I'm out on the edge and I'm screaming my name like a fool at the top of my lungs but it's never enough cause my echo is the only voice coming back. You could come and save me and try to chase the crazy right out of my head.
PV Kahlan (x) - Jour 1

Fuir. Si je veux survivre, c'est la seule solution qui s'offre à moi. L'idée m'est particulièrement déplaisante, mais je ne sais que je n'ai pas le choix. L'instinct de survie prends toujours le dessus sur la fierté arrogante, il n'y a que dans mes rêves que cela arrive. Au royaume des songes, je redeviens l'adolescente perdue entre l'enfance et l'âge adulte et je laisse loin derrière moi la Jaguar bien trop prompte à s'effacer pour son clan. Dans les rêves, il n'est pas question de se cacher derrière le masque fissuré de la féline, je suis mise à nu et mon vrai visage apparaît enfin. Mon expression est torturé et des larmes piquantes roulent le long de mes joues. J'ai peur. Toujours peur. Face à l'ennemi inconnu qui me poursuit depuis tant d'années, je ne fais que courir sans jamais oser me retourner. Il n'est pas question de perdre la moindre seconde ou il me rattrapera.

Pourtant, malgré mes efforts, l'issue de cette course est toujours la même. Progressivement, l'air se raréfie dans mes poumons et mes jambes ralentissent leur folle cadence. Dans ma poitrine, mon cœur bat à tout rompre, son rythme s'intensifiant sous les impulsions de peur qui se répandent dans mon corps. Il se rapproche. Je peux presque sentir son souffle glacé sur ma nuque brûlante. Une trombe d'eau s'écroule soudainement sur moi. Mes vêtements humides ralentissent encore ma course et des frissons naissent dans le creux de mon dos. Mes bottes se détachent plus difficilement encore du sol et chaque pas s'enfonce plus profondément dans la terre. L'orage se met à gronder et le premier éclair chamboule le paysage. Le pas précédent a touché le sol et s'en est écarté après une faible impulsion, mais celui que je viens d'esquisser est sans fin et je me retrouve à sombrer dans des flots agités. Ma gorge semble en feu au contact de l'eau et je m'agite furieusement pour rejoindre la surface. Je crie. Je pleure. J'ai mal. J'ai peur. J'ai besoin d'aide. Désespérée, je tends la main, mais mes doigts percent à peine le mur d'eau qui m'écrase. La bise embrasse ma peau, mais ne me vient pas en aide. Je suis seule face à l'ennemi invisible qui m'attire inexorablement vers le fond. Abattue, je ferme les yeux et le laisse m'emporter avec lui...

Un cri sinistre te réveille. Il n'est pas si fort mais tu as toujours eu le sommeil plutôt léger. Tu préfères compter sur toi même en cas de problème plutôt que de te reposer sur les sentinelles qui sont censées assurer la sécurité du QG. Tu es d'autant plus aux aguets depuis la rébellion qui se rappelle d'ailleurs brutalement à toi. Tu te redresses vivement et tu te tiens accroupi sur ton lit, ton poinçon à la main. Tu ne veux plus être une proie facile comme la nuit passée. Rien ne bouge pourtant dans le QG. Le silence est étrangement oppressant. Tu es pourtant certain d'avoir entendu quelqu'un crier. Mal à l'aise, tu te met debout et arpentes la pièce. Tu as toujours ton arme à la main mais tes doigts se sont un peu desserrés. Tu restes méfiant sans pour autant voir dans tout ce qui t'entoure une menace. Il se passe quelque chose, tu en es certain. C'est en t'approchant du mur que tu perçois à nouveau quelques bruits. Des sanglots. Quelqu'un pleure. Ta petite sœur pleure de peur dans la pièce voisine et toi, tu n'as rien compris. L'appréhension étreint ton ventre alors que tu sors en vitesse de ta chambre pour rejoindre la sienne. Elle est profondément endormie et s'agite sous le coup d'un cauchemar. Tu te laisses tomber à ses côtés et tes doigts effleurent doucement son front brûlant.

KAHLAN – Chut... Doucement.

Tu secoues son épaule pour tenter de la faire sortir du mauvais songe qui semble la terroriser. Les larmes débordent de ses paupières closes et ses pleurs te déchirent le cœur. Tu aimerais tellement pouvoir l'aider à lutter contre ce cauchemar mais tu te sens impuissant.

