Peut-être était-elle trop détendue. En constatant que Jude restait debout et paraissait mal à l'aise, Noâ envisagea de se redresser, mais elle conserva sa position. Elle serait peut-être heureuse d'être assise lorsqu'elle entendrait le fin mot de l'histoire. De plus, elle préférait profiter de chaque instant de "pause" qui lui était offert, même si le break n'était que physique. Elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendrait par la suite, mais quelque chose lui disait que la journée n'aurait rien de reposante. Les semaines à venir même. Jude prit son temps pour parler ce qui renforça la Chef dans son idée : elle n'allait pas aimer ce qui allait suivre. Mais lorsqu'elle se lança enfin, Noâ se promit de ne pas l'interrompre. Quoi qu'elle lui dirait, elle la laisserait parler jusqu'au bout. Seulement, le sujet de la conversation faillit bien faire voler cette bonne résolution en éclats et elle ne cacha pas sa surprise. Elle avait croisé Samuel. Sur le territoire des Jaguars. Sur son territoire. Les poings de la blonde se serrèrent nettement. Comment avait-il osé venir ici ? Il était impossible que ce ne soit qu'un hasard. Une rébellion éclatait et Sam pointait le bout de son nez ? Comme cela tombait bien... Avait-il un lien direct avec l'affaire ? Avait-il saisi une occasion de l'atteindre ? Cela faisait beaucoup trop de questions.

La suite s'avéra plus difficile à encaisser encore. Samuel ne visait pas le territoire, il visait Jude. L'affaire commençait à se clarifier. Il voulait profiter de la cohue pour la récupérer. Cela ne l'étonnait même pas de lui dans le fond, c'était une tactique désespérée et vicieuse. Mais comment les autres Dragons avaient pu le suivre dans son délire ? On parlait quand même d'un évènement qui aurait pu déclencher une guerre ! Une guerre, bon sang ! A croire qu'il avait perdu la tête. Il devait l'avoir assurément perdue pour croire que Noâ le laisserait séquestrer Jude chez les Dragons de la sorte. Même si elle s'était soumise aux Jaguars, elle n'en restait pas moins un être humain, sa sœur qui plus est. Il ne pouvait pas décider de l'emmener avec lui sans même lui demander son avis. Pas comme ça en prenant le risque de la mettre en danger en plus. Noâ fulminait. Pourtant, lorsqu'elle apprit l'un des évènements clés du périple de sa sœur, elle retomba un peu. Chad était mort. Le Second des Dragons avait été tué par un Jaguar. Et Samuel avait été mis en défaut par Zayne. C'était trop d'un coup. Son cœur s'accéléra sensiblement et il lui fallut faire un effort pour respirer calmement. Il fallait qu'elle se calme. Mais elle n'en avait pas l'envie. Elle ne voulait pas être calme face à tout ça. Trop de choses importantes à ses yeux avaient été bafouées aujourd'hui. Elle se saisit les tempes entre le pouce et le majeur et se concentra sur le sang qui y pulsait trop vite. Le rythme avait au moins le don d'être régulier.

- Est-ce que Samuel... Ce fumier a vu qui avait tué Chad ? Tu penses qu'il pourrait le reconnaitre ? Et quand tu dis qu'il respirait toujours... Plutôt vivant ou bien parti pour mourir ?

Sa voix était trop rauque, trop hésitante. Elle était furieuse et s'il n'y avait pas eu le clan, rien n'aurait su l'empêcher d'aller achever ce sale traître. Il avait dépassé les bornes. Leur petit guerre était une chose, mais elle n'avait jusqu'ici jamais eu d'impacts sur leurs clans respectifs. C'était une histoire entre eux. Et puis, elle avait toujours cru qu'il aurait la décence de la poignarder de face plutôt que de tenter de la frapper dans le dos de la sorte en attaquant au moment où elle était la plus faible pour ramener Jude avec lui. Dans tous les cas, l'évènement aurait sans aucun doute des conséquences. Même s'il était clairement en tort dans l'histoire, Samuel ne laisserait sûrement pas passé la mort de son Second de la sorte. Et Noâ n'était pas sûre d'être capable de laisser cette affront sans réponse.

