Depuis que Noâ m’avait annoncée le retour de la Troupe à Paris, je ne tenais plus en place, et au bout d’un moment j’envoyais balader les menaces et les risques pour aller vérifier par moi-même la véracité de cette annonce. Je m’étais donc éclipsée à l’aube du logement de mes tuteurs pour me diriger d’abord vers le Centre Neutre pour ensuite bifurquer et suivre les frontières pour rejoindre l’emplacement du campement de Virgo. J’avais pu obtenir l’info par un Membre, donnant comme excuse que j’allais participer à une livraison avec un groupe de Soumis mais que j’aurais préféré connaître la route avant histoire d’être certaine de ne pas me perdre. Mon innocence et mon air enfantin ont tari les doutes du Membre qui avait fini par m’indiqué le chemin le plus sûr pour rejoindre le campement. Je devais bien avouer être reconnaissante envers ce crétin sans qui je ne m’y serait jamais retrouvée…

Je marchais d’un pas rapide, histoire de ne pas attiser les doutes des sentinelles qui surveillaient. J’avais cru comprendre qu’il n’était pas conseillé de trop trainer sur les frontières sous peine de se faire interpeller, or si cela ne m’aurait pas dérangé en temps normal, j’avais en ce jour autre chose à faire que d’emmerder les Membres.

Le chemin était long, et je regrettais bien vite de ne pas avoir prévus de l’eau ou de quoi manger en partant. Je ralentit un peu le pas alors que je sortais du Centre Neutre pour m’engager sur l’artère menant hors de la ville côté Nord-Ouest. Le soleil s’était maintenant levé, et je me demandais quand est-ce que j’arriverais au bout de la ville. J’eu la réponse au bout de quelques heures que je ne comptais plus. La forêt du Nord venait d’apparaitre dans mon champ de vision, ce qui me redonna de l’énergie, et je me remis en route au pas de course malgré ma gorge sèche.

Il fallut encore une bonne heure avant que je n’arrive à proximité de la troupe. La journée ayant déjà bien commencée, il y avait de l’agitation, aussi restais-je un moment à couvert, observant les allers et venues de ce qui fût autrefois ma famille. Malgré le fait que cela faisait maintenant 4 ans que j’étais partie, je reconnu plusieurs visages. Ils y en avaient également d’autre que je ne connaissaient pas ou dont je ne me souvenais que très vaguement.

Revoir ces gens m’envahi d’un sentiment étrange, mélange de colère, d’amusement, de fierté et de tristesse. Si je ne l’avais jamais avoué à personne, avoir été viré de la Troupe m’avait fait un choc, et j’avais pris cela comme un abandon que je ne comptais pas leur pardonner. Et les revoir aujourd’hui, tranquillement installé et vaquant à leurs occupations, fis renaître cette envie de vengeance. Mais je savais pertinemment que cette vengeance ne serait jamais possible, ou du moins pas de façon directe. Maintenant, si j’arrivais à glaner suffisamment d’informations sur la Troupe et ses relations avec les clans, peut-être pourrais-je venir mettre mon petit grain de sable dans tous ces petits rouages qui faisait que ça tournait bien pour eux… non ? Cette idée me fit sourire, et je me perdis dans mes pensées en imaginant les possibilités qui s’offraient à moi et les répercutions que cela pourrait avoir sur le groupe que je regardais maintenant sans le voir. Je ne vis pas non plus la silhouette qui approchait de moi d’un pas lent…

Bon à savoir :

Elan faisait la sentinelle depuis maintenant plusieurs heures. Son tour avait commencé à l'aube. C'était de loin son moment préféré de la journée : à cette heure du jour il faisait calme, personne ne trainait autour du campement et surtout, l'air était encore frais, chargé d'humidité. L'adolescent savourait toujours ces moments de solitude et de calme qui étaient trop rares. Malheureusement, le temps passait trop vite. Deux voire trois heures plus tard, il y avait toujours bien un importun pour venir le déranger, lui parler du temps, de Virgo, des Libres, de l'approvisionnement ou des nouvelles que tout le monde connaissait...

Aujourd'hui n'avait pas fait exception. Un tout nouveau (et très jeune) membre de la Troupe - dont il avait oublié le nom d'ailleurs - était venu auprès de lui pour faire connaissance. L'enfant apprit à ses dépens qu'Elan était loin d'être causant... Il abandonna assez vite. Les gosses n'étaient jamais persévérants de toute façon.

Lorsque on vint le remplacer un peu plus tard, l'adolescent se sentit soulagé. Il pourrait profiter de sa journée un peu plus librement, sans rester sous un soleil de plomb pendant des heures. Il donna son fusil à son compagnon chargé de prendre le relais et s'éloigna. Elan s'était positionné au sud du campement, à bonne distance. Alors qu'il regagnait la Troupe, un détail attira son attention. Il crut voir une ombre tapie derrière un buisson un peu plus loin. Il décida de s'en assurer et distingua avec certitude une silhouette, petite et frêle qui semblait observer le campement. Par chance, l'inconnu lui tournait le dos.

Elan dégaina sa dague et s'approcha avec prudence. Apparemment, il s'agissait d'un enfant. Une fille... Il baissa légèrement sa garde, mais resta méfiant. Il hésita à l'immobiliser pour lui coller sa dague sur le cou (cette technique était assez efficace pour faire fuir les curieux...) Mais cela lui semblait extrême. La gamine n'était pas une réelle menace. Elle n'était pas armée (du moins, elle semblait ne porter aucune arme) et il la maîtriserait facilement en cas de débordement.

- Eh toi là!

Il espérait bien que son intervention la surprendrait. Une chose était certaine : il comptait bien se montrer encore moins avenant que d'habitude. Elle n'avait qu'à bien se tenir... Il lui sembla ensuite reconnaître cette personne. En tout cas, il l'avait déjà fréquentée, il en était presque certain.

