For a better tomorrow
Année 41 - saison tempérée 1 (soirée 5)

Si on t'avait dit un jour que tu te retrouverais à ramener ta sœur ivre sur le territoire, tu ne l'aurais probablement pas cru. Déjà car jusqu'à peu tu n'avais aucun contact avec elle mais aussi parce que Alessandra n'est pas vraiment portée sur l'alcool. Du moins, tu le pensais. Elle n'a pas tenu si mal que ça à tout ce que vous avez consommé. Ce n'était que tardivement qu'elle s'était endormie sur la table et que tu avais décidé de sonner le signal de départ. Tu n'avais même pas essayé de la réveiller. Boire et pleurer l'avait épuisée et il valait mieux qu'elle prenne tout le repos dont elle avait besoin. Donc tu l'avais chargée sur ton épaule façon sac à patate en priant pour qu'elle ne reprenne pas conscience juste pour te vomir dessus. Avec la tête en bas, il y avait quelques risques.

Sur le chemin bien connu de la maison, tu te retrouves à regarder les étoiles. Ton rythme n'est pas extrêmement rapide au vu de ton chargement, c'est le moment idéal. Malgré la situation dans laquelle se retrouve ta petite sœur, tu te sens heureux. Vraiment heureux pour la première fois depuis très longtemps. Vous avez partagés une soirée qui vous a permis de vous lier encore un peu plus et tu espères que cette expérience ne sera que l'une des premières d'une très longue série. Vous avez tellement à rattraper. Comme pour agréer, elle grogne dans ton dos et tu ricanes un peu. Probablement qu'elle souffle juste quelques mots dans son sommeil parce qu'elle ne gigote pas plus que ça. « Tu as de la chance pour tes fesses d'ivrogne que je sois un gentil grand-frère. » Les mots s'échappent mais tu ne les regrettes pas vraiment. Ça fait juste accélérer un peu ton cœur. Pourtant ça fait du bien de le dire. C'est vrai après tout et tu aimerais que tout le monde le sache. Il est encore un peu tôt pour ça seulement.

Dernière édition par Kahlan le Jeu 8 Sep 2016 - 7:59, édité 1 fois

L’après-midi avait été chargée et surtout mouvementée. Les Soumis avaient décidé de se montrer farouches et s’étaient indignés face à ce nouveau rationnement. Si je comprenais le principe, je préférais malgré tout que ce soit qui en pâtissent plutôt que nous. Après tout, nous protégions le clan et particulièrement les Soumis. Ils nous devaient bien ça. Peut-être que j’étais aveuglée par ma rancœur vis-à-vis de mon père et de ces Soumis qui m’avaient lynchée. Je pensais malgré tout être suffisamment réfléchie que pour comprendre la situation. Ils pouvaient bien se serrer le temps qu’on reprenne les choses en mains. Tout ça pour dire que j’étais encore un peu perdue dans cette ambiance qui n’était pas des plus chaleureuses. J’avais besoin de bouger, de me changer les idées au moins ce soir. Je n’étais pas encore près de dormir, de toute manière. Alors, je laissais mes pas me guider. Je ne voulais pas rejoindre le centre neutre. Il était déjà tard. J’avais de toute façon de la marge avant d’y arriver, dès lors, je ne m’inquiétais pas trop. J’aurais pu aller traîner chez Théa mais je n’avais pas envie de la déranger. C’était son jour de repos et elle avait déjà dû le bousiller à cause d’Ysaline et des Soumis. Pas question que je l’embête davantage.

J’étais aux frontières du territoire quand j’entendis une discussion… ou plutôt une personne parlant à une autre personne. Et encore. La deuxième personne reposait sur l’épaule de celle qui lui parlait. Enfin, ça semblait encore être le plus logique. « Ce travail de grand-frère a l’air de te plaire. » Je répondis tout naturellement à l’inconnu, d’un sourire sincère et chaleureux mais discret. Encore une fois, j’en oubliais qu’on ne se connaissait pas et il n’avait certainement pas envie de parler à une parfaite inconnue. « D’autres l’auraient laissé dans cet état, qu’elle soit de la famille ou non. » Je parlais en connaissance de cause. Mon père ne m’aurait jamais aidée. Je les admirais. Je l’admirais, elle en particulier.