- Est-ce qu'il t'a fait du mal ?

Si c'était le cas, Samuel ne perdait rien pour attendre. Et il aurait définitivement perdu le peu d'estime qu'elle avait encore pour lui malgré les années.

Noâ était en colère. Quoi de plus normal ? Même si elle ne m'avait pas interrompue, j'avais bien remarqué qu'elle en mourait d'envie. Ce que je lui révélais n'était pas agréable, loin de là. Samuel avait agi avec stupidité, je ne pouvais pas le nier. Noâ me demanda s'il avait tué Chad. Je ne relevai pas le surnom qu'elle lui donna, cela n'aurait servi à rien. Elle voulait savoir si je pensais que Sam pourrait reconnaître Trigger et si notre frère pouvait être mort à l'heure qu'il était.

- Je ne sais pas s'il l'a vu, tout s'est passé tellement vite. Samuel était en train de se battre avec Zayne, il est peut-être passé à côté, mais il a aussi pu voir Trigger se diriger vers la planque de Chad. Je m'inquiétais pour eux, je n'ai pas fait attention...

Je m'en voulais de ne pas avoir été plus attentive. Mais je n'étais plus habituée aux combats, et encore moins dans ces conditions. Mon esprit était tout entier tourné vers mes amis. Mais j'avais également espéré que Samuel s'en sortirait. Et évidemment, je ne pouvais pas nier avoir eu peur. Peur pour eux, mais peur pour moi aussi. La situation n'avait pas été facile.

- Samuel était vivant. Il est vivant, j'en suis sûre. Enfin... je l'espère. Je ne pense pas que Zayne l'ait mortellement blessé. Et il n'était pas seul, il y avait d'autres Dragons avec lui. Ils ont dû s'occuper de lui.

Noâ m'avait également demandé s'il m'avait fait du mal. J'avais préféré répondre à cette question en dernier.

- Non, il n'a rien fait pour me faire du mal. Nous avons seulement parlé quelques minutes avant que tout ne dégénère.

Je ne mentais pas, Samuel ne m'avait pas fait du mal, physiquement du moins. Mais je devais avouer que sa présence ici et ses paroles m'avaient heurtées et que j'en étais encore toute retournée. Qu'est-ce qui lui avait pris, bon sang ?

Les informations circulaient vraiment mal. D'un autre côté, si la présence des Dragons n'était pas encore venue aux oreilles des gens qui avaient défendus le QG, cela signifiait peut-être qu'il ne s'agissait que d'un incident isolé. Un incident isolé dans lequel était impliqué le Chef et le Second du clan... Non, cela ne prenait pas. Zayne s'avéra aussi soucieux que son élève et il se laissa aller à une courte réflexion avant de répondre.

» Leur Chef et au moins une autre personne. Mais je ne pense pas qu'ils aient marchés avec ceux qui ont initialement lancé l'attaque. Si c'était le cas, nous ne serions plus là pour en parler. Ces insectes ont sûrement flairés une occasion de faire un mauvais coup.

Peut-être n'était-il pas sûr de dévoiler autant d'informations à une simple Membre, mais Zayne se fichait bien de ce genre de détails. Il avait confiance en Asha et il savait qu'elle n'irait pas crier ça sur tous les toits. De toute façon, cela se saurait vite, ce n'était pas comme si de tels évènements pouvaient être cachés bien longtemps. Il n'hésitait pas non plus à dire que si les Dragons avaient réellement marchés sur eux, ils n'auraient eu aucune chance. Il connaissait la valeur des soldats du Nord, mais il connaissait plus encore les failles dans les défenses Jaguars. En temps normal, ils auraient déjà eu bien du mal à lutter, mais alors avec des conflits internes à mater en même temps, les chances de survie étaient inexistantes.