- Qui es-tu?

Elan laissa transparaître une certaine surprise dans sa question. Il ne s'attendait pas à se retrouver face à quelqu'un qu'il connaissait. Mais impossible de revenir sur le nom de cette fille... Il se rappela qu'elle avait fait partie de la Troupe ... Les souvenirs lui revenaient petit à petit. Sa méfiance, qu'il avait calmée quelques secondes auparavant, s'intensifia et il serra un peu plus fort sa dague.

Hors sujet:

Je sursautais alors qu’une voix masculine vint interrompre mes pensées profondes. Me tournant d’un bond, je me retrouvais face à une jeune homme que je reconnu presqu’aussitôt, mais dont le nom m’avais échappé. En effet, si j’avais une bonne mémoire des visages, c’était une autre histoire pour les prénoms… Mais qu’importe, je me rappelais suffisamment de choses sur lui pour savoir qu’il ne m’avait jamais porté dans son cœur… comme beaucoup d’autres de la Troupe dans les faits. Lui par contre ne sembla pas me reconnaître, ce qui me fit sourire à nouveau. Mon regard, d’abord surpris, afficha alors une certaine arrogance en glissant sur la dague que le Libre tenait fermement.
Je levais les mains en signe de paix et répondis enfin à sa question après quelques secondes de silence.

« Ca fait un baille, mais je suis tout de même vexée que tu ne te souvienne pas de moi. Je vais mettre ça sur le fait que tout le monde me croyais surement morte. Manque de bol, j’suis coriace. »

Rabaissant les bras pour les croiser sur ma poitrine, je relevais les yeux vers le visage du jeune homme, cherchant son nom dans les tréfonds de ma mémoire, mais sans succès. En tout cas, je n’étais pas vraiment étonnée qu’il ne me reconnaisse pas tout de suite. Si lui n’avait pas tellement changé, j’avais pas mal grandis en 4 ans, et la Troupe ne s’attendait certainement pas à ce que j’ai survécu après les avoir quitté, ni à ce que j’arrive à rejoindre la ville. Tournant brièvement les yeux vers l’agitation du camp, je serrais le dents avant de reprendre dans un murmure à moi-même.

« Faut croire que vous aussi… »

HJ:

Elan détailla la jeune fille. Tout de même, elle avait du cran. Désarmée et esseulée, elle ne semblait pourtant pas craintive... Cela ne lui inspirait pas confiance. Les personnes sûres d'elles étaient les pires qui soient, mais peut-être l'adolescent faisait-il des conclusions hâtives dans le seul but de cerner son interlocutrice. En même temps, les souvenirs affluaient. Oui... Cette gamine avait bel et bien fait partie de la Troupe, il en était désormais certain. D'ailleurs, la réaction de la fille lui confirma ces suppositions.

Elle avait dû quitter leurs rangs pour un incident dont il ne se souvenait plus vraiment. Elan savait juste que Virgo était un chef sage et clément. S'il avait viré cette fille, c'était clairement parce qu'elle constituait un danger pour lui et ses hommes.

Son nom lui échappait toujours mais il se souvint qu'il ne l'appréciait pas des masses, et pour cause : cette fille était insupportable. Il ne l'avait jamais vraiment fréquentée mais ce genre de personne néfaste  l'insupportait. Elle avait été à l'origine de plusieurs incidents dans la Troupe, mais à chaque fois elle réussissait à s'en tirer.  

- Oh mais oui je me souviens de toi maintenant, dit-il, un sourire méprisant aux lèvres, Qu'est-ce que tu fous là ?... Il s'approcha d'elle, menaçant. Hein ? La Troupe te manque ? Non... ça, ça m'étonnerait.

Il tenait tout de même à se méfier. La présence de cette gamine ici n'était pas normale. De plus, il ne savait pas si, depuis son exil, elle avait rejoint un autre groupe ou un clan. Ni si elle était totalement seule à rôder autour du campement...

HJ:

Le jeune homme me dévisagea un moment en silence. Finalement, il affirma se souvenir de moi, et cela ne sembla pas le réjouir de me revoir. Je me retournais à nouveau vers lui alors qu’il me demandait ce que je faisait là. Son approche me laissa impassible, les bras toujours croisés et un sourire étant revenu sur mes lèvres pincées.

« N’essaye pas de me faire peur, tu sais très bien que ça ne marchera pas. Quant à ce que je fais là… vos faces de bienheureux me manquaient en effet. »

Le sarcasme volait bas, et pour bien lui montrer que je n’avais nullement peur de lui je fis un pas vers lui, le regard plongé dans le sien. Inconscience, tendances suicidaires, bêtise… quelques mots parmi beaucoup d’autres que les gens avaient utilisés auparavant pour décrire mon comportement, mais puisque j’étais toujours là, il fallait croire que ça fonctionnait bien, et je ne comptais de toute façon pas en changer. Mon sourire s’effaça et je décroisais les bras, faisant mine de vouloir attraper sa dague mais arrêtant mon geste avant qu’il ne réagisse.

« Oh, petite info qui va surement te plaire : je ne me suis pas arrangée avec le temps. Alors, lequel de nous deux craquera en premier ? »

J’avais cette fois choisi la carte du jeu provocateur. C’était ma préférée depuis mon arrivée chez les Jaguars. Je m’amusais beaucoup avec cette carte, et elle déconcertait tellement mes interlocuteurs que le jeu n’en était que plus attrayant. Tant qu’elle fonctionnait, j’en profitais donc. Et ce Libre dont le nom ne m’était toujours pas revenu allait à son tour en faire les frais.