KAHLAN – Ça va aller. Je suis avec toi. Je ne te lâcherais jamais. Jamais, tu m'entends ?!

Ta main cherche la sienne et tu la serres très fort. Tu espères lui transmettre ainsi suffisamment de courage pour qu'elle réussisse à s'évader de la prison de ses songes.

Je coule. Dans l'eau, mon corps parait bien lourd, mais c'est la poigne puissante qui serre mon bras comme un étau qui m'attire inexorablement vers le fond. Je ne lutte plus, je n'en ai pas la force. Je veux juste que cela s'arrête. Même la mort m'apparaît comme étant bien douce en comparaison de cette noyade sans fin qui m'arrache jusqu'à la plus infime portion d'espoir sommeillant en moi.

Quelque chose effleure soudain ma peau à vif. Le contact est plein de douceur et me pousse à soulever légèrement les paupières malgré le picotement que provoque l'eau acide sur mes yeux. J'ai la sensation que quelqu'un me parle même si je ne saisis rien de ce qu'il me dit. Je perçois juste une voix étrangère qui pourtant me parait réconfortante. Bientôt, une main saisit la mienne. Celle que j'avais presque cessé de tendre devant moi dans un dernier signe d'espoir. Cette arrivée providentielle est inédite dans ce cauchemar que j'ai la sensation de revivre nuit après nuit ces derniers temps.

- Je...peux plus...respirer...

Les mots se forment de façon inexplicable dans ma bouche alors que je suffoque. Quelqu'un essaye de me faire revenir à la surface, mais cela ne plait pas à l'étrange ennemi qui tente toujours de m'emporter avec lui. Je me retrouve écartelée entre deux volontés qui s'opposent férocement. J'aimerais pouvoir faire quelque chose, remonter vers cette surface où quelqu'un m'attend, mais je ne parviens pas à esquisser un seul geste pour me soustraire à cette traction qui me déchire. Je suis faible. Cette pensée me dégoûte, mais elle est pourtant réelle. Depuis trop longtemps, je me voile la face. Je suis toujours cette gamine perdue au bord du lac. Je n'ai jamais évolué.

Tu ne sais pas quoi faire. Au côté d'Alessandra, tu es aujourd'hui aussi impuissant que ce jour funeste où votre mère prit le chemin du lac de l'Epreuve. Tu revois la scène comme si tu y étais, inconscient du fait que c'est aussi le cas de ta sœur même s'il lui manque certaines pièces du puzzle. Ta main serre plus fort la sienne, l'autre se calant sur sa joue brûlante. Du pouce, tu caresses doucement sa tempe pour essayer de décrisper son visage. Cela ne semble pas vraiment chasser sa panique pourtant tu as la sensation qu'elle est bien consciente de ta présence. Ses paupières papillonnent parfois, découvrant durant d'infimes instants ses yeux bleus voilés de larmes.

ALESSANDRA – Je...peux plus...respirer..

Sa voix est hachée à cause d'une respiration bien trop rapide. Malgré sa plainte, elle semble inspirer et expirer normalement par contre. Tu supposes donc que c'est dans son rêve qu'elle a la sensation de manquer d'air et tu la revois par flash se débattre dans les flots. Cette gamine trop malingre pour lutter qui pourtant resta en vie reste gravé dans ton esprit. Sous le coup d'une impulsion, tu la redresses pour prendre place sur son lit et tu l'installes contre ton torse. Tes bras l'étreignent fermement, tu n'es pas décidé à la lâcher. Pas cette fois.

KAHLAN – C'est fini tout ça. Tu n'es pas dans l'eau. Elle... Elle est morte !

Tu ne sais pas si elle t'entend vraiment ou si elle réagit par hasard à ta présence, c'est donc un gros risque de lui parler ainsi d'une époque dont elle n'a aucun souvenir. Pourtant, tu ferais tout pour qu'elle arrête de souffrir. Tu veux qu'elle puisse dormir paisiblement sans avoir à se soucier de démons qui la hantent depuis trop longtemps. Des démons qui te hantent aussi mais avec qui tu as appris à vivre.

KAHLAN – Toi tu es vivante. Tu as survécu. Tu es remontée seule à la surface et tu peux encore le faire.