Il allait révéler à Asha la mort du Second des Dragons lorsque Noâ le coupa d'une voix forte. Ce n'était peut-être pas une mauvaise chose. La blonde apprécierait sûrement d'être la première informée là-dessus. Lorsque le brouhaha revient, il ne pensa donc pas à reprendre et garda le nom de l'homme pour lui. De toute façon, la brune ne semblait plus encline à bavarder. En la voyant prendre les commandes, Zayne eut un sourire mi-féroce, mi-amusé. Cette gamine ne manquait pas de culot. Il grogna pour le principe, mais jeta un coup d’œil vers elle pour l'observer partir avant d'élever la voix.

» T'as intérêt à passer le voir aussi, je ne tolérerais aucun ramollissement à l’entraînement, même pour cause de blessures.

Voyant que Noâ avait déjà été prise d'assaut, Zayne décida de remettre son rapport à plus tard et se dirigea à contre-cœur vers l'aire médicale ménagée sous une bâche. Il détestait ça, mais même un guerrier se devait de savoir prendre soin de ses plaies pour éviter de garder des séquelles handicapantes.

Noâ ne se formalisa pas. Son attitude et ce silence gêné avaient semblé l'inquiéter l'espace d'un instant. Mais la Chef prit sa demande en compte et lui conseille, avec très peu de tact, d'aller se reposer. L'Ancien accueillit cette remarque avec un faible sourire ainsi qu'un hochement de tête. Il savait Noâ très directe et les circonstances n'arrangeaient rien. Il devait avoir l'air bien piteux au milieu de cette cohue avec son air hagard et hésitant.

La blonde lui annonça ensuite qu'elle l'avait affecté au nettoyage du QG. Il pouvait se reposer avant de s'y mettre. Le seul aspect positif là-dedans était qu'il travaillerait avec Zeke. Dryss se passa la main sur la nuque, conscient qu'il devrait affronter les cadavres jonchant le QG ainsi que sa propre culpabilité. Néanmoins, il masqua sa déception et partit sans ajouter un mot de plus. Noâ avait raison : un peu de repos lui ferait le plus grand bien après ce qu'il venait de se passer...

A jaguar still has claws
La foule était bien trop massive aux alentours du QG. Depuis sa sortie de la cellule, Taiga avait eu l'occasion de croiser des gens, mais elle n'avait jamais eu à faire face à une telle concentration. Cela faisait trop d'humains pour elle, surtout après cette nuit chaotique et la peur qui rampait toujours dans son sang. Alors elle peinait d'autant plus à gérer le mini-humain qui l'avait approché comme un loup. Taiga ne savait pas faire la conversation et son intérêt était aujourd'hui limité. Elle fixa donc le blond sans savoir quoi dire, ni quoi faire. Sans chercher non plus beaucoup.

Quand il y eut un sifflement, elle sursauta et lança un regard glacial vers la source du bruit. Pourquoi tout était toujours aussi bruyant ici ? La dominante était là, au milieu de la foule, et malgré elle Taiga s'intéressa à ses paroles. Son attention se fit pourtant bien trop vite la malle. Trop de mots sans sens pour elle la faisait décrocher et elle n'avait personne à saouler de ses questions. Elle scanna d'ailleurs la foule à la recherche d'une tête connue, mais c'était mission impossible dans ces conditions. Après un soupir las, elle quitta sa cachette et s'éloigna. Elle avait besoin de mieux respirer et pour ça, il lui fallait de l'espace.

Tu restes calme pendant que l'Infirmier fait son examen. Déjà que tu as l'impression de venir pour rien, tu ne vas pas en plus faire le douillet ou l'enfant. Certes tu préfères te soigner tout seul mais tu n'as rien contre Charly et il a clairement plus d'expérience que toi. Même s'il ne s'agit que d'une bosse qui ne nécessite pas qu'il gâche la dite expérience pour elle.

CHARLY - Tu es bon pour le service, mon gars. Mais si jamais il y a quoi que ce soit, reviens me voir immédiatement. Parfois, les dégâts d'un coup peuvent mettre du temps à se faire voir.