Elan décida d'ignorer son cynisme. Il savait très bien qu'il n'était pas fort du tout pour ce genre de subtilités, et que s'il rentrait dans son jeu, il finirait par s'emporter. Il calma très vite sa nervosité et maintint un silence pesant. La menace ne marchait manifestement pas avec elle, et ça ne l'étonnait qu'à moitié. La jeune fille, d'après ses souvenirs, était une vraie tête brûlée. D'ailleurs elle était sûrement seule. Une vraie inconsciente... Mais bon, la sermonner ne servirait à rien, et il ne savait toujours pas pourquoi elle s'était aventurée jusqu'au campement de la Troupe.

Comment avait-elle pu survivre si longtemps avec une telle attitude? Elle faisait certainement partie d'un groupe. Il fallait qu'il s'en assure à tout prix avant de tenter quoi que ce soit avec elle... Mieux valait ne pas prendre de risques.

Il ignora ses interrogations et lui demanda, sur un ton froid et neutre :
- Es-tu armée? Es-tu seule?

Il ne s'attendait ni à une réponse directe, ni à ce qu'elle dise la vérité, mais qu'importe. En l'interrogeant de la sorte, il gagnait du temps. Par chance, un membre de la Troupe les remarquerait peut-être, et Virgo serait mis au courant de la situation. Il décida donc de changer de tactique. L'intimidation ne marchait pas? Qu'importe.

- Comment as-tu survécu depuis ton expulsion de la Troupe? Et ne m'invente pas que tu t'es débrouillée toute seule... Il laissa planer un silence empli de sous-entendus. Ca, je n'y croirait pas une seconde.

Il envisagea un instant de l'emmener de force au campement. Mais elle n'avait, jusqu'à preuve du contraire, rien fait de mal. Son espionnage était peut-être innocent, mais alors c'était à elle à le prouver, sinon elle allait avoir des ennuis.

Zut, le garçon semblait décidé à garder son sang froid, tant que maintenant du moins. Le silence plana un moment. Je profitais pour reprendre mes distance et faire quelques pas, l’air de m’ennuyer.

Finalement, il reprit la parole, me demandant si j’étais armée et/ou seule, et comment j’avais survécu depuis tout ce temps. Me stoppant sans pour autant me tourner vers lui, je soupirais longuement, faisant mine de réfléchir avant de tourner le regard vers le jeune homme pour lui répondre, ignorant délibérément sa première question. Je n’étais pas armée, mais ça il n’avait pas besoin de le savoir.

« J’ai l’air d’avoir besoin d’une nounou ? Et pour ce qui est de ma survie, crois le ou non, mais je me suis bel et bien débrouillée toute seule comme tu dis. J’ai juste profité de rencontres par-ci par-là à l’occasion. »

Il n’y avait pas de raison que je lui mente, mais il n’avait pas besoin de détails non plus. J’aurais pu dire que j’étais accompagnée aussi, par sécurité, mais je n’avais pas envie de me rabaisser a l’idée que j’ai besoin de baby-sitteur ou quoi que ce soit du genre.

Reprenant ma marche en cercle, je le détaillait de la tête au pieds, les sourcilles froncés, cherchant toujours son nom. Finalement, je me décidais à le lui demander directement. Même s’il n’allait surement pas me le donner, autant essayer d’écourter mes recherches infructueuses.

« Au fait, je me souviens bien de toi mais ton nom m’échappe malgré tout. Serait-ce trop te demander de me le rappeler, s’il-te-plait ? »

J’avais bien appuyé sur le dernier mot, même s’il n’était clairement pas prononcé pour être polie ou quoi.

Elle ignora sa première question comme prévu. Il n'en saurait donc pas plus pour l'instant. L'immobiliser pour l'amener au campement était donc une option à éviter, puisque si elle dissimulait une arme, elle pourrait facilement le blesser - ou pire, qui savait ce dont elle était capable?

Sa réponse le fit pouffer. Il leva les yeux au ciel et afficha un sourire moqueur. Elle le prenait vraiment pour le dernier des abrutis. Mais ce n'était rien, après tout, il valait mieux ça que l'inverse, cela lui donnait une avance sur elle.

- Très bien. Puisque tu es seule et que tu n'appartiens à aucun clan, je peux me débarrasser de toi. Ta mort resterait un secret et si la Troupe l'apprenait, je prétexterait une attaque, ou un espionnage. Tu constituais une menace, je t'ai éliminée. Point.

Il ne lui faisait pas peur, certes, mais il se demandait ce qu'elle aurait à lui répondre. Elle jouerait certainement la carte de la provocation. Et là, il serait peut-être obligé d'en venir aux mains pour en découdre. Il ne pouvait pas non plus se permettre de la laisser s'en tirer. Membre ou pas, elle allait devoir s'expliquer.

- Tiens c'est bizarre, ton nom m'échappe aussi. Et si tu me le donnais? Car après tout, ce n'est pas à moi à rendre des comptes...

Elle espérait qu'il lui dévoile son prénom. Et puis quoi encore? Même si ça pouvait paraître puérile, l'adolescent estimait que c'était à lui et pas à cette gamine de poser les questions.

Le jeune homme réagit à ma réponse par un rire moqueur. Il affirma que puisque j’étais seule et que je n’appartenais à aucun clan, il pouvait donc m’éliminer sans peine. Ce fût à mon tour de rire. Il espérait que je lui révèle le fait que j’appartienne à un clan ou non ? Même si je n’avais pas perçus la subtilité à peine dissimulée dans sa menace, jamais je ne lui aurait avouer m’être soumise à un clan. Mais je n’allait pas nier le contraire non plus, qu’il se fasse son opinion ou trouve la solution tout seul.

Haussant les épaules, je répondit en reprenant un peu mon sérieux, mais avec une pointe d’amusement malgré tout.

