Useless memory
PV April - Jour 1 (tard dans la nuit)

Endurer la douleur était naturel. C'était l'une des règles tacites du jeu. Se battre, c'était prendre le risque d'être blessé et de souffrir, et il ne s'en était jamais plains. Il n'était pas le genre d'homme qui se tournait vers les antidouleurs, véritables fléaux pour le corps et l'esprit. Zayne n'avait jamais supporté d'avoir la tête embrumée par des cachets et les membres engourdis par les effets le bloquant d'une partie de la réalité. Souffrir, c'était être dans cette réalité. Il avait donc assez mal supporté qu'un soigneur s'arroge le droit de lui injecter une saloperie qui l'avait mis dans le gaz durant toute la journée sous prétexte qu'il n'avait pas été assez conciliant lorsqu'il avait fallut s'occuper de sa blessure. Avant de sombrer, il s'était quand même assuré de casser le nez du pauvre bougre qui avait osé agir de la sorte et il était plus ou moins certain qu'il ne le reverrait jamais. Une bonne chose pour le gars qui n'aurait sûrement pas survécu à un second "rendez-vous".

La nuit était déjà bien avancée et, au loin, les échos du banquet funéraire résonnaient encore. La fête battait son plein, mais Zayne avait ressenti le besoin de s'isoler. La foule finissait toujours par l'agacer et il en avait eu assez de voir les regards indiscrets braqués sur son bras bandé et serré contre son abdomen. Oui, il avait été blessé durant la rébellion et il n'avait pas vraiment besoin qu'on le lui fasse remarquer. S'il n'éprouvait pas de honte, il regrettait par contre de ne pas avoir pu terminer proprement le travail. Celui qui lui avait tiré dessus était mort - la faute à cet abruti de Trigger -, mais ce n'était pas le cas du Chef des Dragons avec qui il avait croisé le fer. Un jour, il prendrait sa revanche, c'était certain, mais toute cette histoire lui laissait quand même un goût amer dans la bouche.

Zayne pénétra chez lui en poussant un soupir las. Même maintenant que la porte était fermée, il entendait toujours le vacarme provenant du lac. De sa main valide, il défit le fermeture de la bandoulière qui maintenait son katana et posa l'arme sur son lit avant de s'y asseoir. Il était fatigué. Sûrement un contre-coup du médicament qu'on lui avait injecté. Il était sur le point de s'allonger un peu lorsque le plancher craqua non loin, lui révélant une présence qui devait déjà être là lorsqu'il était entré. L'espace d'un instant, il resta aux aguets, la main serrée autour du manche de sa lame, mais il se détendit rapidement.

» Tu te ramollis.

Il tourna les yeux vers l'ombre et souffla entre ses dents. Il n'était pas d'humeur à avoir de la compagnie.

» Que me veut mon ancienne élève a une heure aussi tardive ?

Les rites des Jaguars sont particuliers. Même si tu vis avec eux depuis des années il y a des choses auxquelles tu as du mal à adhérer. Cette manie de fêter la mort en fait partie. Si seulement ils célébraient leurs défunts ce soir pour partir en guerre au petit matin tu pourrais comprendre mais tu sais très bien que ce n'est pas le cas. Dès demain la restauration du territoire commencera. Tu doutes qu'une quelconque vengeance soit accomplie. Probablement veulent-ils tous oublier. Par nécessité, tu as participé à leur célébration mais tu as vite trouvé une excuse pour t'éclipser. Jackson a voulu te suivre pourtant tu l'as sans mal dirigé vers Grey sous prétexte qu'il avait bien besoin de son ami alors que toi tu pouvais très bien rentrer seule. Jouer ce petit jeu commence à t'agacer. Tu en assez de lui et de ce couple dégoulinant de mignonnerie que vous formez. Tôt ou tard et plutôt tôt que tard, tu vas devoir te débarrasser de lui. Tu chasses vite cette pensée alors qu'une présence s'ajoute dans ton espace. Le moment n'est pas idéal pour penser à la rupture. Pour l'heure, il te faut rassembler des informations fiables et revoir tes plans car il y avait une inconnue dans ton jeu. Cette rébellion était prévisible mais pas la présence des autres clans. C'est surtout celle des Dragons qui te dérange. Ainsi que la trahison d'un homme que tu commandais sans qu'il ne le sache. Tu n'as même pas vu venir son pas de côté, il a totalement échappé à ton radar. Le constat de ton échec est difficile à avaler. Peut-être est-ce pour ça que tu as ressenti le besoin d'aller voir l'une des personnes qui t'a le plus appris. D'une certaine façon, c'est presque une punition que tu viens chercher. Zayne déambule dans la pièce sans te remarquer. Cette inconscience t'arrache un sourire amusé avant que tu ne te déplaces sur une latte de parquet qui grince sous ton poids. Il réagit aussitôt et s'apprête à dégainer mais il ne le fait finalement pas. Il a compris que ce n'était que toi.