Voilà tu l'avais bien dit que ce n'était rien. Tu hoches pourtant la tête avec docilité pour assurer à Charly que tu n'hésiteras pas si tu constates quoi que ce soit. C'est vrai et faux à la fois. Tu ne comptes plus le déranger sauf si tu es clairement handicapé par des vertiges ou d'autres conséquences du genre. Rapidement tu te lèves et tu remercies l'Infirmier avant de t'éloigner. Maintenant que tout est en ordre, il est temps d'obtenir quelque chose à faire et de se mettre au boulot.

Tu es inquiet pour Alice. Comment pourrais-tu ne pas l'être ? Néanmoins la voir retrouver un peu de couleur et de conscience te rassure. Tu espères que l'eau apportée par Nuka continuera à faire effet. Autour de vous les Jaguars sont déjà un peu plus calmes mais les discussions sont toujours en cours et on s'affaire à gauche et à droite.

ALICE - Je te remercie, Zeke. Si… Si je peux t’appeler comme ça.
EZEKIEL - Bien sûr.

Tu lui assures tout ça avec un gentil sourire. Tu as plus l'habitude d'être appelé par ton surnom que par ton prénom. Zeke te colle à la peau et tu ne peux pas leur en vouloir puisque Ezekiel c'est un peu long et parfois compliqué à prononcer.

ALICE - Un véritable héros, si tu veux mon avis. Vous vous ressemblez vraiment.

L'information te réchauffe le cœur mais le pince un peu tout à la fois. Tu as toujours été présent dans la vie du petit garçon et tu pourrais aisément le considérer comme ton fils. Tu as été là autant que tu le pouvais à veiller silencieusement sur lui et à tenter de lui offrir une partie de ce que Noâ ne pouvait pas lui donner. Mais tu n'es pas son père. Son père est Adrian et tu ne veux pas lui voler sa place. Ça ne signifie pas néanmoins que tu ne serais pas honoré d'être le père du blondinet. Il compte pour toi, tu es fier de lui et tu ne veux que son bonheur.

EZEKIEL - Je suppose que c'est un sacré compliment pour moi.

La plaisanterie est maladroite mais tu souris toujours car tu es heureux d'être affilié au gamin. Et peut-être un peu fier aussi d'avoir été de ceux qui ont fait de lui ce qu'il est aujourd'hui à savoir un enfant gentil et attentif quoi qu'un peu casse-bonbon par moment comme tous les gosses.

ALICE - Oui, je devrais aller le voir…

L'ambiance change assez radicalement et tu te demandes ce que tu as dit pour provoquer ce changement. Alice semble mal à l'aise à l'idée de voir Charly mais il semble y avoir autre chose. Tu restes silencieux et attentif. Tu patientes jusqu'à ce qu'elle soit capable de cracher ce qu'elle a sur le bout de la langue. Rien ne presse.

ALICE - Sa… Savais-tu que Noâ était… actrice de la mort de Joshua ?

La question tombe lourdement. Tu ne t'attendais vraiment pas à ça alors tu restes abasourdi durant plusieurs secondes. Pourquoi te demande-t-elle ça ? Tu sais que le clan a appris aujourd'hui que Noâ était impliquée dans l'élimination du monstre mais ça semble avoir une importance toute particulière pour Alice. Est-ce que...? Même dans ta tête l'interrogation reste en suspens. Ton esprit analyse encore le tout mais ton instinct te susurre qu'il sait déjà. Encore une victime de la barbarie de Joshua. Tu prends une inspiration désarticulée avant de hocher doucement la tête. Oui tu savais. Tu l'as toujours su. Tu connaissais son plan et tu l'as laissé faire. Tu l'as laissé porter seule le fardeau de cette décision.

EZEKIEL - Il le fallait. Il n'aurait jamais cessé d'être une menace. Même mort il l'a encore été.

Tu as l’œil triste. Tout ça est trop vrai. Joshua est mort depuis six longues années et pourtant il continue à tenter de faire pourrir le clan par le biais de ses sbires trop fidèles. Et son fantôme hante toujours votre Chef tu en certain.

