Even Dragons have their endings
Scénario 3 - Jour 1 (soirée)

La journée s'était écoulée avec une lenteur affligeante sur le territoire des Dragons. Un calme déprimant régnait dans les rues alors que la nuit étendait ses ombres. Vers la fin de l'après-midi, les préparatifs pour l'hommage de Chad avaient commencés et un immense bûcher avait été érigé non loin du quartier général. Le corps du Second n'y avait pas encore été disposé et les lieux n'étaient peuplés que par quelques Membres qui avaient été affectés à cette tâche.

Lorsque le jour fut complètement tombé, la sirène résonna longuement pour convoquer le clan tout entier à ces funérailles impromptues et assurément de mauvaise augure pour les Dragons du Nord.

Le fait de ne pas lâcher le morceau pour en apprendre plus sur l’état et la situation exacte de Samuel avait fini par payer, et ce que j’avais appris ne me plaisait pas, mais alors vraiment pas. Mes talents d’espionne aidant, j’avais pu apprendre qu’il se trouvait à l’hôpital, et que si sa vie n’était pas en danger il n’en restait pas en moins en mauvais état. Mais si l’envie d’aller le voir me titillait grandement, l’heure était à d’autres priorités… plus morbides et déprimantes…

J’étais en train de finir de nouer mes cheveux en une queue haute lorsque la sirène résonna pour annoncer le funèbre événement. Un short noir et t-shirt gris foncé, j’avais donc opté pour une tenue discrète. Ma lame fermement accrochée à ma ceinture, je sortis d’un pas lent et me dirigeais vers le QG, lieu du bûché. Pour une fois, je n’avais pas hâte d’arrivée sur les lieux, bien au contraire. Et au vue des mines sombres qui m’entouraient, je n’étais pas la seule dans le cas…

Lorsque Zack était rentré du conseil, c’était en apportant des nouvelles funestes. Des choses dont le clan n’avait pas spécialement besoin. Non seulement leur chef se trouvait à l’hôpital mais en plus de cela, leur second, Chad, avait péri dans la bataille. La longueur de cette journée avait été renforcée par l’attente car c’était aujourd’hui que l’ancien Second allait recevoir des funérailles qui seront dignes de son nom et de ce qu’il aura été. Les Dragons du nord étaient tous conviés à se rendre à ces dernières. Et ils viendraient quoiqu’il arrive. Peu de gens ont vraiment envie de faire face à la couleur du chef lorsqu’il apprendrait les noms des personnes qui ne seraient, éventuellement pas venues. En tout cas, Hedwige avait choisi de faire dans le simple en mettant une tenue « élégante » et correcte de couleur noire.

Elle venait de finir de se préparer lorsque la sirène retentit dans tout le clan. Il était temps d’y aller… Sans réel enthousiasme, l’Ancienne commença à marcher en direction du lieu où le dernier hommage à Chad allait se dérouler. Elle n’était certainement pas la seule à arborer une telle mine mais c’était compréhensible. Qui est vraiment ravi de se rendre à un enterrement ? A moins d’avoir certains fantasmes cachés ou autre, personne n’aime ça. C’est donc le regard vide et les yeux baissés qu’elle progressait lentement sur les lieux avec d’éventuelles personne autour d’elle qui n’étaient guère dans un meilleur état.

La journée s'est écoulée trop vite. Cloîtrée chez toi, tu as tourné en rond durant des heures comme un fauve en cage. La journée était censée vous offrir le repos mais tu n'as pas une seule fois fermé l’œil. Tu ne t'es pas non plus assise. Tu as vite compris que l'immobilité serait ton pire ennemi en ce jour funeste. Alors tu as arpenté la petite bâtisse qui te sert de maison en comptant tes pas par moment pour forcer ton esprit à se concentrer sur quelque chose. Mais ignorer la douleur est impossible. Elle émane de tout ton corps. Les larmes cherchent encore et encore à sortir de tes yeux. Chaque battement de paupières est une torture car l'image du corps mort de Chad habite l'obscurité qui y vit. Fuir a toujours été pour toi une honte pourtant c'est bien ce que tu tentes de faire. Tu fuis le chagrin et une réalité que tu n'arrives toujours pas à accepter.

