Tu n'es pas contre le fait de changer de temps en temps d'occupation mais aujourd'hui tu as l'étrange sensation d'être utilisé comme un homme à tout faire. Après une nuit passée à la surveillance des champs, tu avais un peu dormi et c'était en te levant vers le début de l'après-midi que tu t'étais fait alpaguer par une Noâ à l'air passablement fatigué. Tu avais tout de suite senti qu'il valait mieux éviter de la contrarier, tu étais donc resté silencieux au début. Elle t'avait dis qu'elle avait besoin de quelqu'un et manque de bol, c'était tombé sur toi. Dans la vie, tout était une question de chance et toi, tu t'étais trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Avant même que tu n’ai eu le temps de répliquer quoi que ce soit, elle t'avait mis un plateau dans les mains et t'avait chargé de descendre voir la fille qui occupait une cellule au sous-sol pour essayer de la faire manger.

Voilà donc comment tu t'es retrouvé devant la pièce ouverte à observer une drôle de nana visiblement un brin sauvage sur les bords. Elle est brune et est pas mal foutue mais tu ne te sens pas vraiment attiré par les filles perdues. Le côté étoile de mer, ce n'est vraiment pas ton truc.

KAHLAN – Euh salut.

Tu ne sais rien de la situation ce qui fait que tu te sens passablement con avec ton plateau. Déjà, tu ne comprends pas vraiment pourquoi la cellule n'est pas verrouillée malgré les deux gardes dans le couloir. Elle ne doit donc pas être une prisonnière comme les autres. D'ailleurs, elle n'a vraiment pas l'air d'être une prisonnière. Méfiant, tu pénètres dans la pièces à petits pas. Il y a quelque chose chez cette fille que tu n'arrives pas à calculer et cela te pose vraiment un problème. En fait, tu ne sais absolument pas comment réagir.

KAHLAN – On m'a demandé de t'amener à manger. Ou de te nourrir, j'en sais trop rien. Bref, tu es qui en fait ?

Il faut que tu comprennes un minimum ce qu'il se passe ici ou tu ne vas vraiment pas t'en sortir.

Nothing left to say (PV Kahlan)
Dans ce monde inconnu, Taiga se sentait encore un peu perdue. Noâ avait répondu à toutes ses questions avec une patience digne d'un ange, mais au final elle ne savait encore que peu de choses. Elle avait beaucoup à apprendre sur cet endroit et ce n'était pas en quelques heures qu'elle pourrait combler ses lacunes. Il lui faudrait des lunes, voir peut-être même des saisons entières avant de réussir à s'établir pleinement ici. Elle ne savait pourtant pas si elle souhaitait s'établir. Pour le moment, on ne l'avait confronté à aucun choix. On lui demandait de rester dans cette pièce dont la porte était toujours ouverte. Elle ne cherchait jamais à sortir, elle l'avait promis à Noâ. En plus, le monde extérieur lui était encore bien trop hostile pour qu'elle puisse y survivre. Dans la nature, elle était dans son élément, mais dans cet endroit qu'on appelait ville, elle était en permanence en territoire hostile. Alors, elle préférait rester ici où elle disposait d'une certaine sécurité. Un peu plus tôt, on lui avait apporté une bassine d'eau pour qu'elle se lave un peu. Elle s'était débarbouillée pour leur faire plaisir, mais ses cheveux restaient hirsutes et sa peau était foncée par la crasse par endroit. D'ailleurs, l'eau restait claire malgré tout preuve qu'elle n'avait guère fait d'effort. Habituellement, elle se lavait dans une rivière, elle voyait difficilement ce qu'elle pouvait faire avec ce tout petit récipient.

Assise à même le sol, elle fixait d'ailleurs la surface paisible de l'eau lorsque quelqu'un approcha. Elle savait qu'il y avait des gens à proximité pour surveiller qu'elle ne partait pas, mais ils ne s'approchaient pas vraiment. Un peu méfiante, elle leva le nez vers l'inconnu et le fixa avec curiosité. Il la salua avec une hésitation audible qui la fit pencher la tête sur le côté. Il était étrange. Seulement, sa concentration le quitta bien vite lorsqu'elle constata qu'il y avait des choses qui se mangeaient sur son plateau. Avec intérêt, elle laissa s'approcher et fut ravie lorsqu'il lui dit que la nourriture était pour elle. Un sourire illumina son visage et elle reluqua plus encore ce que lui réclamait bruyamment son estomac. Seulement, l'homme lui avait posé une question et elle se doutait qu'elle n'aurait pas à manger si elle n'y répondait pas.

