Nothing ever lasts forever
Année 34 - PV Hedwige

Appuyé à un mur, Samuel guettait. La nuit tombait doucement sur le territoire des Dragons qui se repeuplait progressivement. La majeure partie des Soumis rejoignaient leurs maisons avant que le couvre-feu ne sonne, alors que de leur côté, les Membres se baladaient tranquillement après leurs longues heures de garde ou d'entraînement, cela dépendait de la position dans la hiérarchie. En tant qu'Aspirant, le brun avait droit aux deux. S'il ne manquait pas de talent et qu'il était déjà un excellent combattant malgré son jeune âge, Samuel manquait cruellement d'aspiration. Les spécialisations ne l'intéressaient pas. Il n'était pas vraiment friand de tortures, n'avait pas le goût des armes à feu, était un piètre espion, n'avait pas de patience et aucun intérêt pour la médecine. Faute de mieux, il s'était donc retrouvé dans l'équipe Basique. Il y occupait une place depuis plus d'un an maintenant et même s'il y évoluait facilement, il ne se voyait pas rester là jusqu'à la fin de sa vie de Membre. Il visait une position bien plus importante. Depuis la mort de son père, Sam voyait grand. Il voulait laver l'honneur des siens et, pour se faire, il était prêt à tout. Même à baby-sitter la petite nouvelle pour se faire bien voir par son Lieutenant.

On lui avait reproché d'être trop asocial et de ne pas considérer les femmes comme des alliées potentielles, il allait donc leur prouver qu'ils avaient tort. Enfin essayer du moins. Gérer Hedwige, cette blonde au caractère de feu récemment devenue Aspirante, n'avait pas été de tout repos. Il avait même eu envie de lui tordre le cou un bon nombre de fois, mais il avait résisté à la tentation et il lui avait appris tout ce qu'un Aspirant se devait de savoir pour qu'elle puisse être opérationnelle en solo dès le lendemain. Théoriquement, son boulot était donc terminé, mais il avait appris entre temps une nouvelle qui le laissait pensif. Des gars de l'équipe avaient prévus d'aller faire sa fête à la Dragonne car ils n'avaient pas appréciés qu'elle se montre aussi dure avec eux. En temps normal, Samuel ne se mêlait pas de ce genre de choses, mais il n'aimait pas beaucoup l'idée que l'on s'en prenne à une personne qui était censée être sous sa protection. Et elle l'était plus ou moins jusqu'au prochain lever de soleil. Il se considérait comme responsable d'elle. Et une personne responsable ne pouvait pas se permettre de rester spectatrice alors qu'une fille de tout juste seize ans se faisait passer à tabac - voir pire - par une bande de débiles craignant qu'elle mette à mal leur virilité. Même s'il n'aimait pas beaucoup les donzelles, le brun trouvait que c'était une perte de temps d'essayer de les briser. Il estimait qu'elles le faisaient très bien toutes seules. Hedwige comprendrait d'ailleurs sûrement bien vite qu'elle n'avait pas sa place en tant que Membre. C'était dans l'ordre des choses.

En voyant des silhouettes se déplacer dans la rue pour aller se mettre en position, Sam supposa que l'attaque allait bientôt avoir lieu. D'après les informations qu'il possédait, il savait que la moitié de l'équipe serait présente et que les agresseurs interviendraient pendant que la victime rentrait chez elle. Les Aspirants vivaient dans des maisons assez éloignées des quartiers des plus hauts gradés, il y avait donc peu de chances qu'ils soient interrompus. Un homme quitta soudainement la ruelle dans laquelle il attendait et vient à la rencontre de Samuel qui l'accueillit avec neutralité.

- Hé mec, on pensait pas te voir. Toi aussi tu viens lui faire sa fête ?

Il s'était naturellement bien gardé de dire aux autres qu'il serait ce soir contre eux. Il répondit donc à l'autre d'un vague haussement d'épaules. C'est durant ce geste qu'il aperçut la chevelure blonde d'Hedwige qui venait vers eux. Ce détail le fit radicalement changer d'attitude et il écrasa son poing sur le nez du gars qui lui faisait face.

- Désolé, mais on a pas gardé les cochons ensemble.

Samuel lui adressa un sourire narquois avant de lui faucher les jambes d'un coup de pied puissant. Il héla ensuite la nouvelle d'une voix pas vraiment sympathique.