Intriguée, Asha buvait les mots de son mentor ▬ quand ne le faisait-elle pas à vrai dire ▬. L'affaire prenait une toute autre tournure quand un clan ennemi était impliqué. Et il n'y avait rien de pire qu'un Dragon lui avait-on souvent répété depuis qu'elle était une jaguar. Asha ne comprenait pas ce qu'ils avaient à gagner dans tout ça. Ils auraient pu détruire les jaguars s'ils avaient lancé leur force dans la bataille selon Zayne mais les jaguars étaient encore debout. Et visiblement, ils étaient au moins deux. Deux, ce n'était pas assez pour infliger un quelconque dommage. Et puis, Zayne ne pensait pas qu'ils aient été mêlés à la rébellion, ce qui était d'autant plus étrange. Leur présence la laissait perplexe. Il allait falloir faire attention et regrouper tous les faits inhabituels de la nuit. Si les Dragons avaient marché sur leur territoire, rien n'empêchait un autre clan d'avoir fait pareil. Et les lézards étaient peut-être plus de deux. Asha ne douta pas que les rapports faits à Noâ apporteraient des petits éclaircissements. La jeune femme fut néanmoins frustrée que Zayne ne lui ait pas dit qui il avait achevé mais il n'en eut pas le temps, Noâ les coupant dans leur discussion. Alors qu'elle s'éloignait déjà après avoir lâché ses remarques culottées, elle ne manqua pas son rictus qui fit naître un petit sourire en coin sur ses propres lèvres. Elle acquiesça énergiquement à son avertissement. Qui disait avertissement, disait que les entraînements ne seraient pas annulés malgré la rébellion (du moins, le pensait-elle) et une pareille nouvelle ne pouvait que la réjouir. Elle accepta donc plus facilement l'idée de faire un passage chez Charly. Néanmoins, elle préférait attendre que la foule se dissipe un peu avant d'y faire un tour. Elle reprit donc sa place auprès des prisonniers, reprenant son rôle de surveillante du jour.

Toute cette situation était trop confuse et annonçait bien des difficultés pour la suite. Une rébellion, d'éventuels problèmes avec le Nord, la trahison de Samuel,... Quel était la suite ? Il ne manquait plus que les Aigles et les Vipères s'en mêlent et le quatuor serait complet. Ô ce que Noâ regrettait cette pensée d'ici quelques heures quand elle apprendrait que Annabella et Kim étaient bien ici. Mais pour l'heure, elle avait déjà bien assez à gérer. Au vu du peu d'informations dont elle disposait, il faudrait qu'elle laisse Trigger en dehors du terrain pour le moment. L'exposer inutilement aurait été bête et il ne faudrait sûrement pas attendre longtemps pour que les Dragons réclament la tête du coupable si jamais il le connaissait. On parlait des Dragons, une mort ne pouvait qu'en appeler une autre. Apprendre que Samuel était probablement vivant lui laissa un curieux sentiment au fond du ventre. Un mélange de colère, de déception et de soulagement. Une part d'elle aurait voulu en avoir fini avec cette haine puérile qui vivait entre eux, mais l'autre restait consciente qu'il était son frère. Et puis, s'il était mort sur son territoire, le Nord mettrait le Sud à feu et à sang par vengeance, c'était une certitude. Il valait donc mieux que cette crapule reste vivante même si Noâ brûlait de lui écraser son poing sur le visage. Voir de lui en faire plus baver encore pour s'être introduit ici et s'en être pris à Jude. Elle ne lui pardonnerait pas de tels actes. Ou du moins pas tout de suite. Le fait qu'il ne s'en soit pas pris physiquement à leur sœur la calma un petit peu. Un tout petit peu. Au moins n'avait-il pas franchi l'ultime limite. Malgré tout, un doute demeurait. La blonde était persuadée que Jude ne lui avait pas dit toute la vérité, mais elle préféra ne pas insister. La rébellion avait été éprouvante pour tout le monde et il était plus prudent de ne pas se lancer dans des discussions de longues haleines.

- Nous en reparlerons.

Noâ se leva lentement et prit la peine d'étirer ses muscles pour essayer de se décharger de la tension. La tentative fut inutile et quelque chose lui disait qu'elle ne serait pas capable de se détendre avant longtemps. Cela ne l'empêcha pas d'étreindre doucement Jude.