Lorsque la sirène retentit à la tombée du jour, tu y crois encore. Tu te précipites hors de la maison et tu cours jusqu'au quartier général sans te soucier des gens qui se massent dans les rues. Tu bouscules quelqu'un mais tu ne prends même pas le temps de t'excuser. Tu te fiches bien des commérages qui naîtront peut-être derrière ton dos. Tu te contentes de courir en espérant. L'arrivée au QG te transperce le cœur avec une force nouvelle. Tu t'arrêtes net en voyant le bûcher bien dressé devant toi. Le bûcher destiné à Chad. La vérité cherche encore une fois à se frayer une voie dans ton esprit. Chad est mort. C'est fini. Tu ne le reverras plus. Malgré le désir que tu as nourri de le trouver posté devant l’imposant quartier général, ton souhait ne sera pas exaucé. Parce qu'il est mort et qu'il n'existe plus que dans les mémoires des siens. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils sont tous rassemblés ici. Pour l'honorer. Ton souffle est court mais tu ne peines pas à respirer à cause de ta course. C'est la faute de l'émotion qui a pris ta poitrine en tenaille et qui semble chercher à bloquer l'air dans tes poumons. Tu ne sais pas comment gérer ce mal profond qui te paralyse. Debout face au bûcher, tu trembles un peu. Les larmes te piquent les yeux mais tu les refoules. Ta trop grande fierté refait surface au bon moment pour t'empêcher de succomber complètement au chagrin. Tu as déjà pleuré aujourd'hui, tu ne te permettras pas cette faiblesse une seconde fois.

La journée était passée au ralenti. J'avais croisé Icare mais je lui avais à peine adressé un regard alors qu'il avait essayé de venir me parler. Même si nous avions quartier libre toute la journée, j'avais préféré me changer les idées avant d'aller dormir. Après cela seulement je réussis à me reposer un peu. Dormir me fit du bien, beaucoup de bien. Ce fut un sommeil sans rêve, ce qui était bien mieux.

Lorsque le soir était tombé, j'étais allée me promener, discrète, invisible. Je voulais simplement prendre l'air. Respirer. Me sentir libre. La sirène retentit bientôt. C'était l'heure. Je sentais déjà la future odeur des flammes. Mais cette odeur serait plus pure que la veille. Aujourd'hui, seuls le bois et un corps brûleraient. Pas la moitié d'un quartier. Je me dirigeai vers le Q.G., comme tous ceux autour de moi. Icare était déjà là. Je ne pus éviter ses yeux mais je me détournai aussitôt. J'allai me placer plus loin, hors de sa vue. Avisant Violette, je la rejoignis mais restai silencieuse. Il était temps de se recueillir, tout simplement.

Un jour, Falko avait appris que chez les Jaguars, on fêtait la mort. Le clan tout entier disait adieu à leurs disparus dans une sorte de joie étrange. Autant dire qu'il avait trouvé cette façon de faire des plus déplacée. Il ne comprenait pas qu'on puisse agir de la sorte avec les morts. Mais ça c'était son avis de jeune Dragon bien ancré dans les symboles de son clan. Aujourd'hui, il comprenait mieux. Et autant dire qu'il aurait préféré que les bûchers ressemblent un peu plus à ceux des Jaguars. Alors qu'il se préparait, il savait déjà à quoi s'attendre. Il n'y aurait que du recueillement et un silence teinté de respect. Personne n'aurait osé troubler l'instant. A la limite, Samuel ferait un discours à propos de son Second, mais l'homme n'était pas d'une grande éloquence alors Falko ne s'attendait à rien de spécial. En réalité, il allait juste attendre et s'ennuyer jusqu'à ce qu'on les libère. C'était une obligation de plus dans ce clan qui en avait déjà beaucoup trop. Après, il se doutait bien qu'il n'aurait même pas vraiment possibilité d'aller s'amuser. On surveillerait sûrement leurs faits et gestes, il n'était pas question de faire les zouaves alors que les braises chauffaient encore l'air.

En sortant de chez lui, Falko pensa pour lui-même que c'était une bien sinistre nuit. Une nuit digne et morte. Le moment parfait pour dire adieu à Chad.

Lorsque Martin avait quitté la maison familiale au beau milieu de la nuit, Maxine avait compris que quelque chose se tramait. Quand il partait aussi rapidement, c'était toujours car le Conseil des Héros devait se rassembler. Elle n'avait donc pas été étonnée de le voir revenir un peu plus tard, la mine particulièrement sombre. Il lui avait dit qu'il était aujourd'hui inutile qu'elle se rende à l'entraînement matinal, qu'il était annulé, et l'avait fait asseoir pour lui annoncer la sombre nouvelle. Chad était mort. Max avait toujours apprécié cet homme rusé qu'elle avait eu l'occasion de côtoyer longuement et son décès l'avait profondément touché. Elle avait voulu pleurer sur sa mort, mais son père ne lui en avait pas laissé le temps, une dispute éclatant entre eux parce qu'elle avait posé la question de trop alors qu'il lui avait dit qu'il ne pouvait et ne voulait pas parler de tout ça. C'était pour lui une histoire classée. La jeune Aspirante s'était alors braquée et elle avait quitté la maison en trombe pour rejoindre celle de Sawyer où elle avait passé une partie de la journée avant de la suivre lorsqu'elle était partie travailler, elle-même n'étant pas de garde.

