La journée était calme… trop calme. Pour être plus claire, je m’ennuyais au plus haut point. Pourtant, j’étais sensé avoir de quoi faire chez les Dragons, mais Kim avait refusé que j’aille fourrer mon nez là-bas pour le moment. Evidemment, je n’avais pas pu en savoir plus sur la raison de cette décision. Je poussais un long et profond soupire tout en tournant en rond à chercher une occupation. C’était peine perdue, rien ne me venait à l’esprit… Pour finir, je décidais donc de me diriger vers le Centre Neutre. Peut-être trouverais-je plus d’inspiration là-bas qu’ici.

J’arrivais au Centre en trainant les pieds. Il faisait relativement beau, aussi y avait-il « du monde ». Par contre, je n’avais toujours aucunes idées de comment m’occuper. Enfin si, il avait bien l’entrainement, mais j’étais tellement déçus de ne pas pouvoir espionner comme bon me semblait que je n’avais même pas le cœur à ça…

Alors que je marchais sans but, je fus surpris par un cri qui même s’il semblait provenir d’une fille, n’avait rien de très féminin… Mais ce qui me fit m’arrêter net était plus les paroles que le cri en lui-même. En effet, la fille s’adressait aux Dragons du Nord, les remerciant pour un repas ?! Les Dragons ne venaient pas souvent dans le Centre… en fait ils n’allaient pas souvent en dehors de leur territoire. Intrigué, je fis demi-tour et partit en direction du lieu d’où provenait le cri. J’arrivais ainsi au lac. Il ne me fallut pas longtemps pour repérer un petit groupe qui semblait mangé de bon appétit… surtout la fille en fait… si c’était bien une fille… M’avançant d’un pas lent et nonchalant, j’aperçus enfin le sac qui se trouvait à côté d’eux. Là, je pouvais assurer que celui-ci n’appartenait pas aux Dragons du Nord, mais bien à l’un des Membre de mon clan. L’abrutit devait se l’être fait piquer. Je ne pus m’empêcher de sourire en imaginant la scène, mais je ne pouvais quand même laisser ces inconnus s’en sortir si facilement. M’arrêtant à quelques mètres d’eux, j’interpelais le petit groupe.

« Alors, on se régale ? »

La jeune… fille qui s’empiffrait ne pris même pas la peine de relever la tête pour me répondre, s’écriant que la moindre des politesses était d’ajouter un « mademoiselle » à ma question. Elle finit par se tourner vers moi, la bouche pleine, avant de me nier à nouveau, ou plutôt d’en faire mine. Après un temps de silence où j’observais le petit groupe d’un œil suspicieux, la fille fini par me répondre en me demandant si j’étais jaloux. Honnêtement, non. J’avais tout ce dont j’avais besoin. Par contre, j’appréciais moins le ton qu’elle avait employé pour me répondre. J’allais répliquer lorsqu’Alessandra fit son apparition, l’air maussade. Alors que l’inconnue mangeait toujours tranquillement et que ses compagnons étaient près à bondir… ou à partir en courant… la seconde des Jaguars du Sud prit la parole d’un air faussement surpris, demandant si mon clan organisait un pique-nique.

« Haha, mort de rire. C’est sûr que cette bande lopettes et cette… fille… ont tout à fait le genre pour être chez les Aigles. J’allais d’ailleurs te demander s’ils ne vous appartenaient pas. »

Affichant un grand sourire, je reportais mon attention sur le groupe.

« Ce sac ne vous appartient pas. Les Jaguars vous nourrissent si mal que ça que vous en soyez réduit à aller voler chez les autres clans ? »

Je n’avais évidemment aucune preuve sur le fait qu’ils soient des Jaguars ou non, et honnêtement je m’en fichais sur le moment. Mais puisqu’Alessandra avait lancé la première pique, je n’allais pas laisser passer si facilement.

A n’importe quel endroit et à n’importe quel moment, il fallait toujours qu’il y ait une personne ou une chose qui surgisse et qui mette un terme à ses rares moments de calme. Oh, si elle le pouvait, elle appuierait sur stop afin de pouvoir profiter un minimum du repos qu’elle estimait mériter. Parfois, elle rêvait même d’avoir un pouvoir permettant de réduire en poussière toutes les personnes qui prenaient plaisir à l’épuiser. Comme en ce moment où elle ne pouvait même pas finir son repas tranquillement.