- Je suis heureuse que tu ailles bien.
- Moi aussi. Nous allons tous bien.

Savoir que leur famille était encore entière était rassurant. Même si la rébellion avait été dure au moins elle n'avait pas perdu les gens qui étaient les plus proches d'elle. Après quelques instants, elle s'écarta d'elle et tenta un maigre sourire.

- Fais attention à toi, okay ?

Elle disait ça, mais il était clair que Noâ allait affecter à Jude un surveillant permanent. Elle ne pouvait plus se permettre de laisser une brèche ouverte pour un nouvel ennemi potentiel, tout le monde serait donc sous bonne garde. Une fois la discussion terminée, le clan redevient sa priorité. Il y avait beaucoup à faire. Beaucoup trop.

ALICE - Merci.

Tu hausses les épaules en guise de réponse. Tu acceptes les remerciements. Tu sais qu'il est important parfois de transmettre sa gratitude et tu veux qu'elle se sente libre de le faire même si toi tu ne sais pas forcément comment les prendre. Tu n'as pas la sensation d'avoir fait tant que ça.

ALICE - Sans vous, je ne sais pas où j'en serais. J'aimerais que tu le remercies encore particulièrement après tout ça, si tu veux bien.
EZEKIEL - C'est promis.

Tu ne peux pas t'empêcher de te dire que quelque chose cloche. Tu te demandes aussi ce qu'elle a vécu pour qu'un geste aussi simple que tendre une main aidante lui semble énorme. Néanmoins tu sais que ce n'est pas le moment de lui demander d'où elle vient. Tu ne veux pas la mettre mal à l'aise. Tu veux qu'elle se remette, qu'elle arrive à surmonter pleinement la crise. Malgré tout elle parle et tu comprends. Un peu. Tu ne sais pas exactement comment prendre cette conversation. C'est un sujet sensible depuis toujours. Peut-être que c'est à cause de ça que tu ne comprends pas tout de suite. Tu comprends naturellement qu'Alice a souffert de cette période mais tu ne sais pas à quel point.

ALICE - Une menace ? Un... monstre... Un cauchemar...

Le sujet relance la crise. Il faudrait que tu sois aveugle pour ne pas voir. La nervosité revient chez Alice et tu as la sensation qu'il ne faudra pas grand chose pour qu'elle revienne complètement en arrière. Tu attrapes doucement sa main pour l'empêcher d'amocher son bras avec ses ongles et tu la serres dans la tienne.

EZEKIEL - Il n'est plus là. Cette époque est terminée.

Tu ne lui promet pas que ça va aller. Personne ne peut promettre ça.

EZEKIEL - Un cauchemar c'est tout ce qu'il est. Il n'existe plus que comme ça.

Le problème c'est que même sous cette forme Joshua peut encore faire du mal. Il en fait toujours et tu as la sensation qu'il en fera encore tant qu'il existera encore une personne qui l'a connu.

Collecter de l'eau avait été une véritable équipée sauvage. Au milieu des Membres rugissants, des blessées et des ordres donnés, Nuka s'était légèrement perdu et il lui avait fallu un temps fou pour dénicher un gobelet et le remplir. Il lui avait ensuite fallu se jeter dans la foule et avec tout ça il n'était trop sûr de l'endroit où il avait laissé Zeke et l'évanouie. Après avoir zigzagué en perdant la moitié de son chargement à force d'être bousculé, le gamin retomba enfin sur la scène bien connu de l'Ancien agenouillé auprès de la Membre. Il avait l'impression qu'il était parti depuis des heures, mais rien ne semblait avoir réellement changé. L'air un peu penaud, il s'approcha et vient se poster auprès d'eux, tendant le verre entre les deux sans trop savoir à qui il devait vraiment le donner. Tout ça le dépassait en fait et maintenant qu'il n'avait plus d'ordre à suivre, il comprenait qu'il était vraiment hors du coup.

- Tiens. Il en reste que la moitié parce qu'ils me voyaient pas toujours.