- Hey la blonde.

Le moustique à ses pieds remua un peu avant de tenter de sortir son arme, il prit donc quelques instants pour le calmer en lui shootant dans l'estomac.

- Nos compagnons t'ont prévus un comité d'accueil, mais j'ai jamais aimé faire la fête aux nouveaux comme un clebs. Tu m'excuseras si je te vole la vedette du coup.

Elle venait de franchir une nouvelle étape. Hedwige avait passé le test d’admission et elle l’avait réussi. Elle était enfin devenue une véritable membre des Dragons. Ça pouvait paraître anodin mais pour elle, il s’agissait bien d’un pas de plus vers la reconnaissance qu’elle attend depuis toujours. Il lui manquait encore de l’entraînement mais bientôt, elle pourrait enfin prouver à tout ce clan que les femmes ont autant de potentiel que les hommes et qu’elles méritent largement de devenir Membre et, pourquoi pas, d’aller encore plus loin. C’était inévitablement ce qui faisait tenir la jeune Hedwige alors qu’elle venait de passer une journée à s’entraîner dans le but de pouvoir commencer les missions le plus rapidement possible ; à savoir, dès le lendemain. Pour cela, on lui avait même collé un baby-sitter. Heureusement, ça n’allait pas être une collaboration à trop long terme. Hedwige n’était pas du genre à garder sa langue dans sa poche et malgré le fait qu’elle soit la plus jeune, elle n’avait pas hésité à répondre à Samuel lorsque quelque chose ne lui plaisait pas. Un comportement dangereux, elle en avait conscience. Cela dit, elle n’était pas de celles qui préfèrent se laisser marcher sur les pieds sans rien dire. Ce n’était pas ainsi qu’elle imaginait les choses et son instructeur d’une journée devait sans doute l’avoir compris.

Elle y repensait alors qu’elle marchait tranquillement pour rentrer dans ses quartiers. Et ça la faisait sourire. Quand elle était Soumise, des paroles comme celles qu’elle avait prononcé quelques heures plus tôt lui auraient sans doute valu une punition digne de ce nom et là, elle n’avait rien. D’ailleurs, elle n’avait plus l’obligation de respecter impérativement le couvre-feu instauré et ça, ça sonnait aussi en elle comme une sorte de délivrance. A partir de là, elle sut qu’elle ne regretterait jamais son ancienne condition. Elle avait pris la bonne décision en passant ce test ; quoique puissent en penser certains. Elle était à sa place en tant que Membre et de cette façon, elle avançait dans les pas de ses parents. Toutefois, ce n’est pas à ça qu’elle pense le plus. Enfin bref, elle était aux anges… Pas littéralement même si on pouvait en douter. C’était sans compter un petit groupe d’autres membres qui l’attendait devant ce qui lui servait d’appartement. Hedwige les avaient repérés de loin et elle aurait pu leur échapper en faisant demi-tour sans attendre mais… Non. Elle n’allait certainement pas leur faire ce plaisir. C’est donc de façon sereine et étonnamment décontractée qu’elle continuait à progresser dans leur direction. Elle était sûre d’elle jusqu’à ce qu’elle entende au loin une voix qu’elle commençait à connaître. Elle poussa un soupir et prit le temps de lui répondre une fois en face de lui.

« La « blonde » ? Non mais tu as déjà songé à te regarder dans un miroir avant de parler ? »

Oui, elle était vraiment blonde, et alors ? Elle n’en était pas stupide pour autant. Elle ne fit même pas attention à la façon dont Samuel traitait celui qui se trouvait allongé au sol, sous son pied. Ele s’en foutait royalement. La nouvelle était beaucoup plus captivée par ce que racontait son allié temporaire. Un comité d’accueil, rien que ça. Hedwige en aurait presque était touchée. Presque. Si ça n’avait pas été pour lui faire la peau. Mais là n’était pas le problème. Un sourire se dessina sur son visage alors qu’elle était certaine d’une chose : elle ne le laissera pas récolter la gloire.

« Tu serais donc moins… Rustres qu’eux ? C’est bon à savoir cela dit, il est hors de question que tu récoltes tout. Moi aussi je sais me battre et je n’ai demandé l’aide de personne. »

Elle ne s’était pas encore mise en position mais elle restait sur le qui-vive ; prête à frapper dès que l’un d’eux entamerait un mouvement suspect. S’ils pensaient trouver une personne faible et sans défense, ils risquaient d’avoir quelques surprises qu’ils n’oublieront pas de sitôt.

