Qu’est-ce qui pouvait bien pousser l’Ancienne à se rendre un soir, au centre hospitalier ? Une excellente question. Le plus souvent, ce n’était rien de plus que des simples visites de courtoisie. A des connaissances ou simplement pour voir qui était à l’hôpital. Surtout que ce dernier ne manquait pas vraiment de pensionnaires depuis la rébellion chez les Jaguars. Certains s’y trouvaient depuis plus longtemps que d’autre et personne ne pouvait dire quand ils allaient en sortir. Triste à dire mais pourtant, c’était là la réalité. Tout comme il y avait des morts tous les jours et que même les soigneurs ne pouvaient pas toujours y faire quelque chose. De toute façon, louer une chambre ici, ce n’était jamais bon signe. Quand ce sont des petites blessures, ça va, on se contente d’aller voir l’infirmier de son clan mais quand ça devient un peu plus important… Eh bien, c’est une autre paire de manche. Et honnêtement, Hedwige préférait ne pas trop y penser. Elle se rendait bien compte qu’elle avait eu de la chance durant son service. Dans ses souvenirs, elle n’avait jamais rien eu de trop grave qui aurait pu l’obliger à rester plusieurs jours dans cet endroit. Et c’était tant mieux. Certaines soigneuses ici pouvaient faire peur à voir. Pour diverses raisons mais il est préférable de ne pas trop les énoncer. Pour des raisons évidentes de sécurité, cela va de soi. Hedwige aurait pu se contenter de faire son petit tour habituel et de repartir aussitôt en direction du clan. Elle aurait pu. Si elle n’avait pas croisé cette personne. Une soigneuse qu’elle ne connaissait pas plus que ça mais à ses yeux, elle en savait suffisamment pour se faire une première opinion sur elle. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’avait rien de particulièrement glorieux.

Alors quand elle est passée à côté d’elle, l’Ancienne a procédé comme elle avait l’habitude le faire à chaque fois qu’elle la croisait.  Elle lui avait lancé son regard hautain et perçant. Celui qui la faisait généralement fuir ou baisser la tête. Mais cette fois-là fut étrangement différente des autres. Hedwige en ignorait les raisons et elle s’en fichait pas mal mais l’attitude de la rousse changea radicalement. Elle avait relevé la tête et s’était dirigée vers la Dragonne en tentant bon gré, mal gré d’adopter une assurance et un regard confiant qui ne lui correspondait absolument pas. Hedwige la regarda approcher et toussoter sans être intimidée, ne serait-ce qu’un peu. Elle n’avait pas non plus un air très amical. Et la question de la Soumise fit lâcher un soupir d’agacement à l’Ancienne. Les raisons n’étaient-elles pas assez logiques ? De manière personnelle, non, en effet, elle ne lui avait rien fait. Heureusement. Il n’aurait manqué plus que ça. Hedwige n’avait d’ailleurs rien de personne contre elle non plus. Elle savait que ce n’était pas de sa faute. Qu’elle n’avait probablement juste pas eu de chance. Mais c’était comme ça. Elle avait cette différence ancrée en elle, qu’elle le veuille ou non. Elle était présente. Hed’ eut tout de même le geste de la regarder dans les yeux avant de lui répondre, alors qu’elle aurait simplement pu décider de l’ignorer. « Non, tu ne m’as rien fait personnellement, si ça peut te rassurer. Seulement, tu as eu la malchance d’être née du mauvais côté de la barrière. Disons que je ne te déteste pas mais que je ne t’apprécie pas non plus pour autant. Hélas, on ne corrige pas sa naissance, demoiselle. » Elle s’étonnait elle-même. Hedwige aurait pu être plus violente, plus dure. Mais non. Elle s’était montrée relativement calme et agréable. Elle n’avait pas non plus haussé le ton et sa voix était calme. Au fond, elle n’en voulait pas à Chanel de se poser ce type de question.