Ainsi, lorsque la nuit était tombée, elle n'avait toujours pas parlé à son père et elle était toujours aussi perdue sur les conditions de la mort du Second. C'était donc aussi chagrinée que grognon qu'elle était arrivé dans la foule qui se rassemblait autour du bûcher. Elle se tenait toujours au côté de Sawyer, un bras enroulé autour du sien et attendait silencieusement la suite. Il était blessant de se dire que c'était le corps d'un homme qu'elle respectait et qu'elle avait apprécié qui se trouvait au sommet de l'empilement de bois, mais elle avait ravalé ses larmes. Maxine n'avait pas honte de pleurer, mais ce n'était pas le moment pour ça. Elle avait déjà versé bien assez de larmes sur l'épaule de Sawyer comme ça.

La journée avait commencé en fanfare. Tu avais été réveillée avant l'aube par une Maxine bouleversée tambourinant à ta porte. Elle t'avait expliqué toute l'histoire en commençant par sa dispute avec son père et tu en avais plus ou moins déduis la mort de Chad à la moitié de ses explications confuses. Puisque vous saviez déjà que les entraînements étaient annulés aujourd'hui vous n'aviez simplement pas bougé en entendant la sirène. Ensuite la journée s'était déroulée plus ou moins normalement si on omettait l'ambiance étrange qui régnait sur le territoire et Max qui te suivait à la trace. Encore que pour le deuxième point ce n'était pas si anormal que ça. Son calme était par contre anormal ainsi que ton attitude plus soucieuse et protectrice. Aujourd'hui il n'y avait pas eu de vannes et de plans pourris.

La mort du Second ne t'a pas plus perturbée que ça de ton côté. Tu ne le connaissais pas vraiment après tout. Malgré tout tu te trouves au bûcher car c'est une obligation et que tu n'aurais de toute façon pas laissé ton amie y aller seule. Tu es au milieu de la foule alors que tu détestes ça avec elle accrochée à ton bras, tes yeux dardant régulièrement vers son visage désormais sec. Il avait été mouillé plus tôt mais elle semble désormais décidée à garder ses larmes. Doucement tu places la main sur son bras pour y appliquer une légère pression et lui assurer que tu es là pour elle.

SAWYER – Ça va aller pup'. Je suis sûre qu'il doit déjà être attablé au Conseil des Héros là-haut. C'était un bon gars. Intelligent en plus. Il doit y avoir sa place.

Tu as pointé les étoiles avec un léger sourire. C'est une vieille histoire que tu as entendu d'un Libre quand tu voyageais encore. Les morts montent au ciel où ils sont heureux et vivent une vie plus ou moins similaire à celle sur le sol mais où il n'y a plus ni douleur, ni tristesse. Tu n'y crois pas trop mais pour une fois tu espères que la naïveté de Maxine pourra lui redonner un peu le sourire.

La sirène résonnait encore dans ses oreilles. Il observait les flammes dansante tranquillement. Encore un mort. Une mort inutile comme toutes les autres. Depuis le meurtre de sa nièce, Mischa n'était plus le même homme. Il n'abordait plus les choses de la même manière et il se demandait bien pourquoi il avait obéi bêtement aux ordres, en venant jusqu'ici. Tout le clan était présent et un silence dérangeant surplombait chaque membre. Est-ce que les Dragons du Nord avaient encore une chance de survivre ? Est-ce que leur manière de vivre était totalement à revoir ? Certainement. Mischa en était convaincu à présent. Ils furent jadis un clan des plus féroces, mais le temps s'arrangerait pour qu'ils disparaissent. Pour qu'ils finissent dans l'oubli. Car après tout, leur puissance et leur manière de gérer les choses causerait leur perte.

Il avança dans le groupe tout en restant à l'écart. L'ancien fine lame n'avait pas envie de se mélanger et encore moins d'accorder de l'importance à quiconque présent ici. Il hasarda chaque membre en espérant ne pas croiser le regard d'Hedwige, ni celui de Ruby et encore moins celui de Violette. Il était désolé pour ces femmes et se demandait maintenant ce qu'elles avaient pu lui trouver. D'ailleurs, qu'avait-il bien pu leur trouver ? Il aimait toujours Hedwige, mais pour son bien, il valait mieux l'éviter.