— Taiga. Toi ?

Prudemment, elle se remit debout et s'approcha. Il avait l'air de se méfier d'elle, elle en faisait donc de même. Lorsqu'elle fut suffisamment proche, elle faucha une aliment avec une belle couleur sable avec une étonnante rapidité et recula très vite jusqu'au fond de la pièce, son précieux trésor entre les mains.

— A moi.

Taiga avait réussi à le prendre alors elle estimait que cela lui appartenait réellement maintenant. Après s'être léché les babines, elle arracha un bout et le mangea à belle dent. C'était un goût nouveau pour elle et elle trouvait ça délicieux.

— Quoi ?

Elle agita la chose molle et croustillante à la fois avant de reprendre une bouchée. Elle commençait à aimer cet endroit où la nourriture était nouvelle et étonnante.

Tu maudis Noâ. Elle t'a choisi pour exécuter une tâche qui t'échappe complètement et la fille devant toi paraît complètement à l'ouest ce qui n'annonce rien de facile pour la suite. Dès qu'elle remarque ta présence, elle te fixe dans un mélange de méfiance et de curiosité. C'est normal, elle ne te connait pas. Toi aussi tu dois lancer un regard plus ou moins identique à cette fille sauvage qui a atterrit tu ne sais comment dans la prison des Jaguars. L'intérêt qu'elle te porte est de courte durée. Bientôt, tu ne deviens plus que le type qui porte un plateau de nourriture et cela ne te déplaît pas. Tu t'avances donc prudemment, profitant qu'elle ne s'occupe plus de toi. C'est limite si tu ne fais pas osciller le plateau de façon à l'hypnotiser.

TAIGA – Taiga. Toi ?

Malgré le doute qui t'a assaillit, cette fille parle. Mal mais au moins elle est capable de s'exprimer. Par contre, elle n'a pas vraiment répondu à ta question. Tu devras pourtant te suffire de son nom pour le moment. Elle ne sait peut-être pas non plus ce qu'elle fiche ici.

KAHLAN – Kahlan.

Elle se lève et tu la laisses s'approcher. Tu ne peux pas t'empêcher d'être un peu méfiant. Derrière cette apparence frêle, tu ne sais pas du tout ce qu'elle cache et tu ne veux pas vraiment le savoir. D'ailleurs, elle vient de démontrer une grande rapidité en volant le morceau de pain sur ton plateau pour filer ensuite avec. Techniquement, c'est pour elle mais si elle veut se la jouer comme ça, tu ne vas pas l'en empêcher. Au moins, elle accepte de se nourrir, c'est le principal.

TAIGA – A moi.
KAHLAN – Pas de problème, je te le laisse ma grande.

C'est un peu étrange comme discussion. Voyant que la seule chose en danger ici est bel et bien la nourriture, tu te détends progressivement. Tu t'assieds au bord de sa couchette et tu poses le plateau à côté de toi de façon à ce qu'elle ait toujours le challenge du vol. Peut-être a-t-elle besoin de cette attitude pour réellement apprécier ce qu'elle mange.

TAIGA – Quoi ?

Le pain semble vraiment lui plaire. Tu n'as jamais vu quelqu'un l'apprécier autant. Au vu de sa question, c'est peut-être simplement car c'est la première fois qu'elle en mange.

KAHLAN – Du pain. De la farine, de l'eau, un peu de levure quand tu en as et tu fais cuir. Tu as de la chance, celui-ci est plutôt bien réussi, j'en ai connu certains qui te ruinaient le ventre pendant des jours.

Tu ne sais pas pourquoi, tu étreins ton estomac et tu fais la grimace en feignant la douleur. Peut-être que tu as compris que tu auras autant besoin de mots que de gestes pour te faire comprendre de Taiga. Qui au demeurant est plutôt attachante avec ses attitudes de petit animal. Esquissant un sourire, tu t'empares du bol contenant un ragoût de légumes et tu vas le poser à côté d'elle.