« S’attaquer à une gamine seule, et à première vue désarmée, la Troupe est tombée bien bas dis-moi. Mais puisque tu sembles vouloir t’en prendre à moi sans raison apparente, vas-y, qu’est-ce que j’ai à perdre de toute façon. »

Il bluffait, ou du moins je l’espérais… Les Membres de la Troupe n’étaient pas connu pour s’attaquer aussi facilement aux gens, et encore moins aux enfants. En tout cas, c’était la politique de la maison du temps où j’en faisais partie. Mieux valait pour moi que les choses n’aient pas évoluées depuis…

Evidemment, le brun ne me donna pas son nom, me demandant plutôt le miens en précisant que c’étais à moi de rendre des comptes et non le contraire. Je soupirais cette fois de façon exagérée et hésitais à lui donner mon nom. Mais j’étais partie pour jouer, alors autant aller jusqu’au bout.

« Ok gamin, t’emballe pas. Un indice : De mon nom à découlé un surnom qui colle plutôt bien à mon caractère. »

Nouveau sourire provocateur. Repérant une grosse pierre à quelques pas de lui, je m’y dirigeais d’un pas léger et m’y installais en attendant sa réponse.

La réponse de l'enfant amusa Elan. Décidément, quelle inconscience. C'était donc tout ce qu'elle avait pour assurer sa défense? Son jeune âge? Car plus le temps passait et plus l'adolescent se persuadait qu'elle était désarmée. En bref, elle était dans de sales draps. Si elle espérait s'en tirer comme ça, elle était tombée sur la mauvaise personne. Jeune ou pas, l'adolescent s'en moquait. S'il devait la blesser ou pire, il n'hésiterait pas. Mais il devait pour l'instant se contenir, et s'assurer que cette fille ne leur voulait aucun mal.

Il la laissa parler. Elle avait l'air de s'amuser de la situation. Elle voulait à présent qu'il devine son prénom. Elan ne cilla pas. Il la fixait sans changer d'expression. Sérieusement? C'était les devinettes maintenant? Elle n'avait vraiment que ça à faire de sa journée? Bon sang... Après tout, il se fichait de connaître son prénom. Les informations essentielles, elle refusait de les lui donner. Mauvais choix. TRES mauvais choix...

Il ne répondit donc pas à sa devinette. Il laissa une fois de plus le silence s'emparer de la scène et la fixa d'un regard menaçant.

- Arrête. Je ne suis pas ici pour jouer aux devinettes... Je vois que tu ne comprends pas très bien ce qui est en train de se passer... Tu crois vraiment qu'aujourd'hui, ta jeunesse peut encore te tirer d'affaire? Tu crois vraiment qu'on en a quelque chose à cirer?  Il y a quelques années, la Troupe n'a pas hésité à t'exiler, enfant ou pas. Et si tu penses que je vais te laisser partir sans savoir pourquoi tu es ici, tu te trompes et tu le sais très bien. Alors arrête de tourner autour du pot et donne-moi la VRAIE raison de ta présence. Sinon je t'emmène voir le chef. Il sourit. J'espère qu'il sera content de te revoir.

Le jeune homme ne chercha pas à trouver une solution à ma petite devinette, mais fixant d’un air impassible. Haussant les épaules, je laissais échapper un « Tans pis » et soutins son regard alors qu’il me fixais maintenant d’un air menaçant, en silence.

Cela dura quelques secondes avant qu’il ne reprenne la parole. J’avais moi aussi repris mon sérieux entre temps, temps que je commençais à trouver long en fait, et soupirais à ses nouvelles menaces, tiquant également sur le mot « jeunesse ». Je lui répondis aussitôt, limite froidement.

« Je comprend très bien ce qui se passe, et si tu crois que je mise sur « ma jeunesse » comme tu le dis si bien, tu te fourre le doigt loin dans l’œil. Ce n’est qu’un atout comme un autre qui est utile lorsqu’il le faut, mais je n’ai même pas penser un seul instant à en usé face à toi, désolé si tu as cru le contraire. »

Je fis une pause avant de répondre au point suivant : la Troupe. Oui, ils n’avaient pas hésiter à m’exiler alors que je n’étais encore qu’une enfant, et oui je l’avais très certainement cherché, mais malgré le fait que je fasse la fière, ce point était un sujet sensible qui ne pouvait pas être abordé aussi facilement avec moi. Me relevant, je m’approchais du Libre de façon à n’être quelques centimètres de lui, ne le lâchant pas des yeux.

« Tu espères quoi en m’amenant à Virgo ? Qu’il me tue ? Tu sais qu’il ne le fera pas. Qu’il me chasse ? A non j’oubliais, ça s’est déjà fait comme tu l’as si bien rappelé. Alors qu’est-ce que tu veux qu’il fasse, hein ? J’ai mes raisons pour me trouver ici, et elles ne te concernent pas, que ça te plaise ou non. Alors quoi, on va continuer à faire mumuse comme des gamins ou tu décide sur ce que tu compte faire de moi ? »

Fini de jouer, ça ne ‘amusait plus. Etre prise pour une gamine une fois de plus ne m’avait pas plu, et c’est avec un sérieux déconcertant que je faisais face au jeune homme, le visage pourtant neutre de tous sentiments. Ah il me prenait pour une enfant ? Et bien j’allais lui montrer que je pouvais aussi agir en adulte en faisant face à son jugement la tête haute.

Elan la dévisagea, de plus en plus nerveux. Il devait se clamer s'il ne voulait pas faire une bêtise, mais ce genre de situation avait le don de lui faire perdre son sang froid. Lui qui était si réfléchi d'habitude se laissait déborder par une fillette, c'était à mourir de rire. Il devait reprendre le contrôle et vite. Sinon qui sait la boulette qu'il aurait pu faire sous le coup de la colère.

Ah tu te ravises maintenant. Juste avant tu te présentais comme une pauvre enfant sans défense et maintenant tu dis le contraire? Ton discours ne tient pas debout. Quoi qu'il en soit ton âge ne change rien pour moi, sache-le.