« Tu vois, si tu veux, je te les prends tous en même temps et sans paniquer ! »

Samuel observa l'approche d'Hedwige d'un regard sceptique. Malgré ce qu'il lui avait dit, elle semblait relax et plutôt que de s'intéresser à ce qu'il se passait dans la rue, elle préféra venir se planter devant lui. Étrange. Cette fille devait être inconsciente. Sa réplique arracha par contre un rire sec au Dragon. Il n'avait jamais été très doué avec le second degré. Il n'avait pas non plus pour habitude d'utiliser ce genre d'insultes. Avec deux grandes sœurs blondes, il avait été à bonne école.

- En plus d'être une meuf, t'es bigleuse. Je suis brun, pauvre idiote.

La fille - dans sa tête, elle s'appelait "la fille" avant d'être "Hedwige" - continua à rouler des mécaniques. Samuel ne pouvait pas dénier le fait qu'elle avait un minimum de caractère, mais il n'empêchait qu'elle était un peu trop arrogante à son goût. Venant d'un mec arrogant comme pas deux, c'était un peu l'hôpital qui se foutait de la charité, mais qu'importe. Il y avait trop et trop, et là, la fille en faisant trop. C'était quand même de la moitié de l'équipe qu'on parlait, soit une quinzaine de personnes entraînées qui étaient jugées comme possédant un potentiel certain en plus d'être plus âgées qu'elle pour la plupart. Et même plus âgées que lui. Ces gars là n'étaient pourtant pas dans les meilleurs. Ceux qui avaient vraiment la rage de vaincre au ventre ne se souciaient pas de ce genre de chamailleries.

- Tu vois, en temps normal, je les aurais bien laissé te massacrer, mais c'est pas de bol, ils ont choisis de faire ça pendant que tu es sous ma responsabilité. Et je vais pas me faire ramasser par mon Lieutenant parce qu'une meuf débile se croit capable de descendre la moitié des effectifs.

Le brun lui lança un regard d'avertissement. Il avait beau être venu pour l'aider, si jamais elle lui mettait des bâtons dans les roues, il n'hésiterait pas à la mettre hors d'état de nuire le temps qu'il déblaye un peu la rue.

- Du coup, tu as deux options. Soit t'es gentille et on fait équipe - un grand mot qui fera plaisir aux gradés -, soit tu continues à jouer les grandes gueules et tu n'auras pas le temps d'atteindre un seul ennemi. Alors, on fait quoi, blondie ?

Il chipotait peut-être un peu trop selon Hedwige. Pourtant, elle n'avait pas l'intention de se laisser marcher sur les pieds sans rien de plus. En effet, en agissant ainsi, elle ne ferait que confirmer ce que pense Samuel en ce qui concerne les femmes. Et elle voulait tout, sauf lui faire ce plaisir. Elle a bien conscience que, pour obtenir la place qui lui revient, elle allait devoir montrer un minimum de caractère. C'est pourquoi elle fit ce qu'il fallait pour rester relativement calme face à la remarque du jeune homme.

« Avec quelques reflets plus clairs qui sont visiblement dus à la lune. Mais bref, on règle l'autre problème avant ou tu tiens à poursuivre ce débat sur nos différences capillaires ? »

Elle exagérait certainement en renchérissant encore une fois mais elle n'y pouvait rien, c'était plus fort qu'elle. Hedwige parvenait encore à se contenir lorsque c'était une Soumise mais là, les choses lui semblaient bien différentes. Elle venait de devenir Membre et avec le caractère qui est le sien, le fait qu'elle se lâche comme ça n'était pas si illogique, finalement. Certes, elle allait sûrement loin en prétendant qu'elle pourrait s'occuper de la moitié de l'équipe à elle toute seule mais il fallait bien qu'elle trouve un moyen de se faire « remarquer » et elle n'était pas parvenue à dénicher mieux sur cette situation. Quoiqu'il en soit, elle n'avait réellement pas peur même si elle se doutait qu'il y avait peu de chance pour qu'elle réussisse à s'en sortir sans aucune égratignure. Cela dit, l'expérience risquait d'être forte intéressante... Qui peut aussi lui permettre de situer, à peu près, son niveau. Hedwige eut d'ailleurs un sourire en entendant la suite des paroles de Samuel. Oh, il n'avait rien de moqueur ! Simplement, elle s'amusait du fait qu'il soit justement dans la situation de devoir la protéger et non pas l'inverse ; celle qu'il aurait probablement préféré, à en croire ses mots.