Il maudit sa petite taille et haussa les épaules ce qui provoqua un véritable raz-de-marée dans le verre sans pour autant qu'il y ait de pertes. Il y en avait déjà eu assez aujourd'hui.

L'attitude de Alice est de plus en plus inquiétante. Tu ne sais pas exactement ce que tu fais mais en tout cas tu essayes d'agir selon tes meilleurs instincts pour l'aider. Tu te poses aussi beaucoup de questions mais elles restent soigneusement enfermées dans ta tête pour le moment. Un jour tu en parleras peut-être avec Alice mais ce n'est pas le moment pour ça. L'important ici est qu'elle parvienne à se relever de cette crise. Alors quand tu vois qu'elle cesse d'essayer de se mutiler tu es soulagé. Tu ne veux pas la voir souffrir physiquement, elle semble déjà bien assez souffrir à l'intérieur.

ALICE - Pourquoi ne peut-il tout simplement pas disparaître de ma tête ?

Tu aimerais pouvoir lui dire que ça arrivera un jour mais ce serait le plus gros mensonge jamais prononcé. Les monstres ne disparaissent jamais. Ils continuent de nous hanter. Parfois ils s'effacent un peu mais ils sont toujours à l'affut d'un moment de faiblesse pour revenir et faire le mal. Tu n'as pourtant pas à répondre car ta tête blonde favorite revient enfin. Il semble penaud alors qu'il a pourtant le gobelet demandé en main. Tu lui adresses un sourire pour le rassurer et tu le regardes qui se rapproche et tend l'eau au vide.

NUKA - Tiens. Il en reste que la moitié parce qu'ils me voyaient pas toujours.

Tu te retiens difficilement de rire. Ce n'est pas méchant et tu reconnais tout à fait la bravoure de l'enfant mais imaginer la scène est plutôt drôle, surtout dans ces temps de crise. Pourtant tu t'appliques à conserver un minimum de sérieux même si tes yeux pétillent. Heureusement Alice détourne l'attention vers elle en prenant le verre pour boire. Tu observes leur échange d'un regard bienveillant tout en veillant que tout se passe bien du côté d'Alice.

ALICE - Merci, Nuka. Ne t'en fais pas, tu as déjà fait preuve d'une grande bravoure en faisant face à une telle foule.

Elle a bien raison. Pour un enfant de son âge Nuka a très bien réagit. La journée n'est pas finie alors rien n'assure qu'il continuera sur cette voie là mais tu es fier de ce petit bout. Tu espères juste que cette nuit cauchemardesque ne laissera pas une empreinte trop nette dans son esprit. Dans tous les cas tu comptes bien le garder à l’œil. Lui et Alice aussi au passage.

Sous les regards des deux adultes et la certitude de la Membre, Nuka ne pouvait que se sentir fier. Il se redressa un peu, son sourire étirant toujours plus ses lèvres. Il était heureux d'avoir pu se rendre réellement utile et, aujourd'hui, il se sentit un peu plus grand. Grâce à Alice, le simple fait d'avoir été cherché de l'eau lui semblait héroïque pour un temps. Il chassa une mèche blonde qui retombait un peu trop bas sur son front et venait obstruer son champ de vision et posa comme il avait vu certains Membres le faire.

- Je pourrais encore le refaire !

Oui, il affirmait bien qu'il pourrait encore traverser une foule si cela était nécessaire. Peut-être qu'il arriverait même à ramener plus d'eau la prochaine fois.

Je sentais l’atmosphère pesante autour de moi. Il fallait vraiment être insensible pour ne pas la percevoir. Néanmoins, je relativisai, réalisant que Zeke n’était pas dans cet état parce qu’il était énervé ou parce que c’était un ours mal léché mais bien parce que je devais l’angoisser. Ce que je racontais n’avait rien de particulièrement réjouissant, après tout. Mais j’avais le sentiment que je ne contrôlais même plus ce que je disais ou ce que je faisais. Heureusement que Nuka était là. Il me changeait les idées et face à lui, je m’efforçais encore davantage à tenir ma langue. Il n’avait pas besoin d’entendre tout ça. Il était encore trop jeune. Je ne voulais pas lui offrir un tel fardeau. Bien que, en comparaison, il ne vivait pas franchement mieux avec cette rébellion qui venait de nous tomber dessus. Raison de plus pour ne pas lui affliger mes propres démons. Ce ne serait qu’ajouter une couche, une couche loin d’être nécessaire.