Fallait il quitter à tout jamais le clan pour enfin vivre une vie normale ? Cela faisait plusieurs années maintenant et il ne se remettait toujours pas de la mort de sa nièce. Dès qu'il fermait les yeux, c'est un corps décapité qu'il voyait. Le deuil était long et pénible, mais ce n'était pas simplement cet acte innommable qui le touchait. A présent il ressentait des émotions. A présent il ressentait tout le malheur et l’atrocité dont il avait fait preuve durant de nombreuses années. Tout ça pour la gloire du clan. Tout ça pour ne pas perdre la vie, obéir bêtement aux ordres. Pourquoi avait-il changé ? Toutes ces émotions le rendait malade. Il aurait préféré resté cette arme de destruction massive, cet homme au coeur de pierre. Au moins la vie aurait été moins pénible.

Observer les flammes ravager le corps de Chad le rendait nerveux et mal à l'aise. Il entendait tous les cris, les plaintes et les supplices de toutes ses victimes. Ces enfants, ces femmes, ces hommes et ces vieillards qu'il avait abattu de sang froid. Ces hommes qui hurlaient l'agonie alors qu'il les torturait sans la moindre once d'émotion. Voilà que tous avaient décidé de le hanter, l'envahir.

Alors, Mischa tourna les talons et s'éloigna, quitte à décevoir son chef de clan. Il en avait plus rien à foutre. Ce petit chef prétentieux ne pouvait pas comprendre de toute façon ... Et Mischa savait qu'il était trop précieux pour être descendu bêtement à cause d'un retour en arrière.

L’annonce d’un entrainement annulé ne m’avait pas réjoui. La liberté qui m’avait été accordé, tout au fil de la journée, ne m’avait inspiré aucune fraîcheur ni aucune envie. Lorsqu’ils nous avaient confirmé les décès, dès l’aube, mon cœur s’était figé et une petite pierre d’une lourdeur inquiétante s’y était logée pour m’assaillir de l’intérieur. Je n’étais pas effondrée, je ne me sentais pas personnellement en deuil, mais mon mal-être m’enveloppait constamment, depuis. Je ne pouvais pas affirmer être proche de l’un ou de l’autre, il était toutefois inconcevable de renier leur importance pour les Dragons. Surtout Chad. Je pouvais bien fanfaronner de ne pas me sentir chez-moi, ici, parmi eux, mais leur disparition m’affectait, quoi que j’y fasse. M’inquiétait, plutôt.  C’était un deuil clanique, et bien malgré moi, je devais supporter cette douleur collective jusqu’à la fin de cette interminable journée.

Après une journée d’errance, j’avais rejoint les obsèques seule, et je l’avais cherché, dans la petite foule rassemblée. Icare. Soudain, j’étais là, dans les ténèbres, posée à ses côtés, le visage fermé mais les yeux grands ouverts. Ma robe noire et simple, une tunique sobre de deuil, m’habillait comme une seconde peau. Ma main pâle, frissonnante dans la nuit fraîche, se posa pour la première fois sur lui, puis glissa, confortable mais timide, jusqu’au creux de son bras. Ce soir, je ne souhaitais pas être un membre endeuillé ou tourmenté de milles incertitudes. J’aurais aimé chasser mes craintes, les résorber dans le recoin le plus secret de mon âme, et me concentrer à seulement soutenir les miens, à chasser leur peine et les faire sourire.

Il était sur le point d'aller s'étendre lorsque la sirène retenti, signalant que tout le monde était convoquer. Grognant de mécontantement, le brun enfiler des chaussures et sortie en boitant pour se rendre sur place. Il n'avait pas tellement la tête à se rendre là-bas. Vu les nouvelles dont il avait entendu parler, il n'avait très certainement pas envie d'y aller. La mort de Chad lui avait fait un choc. Il ne comprenait pas pourquoi une telle situation aurait bien put arriver.Cela dit, c'était fait. La simple nouvelle lui fit douter des capacités de leur présent chef, Samuel, à gérer le clan. Ne comprenait-il pas que les membres du clan n'était pas invincible? Il fallait croire que non. L'Ancien arriva sur place avec la mine sombre. Son regard balaye devant lui à la recherche d'une tête qu'il aurait pu reconnaitre, mais il choisit de ne pas s'approcher de quiconque pour le moment. Il n'a pas la tête à faire la conversation. Les bras croisés, il observe de loin les funérailles. Chad est mort. Le clan se retrouve sans Second et le chef est à l'hôpital. Les choses pourraiet-elle être pire? surement, le chef pourrait avoir périt aussi. En même temps peut-être que cela aurait été mieux? Non. Il n'a rien à reprocher au chef mise à part sa récente erreur qui a causé la mort du Second du clan. Il ne lui souhaite pas de mal. Cela dit, malgré le fait qu'il n'est pas vraiment cotoyer souvent le défunt Second, Liam a le coeur lourd. Et il sent ses yeux lui brûler alors que des larmes veulent sortir. Il ferme les paupières pour les chasser. Lorsqu'il sent qu'elle sont partis, il ouvre les yeux pour le garder devant lui à observé les funérailles.