Il y a trop de bruits, trop de tensions. Mon corps parait déchiré par les deux opposants qui essayent tant bien que mal de me récupérer par la force. Entre eux, je ne suis qu'un pantin et malgré la bile qui me remonte dans l’œsophage et me dégoûte, je ne peux rien faire. Par habitude, j’admets ma faiblesse et je reste immobile. Il est facile de tomber dans l'inertie, c'est comme choisir l'inconscience lorsque la douleur est trop forte. C'est une réaction humaine que je tente de trouver normale, mais qui au final me révolte.

-...écoute pas...sécurité...sous l'eau...

Pour la première fois, le brouhaha informe qui résonne au niveau de mes oreilles semble compréhensible. Je capte quelques mots auxquels je m'accroche. C'est l'ennemi inconnu qui me parle de sa voix charmeuse. C'est la première fois qu'il parle et je hoquette en me rendant compte que le timbre est féminin. C'est une constations étrange qui me fait paniquer. Je préférais lorsqu'elle était muette. Elle semble réagir face à cette main qui me tire vers la surface. La voix de celui auquel elle appartient est plus rêche, c'est un homme. Il semble avoir peur, mais j'ai la sensation que je peux me fier à lui plus qu'à elle.

- Assez !

Leur lutte est dans ma tête et y fait naître une douleur difficilement supportable. Je me débat pour échapper à leur futile combat, je sais parfaitement comment ça se finira même si j'aurais voulu croire à un espoir plus positif. Fatiguée, je ferme les yeux. Je veux que ça s'arrête.

Et comme s'il ne suffisait que d'un ordre, tout se calme. La pression de la surface est moins forte sur mes épaules et j'ai l'impression de flotter dans une eau chaude et apaisante. L'ennemi invisible s'éloigne progressivement, s'enfonçant pour une fois sans moi dans les profondeurs. J'aimerais dire que c'est une victoire, mais cette vérité serait bien trop simple...

Le réveil se fit doux. Les yeux toujours fermés, je me laissais bercer par la chaleur qui m’étreignait. J'étais confortablement installée et malgré les larmes qui affluaient encore sous mes paupières, je me sentais en sécurité. En cet instant, j'avais l'impression que rien ne pourrait m'atteindre. J'étais bien incapable de dire d'où provenait cette certitude, mais le simple fait de le savoir me suffisait alors que je restais encore enfoncée dans un demi-sommeil.

- Ton cœur bat trop vite.

J'avais marmonnée sans m'en rendre compte, simplement dérangée par les rapides pulsations sous mon oreille. Un léger sourire passa sur mes lèvres alors que je nichais mon visage dans le creux de son cou. Il m'était familier et je me sentais tellement apaisée entre ses bras que j'aurais été bien incapable de me soustraire à son étreinte. Les questions affluaient dans mon esprit qui tentaient de reprendre le contrôle, mais mon cœur était encore bien trop affolé par ce cauchemar pour que j'accepte de céder face à mon mental. Pour l'heure, j'étais bien et je voulais encore profiter de ce sentiment bien trop rare. Je voulais qu'il soit éternel.

La voir souffrir de la sorte t'est insupportable. Pourquoi ne peux-tu rien pour l'aider ? Tu fermes les yeux et poses ton front sur sa tête. Ton corps oscille doucement de la gauche vers la droite alors que tu cherches à la bercer dans une vaine tentative pour qu'elle retrouve son calme. Tu es à cours d'idées alors tu laisses tes sensations parler. Que peux-tu contre un rêve de toute façon ?

ALESSANDRA – Assez !

Sa voix est emplie de douleur. Cette douleur te fait souffrir toi aussi. Tu redresses la tête et laisses ton regard devenir de plus en plus vague alors qu'il fixe le mur en face de toi. Tes yeux sont embrouillés par les larmes que tu n'as pas le courage t'essuyer. Tu t'en fous de paraître faible car en cet instant tu l'es plus que jamais. Faible et impuissant tout comme elle.

Tu ne constates pas tout de suite les différences dans son corps. Elle semble se détendre, sa respiration se fait plus calme mais toi tu es incapable de te reprendre. Tu la penses loin de toi et pourtant elle est toute proche. Elle a désormais conscience de ta présence.