ZAYNE – Tu te ramollis.
APRIL – Mesure de prudence. La dernière fois que je t'ai surpris j'ai vu la mort bien en face.

Zayne ne s'embarrasse pas de bonnes manières. Comme d'habitude. Tu fixes un moment son profil avant de sortir des ombres et de te déplacer vers la commode. Tu t'y hisses sans un bruit avec une souplesse féline. Tes jambes fendent légèrement l'air de battements dignes d'une enfant que tu n'es plus depuis bien longtemps.

ZAYNE – Que me veut mon ancienne élève a une heure aussi tardive ?
APRIL – La rumeur est tellement volatile à ton sujet que j'ai préféré prendre mon information à la source. C'est vrai que tu as combattu le Dragon ?

Tu jettes un œil à son membre collé à son abdomen. Si tes informations sont exactes une balle lui a traversée l'avant-bras. Tu le sais ambidextre mais cette blessure aura indéniablement des conséquences sur ses capacités. L'idée que ton maître perde une partie de ses facultés te déplaît fortement. Tu ne peux pas l'imaginer autrement que puissant et destructeur.

Un rire froid s'échappa des lèvres de Zayne lorsqu'elle lui rappela sa petite expérience de mort imminente. Il avait oublié cet évènement jusqu'à maintenant, mais ce n'était visiblement pas son cas. C'était une bonne chose, il valait mieux qu'elle garde un souvenir fort de la Mort pour éviter de la suivre par accident la prochaine fois qu'elle la croiserait. Il eut un sourire satisfait qui s'effaça trop vite comme toujours alors que la scène se déroulait dans son esprit. Les débuts avec April n'avaient pas été de tout repos. Autant pour elle que pour lui. Il ne supportait pas à l'époque sa manière de se faufiler et il avait fini par le lui faire comprendre. Se faufiler, elle avait ensuite continué à le faire, mais elle s'était appliquée à l'avertir de sa présence de façon détournée. Ils avaient en quelque sorte trouvé un terrain d'entente.

Quand l'Espionne se déplaça, il l'observa avec attention. April n'avait pas beaucoup changée depuis la dernière fois qu'il l'avait vue. Elle respirait toujours cette candeur trompeuse. Sa main quitta définitivement son arme et il la laissa glisser sur le tissu qui emprisonnait son bras blessé tout en continuant de regarder la brune en attendant qu'elle lui livre une réponse. Elle n'était pas là pour une visite de courtoisie, il en était certain. Si cela avait été le cas, elle lui aurait parlé au bûcher. Et il se doutait aussi qu'elle n'était pas ici pour s'inquiéter de son état. Elle n'aurait pas osé. Il ne voyait donc qu'une seule raison pour expliquer sa présence ici. Et il s'avéra qu'il n'avait pas tort. Un grognement quitta ses lèvres, mais ce fut le seul signe de mécontentement qu'il manifesta.

» Si on peut appeler ça combattre. Ce mouflet serait mort s'il n'avait pas eu quelqu'un pour couvrir ses arrières.

Pour un Chef, Samuel s'était avéré être un adversaire particulièrement décevant.

» Enfin, je suppose qu'il est vivant. Ses blessures n'étaient pas trop graves et je suppose qu'on en aurait déjà entendu parler s'il avait perdu la vie durant le retour sur son territoire.

Suite au regard qu'April posa sur son bras bandé, Zayne lui décocha une œillade meurtrière. Il n'aimait pas cette obsession qu'avait les gens de fixer sa blessure. Ce n'était rien du tout. Il guérirait et retrouverait sa sauvagerie en un rien de temps. Mais pour certains, cela semblait signifier qu'il était fini. C'était stupide. Il n'allait pas se laisser abattre par une simple plaie par balle et, au pire, il lui restait un bras solide pour manier son katana.

» Je pourrais toujours t'infliger la dérouillée de ta vie, si c'est la question que tu te poses.