Il se calma et soutint son regard. Elle approchait son visage du sien pour le défier. C'était certain, elle cherchait les problèmes. Elle aurait adoré le voir sortir de ses gonds. Mais pourquoi? Quel était son intérêt à agir comme ça? Sans reculer son visage, il dit :

Je ne sais pas ce que Virgo fera. Il te fouillera certainement pour voir si tu ne fais pas partie d'un clan. Il décidera aussi de te garder momentanément prisonnière, le temps que tu acceptes de donner les raisons de ta présence ici. Bref, les possibilités ne manquent pas. A toi de voir. Ou tu nous simplifies la vie à tous les deux et tu me dis pourquoi tu es là, ou je t'amènes voir le chef.

Cette fois c'était son dernier avertissement, si la gamine refuserait d'obtempérer, il mettrait ses menaces à exécution. Et inutile de dire qu'avec la différence de carrure qui existait entre eux, il ne se faisait pas de souci pour la suite...

Merde, il marquait un point sur ce coup là. Mais ce n’est pas ça qui allait me démonter.

« Bon ok, j’en ai peut-être usé à ce moment-là je l’admet, mais c’était pour observer ta réaction, et comme tu viens si bien de le dire, mon âge n’y changeant rien, pourquoi continuer à essayer de jouer là-dessus. »

Le garçon ne bougea pas lorsque je m’approchais de lui, soutenant mon regard un instant avant de me répondre. Il me lançais un nouvel avertissement, disant que les possibilités étaient nombreuses concernant mon sort. Reculant d’un pas, je relevais ma manche et lui plantais mon poignent marqué d’un « J » sous le nez.

« Tiens, si tu veux gagner du temps. Mais c’est tout ce que tu auras, je n’ai pas de compte à te rendre. Ce n’est pas comme si j’avais foutu le feu ou je ne sais quoi d’autre. »

Evidemment que j’avais des comptes à lui rendre, puisque j’étais dans le périmètre proche de leur campement, mais je me voyais mal lui dire que j’étais venue par simple curiosité pour ensuite me complaire à imaginer un moyen de leur faire payer leur abandon… Et pour ce qui était de lui avouer mon « appartenance », au final ça n’avait pas une grande importance, e n’était qu’un simple question d’égo, égo sur lequel je savais mordre lorsqu’il le fallait.

« Je vais même être encore plus gentille. Je rentre gentiment sur mon territoire, et toi tu rejoint gentiment tes gentils compagnons tout beaux tout mignons. Ou alors tu court prévenir Virgo que je suis venue roder dans les parages, à toi de voir. Si tu me décrit assez bien il pourra peut-être te donner mon nom, qui sais, il s’en souviens peut-être. »

Je me doutais bien qu’il n’allait pas me laisser partir si facilement, et au final je m’en fichais. Virgo allait me garder prisonnière le temps que je finisse par parler… c’est-à-dire longtemps, il allait surement prévenir les Jaguars, et puis quoi ? Noâ allait me foutre dehors elle aussi ? Ou me tuer ? Me punir, au mieux. Comme si j’en avais quelque chose à faire au final…

La conversation prenait décidément une tournure intéressante. Cette fille appartenait donc aux Jaguars? Elan fut surpris. Il s'attendait à ce qu'elle ait rejoint un groupe -que ce soit un clan de la région ou pas - mais qu'elle fasse partie des Jaguars rendait leur rencontre encore plus ironique.

Les Jaguars hein?...

Désormais il n'affichait que du mépris pour elle. Rejoindre un clan était bien la dernière chose qu'il ferait s'il devait quitter la Troupe. C'était un geste de soumission stupide et pervers, bref une preuve de faiblesse.

Ca ne m'étonne pas. T'es vraiment bonne qu'à ça. Tu me fais vraiment pitié ma pauvre. Rejoindre un clan? Où est passée ta fierté?! Dire que tu as fait partie de la Troupe, ça me dégoûte!

Ses mots étaient durs, mais qu'importe. Elle aurait pu faire partie des Aigles, des Dragons, des Vipères... Mais non. Il fallait que ce soit ce clan LA...

T'as rejoint une putain de cannibale, une femme qui se nourrit du sang de ses ennemis! Une femme qui se bat comme les monstres contre lesquels nous tentons de survivre jour après jour!

Ca dérapait. Elle allait certainement mal le prendre. Lui inventer que non, Noâ n'était pas une cannibale, qu'elle ne se battait pas comme ça, et qu'après tout mieux valait faire partie d'un clan que d'une bande de sauvages, mais il s'en moquait. Après tout, elle faisait ce qu'elle voulait, il n'avait pas d'estime particulière pour elle. Mais le succès des clans (et surtout des Jaguars) le décevait. Il y avait décidément bien des faibles d'esprit dans ce bas monde...

Ne t'attends surtout pas à ce que je te laisse partir après ça.

Et il saisit son avant-bras, bien décidé à l'emmener au campement.

La réponse du garçon face à ma marque fit monter la colère en moi. Non pas suite à ses mots concernant Noâ, ça je n’en avais strictement rien à faire, mais plutôt suite à se remarque sur ma fierté. Voilà pourquoi je n’avais pas voulus lui montrer la marque dans un premier temps… en fait. Le fusillant du regard, je lui répondit sur un ton tranchant.

« Parce que tu crois que j’ai rejoint ce clan de moi-même ?! Ils commencent déjà à regretté de m’avoir parmi eux, tout comme la Troupe à fini par regretter de m’avoir sauvé ! Quant à cette « putain de cannibale » comme tu l’appel, j’en ai rien à foutre d’elle. J’en ai rien à foutre de ce clan, ils ne sont qu’un intermédiaire parmi d’autres, et crois moi je ne compte pas y passer le reste de mes jours, qu’ils le veuillent ou non ! »

Je n’aurai peut-être pas du en dire autant, mais sur le coup je me sentis rabaissée, honteuse, et ça je ne le supportais pas. La colère avait donc pris le dessus, et si j’avais été armée, j’aurai surement tenté de le frapper, même si cela aurait été suicidaire pour de bon. Je voulus alors tourner les talons pour m’enfuir, laisser aller ma rage loin des regards, et surtout loin de cet imbécile qui voulait tout savoir, mais l’imbécile en question m’attrapa l’avant-bras pour me tirer vers le campement. Comme si j’allais me laisser faire après ça, justement.