La situation lui rappelle des mauvais souvenirs. Par réflexe son regard descend jusqu'à sa jambe. Il a failli y passer ce jour là et il en est conscient. Sa blessure aurait pu avoir été prévenu, mais les choses étaient arrivés autrement. La mort de Chad était-elle nécéssaire? Aurait-on pu sauver une vie si les choses s'étaient passé autrement? Avait-il été nécéssaire qu'il parte ainsi? Les questions resteraient probablement sans réponses. De regard, Liam cherche à trouvé Loukas. Forcément, si tout le monde est ici, elle doit bien l'être elle aussi non? Il ne l'a pas vu depuis un certain temps et le jeune homme ne peut pas s'empêcher de se demander ce qui lui arrive. Après tout il a promit de veiller sur elle et il tiendra sa promesse.

- SILENCE !

La voix de Martin domina la foule. L'Ancien Chef avait parlé tout en continuant à marcher jusqu'au bûcher sur lequel se trouvait le corps de Chad devant lequel il s'arrêta. Demander le silence n'était pas très utile au vu du calme qui régnait - les quelques personnes qui ne gardaient pas la bouche close murmuraient -, mais c'était principalement une façon d'attirer l'attention. A ses côtés, Michael se tenait droit et stoïque comme à son habitude, une torche à la main. Le reste des Lieutenants étaient alignés à quelques pas de là, sérieux et attentifs, scrutant le clan avec une gravité logique au vu de la situation. Le Second était mort et le fait qu'il gérait les Dragons était de notoriété publique. Il était donc bien normale de constater l'inquiétude. Le fait que ce soit Martin qui s'occupe de la cérémonie et que Samuel n'ait pas été vu depuis la veille était d'autant plus préoccupant pour les Soumis et les Membres qui étaient majoritairement inconscients de la situation actuelle. C'était néanmoins l'effet recherché. Le clan ne pouvait être vu faible et un Second mort plus un Chef invalide n'étaient pas des preuves de puissance.

- Aujourd'hui, nous perdons un grand homme. Chad était un Second dévoué et une personne exemplaire. Il a fait beaucoup pour le clan et nous nous souviendrons pour toujours de sa sagesse qui nous a apporté beaucoup. Mais les Dragons du Nord ne s'arrêtent pas à un seul homme. Nous sommes une flamme que jamais rien n'éteindra et Chad rejoindra les cendres laissées sur le chemin de notre légende.

Après un bref soupir, Martin prit la torche tendue par Michael et bouta le feu à ce triste bûcher. Le flambeau retourna alors dans les mains de la Fine Lame qui se déplaça pour allumer les quatre coins de la structure de bois.

- Le chagrin est humain et sera toléré ce soir, mais demain il ne sera plus question de faire preuve de faiblesse. Soyez prévenus.

Lorsque la sirène se fait entendre, je ne suis pas encore couche. Un soupire découragé passe mes lèvres alors que je passe une main dans mes long cheveux l’air absente. Et puis quoi encore? Depuis quand on demande un rassemblement à cette heure tardive? Y’a des gens qui veulent dormir, ou occupé leurs soirée autrement. Ma main retombe le long de mon corps et vient claquer contre ma cuisse alors que l’autre main avait trouvé son paradis à ma hanche. Je soupire une seconde fois avant de me changer pour me rendre au lieu de rendez-vous. J’ai entendu parler de la mort du Second, mais je n’en suis pas attristé pour autant. Je ne peux pas dire l’avoir aimé ce mec. Ce qui m’attriste c’est le fait qu’il y est un mec de moins sur le territoire. Un de moi avec qui je peux m’amuser. C’est désolant, attristant, mais pas assez pour faire couler les larmes. Les mains dans les poches d’une veste que j’ai enfiler par dessus mon chandail, je marche en direction des funérailles. Je suis marabou. Je n’ai pas envie d’être ici, c’est déprimant. Lorsque j’arrive sur les lieu, je cherche Saphire des yeux avant de la rejoindre. Elle a la même temps que moi. C’est déprimant ici. Un peu plus et on croirait que c’est la fin du monde. Je glisse le regard sur l’assistance, reconnaissant quelques têtes. Je ne sens pas le besoin de venir ici. Je n’ai pas de deuil à faire. Je croise les bras, penchant ma tête légèrement vers Saphire qui a le regard rivé devant elle. « Tu vas pas te mettre à pleurer j’espère. » dis-je, la regardant du coin de l’oeil alors que je vous un sourire amusé s’étirer sur son visage. Elle le chasse cependant rapidement avant de me regarder à son tour. « T’es folle ma parole. Je suis pas si faible que ça. » murmure-t-elle. « Le Second vient de mourir, c’est le temps de se mettre en valeur pour monter plus haut. » me chuchote-t-elle.