Lorsque Zayne rit ce n'est jamais vraiment rassurant. Pourtant tu as appris avec les années à ne plus te laisser affecter. Avant l'entendre rire te faisait couler une sueur glacée dans le creux du dos mais plus maintenant. Tu l'observes dans l'ombre en retenant ta curiosité. Parfois tu aimerais pouvoir découper la tête des gens pour regarder directement à l'intérieur et connaître leurs pensées. Ça ne marche malheureusement pas comme ça. Ce serait trop simple. Un brin salissant aussi. Son geste vers son bras blessé ne t'échappe pas. Tu supposes que Zayne n'agirait pas de la sorte avec tout le monde. Avec toi il se sent en quelque sorte en confiance. Il est vrai qu'il n'a rien à prouver. Tu le respectes plus que tout et il le sait. Il est peut-être même la seule personne que tu respectes véritablement. Et ça aussi tu te dis qu'il doit en quelque sorte s'en douter. Suite à ta question il grogne mais il en faut plus pour t'impressionner. Il fait juste son ours mal léché, il n'a rien de menaçant en cet instant.

ZAYNE – Si on peut appeler ça combattre. Ce mouflet serait mort s'il n'avait pas eu quelqu'un pour couvrir ses arrières.

C'est décevant. Personne n'a jamais réellement vu se battre le Chef des Dragons dans le clan. Il n'est pas vraiment un homme de terrain et tu ne sais pas grand chose sur ses capacités réelles. Aujourd'hui tu peux donc émettre l'hypothèse qu'il ne participe pas aux missions parce qu'il manque de force. Ce serait particulièrement étrange qu'un clan comme les Dragons ait un faible comme Chef mais tout peut arriver. Tu restes sceptique néanmoins. Cette histoire cache peut-être autre chose et tu as besoin de détails pour le découvrir.

ZAYNE – Enfin, je suppose qu'il est vivant. Ses blessures n'étaient pas trop graves et je suppose qu'on en aurait déjà entendu parler s'il avait perdu la vie durant le retour sur son territoire.

Il a raison. Tout Paris saurait si Samuel avait perdu la vie. La mort d'un Chef est un événement et même si on ne dit pas les choses clairement il y a des signes qui ne trompent pas. D'après tes informations l'agitation a été modérée du côté Nord aujourd'hui. A part les préparations de la veillée funéraire du Second, ils n'ont rien fait de particulier.

APRIL – Tu dis que ses blessures n'étaient pas trop graves... Pourquoi ?

Zayne a lui-même dit que le combat ne valait pas grand chose tu trouves donc étonnant qu'il ne lui ait pas fait plus de dégâts. C'est peut-être risqué mais tu veux tenter ta chance pour en savoir plus.

ZAYNE – Je pourrais toujours t'infliger la dérouillée de ta vie, si c'est la question que tu te poses.

Tu as fixé sa blessure sans le vouloir. Cette constatation te déplaît et tu te mors légèrement l'intérieur de la joue pour te reprendre. Peut-être que tu te détends trop en sa compagnie. Généralement ton corps ne te trahit pas même quand tu es dans tes pensées. Tu ne te fais pas non plus repérer quand tu observes quelqu'un ou quelque chose.

APRIL – Je n'en doute pas.

Le sourire qui apparaît sur tes lèvres est forcé et ça se voit. C'est le but. Lorsque tu parles avec quelqu'un qui a de l'intérêt pour toi tu essayes de laisser passer certains éléments pour qu'il puisse te comprendre un peu mieux. Ici tu veux d'une certaine façon que Zayne sache que tu n'es pas dans ton assiette. Tu as besoin de parler de ton échec mais tu ne peux pas juste l'avouer sans y avoir été invitée.

Zayne pinça légèrement les lèvres suite à la question posée. April était toujours directe et elle prenait d'autant moins de gants avec lui. S'il n'était pas un homme fier, il avait par contre une fierté de guerrier très importante. Il vivait assez mal de ne pas avoir dragué le Dragon jusqu'à la mort pour compenser cette blessure qu'il avait subi. Un combat sans mort d'où l'on ressortait blessé était un échec et qu'importe que l'autre ait été un Chef. Oui, il avait décidé de ne pas l'achever car c'était le mieux à faire pour les Jaguars, mais il n'empêchait que c'était une défaite qui lui laissait une certaine amertume dans la bouche.

» Nos styles de combat ne s'accordaient pas très bien. Sa chaîne était parfois ennuyante à contourner et moi je voulais lui prouver qu'il n'était qu'un moustique en l'écrasant progressivement. Je voulais dominer totalement le combat par orgueil. Alors j'ai d'abord placé des frappes simples pour que la mise à mort soit d'autant plus percutante. Sauf que c'est à ce moment là que son Second est arrivé et qu'il a tiré. Je voulais lui transpercer la gorge, mais c'est à mon bras qu'il a réservé ce sort.