« Lâche moi enfoiré ! »


Je me débâtis pour me libérer de sa poigne, en vain évidemment. Je me laissais alors tomber à terre comme une gamine capricieuse, donnant en même-temps des coup de pieds vers lui pour lui compliquer encore plus la tâche. Là, je jouais la carte de la petit fille, mais spécialement sans défense non plus… j’avais des bras, des jambes, des ongles et des dents, Le parfait attirail de la petite gamine de merdre !

Il avait touché un point sensible. La jeune fille réagit vivement, en lui répondant sur le même ton. La confrontation était de toute façon inégale, et elle le savait. Pourtant, elle prit soin de lui répondre point par point. On aurait dit qu'elle cherchait à se donner raison. Il sourit ironiquement et toujours aussi agressif, répondit :

Si tu crois que j'en ai quelque chose à faire de tes excuses... Justifie-toi autant que tu veux, ça ne changera rien pour moi!

Elle était décidée à ne pas se laisser faire, et pleine de rage, se débattit. Elan ne s'attendait pas à une telle fougue, ni à ce qu'elle se laisse tomber. C'était une stratégie intéressante, et dans un premier temps, il resta surpris, tentant de ne pas lâcher son bras. Il reçut un coup de genoux dans le ventre, et se plia en deux. La petite mordait, griffait, hurlait. Une vraie furie. Mais le jeune homme avait plus d'un tour dans son sac. Il rangea momentanément sa dague et, sans lâcher sa prise (ce qui était, il devait bien le reconnaître, particulièrement difficile), il parvint à saisir la nuque de l'enfant. Il commença à la presser du plus fort qu'il put. Cette prise de soumission marchait très bien en général, même s'il regrettait d'avoir recours à ce genre de procédé pour une simple enfant.

Tu vas arrêter ça tout de suite! T'empires ta situation. Tu t'es foutue dans un pétrin mais t'imagines même pas...

Alors que je me débattais de plus belle pour essayer d’échapper à sa prise, le Libre m’attrapa à la nuque et pressa. La douleur m’immobilisa aussitôt avec une grimace et un cri étouffé. J’étais toujours à terre, mais je m’étais instinctivement redressée à genoux, espérant ainsi diminuer la pression sur ma nuque, en vain. Il m’intima de me calmer, précisant que j’empirais ma situation alors que j’étais déjà dans un sacré pétrin. Je me tordais pour échapper à la douleur. Je fini par réussir à lui agripper le poignet qui me maintenant et y enfonçais mes ongles avec force.

« T’as encore rien vu… Lâche moi ! »

J’étais crispée alors que j’aurais justement du me détendre, et j’avais parlé entre mes dents, enfonçant toujours plus mes ongles dans sa chair. Lorsque je fût certaine de pouvoir lui faire mal, je lui griffais violemment le poignet avant de le lui attraper de nouveau pour ré étier l’opération.

Elan pensait que la douleur calmerait la fillette instantanément. Ce fut le cas l'espace d'un instant, mais elle ne s'avoua pas vaincue. Au contraire, de son unique main libre, elle parvint à lui agripper le poignet et enfonça ses ongles dans sa chair, du plus fort qu'elle put. Elan serra les dents, tentant d'ignorer la douleur, mais lorsqu'elle le griffa presque à sang, il ne tint plus et lâcha sa nuque. Aussitôt, il attrapa la main libre de la jeune Jaguar. Il la maintenait désormais les deux mains dans le dos, et le plus fermement possible. Il veilla lui maintenir les poignets le plus haut qu'il pouvait afin de l'empêcher de bouger. Elle serait bien futée de s'en tirer dans une position pareille, mais il se méfiait. Fillette ou pas, elle avait plus d'un tour dans son sac et il espérait que cette démonstration de force la calmerait pour de bon.

Tu vas me suivre jusqu'au campement. Virgo t'interrogeras et il décidera lui-même de ce qu'on fera de toi. Et bien évidemment, Noâ sera mise au courant.

Mona ‘attaque’ porta ses fruits, puisque le Libre me lâcha l’espace d’un instant. Mais je n’eus pas le temps de m’échapper qu’il m’attrapa mon deuxième bras et me maintint les poignet haut dans le dos. Cette fois, je ne pouvais plus bouger sous peine de me déboiter les épaules… au moins. Serrant les dents, ma mâchoire crispée, je restais donc immobile, à genoux. Le mec m’ordonna à nouveau de le suivre, m’exposant la suite du programme. Je lui répondit entre mes dents.

« Et quoi, tu comptes m’y amené comment à ton camp ? Cette position d’immobilisation n’est pas des plus appropriée si tu veux mon avis, ni des plus confortable je dois dire, mais je ne m’avoue pas vaincue, alors essaye seulement de lâcher pour voir... »

En effet, il aurait du mal à me faire bouger en me maintenant de la sorte, surtout que je pouvais facilement lui compliquer la tâche en trainant les pieds malgré tout.

« Et puis je t’ai dis, j’en ai rien à foutre de Noâ, et de Virgo aussi d’ailleurs, alors si tu espères me faire peur, c’est loupé. »

Bon ok, si je n’avais vraiment pas peur de Virgo je n’aurait pas tant fais des pieds et des mains pour ne pas y aller. Mais ce n’était pas de la peur, quoi qu’on puisse en penser, mais plutôt de la fierté. Si peur il y avait, c’était par rapport à la réaction que je pourrai avoir face à lui. Le sentiment d’abandon qui m’habitait venait de lui, et je n’étais pas sûr de contrôler mes sentiments et risquai donc de me laisser submergée, or ça c’était hors de question.
Je tentais donc une nouvelle stratégie, celle du « ça passe ou ça casse »… Tout pour éviter la confrontation.

