ouvres grand les bras pour lui faire un câlin et tu la serres fort contre toi. Même ce genre de contact n'est pas dérangeant car Louise est à tes yeux comme une enfant. Elle est rafraichissante et agréable. Et même si parfois être celle qui lui correspond le mieux est fatiguant, tu ne t'en plains pas vraiment. D'une certaine façon tu apprécies Louise. Ça ne t'empêchera pas de l'utiliser. Ça ne t'empêchera pas de la blesser. Ça ne t'empêchera pas de la détruire. Mais le fait d'être capable de faire tout ça ne t'empêchera pas non plus de l'apprécier réellement.

APRIL – Ça fait beaucoup trop longtemps qu'on ne s'est pas vues. C'est injuste qu'ils ne te laissent pas venir chez nous.

Tu recules légèrement mais tu attrapes ses mains en feignant une mine boudeuse. En réalité ça t'a bien arrangé que les frontières aient été fermées aux étrangers car ça t'a permis de travailler tranquillement. Et maintenant ça te donne l'occasion de faire ton show en jouant les amies dévouées.

April était de loin ma personne préférée, tout juste derrière ma famille, tatie Lucie, Chanel, Icare, évidemment, et Orion, à presqu’égalité avec Syd. Elle le dépassait sans doute d’un cheveu ou deux, parce que nous nous connaissions mieux, mine de rien. Histoires de filles, complicité féminine, tout ça, tout ça. Ainsi, lorsque je l’ai vu agiter les bras, au loin, j’étais presque aussi heureuse que son petit ami pouvait l’être. Je saluai les autres gardiens en approche, mon éternel sourire en étendard, avant de rejoindre les tourtereaux.

La journée avait été longue, comme souvent, par ici. Surveiller un cite n’était pas palpitant, mais je tentais néanmoins d’y trouver mon compte, à ma manière. Nous avions alterné les rondes pour nous dégourdir les pattes, mais après un moment, il faut être honnête, la citerne, bah elle cause pas des masses. Avec les récents événements, les membres avaient la tête ailleurs, et visiter la citerne, quelle qu’en soit la raison, n’était définitivement pas une priorité. Ce fut donc un pur délice de voir April débouler avec son énergie et ses mimiques. Je gloussai en l’entendant m’appeler avec entrain, sincèrement émue des élans d’affection qui m’étaient destinés. Son étreinte me fit chaud au coeur et me rappela, comme si j’avais pu l’oublier, combien mon amie m’avait manqué. Je lui rendis un câlin similaire, inspirant profondément pour me gorger de son odeur d’April. Mes mimines toujours liées aux siennes, je partageais avec elle un petit air navré, lorsqu’elle évoqua l’injustice dont faisaient soi-disant preuve les Jaguars.

- C’est normal, je peux comprendre. Tout le monde est ébranlé… Tu aurais dû nous voir au bûcher. Ils en menaient pas large. Mais ton copain me disait justement que je pourrais revenir bientôt. Et ça, c’est plutôt chouette!

Je lançais un regard à l'intéressé, du bout des yeux, avant de revenir à ma belle amie. Après une légère pression de mes mains sur les siennes, je les relâchais avec délicatesse. Elles appartenaient à mon frère de garde, après tout. Purée qu’ils étaient mignons, tout les deux, quand même. J’avais fichtrement hâte à dans quelques années, lorsqu’ils n’auraient plus de tâches, ni l’un, ni l’autre, pour voir une ribambelle de petites April courir dans tout les sens, au lac ou ailleurs. Mon sourire devenait d’autant plus tendre, je m’en doutais bien.

- C’est gentil d’être venue jusqu’ici. Tout ça rien que pour moi?

Suspicieuse, je revenais lancer un regard à mon rival, trop occupé à bidouiller avec la ganse de son sac pour comprendre mes fausses allusions.