L'orgueil de Zayne l'avait en quelque sorte sauvé aujourd'hui. Si jamais il n'avait pas voulu prendre son temps avec Samuel, il l'aurait probablement tué et les Jaguars auraient eu à gérer une situation bien plus problématique. Cette frustration d'avoir perdu méritait donc d'être endurée pour le bien du clan. L'Ancien savait parfaitement pourquoi ce combat avait tant compté. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas croisé le fer avec un véritable ennemi. Sa vie sur le terrain lui manquait même si les formations qu'il effectuait n'étaient pas dépourvues d'intérêt, mais rien ne valait la vie trépidante de Fine Lame. Il sortit néanmoins bien vite de ses réflexions en constatant un comportement étrange chez son ancienne élève. Sa seule présence ici était d'ailleurs étrange.

» Vide ton sac, gamine.

Pour que April se montre aussi ouverte avec lui alors qu'elle n'avait habituellement pas à le faire - il la connaissait suffisamment, et il connaissait aussi sa mission, pour qu'elle n'ait pas à jouer ses petits rôles habituels -, il fallait vraiment que quelque chose d'important la tracasse. Jugeant que cette discussion prendrait du temps, il recula sur son lit jusqu'à atteindre le mur auquel il s'adossa et croisa ses jambes tendues devant lui.

» Qu'est-ce que tu fiches ici au lieu de faire la fête avec tes camarades ? Il y a de l'eau dans le gaz avec ton mec ?

Cette question était purement cynique, il savait parfaitement que les sentiments d'April pour ce gars était inexistant et Zayne en était heureux. Jason n'avait aucune idée de qui était sa petite amie et il ne la méritait sûrement pas. April était un esprit sauvage qui n'avait besoin de personne. Elle était un peu à son image.

ZAYNE – Nos styles de combat ne s'accordaient pas très bien. Sa chaîne était parfois ennuyante à contourner et moi je voulais lui prouver qu'il n'était qu'un moustique en l'écrasant progressivement. Je voulais dominer totalement le combat par orgueil. Alors j'ai d'abord placé des frappes simples pour que la mise à mort soit d'autant plus percutante. Sauf que c'est à ce moment là que son Second est arrivé et qu'il a tiré. Je voulais lui transpercer la gorge, mais c'est à mon bras qu'il a réservé ce sort.

Zayne n'est pas un homme vantard. Il connait ses limites, ses capacités et tu sais pouvoir te fier à son discours. Tu l'écoutes patiemment, intégrant chaque donnée. L'aveu de son échec par orgueil est étrange et tu ne peux pas t'empêcher de te dire que cette soudaine poussée d'orgueil est positive même si tu aurais été ravie de voir le Chef des Dragons mort. Tu le voudrais d'autant plus maintenant que tu connais la nature exacte de la blessure de Zayne. Une balle dans le bras sonne plutôt mal.

ZAYNE – Vide ton sac, gamine.

Ton mentor note enfin ton comportement et il agit en conséquences. Tu es étrangement soulagée qu'il l'ait fait. Tes jambes se balancent encore lentement dans le vide alors que tu hausses légèrement les épaules. Tu ne sais pas exactement par où commencer donc tu le regardes s'installer plus confortablement en prévision d'une discussion qu'il pense peut-être longue. C'est possible. Ça fait longtemps que tu ne lui as plus parlé. Que tu n'as plus réellement parlé à quiconque en réalité.

ZAYNE – Qu'est-ce que tu fiches ici au lieu de faire la fête avec tes camarades ? Il y a de l'eau dans le gaz avec ton mec ?

Tu roules des yeux face à cette question. Son cynisme est tellement suintant que tu ne peux t'empêcher d'afficher une réaction réelle. Ta relation avec Jason te pèse de plus en plus. C'est fatiguant de jouer avec lui. Il est trop gentil, trop mignon, trop tout et toi tu as besoin de respirer un autre air.

APRIL – J'ai merdé Zayne. Cette rébellion je ne l'ai pas vue venir.

C'est un mensonge bien sûr mais même lui ne pourrait pas comprendre pourquoi tu as gardé le silence à ce sujet. Tu voulais ce nettoyage chez les Jaguars mais il a eu un impact beaucoup plus grand que prévu. Tout s'est emballé.