« Tu veux que je te dise, achève moi tout de suite, qu’on en finisse. Je sais que tu en meurs d’envie. »

Elle s'immobilisa enfin, vaincue. Ou du moins c'était ce qu'Elan croyait, mais il se trompait. Il le comprit bien vite lorsque l'étrangère lui fit remarquer qu'il ne parviendrait pas à l'amener au campement de cette façon. Il était vrai que la position était inconfortable, et qu'il ne devait en aucun cas lâcher ses poignets s'il ne voulait pas qu'elle s'échappe. Cependant, la position était justement idéale pour la forcer à marcher. Mais avant d'exécuter le mouvement qu'il avait prévu, il prit soin de lui répondre, en se calmant

T'es vraiment contradictoire comme fille. Si tu te fiches de revoir Virgo, je ne comprends pas ta réaction... Il te suffirait de te laisser faire, d'accepter de le rencontrer au camp, de lui expliquer la raison de ta présence, en feignant l'innocence la plus pure qui soit. Et je suis certain qu'il te laisserait partir. Oh peut-être pas tout de suite, mais certainement dans la journée.

Elan enjolivait peut-être un peu la situation. Son chef, bien que sage et clément, pouvait aussi se montrer plus sérieux, voire sévère quand la situation le réclamait. C'était d'ailleurs pour cela qu'il l'admirait. L'ancien adaptait toujours parfaitement son comportement aux circonstances, et faisait souvent preuve d'un pragmatisme bienvenu dans la Troupe.

La jeune fille, manifestement, en arrivait à ses limites. La réplique cinglante qu'elle lui adressa le fit rire, eh oui parfaitement. Il trouvait ce genre de proposition d'un ridicule sans nom.

Non mais je rêve... Alors tu t'imagines que je te déteste au point de te tuer? Ce serait facile pour toi, pas vrai? Tu me mets déjà dans une situation bien embarrassante, mais en plus il faudrait que tu deviennes la victime, et moi le bourreau? Franchement, j'ai même pas envie de te dire "bien joué" tellement ça sonnait faux...

Il se laissait un peu griser par la vulnérabilité de l'enfant. Parce que oui, même si elle aurait crevé plutôt que de l'admettre, elle était vulnérable, et toutes ses tentatives pour s'en sortir, au départ assez judicieuses, devenaient de plus en plus pathétiques. A croire qu'elle détestait vraiment Virgo, pour agir de la sorte. Leur rencontre risquait d'être intéressante...

Lorsqu'il lui eut répondu, Elan se releva et força la jeune fille à en faire de même en tirant sur ses poignets, les amenant vers le haut. Si elle refusait de suivre les mouvements, elle se ferait très mal (et encore, c'est un euphémisme). Avec cette prise, la victime qui tenterait de se débattre ne pourrait que se démettre l'épaule, et donc devenir encore plus vulnérable. De plus, et c'était rarement le cas, Elan avait la force physique de son côté. Il resserra sa prise au maximum, quitte à faire mal à son opposante, et entama sa progression vers le campement. Bientôt, ils entreraient dans le champ de vision des autres sentinelles et des membres présents au camp.

Voyant que je ne bougeais plus, a garçon se calma à son tour. Il me répondit que j’étais plutôt contradictoire, mes paroles ne correspondant pas à mes actes. Il n’avait pas tort sur le coup. Si je m’en fichais réellement de voir Virgo, j’aurais pu simplement me laisser faire.

Sa réponse à ma « proposition », tout en riant, me fit grincer des dents. Je gardais le silence, me rendant bien compte qu’il avait raison. Je commençais à perdre pieds, et ça ce n’était pas une bonne chose. Et si j’avais toujours l’espoir qu’il ne réussisse pas à me faire avancé, celui-ci s’évanouit avec la douleur qui irradia dans mes épaules alors qu’il me relevait pour ensuite resserrer sa prise et se mettre en marche en me poussant devant lui. Grimaçant de douleur, j’essayais de réfléchir à toute vitesse. Il fallait que je l’arrête, d’une façon ou d’une autre. Je devais retourner cette situation à mon avantage, et vite.

Alors que nous approchions du camp, mes bras endoloris à force d’être maintenu de la sorte dans mon dos, je me laissais une nouvelle fois tomber à genoux. Cette fois seulement, je retins pas un cri de douleur en me tordant pour essayer de limiter les dégâts. Le souffle court, je m’adressais au Libre d’une fois plaintive… voulue.

« Ok, t’as gagné… Ne m’amène pas… à Virgo. Je ferais… tout ce que tu voudras… »

Je laissais les larmes me monter aux yeux, ce qui n’était pas difficile dans les faits… et gémit.

« Lâche moi s’il-te-plait… ça fait mal… »

Alors qu'ils s'avançaient vers le campement, Elan sentait la jeune Jaguar fébrile. Il ne savait si c'était la douleur qui la tannait, ou le fait de se rapprocher davantage de Virgo. Il s'en moquait, espérant en avoir vite fini avec elle. Il n'avait pas que ça à faire après tout, et il sentait qu'elle n'était pas vraiment une menace pour la Troupe. D'ailleurs, il s'en voulait d'avoir mis autant de temps à la maîtriser. C'était du temps perdu.

