NON !, hurla-t-elle presque, se relevant d'un bond, sa voix se brisant tant elle avait haussé le ton. Et ils se turent tous les deux, elle leur avait littéralement cloué le bec. C'était une première depuis qu'elle les avait croisés. Elle put lire l'étonnement sur leurs visages. Et étonnée, elle l'était aussi. Elle ne pensait plus pouvoir se préoccuper réellement du sort de quelqu'un d'autre mais le début de panique qui suinta de sa voix était bien la preuve qu'après tout, elle n'était pas encore ce monstre d'égoïsme qu'elle pensait être. Vous ne pouvez pas aller là-bas, pas chez eux, reprit-elle sur un ton qu'elle voulut plus posé mais qui n'avait pourtant rien de rassurant.

Elle se doutait bien qu'ils ne l'écouteraient pas, qu'ils la noieraient sous des tas de question. Sa réaction avait ouvert une boîte de Pandore et il était trop tard pour la refermer. Elle s'était montrée trop vindicative et avait assurément attisé les flammes de leur curiosité. Elle s'était trahie elle-même et ça la mettait particulièrement en colère. Contre elle-même et contre ces deux crétins. Elle s'était jurée pourtant. Elle avait juré ne plus rester avec les autres plus de temps qu'il n'en fallait. Et pourtant là voilà...essayant de convaincre deux têtes de mules de ne pas faire la plus terrible erreur de leurs vies. Elle les fixa, notant chaque détail de leurs visages comme si elle voulait les graver dans sa mémoire...parce qu'au fond, elle savait qu'elle avait déjà perdu. Elle devait être un peu masochiste après tout. En se raccrochant ainsi, elle allait forcément le payer à un moment ou à un autre. Et elle était prête à parier que ce serait plus proche que tard. Le sourire que le plus vieux lui adressa en signe d'apaisement ne fit que l'énerver et elle repoussa violemment la tentative d'approche du second.

D'accord, faites ce que vous voulez, je m'en fiche, lâcha-t-elle en s'éloignant d'eux, s'enfouissant dans ce qui lui servait de couche, leur tournant volontairement le dos. Oui, elle boudait, oui c'était puéril...mais elle ne savait plus quoi faire d'autre. Mais ne vous plaignez pas quand ce sera fait. Gnyanyanya, la gamine avait raison. Gnyanyanya, on aurait du l'écouter à la place de nous la jouer vieux sage avec de l'expérience..., lança-t-elle du plus profond de son trou, rabattant son tas de chiffon sur sa tête en les sentant approcher.  

Pourtant, ce fut la voix d'une femme qui retentit dans l'obscurité de la nuit. Elle avait du s'assoupir. Il ne restait du feu de camps que quelques petites braises qui se consumaient lentement, trop faible pour émettre assez de lumière. Rian s'était encore mise dans un foutu pétrin...et cette fois, c'était différent. Différent parce qu'elle savait qu'ils étaient trop près des Dragons, trop près de son passé...et ça la mettait en colère. Obéissant d'abord aux ordres qu'on lui donnait, elle se releva, non sans avoir jeté un coup d'œil à son sac...Quand elle l'eut repéré, elle alla s'installer, les mains en évidence, auprès de ces deux compagnons temporaires, ne pouvant s'empêcher de leur lancer un regard accusateur.