A tes yeux Louise est aussi mignonne qu'étrange. Tu te demandes souvent comment elle fait pour survivre dans ce monde. Elle a gardé une sorte de candeur particulière et même si elle semble sérieuse avec sa tâche c'est quand même fort. Surtout pour une Dragonne. C'était sûrement son énergie particulière qui la gardait en vie. Dans tous les cas ça ne pouvait pas être un hasard. On ne restait pas vivant par hasard dans le pire des quatre clans. La chance pouvait parfois jouer un petit peu mais ce n'était assurément pas suffisant. Pour toi la blonde reste donc un mystère et c'est peut-être pour ça que la fréquenter n'est pas dérangeant. Parce qu'elle t'intrigue et que la curiosité a été ton moteur au début. Sans elle tu ne serais pas devenue une Jaguar. Curieuse tu l'es toujours mais tu es devenue une curieuse pragmatique. Alors avec Louise peut-être que c'est juste ta véritable curiosité qui refait surface. « C’est normal, je peux comprendre. Tout le monde est ébranlé… Tu aurais dû nous voir au bûcher. Ils en menaient pas large. Mais ton copain me disait justement que je pourrais revenir bientôt. Et ça, c’est plutôt chouette ! » Alors même chez les Dragons ça avait été dur ? Chad était un Second apprécié tu n'es donc pas étonnée que sa perte ait été douloureuse mais tu n'aurais jamais penser qu'ils témoigneraient quoi que ce soit. Louise change vite de sujet alors tu n'as pas l'occasion de creuser. Tant pis. Tu n'es pas en collecte d'informations ici de toute façon. Tu t'occupes principalement de tes liens. « Oui c'est vraiment chouette. C'est trop calme chez nous sans toi. » Et encore une couche. Quand Louise jette un regard à Jason et puis te lâches, tu te demandes ce qui lui passe par la tête. C'est toujours un peu la surprise. Lui reste silencieux et vous regarde juste avec un sourire en coin. C'est une des raisons pour lesquels tu l'as choisis. Il ne cancane pas en permanence et il comprends que tu ais besoin d'air parfois. Du coup c'est d'autant plus idiot que ce soit justement son côté plat qui t'agace désormais. Tu ne l'avais pas vu venir mais il avait fini par devenir quelque chose et pas juste un pion. Tu te fichais d'un pion, tu n'étais pas agacée par un pion. Mais par lui tu l'étais même si personne ne le savait. Pour les autres tu étais amoureuse. L'amour. Un grand mot auquel tu ne comprends rien. « C’est gentil d’être venue jusqu’ici. Tout ça rien que pour moi? » Si elle savait. Ce coup-ci tu comprends directement à quel jeu elle joue mais tu es bien la seule. Ton petit ami est juste...absent. Il vient de louper tout ce qu'il se passe non loin de lui et c'est avec un sourire amusé que tu passes ton bras autour de celui de Louise pour marcher. « Ça se pourrait bien. Qui sait, je serais peut-être même venue te voir si vous n'aviez pas été dans la même équipe. » Tu l'aurais probablement fait. Sans Jason dans tes pattes ce serait souvent plus faciles. Mais pour le moment il est encore pratique alors tu le gardes. « Plus sérieusement je suis très contente de le voir mais lui il est presque tous les jours à la maison alors que ce n'est pas ton cas. Donc oui tu es la cible prioritaire de ma visite. »

- C’est gentil d’être venue jusqu’ici. Tout ça rien que pour moi?

- Ça se pourrait bien. Qui sait, je serais peut-être même venue te voir si vous n'aviez pas été dans la même équipe.

- Peut-être..?!

J’explosai d’un rire joyeux, en cascade, tout en déposant ma main sur son bras lié au mien. Entremêlées, voilà ce que nous étions. Deux racines d’une même plante entortillées, à la vie, à la mort, et provenant d’une même source. April était joueuse, et il ne faisait aucun doute à mon esprit qu’elle badinait tout simplement avec notre amitié pour épater la galerie, à savoir son meilleur public, moi. Ainsi, impossible de me vexer réellement, bien au contraire. Mon regard pétillait et mon sourire forçait une fossette, quelque part, sur ma joue.

- Plus sérieusement je suis très contente de le voir mais lui il est presque tous les jours à la maison alors que ce n'est pas ton cas. Donc oui tu es la cible prioritaire de ma visite.

Qu’est-ce que je disais! Je roucoulais presque, accrochée à son bras, tout en la laissant me guider vers je-ne-sais-où. S’il était vrai que je résistais sans problème au manque de sommeil, il fallait être honnête: j’étais bien heureuse de ne pas réfléchir à notre destination et à me permettre d’être distraite, juste un peu. Je pouvais me reposer un peu sur elle, je lui faisais pleinement confiance. J’entendais les pas de Jason derrière nous, puis un bottage de caillou de sa part. Nous y étions, nous redevenions le trio du bonheur. Malgré le temps et les rébellions, notre petit groupe ne se dissipait pas.

- Ça faisait un moment, c’est sur. ...Et tu devineras jamais qui m’a raccompagné, après le bûcher funéraire.

Je laissais planer le suspense, si suspense il y avait. Même si je passais la moitié de ma vie hors de mon propre territoire, la presque totalité de mon temps chez les Dragons était consacrée à Icare. Cela dit, je ne m’en vantais habituellement pas, et j’avais tenté d’être discrète sur son cas. Il était comme un secret de nouvelle année. Si je disais à haute voix qu’il me plaisait, mon secret allait s’essouffler et s’étioler, et mon souhait ne se réaliserait pas. Mais April, elle me connaissait par coeur, sur le bout de ses petits doigts fins. Peut-être qu’elle savait déjà, qu’elle se doutait bien que. Je relevais mon minois vers le sien pour chuchoter mon secret à son oreille, tout en ignorant le ridicule manque de romantisme dans un bûcher funéraire.

- Icare...

Je la laissais réagir, l’épiant du bout des yeux. Quelque part, au fond de moi, j’espérais qu’elle se réjouisse pour moi, même si je n’étais pas en couple, même si il l’avait probablement fait pour m’éviter encore des embrouilles. Pour moi, c’était le Bonheur, le vrai. Avec majuscule et embonpoint.