KAHLAN – Tu devrais essayer de tremper le pain dedans, c'est très bon. Mais attention, c'est chaud.

Tu récupères la cuillère pour en prendre une bouchée que tu avales en grimaçant et en secouant ta main libre comme sous le coup de la douleur. En fait, c'est vraiment chaud et toi tu n'es qu'un imbécile qui fanfaronne.

L'inconnu s'appelait donc Kahlan. En le fixant, Taiga se fit la réflexion que ce serait difficile de prononcer ce prénom. Pour retenir, elle n'avait pas de problème, mais restituer avec des mots était une autre histoire. S'il n'avait pas eu de la nourriture avec lui, elle se serait probablement entraîné à former le son avec sa bouche, mais elle avait bien trop faim. D'abord, elle voulait se remplir le ventre et puis elle tenterait de maîtriser une nouveauté.

Après un larcin réussit brillamment, elle alla donc s'installer dans un coin et commença à manger tout en étudiant Kahlan du regard. Celui de l'homme était un peu vide ce qui la rendait curieuse, mais ce qu'elle mastiquait avec application était bien plus intriguant encore. Alors qu'il s'installait sur la chose dans laquelle elle s'était réveillée, elle lui posa la question fatidique et attendit une réponse en concentrant ses yeux sur lui, ses dents s'appliquant toujours à déchirer des morceaux de nourriture. Il lui expliqua en utilisant pleins de termes compliqués qu'elle n'écouta pas vraiment. Ce truc s'appelait du pain, elle se suffirait de cette information pour le moment. Et des grimaces du brun qui la firent beaucoup rire. Il était drôle même si elle devait avouer ne pas bien comprendre ce qu'il essayait de lui faire comprendre.

Lorsqu'il se leva soudain, elle le regarda avec méfiance. Même s'il souriait et qu'il était gentil, il pouvait changer d'attitude à tout moment et elle se trouvait toujours dans un endroit inconnu. Ramassée contre le mur, elle le fixa lui, puis le bol. De la fumée s'en échappait et correspondait assez à la façon dont elle se représentait la chaleur. Avec prudence, elle trempa le morceau de pain dans la soupe et le porta à ses lèvres. Le mélange des goûts était complètement nouveau et lui arracha une exclamation de bonheur.

— C'est bon !

Persuadée que le danger était désormais écarté, elle chercha à attraper une carotte qui flottait à la surface, mais se confronta cette fois à la véritable chaleur de la soupe.

— Aie, aie, aie !

Ses yeux se mirent à lancer des éclairs au bol alors qu'elle reculait de cet étrange ennemi. Elle avait juste voulu faire comme lui, mais le liquide l'avait attaqué. Les deux doigts qu'elle avait utilisé pour récupérer le légume se retrouvèrent dans sa bouche alors qu'elle tentait d'apaiser la souffrance. Elle aimait bien le pain, mais c'était moins ça avec cet aliment là.

Ton étonnant public se satisfait de tes singeries improvisées. Elle est mignonne alors tu as envie de la faire rire. Tu veux lui montrer que tu ne lui veux aucun mal et qu'elle peut donc se détendre. C'est une sensation étrange que tu ne t'expliques pas mais cette fille est tellement atypique qu'aucune réponse ne doit réellement exister. Attendri, tu la regardes faire. Elle a trempé son morceau de pain dans le ragoût et semble apprécier l'expérience.

TAIGA – C'est bon !

Elle l'apprécie tellement qu'il lui prends de recommencer mais à main nue cette fois. Bien sûr, elle se brûle avant que tu ne puisses l'arrêter.

TAIGA – Aie, aie, aie !

Même si tu n'aimes pas la voir souffrir, tu es amusé par l’œillade mauvaise qu'elle lance au bol. Au vu de son attitude, elle considère réellement cet objet inanimé remplit de soupe comme un ennemi. Pendant qu'elle tente d'apaiser la brûlure, tu t'empares du bol et te rapproches d'elle. Tu viens t'accroupir à ses côtés, la cuillère remplie de nourriture dans l'autre main. Tu souffles plusieurs fois dessus pour être sûr avant de l'avancer vers sa bouche.