C’est à mon tour de sourire alors que je regarde devant à mon tour. elle n’a pas tort, mais je n’ai pas envie de devenir Seconde et vu mon âge, cela ne servirait pas à grand chose très franchement. Je n’y serais pas assez longtemps pour que ça fasse quelques choses. Je me désintéresse rapidement de ce qui se passe devant pour trouver une fascination pour mes ongles. Le manque de lumière ne me permet pas de bien le voir, mais je les fixe avec mon intensité habituelle. Je me perds dans mon observation et ne me rend pas compte qu’une fois s’est mise à parler. C’est le coup de coude de Saphire qui attire mon attention. J’arrache mon regard à ma main dont le coude avait choisi mon autre bras comme appuie avant de la regarder sans comprendre. Elle me désigne l’avant du menton avant de regarder vers le bûcher. Mon regard se pose sur le truc moche sur deux pattes devant qui a choisi ce moment pour nous montrer sa dentition et nous écorché les oreilles avec sa voix. Je serre les dents. J’ai pas envie d’être ici. « Dès que c’est terminé, on file. J’ai mieux à faire que regarder des braillards se changer en bébés à cause de la mort d’un mec. » murmurais-je, me penchant légèrement vers Saphire. Du coin de l’oeil je remarque qu’elle tente au mieux de ne pas éclater de rire, signe qu’elle est du même avis que moi. « Et la vue n’est pas extra non plus. » murmure-t-elle à son tour, embarquant dans mon jeu. Elle parle de l’ancien chef loin devant nous et je passe mon bras amicalement autour de son épaule, feignant avoir besoin de m’appuyer sur elle à cause de la lourdeur de mon chagrin. Bon, j’admet que le sourire sur mon visage n’est pas aussi facile à effacer que je le voudrais. J’ai presque envie de me moquer de quelques personnes ici présente, mais c’est pas aussi drôle s’ils ne sont pas là pour entendre.

Martin continue de l’ouvrir et je perd volontairement et intentionnellement mon sourire. Je m’emmerde royalement. C’est dépimant. On jurera qu’ils vont tous exploser de larmes. Chad gèrait le clan, et alors? Il est mort, faut passer à autre chose. Qui s’occupera du clan? Celui qui aurait du le faire depuis le début : Samuel. Il est faible, comme la majorité de ceux ici présent. Aucun ne semble avoir de réelles forces, sauf ceux qui se montre digne de mon attention ne serait-ce que le temps de quelques secondes.  Mais ils sont peu nombreux. Moi, j’espère voir le clan se désagrégé, se défaire en tout petit morçeau jusqu’à ne plus exister. C’est ce que je veux pour tous les clans, pas juste le mien. Je n’aime pas devoir être dans un clan plus qu’un autre, je n’aime pas cette rivalit qui existe entre chaque clan, mais tout le monde ne peut pas être libre. Pourtant, j’aimerais l’être. Je rêves d’être de ceux qui ne sont pas obliger de rester fidèle à un clan. Je voudrais pouvoir faire ce que je veux comme je veux quand je veux. Au lieu de cela, je suis prise ici, forcée à suivre des règles stupides et à devoir endure la stupidité masculines et la faiblesses féminines. Chaque personne qui versera une larme ce soir est faible. On met feu au bûcher et les flammes sont presque réconfortantes. Presque. Mais je n’ai pas besoin de réconfort. « C'est pour sauver du temps le-- » commence Saphire alors que je l'interrompt d'un coup de coude.