« Entre nous, je n'y suis pour rien ! Ce n'est tout de même pas de ma faute si des mecs, censés représenter l'élite, perdent du temps à s'occuper d'une femme par pur jalousie. »

Hedwige capta le regard de Samuel mais se contenta simplement de répondre par un léger haussement des épaules. Après tout, ça pouvait être intéressant de savoir ce qu'il était capable de faire en situation réelle. La jeune Membre pourrait donc en profiter pour prendre quelques notes. C'est ainsi que, toujours ce même sourire aux lèvres, elle répondit à sa question.

« Eh bien, faisons plaisir aux gradés, non ? Disons que je te suis sur ce coup-là, camarade. »

Oui, elle avait volontairement insisté sur le dernier mot ; signifiant ainsi à Samuel qu'elle se plaçait au même niveau que lui, d'égal à égal. Et elle comptait bien lui prouver qu'elle n'avait pas prononcé ça sans aucune raison...

Samuel n'en revenait pas de la situation. Certes, il admirait – un peu – le sang-froid de la fille, mais ils en étaient quand même venus à parler cheveux. Il n'y avait pas plus féminin comme discussion, il resta donc planté là avec son regard blasé. Des reflets plus claires dus à la lune... En plus, elle se la jouait poète. Fort heureusement, la minute capillaire cessa ce qui le poussa à la remercier mentalement. Il n'aurait pas supporté d'autres histoires de mèches et compagnie.

- J'aurais tendance à dire qu'on se débarrasse d'abord des gêneurs. On pourra toujours continuer avec tes histoires de fille pendant notre prochaine soirée pyjama. Je suis sûr que tu as pleins de choses à m'apprendre sur votre monde à part.

Chaque mot avait été craché avec une bonne dose de sarcasme et de dédain. Il espérait bien qu'après cette nuit, il n'aurait plus à fréquenter la fille même si elle était moins chiante que la plupart de celles qu'il avait rencontré. Même s'il lui aurait bien arraché son sourire. Samuel n'aimait pas beaucoup voir sourire les filles fortes du type d'Hedwige car ce n'était généralement pas bon signe. Et pourtant, c'était loin d'être le sourire qu'il aurait pu imaginer sur son visage. Il manquait quelque chose. Du dédain ou de la moquerie peut-être ? Son discours arracha cette fois un rictus amusé à Samuel.

- Et je ne peux pas te donner tort, je trouve ça ridicule. Mais c'est ça le problème avec la vermine de ce genre : ils sont incapables de garder leur objectif en visuel, un rien les déconcentrent. Une fille et, pouf, il n'y a plus personne.

Pour une fois, le narcissisme de Samuel ne le faisait pas passer pour un enfoiré. Il se fichait bien de ces histoires de bizutages car il n'avait aucun intérêt pour les personnes avec lesquelles il était en compétition. En réalité, les compétiteurs ne valaient pas grand chose à ses yeux, il se voyait déjà les dépasser de très loin. Et pour que rien ne vienne déranger son essor, il lui fallait s'allier à la fille. Fin de l'histoire.

Face à la répartie de la blonde, il feignit un petit sourire affecté. Dommage, il ne pourrait pas l'assommer et serait bien forcé de se battre à ses côtés.

- Tss, j'espère que tu en as dans le ventre. Et ne t'avise pas de me mettre des bâtons dans les roues, camarade.

Sam avait bien compris le sous-entendu. Pour l'heure, il voulait bien admettre qu'ils étaient sur le même échelon, mais il ne faudrait pas grand chose pour qu'elle chute. En d'autres termes, le combat qui s'annonçait serait déterminant. Concentré, il détacha sa chaîne et l'empoigna avant de mettre de la distance avec Hedwige pour la faire tourner et la positionner correctement autour de son avant-bras.

- Bon... Je casse le tas et tu fonces ?