KAHLAN – Là, ça ira mieux comme ça.

Tu n'en reviens pas de donner la becquée à quelqu'un. Comme quoi, il y a un début à tout.

La soupe était cruelle. Taiga la trouvait si bonne, mais elle refusait de se laisser manger. Frustrée, elle fusillait toujours le bol du regard quand le brun s'en empara. Un peu méfiante, elle le regarda manipuler ce drôle d'animal. Kahlan s'était accroupi à côté d'elle et il tenait aussi le drôle de petit objet gris qui trempait dans le liquide. Il souffla dessus d'une façon étrange et lui tendit le tout à hauteur de sa bouche. La brune ne comprenait pas vraiment ce qu'il attendait d'elle. Il lui disait que ça irait mieux, mais que quoi irait mieux ?

— Quoi ? dit-elle en désignant la cuillière.

Elle s'approcha encore un peu et vient renifler l'ustensile remplit de soupe. Cela sentait la même chose que ce qu'il y avait dans le bol. Après une longue hésitation, elle finit par aspirer ce qu'il y avait dedans avec prudence. Le goût était presque pareil que ce dans quoi elle avait trempé le pain, mais la température était désormais plus agréable. Elle ouvrit des yeux ronds et fixa Kahlan avant de sourire.

— Mieux. Encore !

C'était qu'elle y prenait goût.

TAIGA – Quoi ?
KAHLAN – Une cuillère. C'est utile pour manger.

Tu es de moins en moins surpris par ses questions. Tu les comprends aussi plus facilement. En partant du principe qu'elle ne connaît rien à ton monde tu sais désormais comment te comporter avec cette drôle de fille. Elle est un peu comme une enfant ici. La considérer comme telle te rend plus patient et moins attentif à sa bizarrerie. Tu vois plutôt son comportement comme de l'innocence. Une innocence qui la rend mignonne malgré son état déplorable. Elle prends enfin la nourriture que tu lui proposes et semble s'en satisfaire. Elle t'adresse un sourire communicatif qui t'en arrache un malgré toi. Tu es un peu surpris qu'elle se montre aussi ouverte avec toi alors qu'elle se méfiait à ton arrivée. Sa capacité d'adaptation est hallucinante à tes yeux.

TAIGA – Mieux. Encore !
KAHLAN – Ça arrive, ça arrive.

Tu prépares une nouvelle cuillère que tu lui présentes. Bien sûr tu as pensé à lui apprendre à se servir de l'ustensile, ce n'est pas bien compliqué mais tu ne veux pas la brusquer pour le moment. L'important dans un premier temps est qu'elle se nourrisse. Après lorsqu'elle sera rassasier, elle pourra apprendre. Tout en continuant à lui donner à manger, tu songes qu'il faut vraiment faire quelque chose pour sa dégaine. Tu jettes un œil au bassin d'eau avec lequel elle est censée se laver. C'est beaucoup ici mais vu son état elle n'ira pas loin avec si peu. Surtout sans savon.

KAHLAN – Tu serais d'accord qu'on essaye de te laver un peu après ? Ta peau ne te démange pas ? Je veux dire tu n'as pas envie de te gratter avec toute la saleté qu'il y a dessus ?

Tu as beau ne pas être une petite nature, tu détestes les périodes de rationnement plus intenses où la possibilité de se débarbouiller devient quasiment nulle. La poussière et la sueur font naître des démangeaisons qui te donnent parfois envie de t'arracher la peau. Alors tu n'oses imaginer ce qu'elle doit ressentir vu son état.

— Cui...llère...