Je la fusille du regard alors que la tirstesse autour de moi soulève une émotion que j'avais depuis longtemps repousser : l'empathie. En fait, je savais même plus que j'étais capable de cela. Et à voir la tête se Saphire, elle est dans le même état que moi, c'est assez évident. Je crois voir qu'elle fait signe à quelqu'un dans l'assistance et je suis son regard. Jade est là. Ma respiration se prend dans mes poumons alors que je la vois, les yeux rougis. Elle apleurer. Faiblarde. J'ai bien fait de la repousser. Je ne peux pas me permettre de me montrer faible. Je donne un nouveau coup de coude à ma meilleure amie qui me regarde. Je vois dans ses yeux une tristesse que je comprends rapidement. Je l'attire contre moi, la serrant dans mes bras. Jade lui manque. Je ferme les yeux alors qu'elle enfouit la tête contre mon épaule. Ses bras passant autour de moi et je pose mon front sur sa tête en fermant les yeux. Je lui embrasse le front alors qu'une larme s'échappe pour rouler sur ma joue. Je la cache en tournant la tête vers le bûcher et la goute d'eau salée est roule jusqu'à la tête de Saphire ni vue ni connue. Non mais, et puis quoi encore? Je vais pas laisser voir mes faiblesses. Hors de question. « Shhh... » murmurais-je à Saphire en la sentant se redresser doucement. Je pose une main sur sa joue, essuyant les larmes du pouce et je souris. « Ça va aller... » murmurais-je, l'embrassant sur le front avant de me tourner vers la flammes, mon bras toujours autour de ses épaules. Assez de sntimentalité. Nous sommes des Dragons. Nous ne sommes connus pour être des pleurnichards.

L'annonce de la mort de Chad avait fait le tour du territoire. Même si elle n'avait pas été présente à l'entraînement matinal, Shira avait appris la nouvelle dans la matinée en revenant du centre hospitalier. Elle avait entendu quelques membres qui en parlaient dans la rue. Cette nouvelle avait plus affectée Shira qu'elle ne l'aurait voulu. Elle ne connaissait pas vraiment Chad, mais il était une figure importante dans le clan. Il ne passait pas un jour sans qu'on entende parler de lui. En plus, il y avait eu cette nuit chaotique à l'hôpital à cause de ce qu'il s'était passé chez les jaguars. Même elle avait été réquisitionnée et elle avait les dents serrées aider à soigner quelques personnes. Son humeur était donc massacrante et elle s'était faite oubliée chez elle jusqu'au bûcher.

Le soir venu, Shira s'était rendue au QG en compagnie de sa famille. Son petit frère avait été très impressionné par tout ça et il s'était accroché à son bras avec inquiétude, les yeux ne quittant pourtant pas l'ancien chef qui s'exprimait. Pendant le discours, Shira avait cherché des yeux ses connaissances. Elle avait fini par trouver Maxine et Sawyer et avait décidé de les rejoindre. Confiant Adam à leur mère, elle s'était faufilé jusqu'aux deux filles. En arrivant, elle perçut les derniers mots de Saw et un sourire étira légèrement ses lèvres. Arrête de lui raconter des conneries, elle va te croire. Shira ne dit pourtant rien. Elle comprenait la raison pour laquelle l'aspirante avait dit ça. Maladroitement, elle passa ses bras autour des filles et cala son menton entre leurs deux épaules.

— On va s'en sortir. C'est pas notre première épreuve. En plus, je suis sûre que ton père à des tours dans sa manche, hein Max ?

Un bûcher, quelle idée pourrie ! Oui, Chad n'avait pas été un mauvais Second, le pauvre bougre avait fait ce qu'il pouvait avec Samuel planant juste au-dessus de sa tête, mais pourquoi devait-on lui rendre hommage d'une telle façon ?! Bon d'accord, je savais pourquoi. Et je comprenais aussi. Pourtant, j'aurais préféré aujourd'hui être idiote. J'aurais de loin préféré ne pas comprendre l'importance de tout ça comme celle d'assister à l'évènement. C'était une obligation, un devoir, et même si je détestais ces deux mots, je tenais un minimum à la vie. Je savais pertinemment que ceux qui ne se présenteraient pas le payeraient cher. Pas forcément de leur vie, mais on ferait de leur existence un Enfer par la suite. C'était d'autant plus vrai pour un Spécialiste qui était toujours sous la surveillance de son Lieutenant. Commander était peut-être humaine et était parfois très laxiste, mais je doutais qu'elle aurait accepté mon absence. Après une journée à me remettre de la nuit, j'allais donc devoir me jeter à nouveau dans une foule qui ne me ferait certainement pas de bien. Je détestais la foule. Ce n'était qu'un nid d'émotions qui me parasitaient et me couvraient d'une glue dégoûtante. Lorsque j'arrivais dans la zone, j'avais déjà du mal à respirer. La tristesse des autres m'avait pris à la gorge et je fis de mon mieux pour tenter de me laisser traverser par tout ça sans m'y accrocher. C'était la seule solution pour tenir, il fallait voir cette sensation comme un nuage chassé par le vent. Je cherchais néanmoins rapidement Jayden. Il n'y avait qu'avec lui que je pourrais tenir face à tout ça. Dès que je le repérais dans la foule, je la traversais rapidement en me souciant peu de bousculer des gens sur mon passage et allais me poster à ses côtés. Directement, j'attrapais sa main et la serrais très fort.