ALESSANDRA – Ton cœur bat trop vite.

L'entendre parler te fait revenir brutalement à la réalité. Tu es surpris ce qui fait battre ton cœur plus vite encore. Alessandra est dans tes bras et elle est éveillée. Enfin, elle ne doit pas l'être complètement non plus puisqu'elle ne s'est pas encore arrachée à ton étreinte en t'insultant. Un peu perdu, tu n'oses pas bouger alors qu'elle s'installe plus confortablement contre toi. Tu ne sais pas du tout comment réagir. Une part de toi apprécie cette proximité entre vos deux corps mais l'autre panique à l'idée qu'elle te rejette une nouvelle fois. Ta sœur, elle, semble paisible. Alors tu t'adaptes. Tu fais un effort pour respirer plus doucement et ralentir ta fréquence cardiaque de façon à ne pas la déranger. Progressivement, tes muscles se détendent et tu laisses aller ton visage vers sa tête blottie dans ton cou. Tu as l'impression d'obtenir quelques choses que tu attendus durant des années et tu n'oses pas vraiment croire que cette sensation est réelle. Peut-être n'est-ce qu'un rêve. Un rêve doux et tendre que tu choisis finalement d'apprécier sans plus te poser de questions.

L'être confortable et chaud qui me servait autant d'appui que de couverture se calma progressivement. Un léger sourire se glissa sur mes lèvres, j'appréciais avec satisfaction cette étonnante obéissance. Avec douceur, il posa sa tête contre la mienne alors que je me laissais bercer par les battements beaucoup plus lents de son cœur. Je gardais les yeux clos, profitant simplement du réconfort qu'il m'apportait. La sécurité que me procurait ses bras me rappelait un peu mon enfance et peut-être n'avais-je plus été aussi apaisée depuis cette époque là. Je peinais de ce fait à croire que je me trouvais dans la réalité. Ce devait être un rêve, le doute n'était pas vraiment permis. Même si cette réflexion avait quelque chose de désolant, je me résolus à ne pas chercher de réponses là où il n'y en avait pas. Mes cauchemars me laissaient enfin en paix et étaient remplacés par un songe plus agréable. Peut-être était-ce une sorte de lot de consolation ? Comme un cadeau que m'offrait mon inconscient pour me permettre de récupérer avant une nouvelle plongée dans les eaux sombres des mauvais rêves.

Alors que je laissais mon esprit apprivoiser cette situation, je me sentis lentement partir. La fatigue me reprenait déjà et je me retrouvais à nouveau aspirer par le sommeil avant même de savoir à qui appartenait ce corps contre lequel le mien se sentait si bien.

Tu sais que tu ne dois pas te bercer d'illusions. Alessandra ne t'accepte que temporairement. Elle est faible et n'a certainement pas compris qu'il s'agissait de toi. Maintenant que tu la tiens dans tes bras, il t'est pourtant difficile de ne pas te laisser griser par la joie. Tu es heureux de pouvoir enfin lui apporter un réconfort que tu rêves de lui donner depuis tant d'années. Tu es heureux aussi de la sentir t'accepter tout entier. Cette étreinte te réchauffe et fait fondre toutes les couches de glace créées par les secondes, les minutes, les heures, les jours, les semaines et les saisons passés loin d'elle. Tu es ivre d'elle et tu oublies vite tes réticences. Le moment ne sera pas éternel et tu préfères profiter des instants qu'elle t'offre. Tu poses un baiser au sommet de sa tête avant de glisser quelques mots à son oreille.

KAHLAN – Même si tu ne te souviens pas de moi, je te protégerais toujours. J'ai été, je suis et je serais là pour toi.

Il y a tellement de choses que tu voudrais lui dire. A commencer par trois petits mots bien faibles en comparaison de tout l'amour que tu lui portes. Du bout des doigts, tu caresses délicatement sa joue. Tes yeux sont toujours fermés et tu te laisses bercer par sa respiration paisible. Elle est détendue, elle s'est sûrement rendormie, si bien que tu cèdes toi aussi à la tentation du sommeil. Vos démons peuvent bien aller se faire voir, ensemble vous êtes indestructibles. Ou c'est du moins ce que ton esprit te souffle alors que tu sombres à sa suite dans les brumes des rêves.