C'était une question, mais ce n'était pas vraiment une question non plus. Pendant qu'ils parlaient, une petite foule s'était formée autour d'eux. Pas vraiment intimidé par ses pseudos coéquipiers, il commença à faire tourbillonner sa chaîne qui vrombit dans l'air. Il ne l'avait lestée que d'un poids léger et non d'un fer offensif aujourd'hui car il ne pouvait pas se permettre d'amocher trop violemment ses adversaires. Avec un petit sourire satisfait, il balaya d'un coup le premier rang qui s'éparpilla un peu. Certains avaient esquivés par l'arrière, d'autres par les côtés, mais une portion minime avait subi l'impact faiblissant de la chaîne. Seul le premier frappé affichait clairement sa douleur. Ce n'était qu'un avant-goût. Et puis, il n'avait jamais aimé les groupes trop compacts, il avait donc fait le ménage à sa façon.

- A toi de jouer, blondie. Considère que j'assure tes arrières pour le moment.

Ils étaient entourés par des molosses enragés prêts à se jeter sur eux et pourtant… Ils arrivaient à aborder un sujet qui pouvait être évoqué dans n’importe quelle autre situation mais qui… Contrastait étrangement avec celle-là. Finalement, les deux Dragons décidèrent de cesser cette discussion pour enfin s’occuper de ces gêneurs. Hedwige ne prit pas la peine de répondre à son sarcasme. Elle avait très bien compris le message et se doutait qu’il n’avait pas réellement l’intention de faire une soirée pyjama en sa compagnie. Et de toute évidence, ce genre de regroupement n’est pas non plus aux goûts de la Dragonne. Encore un autre point sur lequel ils étaient tous les deux d’accord. Seulement, elle se contenta de lui répondre un simple haussement des épaules. Selon elle, il était parfaitement inutile de s’abaisser à répondre à ces phrases. Et elle ne tenait pas non plus à s’enfoncer dans une conversation qui, au final, n’allait les mener nulle part. L’un comme l’autre, ils ont actuellement quelque chose de plus important à faire.

Cela dit, la nouvelle Membre des Dragons fut assez surprise lui donna indirectement raison sur ce qu’elle avait dit. Sur le fait que ces personnes ont normalement mieux à faire que de se préoccuper d’une fille qui vient de réussir son test d’admission. Sans oublier un petit air amusé. Hedwige espérait simplement que l’élite des Dragons du Nord ne soit pas uniquement constituée de personnes comme eux. Ce serait extrêmement dommage et bien peu flatteur pour le clan. Mais ça, elle se disait qu’elle aurait largement l’occasion de s’en rendre compte lorsqu’elle se sera déjà occupée de ces gêneurs.

« Que font-ils dans cette équipe, dans ce cas ? Ils feraient mieux de laisser leur place à quelqu’un qui en est réellement digne et qui ne risque pas de se laisser dépasser par certains événements. »

Non, elle ne pensait pas forcément à elle… Après tout, sa place, elle avait déjà réussi à l’obtenir. Mais elle était certaine qu’il pouvait y avoir d’autres personnes parmi les Soumis qui seraient bien plus qualifiés pour devenir Membre et pour porter haut les couleurs de leur clan. Pour elle, ceux qui se trouvaient devant ses yeux n’étaient clairement pas digne du rang qui leur était attribué… Mais elle ne pouvait pas se permettre de donner son avis. De toute façon, la possibilité qu’elle soit réellement écoutée est très faible, malheureusement. Enfin passons, pour l’heure, ils allaient devoir leur donner une bonne raclée. Un sourire éclaira son visage en entendant la réponse de Samuel. Il avait parfaitement saisi l’énorme sous-entendu qu’elle avait laissé entendre.

« Tu n’as pas à t’en faire pour ça. j’ai beau être une femme, je sais me débrouiller pour ne pas traîner dans les pattes de ceux qui combattent à mes côtés. »

Elle était confiante. En fait, ces brutes ne pouvaient pas mieux tomber. Elle comptait bien saisir l’occasion pour prouver à son mentor d’une journée qu’elle valait tout autant qu’un homme. Hedwige n’avait pas l’intention de se rater et elle ne le devait pas. Ne serait-ce que pour son honneur et sa fierté personnelle. Elle le regarda se mettre en place et ne tarda pas à faire de même. Elle posa la main sur son épée ; prête à dégainer… Elle eut à peine le temps de hocher la tête positivement à la « question » de Samuel avant qu’il ne se mette à faire tourbillonner sa chaîne. Rapidement, il parvint à faire reculer le premier rang  qui commença à se disperser. Ils avaient tous leur méthode pour éviter de se prendre un coup… quelques-uns allaient vers l’arrière, par les côtés ou par n’importe quel autre passage. Cela dit, ils n’en avaient pas tous réchappé. Une petite partie l’avait reçue quasiment de plein fouet. Honnêtement, Hedwige était bien contente de ne pas avoir à se battre pour de vrais contre son coéquipier.

