Jour 5 post-rébellion, dans la matinée

J'en avais assez de jouer au petit toutou obéissant pour Samuel. Après ce qu'il s'était passé deux jours plus tôt chez les Jaguars, j'avais décidé de ne plus perdre mon temps à observer Jude. Quand j'en aurai l'occasion, il faudrait que j'en touche deux mots à Samuel. Mais depuis son retour, il se comportait bizarrement et je n'avais pas encore eu l'occasion de le faire.

Afin de me changer les idées, je m'étais levée tôt ce matin-là pour me rendre au parc. Aussi silencieuse et vaporeuse qu'une ombre, j'avais fait tout le chemin en ruminant ces pensées et en ressassant les évènements qui s'étaient déroulés cinq jours plus tôt. Ça avait été un véritable fiasco, rien de moins. Nous avions été surpris sur un territoire adversaire, la mission avait échoué, Samuel avait dû être conduit à l'hôpital et Chad était mort. Pas de quoi être fiers. Et je ne l'étais pas. C'était très rare, mais en cet instant, je n'étais plus aussi fière d'être une Dragonne. En tout cas, je n'étais pas fière d'avoir obéi à notre Chef.

Alors que je me promenais dans le parc, j'entendis soudain d'étranges bruits, ou plutôt des râles. Je me stoppai pour déterminer d'où ils provenaient. J'étais dégoûtée, mais pas uniquement : j'étais aussi sidérée que quelqu'un puisse faire une telle chose ici. Et aussi bruyamment. M'approchant discrètement d'un muret, je découvris un jeune homme de dos se cachant derrière. Il avait l'air... en plein ébat avec lui-même ? Non, c'était insensé ! Et pourtant, tout portait à le croire. C'était simplement répugnant et je ne pus réprimer une grimace de dégoût. Comment osait-il faire ça dans un lieu aussi fréquenté ?

Je jetai un œil autour de moi, personne n'était dans les parages. J'avais donc l'occasion de le déranger dans ses affaires. J'allais lui faire remarquer que ce n'était pas un endroit pour faire ce genre de choses. Il y avait des chambres ou, à défaut, des baraques abandonnées un peu partout.

- Eh, tu vas devenir sourd à force de t'astiquer comme ça, tu sais ?! lui lançai-je d'entrée de jeu en m'appuyant sur le muret, ayant enfilé un masque de moquerie effrontée.

Spoiler:

Sérieusement, sur ce coup là, j'avais vraiment, mais alors VRAIMENT des envies de meurtres. Et la cible qui occupait alors toutes mes pensées, sans compter les saloperies de bestioles qui étaient en train de me dévorer, n'était autre que Leonel.

Mais remontons quelques minutes plus tôt. Alors que j'étais tranquillement installé à l'ombre d'un mur, profitant d'un jour de congé, Leo m'avait alpagué en sautillant comme un gamin et avait fini par me convaincre de le suivre jusqu'au parc pour me montrer une trouvaille. Et si je devais bien reconnaître que l'étrange tas de terre avait de quoi attiser la curiosité, j'étais par contre moins convaincu par les habitants du dis tas. Des fourmis. J'étais en train de me faire bouffer par des fourmis ! Et l'autre idiot qui s'était éclipsé soit disant pour aller chercher de l'aide. J'allais le massacrer... si je sortais vivant de ce trou. Et putain ce que que ça pouvait gratter. Si je ne mourrais pas dévoré, je mourrai de démangeaisons, et si je m'en sortais vivant je n'aurais sûrement plus un centimètre de peau intact... C'était à hurler.

Et évidemment, comme si la situation n'était pas assez horrible comme ça, j'eus droit à un commentaire plus que déplacé de la part d'une jeune femme qui... attend j'avais bien entendu là ?! Me retournant vers l'origine de la voix, je laissais échapper un commentaire puéril.

« C'est celui qui le dit qui est ! T'as pas honte de t'imaginer des choses pareils ?! Tu pourrais m'ai... »

Heureusement, j'eus le bon réflexe de stopper ma phrase. Vu ce qu'elle venait de s'imaginer, lui demander son aide n'aurait rendu la situation que plus embarrassante... si c'était encore possible. Me grattant désespérément la jambe, ne pouvant pas me gratter le corps entier en même-temps..., je serrais les dents et lançais un regard noir à la fille qui se croyait intelligente avec ses remarques à la con.

« T'es vraiment perverse. J'suis bloqué dans un nid de fourmis, et elles sont pas commodes figure toi, alors garde toi tes remarques débiles. »

Ce n'était pas dans mes habitudes de parler ainsi aux femmes, mais là j'étais très, très loin d'être d'humeur charmeuse...

HJ:

Le jeune homme se tourna vers moi et me gratifia d'une réplique que seuls les enfants lançaient encore en se sentant ainsi protégés par leurs paroles. Je ne pus m'empêcher de rire. Mais apparemment, j'avais mal pensé, il n'était pas en train de faire des choses. Il se grattait. Après analyse de la situation, je remarquai les fourmis dont il me parlait, faisant fi de son regard noir. Je me redressai, histoire de m'éloigner un peu de ce piège à nigauds.

- Je m'imagine ce que je veux. J'y peux rien si t'as l'air d'être un exhibitionniste. Et qui me dit que tu n'étais pas en train de te faire ton affaire avant d'être attaqué par ces pauvres fourmis innocentes qui protègent les yeux de leurs enfants ?

J'exagérais peut-être, mais la situation était plutôt risible.