APRIL – Et mon Espion s'est retourné contre moi. Il m'a roulé dans la farine. J'ai honte. Je ne comprends même pas comment j'ai pu me faire berner à ce point. J'aurais du le surveiller, je n'ai pas été attentive et maintenant c'est la merde. Tout ça parce que j'ai sous-estimé cet imbécile.

Cette partie est vrai. Tu n'as pas été assez attentive et c'est là tout le soucis. Parce que tu ne sais pas d'où vient cette perte d'attention. C'est frustrant. Beaucoup trop frustrant pour toi.

APRIL – Noâ va me tomber dessus, c'est sûr. Elle m'a donné beaucoup de liberté et maintenant je suis certaine qu'elle va me la reprendre. Et je n'ai vraiment pas besoin d'avoir quelqu'un sur le dos au vu de tout ce qu'il faut rattraper. Tout est à refaire, à vérifier à cause d'Aaron.

Tu t'emballes et c'est anormal. Tu n'as pas trop bu pourtant. A peine un shot d'alcool. Si tes paroles transmettent ton angoisse tu restes relativement neutre c'est plus fort que toi. Mais tu parles et c'est une indication claire sur ton état.

Même pour Zayne il était étrange de voir April si ouverte. Parfois, il revoyait cette gamine qu'il avait entraîné pendant des années pour qu'elle devienne la fille qu'elle était aujourd'hui. Jamais il n'avait regretté, mais il était parfois vraiment bizarre de voir la différence entre celles qu'elle prétendait être et celle qu'elle était vraiment. Parfois, il se demandait même si elle savait encore qui elle était vraiment derrière tous ces masques qu'elle arborait en permanence. Contrairement à d'autres Espions, elle n'était même pas elle-même au sein de son propre clan. Est-ce que cela l'inquiétait ? Oui et non. April comptait indéniablement pour lui, mais elle elle était différente comme lui était différent alors la source de cette inquiétude était différente aussi. Il ne lui souhaitait pas une vie plus normalisée, il lui souhaitait du succès, de la chance, du challenge, mais sûrement pas la facilité d'une vie comme celle de tous les autres. Elle avait trop endurée pour cela. Comme il s'en doutait, parler du petit copain ne représenta rien dans cette conversation et elle se lança dans le vif du sujet. Patiemment, il l'écouta en tripotant calmement son bandage. Malgré tout, il lui fut difficile de rester calme très longtemps quand elle se lança dans un véritable marathon verbale. Il ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'il l'avait entendu parler autant. Elle semblait émotive - même si les preuves étaient presque inexistantes, il pouvait percevoir le changement -, beaucoup trop émotive. Finalement, Zayne se leva tout en écoutant la suite de son explication. Il n'allait sûrement pas la rassurer. Oui, elle avait merdé. Une erreur était grave et elle le savait aussi bien que lui. Cela ne la rendait néanmoins pas responsable de la rébellion. Elle avait beau être douée, il y avait des choses qu'on ne pouvait pas forcément voir venir car on avait pas des yeux partout. Il ne lui dirait néanmoins pas ça non plus. Agacé, il alla se placer devant elle pour lui abattre un coup brutal sur la tête. Le but n'était pas de la punir, mais de la calmer. Il voulait lui remettre les idées en place. Autant, il la calma en effet, mais pour les idées, il faudrait repasser.

» Merde !

Il fallait croire qu'il contrôlait moins sa force du bras gauche...

4 ans plus tôt.

L'entraînement durait depuis quelques années déjà. Même la mort de Joshua n'y avait pas mis fin. Noâ ne cautionnerait pas forcément tout ça et c'était bien pour ça qu'elle n'était pas au courant de tout. Ou qu'elle feignait de ne pas voir ? Zayne n'en était pas sûr. Il s'en fichait néanmoins. Il avait commencé quelque chose et il irait jusqu'au bout. Sans un bruit, il termina donc la mise en place de son prochain entraînement. Ce n'était pas une nouveauté, il procédait de temps en temps à cette technique, mais contrairement aux autres jours, le danger existait bel et bien. April avait quinze ans, son test approchait, il était donc temps de passer à l'étape suivante. Une fois qu'il fut sûr que tout était bon, il recula et observa son travail. La lame de verre état fixée au plafond par un fin fil au dessus de l'adolescente endormie. En fonction de sa réaction, si elle la remarquait ou non le petit subterfuge, il couperait le fil.

» Debout, gamine, on a du boulot.

L'entraînement commençait.