« Très bien, je suppose que je dois être rassurée ! » Ironie, évidemment. Toutefois, elle ne laissa pas au jeune homme le loisir de lui répondre. Elle dégaina aussitôt son épée et s’approcha d’un pas souple et assuré du deuxième rang. Celui-là, il était pour elle. C’était maintenant qu’il ne fallait pas se rater… Rapidement, sa démarche changea petit à petit. Elle progressa encore plus souplement et ses mouvements se firent légèrement plus gracieux et plus félins. Alors sa danse commença. Elle ne blessait pas avec son arme… Cette dernière lui servait à parer les coups des éventuelles armes de ses adversaires. Par la suite, elle contre-attaquait immédiatement par des coups de genou remontant vers le ventre et parfois par des coups de coude directs. Ça variait mais elle cherchait en premier à les sonner suffisamment pour qu’ils restent à terre et ne se relèvent plus avant un petit moment. Avec Samuel qui assurait ses arrières, elle n’avait pas trop de mal. Ainsi, le deuxième rang finit par se retrouver étaler au sol avec, en bonus, les gémissements de ceux qui n’ont pas tout à fait compris ce qui venait de leur arriver. Hedwige posa le dos de sa lame sur son épaule et reporta à nouveau son attention sur son partenaire. « C’est un début mais je suppose que ça ne te suffira pas encore, je me trompe ? »

La blonde était bavarde. Ce n'était pas quelque chose que Samuel appréciait particulièrement, mais il respectait par contre sa décontraction. Il fallait faire preuve d'une certaine confiance en soi pour papoter alors qu'un combat s'annonçait et qu'on avait un paquet de gens aux fesses qui ne demandaient qu'à vous en coller une, voir à s'en servir justement de vos fesses. Aucun doute, Hedwige avait du cran. Sam fronça un instant les sourcils. Venait-il vraiment de penser du bien de cette nana ? Heureusement, tout était resté dans sa tête et il n'était pas prêt de verbaliser quoi que ce soit. Surtout quand il ne pouvait pas lui donner tort non plus à propos de son point de vue sur les Aspirants. L'équipe était ridicule et le brun trouvait aussi qu'elle aurait dû avoir bien mieux à faire. C'était quelque chose qu'il ne laisserait pas se produire lorsqu'il deviendrait Chef - parce qu'il était persuadé d'arriver au bout de son ambition et visualisait déjà sa future vie -. Il autoriserait naturellement les coups bas et compagnie, mais plus ce genre de mascarade ridicule. Il se fichait comme d'une guigne qu'on s'en prenne aux femmes ou qu'on les dénigre, par contre il en serait fini des petites expéditions pour les descendre. Si Hedwige était là, c'était pour une raison et dans tous les cas, il était inutile de presser les choses. Dans le cas où elle ne valait réellement rien, elle serait bien vite éliminer par le système. Il était inutile de mobiliser la moitié de l'équipe pour la virer alors qu'elle pouvait tomber par elle-même. Encore que cela ne semblait pas vraiment s'adapter à la blonde. Elle était beaucoup trop sûre d'elle pour être une lavette. Et il n'avait jamais entendu dire qu'elle couchait à tout-va donc aucune chance qu'elle ait obtenu sa place de cette façon. D'un autre côté, il n'avait rien entendu d'elle. Ou plutôt il ne s'était pas intéressé à elle. Peut-être le ferait-il plus tard. Pour le principe. Enfin ! Être capable de ne pas être dans les pattes des autres et être capable de se battre étaient par contre deux choses bien différentes. Une fois que le ménage fut fait, Hedwige se prépara à passer à l'attaque, mais elle ne se priva pas de lâcher un petit commentaire ironique qui donna fort envie au brun de s'insurger; Bien sûr qu'elle devait être rassurée ! Elle aurait dû être contente d'avoir quelqu'un de compétent pour la rattraper si jamais elle foirait son coup. Samuel aurait été bien tentée de la traiter de gamine arrogante, mais il n'en eut pas l'occasion et cela aurait été du foutage de gueule vu son propre statut de gamin arrogant. Il rongea donc son frein et la regarda faire avec l'envie cuisante de la faucher "accidentellement" d'un coup de chaîne. Néanmoins ils étaient alliés aujourd'hui et s'il lui tirait dans les pattes, il n'aurait pas valu mieux que les autres Aspirants. Il serait aussi revenu sur sa parole ce qui n'était pas dans ses habitudes. On pouvait dire beaucoup de choses négatives à son sujet, mais il n'était pas un traître.