J'étais tombée au beau milieu du minuscule discours de Martin. L'homme était sobre et concis, au moins ce bûcher ne durerait pas longtemps à cause d'un beau parleur qui aimait s'écouter. Je regardais le bois qui prenait feu avant de lever les yeux vers le visage de Clyde.

« J'te jure que si tu te retrouves comme lui un jour, je viendrais te botter le cul sur ton bûcher. »

Je donnais une nouvelle pression à sa main, parfaitement sérieuse. S'il mourrait avec les honneurs, il avait intérêt à le faire après moi parce que je n'aurais pas pu continuer ma vie sans ce grand débile à l'ambition débordante.

Martin avait été concis, mais il n'en attendait pas moins de lui. Ce n'était pas le genre d'homme à se répandre, surtout pas en ses circonstances. Il était à l'image de son clan, un Dragon à la forme la plus pure. Kaiden avait toujours respecté Martin et il aurait donné beaucoup pour servir sous ses ordres. Le revoir ici, présidant ce bûcher, était presque surréaliste et tellement révélateur de la réelle situation de leur Chef. Samuel devait au moins être à l'article de la mort pour ne pas être là. Ces dernières heures avaient véritablement été désastreuses et la nuit ne faisait que commencer : les mauvaises nouvelles pouvaient encore venir. Aujourd'hui, il peinait à être réellement positif et ce n'était pas la faute du chagrin, c'était de la frustration de ne pas savoir qui rongeait sa patience.

Lassé, il fixa les flammes qui commençaient à monter d'un œil vide. Il avait fait ce qu'il avait à faire en ce moment et il respectait les paroles de Martin, mais il n'avait pas de tristesse à laisser vivre. Il avait rendu honneur à Chad, c'était le minimum, néanmoins rien ne le retenait ici. Il s'esquiva donc discrètement pour rentrer chez lui. Demain serait une longue journée, il en était certain et il voulait être prêt. Il allait donc s'octroyer une plus longue nuit qu'à l'accoutumé, puis quand le soleil brillerait à nouveau, il agirait comme Martin le voulait : il marcherait sur le chemin de la légende des Dragons.

Maxine leva légèrement les yeux en sentant la pression de Sawyer sur son bras. Elle lui sourit tristement, se nichant un peu plus proche d'elle pour prendre la moindre parcelle de confort qu'elle lui apportait. Les gens avaient beau dire beaucoup de choses sur son amie, en attendant, elle était toujours là pour elle. A ses yeux, Sawyer était cette personne qui serait le serait toujours, elle était l'inconditionnel de sa vie. Elle était particulière, pas toujours tendre, mais elle était vrai avec elle et c'était tout ce qui comptait. Et puis, quand on savait l'écouter, elle avait toujours des histoires intéressantes à raconter. Max lâcha malgré elle un petit rire étouffé par un demi-sanglot aux paroles de Sawyer. Un Conseil des Héros dans le ciel... C'était joli à imaginer et elle se retrouva à observer le ciel plutôt que son père alors que le bûcher flambait, les larmes toujours au bord des yeux. Elle l'écouta, mais resta obstinément le regard perdu dans l'infinité des étoiles. Elle ne se détourna que lorsqu'elle sentit une pression nouvelle sur son épaule et trouva Shira tout contre elle, les prenant maladroitement en sandwich. Machinalement, elle laissa aller sa tête sur le côté pour la reposer sur la sienne et poussa un soupir. Le fait que son père revienne sur le tapis ne lui faisait pas du bien, mais elle ne pouvait pas en vouloir à Shira. En plus, elle avait raison. Le clan ne sombrerait pas tant que Martin serait de ce monde et Max n'était vraiment pas prête à le perdre. Elle n'était prête à perdre personne, cette difficulté lui semblait aujourd'hui insurmontable. Bien sur, quand ça arriverait, elle ferait avec car c'était dans sa nature, mais elle ne pouvait pas l'envisager alors que le corps d'un homme bon flambait non loin.

- J'vous aime les filles.

Il fallait qu'elle le dise parce que cette journée lui avait appris qu'on ne disait pas assez souvent aux gens combien ils comptaient pour nous. Pourtant, dans un monde comme celui dans lequel ils vivaient où les dangers étaient bien trop nombreux, ça aurait dû être une priorité aux yeux de Max.