- Ouais, t'as la tête d'un exhibitionniste, j'y peux rien. Si elles t'ont attaquées, c'est qu'elles ont une bonne raison de le faire.

Mais d'ailleurs, s'il était si embêté, pourquoi restait-il là ? Peut-être éprouvait-il du plaisir à se faire attaquer par ces petites bestioles inoffensives ?

- Mais bon apparemment, tu aimes te faire piquer. Sinon, tu ne resterais pas avec elles.

Semblant enfin remarquer les bestioles, la fille s'éloigne légèrement tout en répondant qu'elle s'imaginait ce qu'elle voulait. Et elle en rajouta une couche quant à ma situation étrange. Putain, j'étais vraiment tombé sur le blonde de service à l'esprit pervers, super... Lâchant un soupir entre mes dents tout en continuant d'essayer de chasser les fourmis de mes membres, je répondit en serrant la mâchoire.

« T'es vraiment pas net comme fille... A moins que tu ne compte m'aider, ce dont étrangement je doute fort, dégage tu veux. »

Et si on pouvait croire le contraire, ce n'était pas une question. A la dernière réplique de la blonde, je stoppais aussitôt de me gratter et fixais des yeux rond sur elle.

« Attend, mais non contente d'être une perverse pas net, t'es stupide en plus ? Quelle lettre tu ne comprend pas dans le mot « bloqué » ? Raaah bordel de bestioles de merdeuuuh... »

J'avais marmonné mes derniers mots. Je n'étais pas aussi sec et directe avec les femmes en temps normale, mais là ce n'était vraiment pas le moment de me prendre pour un con, et femme ou pas j'avais besoin d'un défouloir, faute d'avoir de l'aide. Sans prendre en compte toutes les paroles que je lui avais servies, je lui posais enfin directement la question, au cas ou elle n'aurait pas compris le sous-entendu plus haut.

« Tu comptes m'aider oui ou non ? »

Le jeune homme me répliqua que je n'étais pas nette. Et lui alors ? Il me dit même de dégager, à moins que je ne l'aide. Moi ? L'aider ? Pourquoi ? Je ne savais même pas qui il était. En tout cas, il n'appréciait pas mon humour. Il sembla s'énerver un peu alors que je lui disais qu'il appréciait les fourmis. Par contre, je ne fus pas très heureuse de l'entendre me dire que j'étais stupide.

- Eh oh, tu vas te calmer oui ? Celui qui est le plus stupide ici, c'est toi, parce que tu t'es fait avoir par de petites fourmis inoffensives !

Ca pouvait être dérangeant, je devais bien l'avouer, mais tant qu'elles n'étaient pas sur moi je m'en fichais. Il me demanda alors si je comptais l'aider, oui ou non. Bon, je pouvais bien accomplir ma bonne action de la journée.

- Je ne sais pas, tu as l'air de bien t'amuser là.

Je lui souris mais finis par me mettre à chercher une branche morte, une barre de fer ou bien un autre ustensile qui aurait pu m'aider à le sortir de là. Je n'allais quand même pas toucher "ça". J'avisai justement une longue tige de fer qui pourrait faire l'affaire.

- Ne bouge pas, je reviens.

Je le quittai quelques secondes, disparaissant de sa vue, et revins bientôt avec le saint Graal qui pourrait le sortir de ce mauvais pas. Mais au lieu de lui tendre la tige rigide, je la glissai sous sa jambe pour essayer de faire levier et de le soulever.

- Allez, fais un petit effort.

La fille n'apprécia ma pique et me la renvoya à la figure. Inoffensives, c'est sale bêtes ?! Je m'attendais à tout moment à m'évanouir à cause d'une allergie ou un surplus de piqûres ou je ne sais quoi d'autre, mais à part elles sont inoffensives, on y croit ! Mais je me gardais bien de lui lancer tout ça cette fois-ci, me contentant de lever les yeux aux ciel, agacé. Et mon agacement s'accentua encore plus lorsqu'elle hésita à m'aider sous prétexte que je semblais bien m'amuser. Et elle en rajouta une couche en m'indiquant de ne pas bouger en plus...

« Haha, très drôle. Je comptais justement aller faire un petit jogging. Nan mais je m'amuse tellement comme tu dis, je vois pas pourquoi je bougerais ! »

Je grommelais plus qu'autre chose. Je venais de constater que je m'étais gratté la jambe à sang à cause de ces sales bêtes et laissais échapper une séries d'insultes entre mes dents.

La fille revins quelques secondes après avoir disparue et se servis d'une longe tige en fer comme d'un levier. Il fallut encore plusieurs secondes supplémentaires pour que ma jambe se dégage enfin, et à peine fus-je libéré que je me précipitais hors du trou, attrapant la main de la fille au passage pour m'aider à sortir.

« Bordel, je vais le buter... Une fois que je me serais débarrasser de toutes ces salpories ! »

Je parlais bien sûr de mon frère et de ses idées stupides qui me retombaient toujours dessus. Sans attendre plus, j'enlevais mon haut pour me débarrasser plus facilement des fourmis et me frottais énergiquement tout le corps pour les faire tomber. Ma jambe était rouge, à la fois de sang et de piqûres, et de nombreuses autres piqûres apparaissaient un peu partout sur ma peau. Leo allait me le payer très cher. Mais en attendant...

« Merci pour ton aide, t'es pas si stupide que ça finalement. »

Non, je n'avais aucune honte à remercier une fille, encore moins si celle-ci m'avait aider. Et maintenant que j'étais sortit du pétrin, je pouvais au moins me montrer moins grognon envers elle...