Ce petit semblait si innocent, loin de tout ce qu’ils vivaient. Rien de tel pour vous donner un peu de baume au cœur. Mes blessures intérieures et extérieures semblaient soudainement plus légères. Peut-être que c’était lui, ce petit bonhomme, la solution à tous mes problèmes. Loin de moi l’idée de lui parler de tout, mais peut-être que passer un peu de temps en sa présence me permettrait d’oublier ce qui me chagrine et me consolerait encore mieux qu’un pansement ou qu’un médicament quelconque. Alors, quand il fit le fier, je jouai totalement dans son jeu. « Je n’en doute pas ! Tu es un chef ! Dès que j’aurai besoin d’aide, je viendrai vers toi en premier lieu, mon sauveur. », dis-je le plus théâtralement possible. Il fallait qu’il me croie. Un peu de compliments gratuits ne fait jamais de mal dans de tels moments. De cette façon, je le libérai aussi, lui signalant qu’il pouvait aller où il le voulait sans s’inquiéter.

Voir Nuka comme ça te met du baume au cœur. Tu crains les impacts que la rébellion aura sur son esprit de petit garçon alors tu aimes le voir comme ça. Tu espères qu'il pourra grappiller le plus possible de moments d'innocence et d'enfance comme il le fait maintenant. Tu es très reconnaissant vis à vis d'Alice d'agir comme elle le fait. Elle a un grand cœur et le fait qu'elle soit capable d'être si gentille avec lui dans cette situation le prouve. « Je pourrais encore le refaire ! » Son attitude t'arrache un rire si léger qu'il passe presque inaperçu. Il est mignon mais il sera assurément un adolescent difficile à gérer. Heureusement il y a encore quelques années qui vous séparent de ce moment. « Je n’en doute pas ! Tu es un chef ! Dès que j’aurai besoin d’aide, je viendrai vers toi en premier lieu, mon sauveur. » Elle va le rendre fou de joie, c'est sûr. Après une telle déclaration, il sera intenable toute la matinée. Tu prends tout ça comme un signe de départ. Le monde recommence à tourner autour de vous et il est temps de passer à la suite. Tu te redresses lentement et tu tends une main à Alice pour l'aider à se mettre debout. « Il faut que j'aille ramener ce bout de chou à sa tante, elle doit probablement être inquiète. » Tu souris doucement à la jeune fille et pendant un instant tu ne sais pas quoi dire. Il y a tellement que tu voudrais dire ou faire mais à la place tu choisis quelque chose de simple. « Fais attention à toi Alice. »

Quand Alice le brossa dans le sens du poil, faisant gonfler sa crinière, Nuka se redressa encore un peu plus, cherchant toujours à se faire plus grand. La mention de chef ne l'avait rendu que plus heureux car en tant que fils de Chef, le terme avait un sens important. Il avait beau lui en vouloir beaucoup, il était à sa façon fier de sa mère et de ce qu'elle avait accompli et elle était pour lui une sorte d'héroïne. Lui dire qu'il était un chef, c'était donc le rapprocher de ce statut de héros qu'il voulait lui-même atteindre.

- Je me tiendrais prêt. Comme une sentimelle !

Il ignora la correction de Zeke sur le mot utilisé et brossa tout ça d'un revers de la main. Sentimelle, sentinelle, c'était du pareil au même. Il était trop heureux pour s'offusquer ou s'intéresser à tout ça et l'idée de raconter son acte de bravoure à sa tante lui plaisait vraiment beaucoup. Il glissa sa main dans celle de Zeke par habitude, prêt à partir, et adressa un signe avec l'autre main à la Membre.

- Bye-bye, Alice.