For a better tomorrow
Année 41 - saison tempérée 1 (soirée 5)

« Ce travail de grand-frère a l’air de te plaire. » Une voix te surprends et interromps ton observation. Tu n'es pas bourré mais l'alcool ingurgité bousille un peu tes sens. Peut-être un peu trop, tu te rend compte trop tard. Tu as beau être un habitué de la bouteille, ton organisme ne résiste pas à tout. Surtout avec le stress de ces derniers jours et le peu de repos que tu as pu prendre. Fort heureusement tu as la chance de ne pas être tombé sur une personne hostile. Comme quoi, ça existait encore dans cette ville. Tu te tournes finalement vers la voix et tu observes la femme à laquelle elle appartient. Rousse, jeune, légèrement souriante. Probablement une Vipère vu les lieux. Peut-être même une sentinelle. Valait mieux être prudent sur ce coup. « D’autres l’auraient laissé dans cet état, qu’elle soit de la famille ou non. » Tu hésites à répondre car cette histoire est censée être un secret. Seulement cette fille n'est qu'une inconnue, il serait bizarre d'être soudain tout taiseux et tendu face à un sujet qui devrait être si anodin. En plus ce n'est pas comme si Al était consciente de quoi que ce soit, ronflante comme elle l'était sur ton épaule. Tu la rééquilibres d'ailleurs sur ton épaule, un bras fermement enroulé autour de sa taille pour la sécuriser. « C'est que je n'ai jamais eu l'occasion de le faire avant. D'être là pour elle, je veux dire. » L'occasion est en fait rêver pour parler. Pour une fois, tu pourrais te donner le droit d'être celui que tu es vraiment à savoir son frère. « En fait c'est moi qui ait de la chance. Je penserais peut-être plus ça quand elle aura vomi ou qu'elle me frappera parce qu'elle aura la gueule de bois demain matin mais pour le moment j'en profite. C'est pas quelque chose qui pourra arriver tous les jours jusqu'à... Bah, jusqu'à ce qu'elle sache. Et même une fois qu'elle saura. Je suis pas certain de mon espérance de vie après ce moment. »

Je le trouvais vraiment touchant quand il parlait de sa sœur. Il n’y avait qu’à remarquer le choix des mots qu’il utilisait pour parler d’elle et de la situation. J’aurais très clairement aimé vivre ça avec ma propre famille. Ce que j’appréciais également, c’était qu’il osait m’en parler alors qu’on ne se connaissait pas et que je m’étais mêlée d’affaires qui ne me regardaient pas. Je me sentais drôlement flattée de jouer les confidentes passagères. Il devait avoir besoin d’en parler vu que, de ce que j’avais compris, c’était secret défense. Loin de moi l’idée de penser que j’étais la seule à le connaître, ce secret, mais c’était toujours chouette de savoir qu’on nous faisait suffisamment confiance. A moins que ce ne soit de l’insouciance totale ? Après, ce genre d’information n’aidait pas franchement un clan. Peut-être en temps de guerre mais là ? Qu’est-ce que je pouvais bien en tirer ? Qu’est-ce que les Vipères pouvaient bien en faire ? Rien. Absolument rien. C’était comme connaître un binôme, rien de spécialement dangereux. Le fait était qu’il avait vraiment l’air d’aimer sa sœur. « Elle a du caractère apparemment. » Je rigolai, amusée par ce qu’il racontait concernant les risques qu’il prenait s’il décidait de lui avouer ce qui les liait. « Si tu veux mon avis – et ce n’est que l’avis d’une inconnue, j’en ai conscience – tu ne devrais plus traîner à lui dire. Ça crève les yeux que tu l’aimes et que tu meurs d’envie de t’occuper d’elle comme un vrai grand-frère. Ce serait dommage que tu doives encore le faire dans son ombre. Et puis, une fois le coup de poing passé, ça ne peut que bien se passer. » Il en faisait ce qu’il voulait de mes conseils, surtout que, comme je l’avais déjà dit, ça ne me regardait pas, c’était de l’ordre du privé. Seulement, il fallait être vraiment aveugle et stupide pour ne pas comprendre à quel point ça lui faisait un bien fou de s’occuper comme ça de cette fille. « Tout le monde a besoin de soutien, elle le comprendra une fois qu’elle aura digéré l’information. Et puis, comme ça, tu pourras lui dire ce que tu viens de me dire, la chance que tu as de l’avoir comme sœur. » Je croyais ce que je disais. J’étais convaincue que c’était la meilleure chose à faire, mais je ne savais peut-être pas tout. Je ne connaissais pas les raisons de son silence jusque-là. « Enfin, je veux pas te dicter ta conduite. Je n’ai pas toutes les cartes en main pour te forcer et puis, c’est pas mon genre. »