Profitant de sa position, il observa les mouvements de la blonde tout en écartant parfois les adversaires d'un coup de chaîne. Il devait avouer qu'elle n'était pas mauvaise. Non, en réalité elle maniait son épée avec talent. Il ne savait pas qui lui avait appris ça, mais elle avait assurément un bon bagage derrière elle. Avec efficacité, elle mit K.O les Aspirants un par un sans pour autant les blesser gravement. Elle se servait de sa lame avec talent en défense et frappait à l'aide de ses articulations les plus fortes. Bien vite, elle se fut débarrassée d'une partie des ennemis et se permit un petit break pour lui parler à nouveau. Hum... D'accord, il l'avait carrément sous-estimée et, sans dire qu'il s'en mordait les doigts, il s'en voulait un peu d'avoir été si peu clairvoyant. Suite à sa question, il fit légèrement la moue et haussa les épaules.

- C'est pas mal pour une fille, mais tu as encore du boulot avant que je te considère autrement.

Est-ce qu'il boudait ? Un petit peu. Néanmoins, il avait quand même admis qu'elle valait quelque chose ce qui était un début. Il aurait pourtant besoin de plus pour réellement lui donner une valeur pleine et qu'elle ne soit plus qu'un Membre, un Aspirant à part entière, sans nuance féminine. Jugeant qu'il était suffisamment resté en retrait, Samuel enroula sa chaîne autour de son bras et se rapprocha de la mêlée. Un peu de combat au corps à corps ne lui avait jamais fait peur et il comptait bien démolir quelques gars puisque l'occasion se présentait. Il para une première frappe d'un ennemi qui s'était un peu trop approché à l'aide de son bras ferré et lui balança un punch dans le ventre.

- Où tu as appris tout ça ?

Une nouvelle attaque le contraint au silence le temps qu'il règle son compte à l'assaillant, mais il reprit immédiatement.

- Un vieux vicelard t'a entraîné ?

Si Hedwige se permettait d’être aussi décontractée, ce n’était pas sans avoir des excellentes raisons. Ça pouvait coûter cher mais elle avait particulièrement confiance dans ses capacités et dans l’enseignement qu’elle avait reçu. Quand bien même, se prendre la tête avec ce genre de type, ça n’en valait absolument pas la peine. Et même si sa décontraction peut-être un peu excessive pouvait passer pour de la provocation, elle s’en moquait complètement. Ce que peuvent penser ces gros lourdaud d’elle, ça ne l’atteignait pas. On pouvait qualifier ce geste par différentes manières. Du courage, de la folie, de la stupidité, du cran. Tout ce qui compte à ce moment précis, ce sont les résultats obtenus. Et justement, elle lui avait donné, du résultat. Pas de quoi tomber à ses pieds, c’est certain mais voilà, ils étaient là. Cela dit, Hedwige ne s’attendait pas à recevoir un compliment direct de la part de Samuel pour autant. Au contraire. Elle espérait bien que ce serait un peu plus difficile de les lui arracher. Le challenge, c’est tout ce qu’il y avait d’intéressant. Et que ce soit à Samuel ou aux autres Dragons, la blonde était bien décidée à leur prouver qu’elle n’avait pas atterri là par simple hasard et qu’elle valait réellement quelque chose. Hedwige comptait bien faire sa place parmi l’élite de son clan et tout ça, simplement en usant de  sa force et de ses capacités. Elle s’en savait capable. Et personne ne parviendra à la balayer. A ses yeux, c’est une certitude presque absolue. Et malheureusement pour ces Aspirants, ils allaient être les premiers à tâter de sa lame et à se faire destituer de leur si chère place par cette dernière. Ainsi, ils réfléchiront peut-être à plusieurs fois avant de potentiellement s’attaquer à plus fort qu’eux, même si c’est une femme. Alors elle s’était mise à danser… Et en quelques minutes, la première ligne des Aspirants s’était retrouvée affalée, les têtes dans le sol. Un spectacle assez amusant à regarder du point de vue de la blonde. Pour un peu, elle aurait même probablement pu se passer du soutien de Samuel même si ce dernier n’était pas non plus quelque chose de négligeable. Présomptueux de sa part ? Probablement mais ce n’est pas comme si elle ne pouvait vraiment pas se le permettre. Au moins un peu. Mais elle reconnaissait tout de même qu’il l’aidait bien. Ecartant les Aspirants qui tentaient de passer par un coup de sa chaîne. C’était difficile à avaler pour la jeune Membre mais il faut bien l’admettre, leur duo n’était pas si mauvais que ça.