Lorsque la jeune fille se laissa tomber, hurlant de douleur, Elan eut le réflexe de suivre son mouvement, pour ne pas lui déboiter les épaules. Il ne manquerait plus que ça. Même si cette gamine était horriblement énervante, que c'était une Jaguar et qu'elle était on ne peut plus insolente, elle ne méritait pas une telle douleur. Son cri n'alerta pas le campement, encore assez loin. Mais Elan aurait aimé recevoir un coup de main, elle commençait décidément à lui faire perdre patience. Alors qu'il s'apprêtait à la sermonner et à la relever, elle le supplia d'une voix faible de la lâcher, et de ne pas l'emmener jusqu'à son chef. Elan, d'ordinaire, aurait ignoré ces plaintes qu'il trouvait pathétiques, mais la Jaguar sut attirer son attention et murmura "je ferai tout ce que tu voudras". Il n'en fallut pas plus pour que les neurones d'Elan se mettent en marche.

Il savait qu'elle était une Jaguar, ce qui l'intéressait. Lui qui recherchait des personnes de ce clan pour récolter des renseignements, elle aurait pu faire l'affaire. Mais s'il lui avouait ouvertement qu'il voulait faire tomber Noâ, cela aurait pu se retourner contre lui...

Tout en réfléchissant, il relâcha la jeune fille. L'adolescent ne craignait pas qu'elle prenne la fuite. Son corps devait être encore endoloris, et Elan était très rapide. Elle n'aurait aucun intérêt à fuir. Il s'agenouilla près d'elle et tenta :

Qu'est-ce qui me prouve que je peux te faire confiance? Est-ce que tu serais vraiment prête à tout pour ne pas voir Virgo? Il hésita un instant, mais lâcha, un sourire aux lèvres, Est-ce que tu irais jusqu'à espionner quelqu'un pour moi?

Heureusement pour moi, le Libre avait suivi mon mouvement, ce qui limita encore un peu plus les dégâts. Après un instant de silence uniquement rompu par mes gémissements de douleur, le garçon fini par me lâcher. Je ramenais aussitôt mes bras sur ma poitrine, penchée en avant et serrant les dents le temps que la tension se relâche et que les élancements de douleur s’atténuent.

Je relevais les yeux vers le brun alors qu’il prenait la parole et remarquais qu’il s’était agenouillé près de moi. Je l’écoutais tout en me frottant les épaules et les bras, essayant de ravaler mes larmes et posant ainsi un regard dur sur lui alors qu’il me demandait comment il pourrait me faire confiance. Rien ne garantissait ma confiance en effet, si ce n’est que je refusais de voir Virgo,… pas maintenant.
Sa dernière question m’interpella. Me redressant un peu pour pouvoir lui faire face, je posais un regard interrogateur sur lui et répondis d’une voix un peu rauque.

« Développe… »

Sa demande avait de quoi interloquer. Espionner ? Mais qui donc ? Et pourquoi ? Enfin puisque je ne devais rien à personne, cela ne devrait pas être une mission trop difficile dans les fait. Sa proposition pouvait donc bien retourner la situation en ma faveur, du moins d’une certaine manière.

Elan sourit. Enfin il parvenait à communiquer calmement avec la jeune fille. Il avait désormais toute son attention et cela flatta son orgueil. Néanmoins, si elle espérait qu'il lui dévoile le fin mot de l'histoire avant d'avoir eu quelques garanties de sa part, elle se trompait lourdement. Il lui répondit très calmement :

Minute. Avant que je te dise quoi que ce soit, tu dois me prouver que je peux te faire confiance.

Bien sûr, il savait pertinemment qu'elle ne pourrait balayer ses doutes en cinq minutes. Depuis ses dix ans, il ne croyait plus en personne, c'est dire! Mais il voulait en savoir plus sur elle, afin d'obtenir un moyen de pression qui empêcherait la jeune fille de se dérober ou de le trahir. Il se rappela qu'elle avait un rapport assez ambigu avec la Troupe et surtout avec Virgo. S'il en apprenait plus à ce sujet, peut-être le trouverait-il, son moyen de pression.

Par exemple, tu pourrais me dire pourquoi tu refuses de voir Virgo... à toi de voir.

Il sourit. La Jaguar était imprévisible, et l'adolescent doutait encore de sa pleine collaboration. Mais dans tous les cas, il était gagnant : si elle refusait de coopérer, il l'emmènerait illico voir son chef. Si, au contraire, elle faisait un effort, il aurait gagné une source de renseignement supplémentaire dans la lutte contre les Jaguars.

Evidemment, le Libre ne se livra pas si facilement. Rien ne garantissait ma bonne foi, mais sa demande ne me convainc pas de la lui prouver. S’il croyais que j’allais lui raconter ma vie, il se mettait le doigt bien profond. Me redressant un peu plus et croisant les bras sur ma poitrine, je le fusillais du regard, gardant dans un premier temps le silence. Son sourire m’énervait, tout autant que sa question. Mais je pouvais pas rester muette indéfiniment sous pine qu’il ne me réembarque pour le campement. Je pris donc la parole d’une voix sèche, et tant pis si cela ne lui plaisait pas, cela aurait au moins l’avantage de ma donner un peu de temps pour trouver autre chose….

« Ca ne te regarde pas ! »

Ma voix se brisa un peu sur le dernier mot alors qu’un sanglot inopiné était remonté dans ma gorge. Sérieusement, sangloter sans que je ne le contrôle ?! Tain, manquait plus que ça. Ravalant la boule qui me serrait la gorge, j’inspirais profondément, mais le plus discrètement possible. S’il creusait trop loin, ça n’allait mené à rien de bon pour moi… Mais je devait lui prouver que j’accomplirai ma mission si je voulais pouvoir partir sans encombre. Me calmant un peu, je repris en prenant d’assurer mes paroles.

« Le fait que je ne veuille pas le voir au point d’accepter un accord avec toi devrait-être suffisant comme garantie. Et puis je t’ai dis, je ne dois rien à personne, je voit donc pas ce qui me retiendrait d’espionner quelqu’un… »