Encore un mot difficile pour la langue non habituée de Taiga. La sonorité était néanmoins intéressante et elle prit plaisir à répéter le mot encore quelques fois pour s'y habituer et le placer dans sa mémoire. Désormais cuillère était associé à cette drôle de chose qui permettait de creuser dans la nourriture chaude. Elle était certaine que l'objet pouvait servir à bien d'autres choses. Elle décida donc qu'une fois qu'elle aurait fini de manger, elle volerait la cuillère à Kahlan. Taiga avait déjà pensé à le faire maintenant, mais la nourriture était trop tentante. Avec bonheur, elle se retrouva donc à avaler une nouvelle bouchée de la délicieuse mixture. Et puis encore une, et encore une. Lorsque le bol fut vide, Taiga poussa un soupir satisfait. Elle se sentait beaucoup mieux.

Maintenant que la nourriture n'occupait plus toutes ses pensées, elle repensa à ce que lui avait demandé le brun. Elle avait ignoré les paroles de Kahlan, mais elles étaient encore dans sa tête.

— Laver ? dit-elle en penchant sur le côté alors qu'elle réfléchissait pour elle-même. Oui. Sent pas bon. Tout sec comme ici.

Taiga passa ses ongles sur la croûte de crasse qu'il y avait sur son avant-bras. Elle n'avait jamais été très préoccupée par la propreté avant car elle avait plus souvent l'occasion de passer dans l'eau pour se laver. Depuis qu'elle s'était mise en route, les choses étaient pourtant différentes et elle ne se souvenait même plus de la dernière rivière qu'elle avait croisée.

Taiga observait le brun avec attention lorsqu'une pensée lui traversera l'esprit. Elle y avait déjà pensé un peu plus tôt, mais la nourriture était plus importante. Elle se hissa sur ses genoux et s'approcha de Kahlan pour poser ses deux index sur ses joues. Elle tira ensuite légèrement pour le forcer à sourire.

— Mieux comme ça.

Une enfant, c'est vraiment ça. Tu n'es peut-être pas un pro de la petite enfance mais tu as une sœur plus jeune et tu étais encore parfois à la maison quand elle a commencé à parler. Tu n'es donc pas étranger aux répétions de Taiga qui ayant trouvé un mot qui lui plaît le chantonne presque. C'est assez mignon selon toi même s'il est toujours étrange de voir la différence entre son apparence et la maturité de son esprit. Tu trouves apaisant de passer du temps avec elle. Il n'y a pas de complexité, tu te contentes juste de la nourrir sans te soucier du fait que dans les faits elle ne doit avoir que quelques années de moins que toi et s'approcher de l'âge d'Alessandra. Tu ne te soucies pas non plus de son silence et des vents qu'elle te met. Ce n'est pas important tu pourras tout répéter plus tard. Ce qui compte c'est qu'elle mange avec appétit et qu'elle finit même son bol.

TAIGA – Laver ? Oui. Sent pas bon. Tout sec comme ici.

Donc elle t'écoutait bien. Et visiblement elle a de la mémoire. C'est bon à savoir. Tu observes les traces laissées par ses ongles et tu comprends directement que cette bassine d'eau ne suffira pas. Il va falloir utiliser une méthode plus efficace pour la décrasser. Tu réfléchis à la suite et à tout ce qu'il faudrait puisqu'elle est d'accord mais elle te surprends en se dressant tout d'un coup pour étirer tes joues.

TAIGA – Mieux comme ça.

Le geste est profondément déroutant et tu bloques durant de longues secondes. Tu ne sais pas quoi faire. Finalement tu souris juste parce que soyons clair cette fille est incroyablement mignonne et que tu es un grand sentimental dans le fond donc oui tu souris juste bêtement. Les gosses sont traîtres. Quand tu te rends compte que tu te laisses manipuler comme un vulgaire ours en peluche, tu prends ses mains pour les baisser et tu te relèves en te raclant la gorge pour reprendre contenance.

KAHLAN – Attends une seconde, je reviens.

Tu lui souris encore pour ne pas qu'elle s'inquiète et tu sors en emportant le plateau avec toi. Après un rapide passage en cuisine, tu te diriges vers les réserves pour prendre des vêtements propres et quelques bricoles utiles pour le nettoyage en plus d'une autre bassine d'eau avant de retourner vers la cellule de Taiga. Tout ça ne fait pas partie de ta mission mais tant pis. Tu t'es fait avoir par cette fille, tu vas faire tout ce que tu peux pour l'aider à s'adapter maintenant. Et s'adapter ça passe par reprendre une forme un peu plus humaine.

