Je traînais de nouveau beaucoup plus dans le territoire même plutôt qu'en dehors. Je n'avais pas le temps de flâner. Je ne pouvais me le permettre. Surtout si je voulais encore sauver la mise de Louise ou encore si je désirais croiser Thalia. La croiser, c'était tout ce qui m'était donné de faire pour le moment vis-à-vis de ma sœur. Alors, oui, je lui rendais les coups, quelques fois, sans la moindre violence mais plus pour avoir encore un semblant de contact, mais c'était tout. Les coups et les regards, ça se limitait ça. Ça n'avait plus rien d'une famille. Si je ne voulais pas de mon père qui se montrait bien trop brusque et obtus, vis-à-vis de la position des hommes au sein du clan, de la famille qui devait faire ses preuves et du peu de choix qu'il me laissait dans les faits, je tenais absolument à ma sœur. Encore une fois, je regrettais de ne pas avoir pu la retenir comme j'aurais dû le faire. Au lieu de ça, je m'étais entraîné, comme un acharné pour devenir un Spécialiste. Ce qui, en passant, n'était en rien mon rêve, mon but dans la vie. J'avais bataillé pour survivre, c'était ça. C'est sûrement pour cette raison que je suis d'autant plus sensible maintenant, encore plus qu'avant, à l'injustice. On ne choisit pas ce qu'on va devenir quand on naît chez les Dragons. Ces Soumises n'ont pas toujours eu le choix, ne serait-ce que parce qu'elles n'avaient pas les capacités suffisantes pour survivre à un Test. Le choix de survie, celui qui causera le moins de dégâts, voilà le choix que font la plupart s'ils n'ont pas les capacités ou le mental d'acier et le courage à toute épreuve.
Tout en flânant, je fis face à l'une de ces situations qui me faisait entrer dans une colère pourtant inimaginable chez moi. J'avais beau être optimiste et du genre bonne pâte, je n'aimais pas rester passif dans ce genre de cas. D'autant que ce n'était qu'un Membre, un chair à pâté, rien de très évolué dans la chaîne alimentaire – car techniquement, c'est comme ça que je vois la choses – et qui avait besoin de se défouler sur plus faible que soi. C'était très facile de savoir qu'il n'était pas Spécialiste, en tout cas, puisqu'il ne m'était pas familier. Peut-être Aspirant ? J'avais des doutes vu la façon dont il se comportait. Il eut encore moins l'air fier quand je me présentai finalement. Aspirant ou non, je n'en savais rien mais le fait était que je n'allais pas laisser les choses se dérouler plus longtemps sous mes yeux. Je supportais cette cruauté sur le territoire et dans les alentours, comme maintenant, mais pas si j'avais l'opportunité d'agir. « Elle t'a dit que c'était un accident. T'es sourd, ma parole. », je m'interposais déjà entre l'imbécile et sa proie qui semblait déjà amochée et plutôt apeurée. En même temps, vu leur corpulence, ça se comprenait. « Dégage, maintenant. », il fallait que je ressemble à un arbre qui n'était pas près de fléchir. Même si les arbres, ici, ça n'avait pas beaucoup de gueule. Dans tous les cas, le simple fait que je m'opposais à cet instant précis, moi Spécialiste, ça devait suffire. Un faux dur, dans les faits. Voilà ce que j'étais. Et j'assumais, au moins une chose que j'assumais.