Bon nombre d’Aspirants se trouvaient déjà à terre. Quelque part, elle aurait aimé que son père voie ce combat. Qu’il constate que ses entraînements intensifs ne servaient pas à rien. Qu’il lui démontre qu’il commençait déjà à être fier d’elle. Mais non. Il était absent. Comme quasiment à chaque fois. Néanmoins, Hedwige se ressaisit bien rapidement pour parer les coups et les rendre correctement par la suite. Assez violents pour les mettre à terre pendant plusieurs minutes voire en heures mais pas assez puissants pour aller jusqu’à les tuer. Ce n’était pas le but recherché à ce moment-là. Elle avait sa place dans cette équipe et elle n’avait pas besoin de décimer tous ses Membres pour le prouver. La blonde en avait conscience. Finalement, elle prit même la peine de faire une petite pause pour pouvoir discuter beaucoup plus facilement avec Samuel. Il finit même pas lui faire un semblant de compliment qui arracha un grand sourire à la Dragonne. Certes, il avait émis un « mais » par la suite mais sans doute était-ce parce qu’il ne voulait pas se laisser impressionner trop aisément. Ce que la nouvelle pouvait parfaitement concevoir, surtout venant d’un gars comme lui. « Je prends quand même le compliment. Je considère que c’est toujours ça d’acquis, pas vrai ? Et s’il te faut d’autres démonstrations pour que tu me voies encore autrement, sincèrement, ce n’est vraiment pas un problème. », lui lança-t-elle, joueuse. Mais ses propos n’étaient pas dénués de sens. Elle était effectivement prête à faire autre chose s’il n’attendait que ça pour avoir un avis encore plus positif. Puis, le combat recommença. Hedwige continuait à s’immiscer entre les défenses de ses adversaires afin de frapper du pommeau de son sabre, de ses coudes, et de ses jambes tout en évitant au possible les points vitaux. Et c’est là que Samuel se glissa à son tour dans la mêlée. L’Aspirante n’était pas du tout contre et de toute évidence, il gérait comme il le souhaitait. Du coin de l’œil, Hedwige observait sa façon de procéder. Dans l’immédiat, des deux côtés, ça restait surtout du classique. Parer, répliquer. Lui avec sa chaîne, Hedwige avec son sabre. La base. On aurait dit que l’un comme l’autre, ils pouvaient faire ça toute la soirée, au moins. Entre deux coups, il lui demanda où elle avait appris à se battre. Il y eut un silence puis, une autre question allant avec la première. Vieux et vicelard ? A ces deux mots, la blonde ne put retenir un ricanement. Elle ne se moquait pas de lui ou des autres gars. Seulement, elle constatait, en plein combat et avec un certain amusement, que ces deux mots correspondaient parfaitement à l’idée qu’elle se faisait de son illustre professeur. « On peut dire ça oui. » Elle se baissa rapidement pour éviter le coup d’un Membre et dirigea le pommeau de son arme vers le menton de son agresseur puis, elle passa habilement derrière lui et donna un coup sec sur l’arrière de son crâne avec le même objet, le faisant ainsi rejoindre les autres par terre. « Alistair, ça te parle ? », demanda-t-elle en se permettant un instant de tourner la tête dans sa direction. « Non content d’être mon professeur attitré depuis des années déjà, c’est aussi mon père. » Le nombre d’Aspirant encore capable de tenir sur ses jambes diminuait de façon assez hallucinante. Mais qu’importe, ils l’avaient cherché.