KAHLAN – Bon, on va essayer de se mettre au boulot pour chasser toute cette crasse.

Tu déposes tout ton matériel à côté de la première bassine et tu t'assied à côté. D'un geste de la main tu invites Taiga à se rapprocher et c'est à ce moment là que tu te rends compte d'un détail. Il va falloir qu'elle retire ses fringues. Si dans un autre cas ça ne t'aurait pas dérangé aujourd'hui tu es gêné parce que c'est une gosse et que tu te sentirais comme un pervers si tu la voyais nue. Avec difficultés, tu déglutis ta salive et tu songes que tu peux y aller petit à petit. D'abord tu vas t'occuper de tout ce qui dépasse et pour le reste tu verras pour aller chercher quelqu'un. Tu trempes donc un chiffon dans l'eau, puis tu le fais mousser avec le bloc de savon et enfin tu t'empares du bras de Taiga pour commencer à frotter.

KAHLAN – Profite gamine, je ferais pas ça tout le temps avec tout le monde.

Le grand brun souriait pour de bon cette fois et cela ravissait Taiga. Pour être sûre qu'il ne retourne pas en arrière, elle resta un moment dans cette position jusqu'à ce qu'il attrape ses bras pour l'écarter. Elle fit légèrement la moue, mais l'observa se lever sans dire un mot. Elle n'était pas vraiment consciente de la gêne qui planait entre eux. Bien au contraire, elle souriait de façon lumineuse, heureuse d'avoir réussi son coup. Et puis, Kahlan fit un bruit qui lui rappela quelque chose. Il avait fait comme Stiles, ce garçon qu'elle avait rencontré dans sa forêt il y a très longtemps. Ce bruit bizarre venant de sa gorge qui voulait dire beaucoup de choses à la fois. Cette fois, elle ne l'imita pas et se contenta de regarder les mouvements du brun. Il venait de lui annoncer qu'il allait revenir et cela la dérouta. En le voyant partir, elle voulu l'arrêter, mais il avait déjà passé la porte qu'elle ne pouvait pas franchir.

Triste et perdue, Taiga retourna vers sa couverture dans laquelle elle se roula et elle sortit de sous son t-shirt la cuillère qu'elle était parvenue à voler tout à l'heure. Elle la frotta un peu contre le tissu pour enlever toutes les traces de nourriture et l'observa sous toutes ses coutures ce qui lui changea les idées. Quand Kahlan fit son retour, il n'y avait donc plus de tristesse. Taiga l'accueillit simplement avec joie et curiosité. Elle aurait été incapable de dire si une minute ou un jour s'était écoulé depuis le départ du brun, elle était juste heureuse de le revoir. Il était chargé de différentes choses qui poussèrent Taiga à se lever pour voir tout ça de plus près.

Comme toujours, Kahlan parlait de façon étrange et elle ne comprit pas vraiment où il voulait en venir. Chasser la crasse était quelque chose de bizarre à imaginer. Le brun l'appela d'un geste de la main et Taiga s'avança sans se poser plus de questions. Elle s'installa à côté de lui, mais surtout à côté de tout ce qu'il avait apporté. Il y avait de l'eau supplémentaire, du tissu et un étrange bloc qui avait l'air appétissant. Elle eut à peine le temps de se faire cette réflexion que Kahlan prenait le bloc pour le frotter contre le tissu humide ce qui produit une étrange mousse. Tout ça était hallucinant aux yeux d'une Taiga émerveillée qui se laissa manipuler sans y faire attention. Kahlan lui frottait le bras, mais elle n'y prêtait pas attention. Elle était plutôt occupée à regarder le bloc étrange qu'elle finit par attraper. Sauf qu'il glissa de sa main au moment où elle resserra sa prise et elle eut un sursaut. Ce truc était aussi glissant qu'un poisson.

— Quoi ? dit-elle vexée d'avoir été trompée.

Machinalement, Taiga ramena sa main et observa la pellicule qui s'y était déposé. Elle frotta sa paume avec ses doigts et constata l'apparition de cette espèce de mousse blanchâtre. Décidément, cette découverte lui réservait bien des surprises.