D’ailleurs, qui était-il ce crétin ? Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Quand elle y pensait, il ne correspondait pas du tout au profil de l’homme auquel elle avait dérobé le sac. Et il ne portait même pas la même tenue. S’il croyait qu’il allait l’ennuyer encore longtemps, il se trompait ! Si la Libre s’était posée au sein du territoire neutre, ce n’était certainement pas pour qu’un crétin de membre ou elle ne sait quoi vienne l’énerver. Et puis quoi ? Avait-il perdu sa langue pour qu’il ne réponde pas ? Vraiment, après l’avoir interrompue, il pourrait au moins prendre la peine de répondre ! Cuillère en bouche, elle tourna la tête vers lui pour s’apercevoir qu’une autre personne s’était encore incrustée ! Incroyable, c’était à croire qu’ils s’étaient tous passés le mot et qu'ils s'amusaient à vouloir la persécuter.

Encore plus craintifs, les petits membres du groupe que Rian dirigeait finirent par s’installer derrière elle. Et de ce rapprochement résulta l’irritation de la jeune femme. Elle aurait pu, l’espace d’une seconde, croire que la nouvelle arrivante était, contrairement à l’autre intrus, dotée d’un cerveau mais que neni ! Elle devait au moins être aussi, voire même plus débile que l’inconnu. Au moins, sa prise de parole put lui apporter une information supplémentaire. L’autre trouble-fête était un membre des aigles. Ayant volé le sac à un dragon, il avait encore moins de raison de la déranger.

Face à deux énergumènes pareils, la leader opta pour une technique qu’elle utilisait souvent quand elle avait envie d’être seule. Elle se concentra sur la nourriture, remplissant encore plus sa bouche d’aliments. Ses joues étaient gonflées à un tel point que ses larbins pensaient qu’elles allaient exploser d’une minute à l’autre mais rien ne se produisit. Rian continuait ses coups de cuillère ravageurs, ignorant les deux inconnus. Elle se disait qu’avec un peu d’auto-persuasion, elle arriverait à se convaincre qu’ils n’existaient pas et qu’elle était bien seule au bord du lac…et…et peut-être même que, dégoûtés d’avoir été niés par la princesse, ils quitteraient les lieux. Pourquoi pas après tout, l’espoir fait vivre.

Ses résolutions volèrent en éclat quand elle aperçut une meilleure perspective pour s’amuser. Il y avait bien un sentiment d’animosité qui volait entre les deux membres. Pourquoi ne pas en profiter pour rire un peu ? Cette pensée effleura également l’esprit d’un des larbins de la bande qui, apercevant la lueur de malice dans les yeux de sa chef, essaya de la dissuader en lui secouant l’épaule. Mais c’était déjà trop tard. La perche qu’on lui tendait était vraiment impossible à rater maintenant qu'on avait gâché son déjeuner. Finissant d’engloutir son repas, et s’essuyant les lèvres avec sa manche droite, Rian se releva enfin, faisait mine de s’épousseter. Dissimulant sa dague dans l’une de ses manches, elle rejoint l’endroit où ses larbins avaient abandonné le sac et entreprit de le vider totalement, glissant les gourdes et les armes dans sa propre besace.

-  C’est vrai qu’on pourrait les confondre avec des Jaguars, ils sont tellement bêtes parfois. Mais bande de lopettes ou pas, ils sont toujours plus intelligents que cette bande de chats mouillés.

Rian avait tellement l’habitude de les insulter que les garçons ne cillèrent même pas. Et puis, dans un sens, elle venait de les complimenter ! S’ébouriffant la tignasse, la jeune femme toisa l’aigle. Elle se demandait lequel des deux étaient le plus à côté de la plaque. Penser qu’elle, Rian, faisait partie d’un clan était une totale absurdité ! Elle se tourna vers la fille qui venait des Jaguars.

-  On a l'air d'être des Aigles ? Il faut vraiment ne pas en avoir dans la tête pour dire des choses pareilles.

La Libre ne mesurait jamais vraiment le danger mais sa tranquillité d'esprit criant vengeance, elle n’hésitait pas une seconde aussi délicate soit la situation.

-  Faut vraiment être très lents à la détente pour s’être fait avoir comme ça. Mais si tu veux vraiment ce sac, vas-y, prends-le.

Et elle joint les gestes à la parole, en lui lançant le sac complètement vide. Bien sûr, pour elle, le sac appartenait toujours aux Dragons.

Désolé, ils ressemblent à s'y méprendre à vos minets, il y a de quoi douter.

Ce n'était pas le jour pour la chercher, elle n'était vraiment pas d'humeur. Et puis, elle ne trouvait pas ses paroles particulièrement fausses, seule la fille aurait difficilement pu passer pour un Membre du clan des machos. En parlant de cette dernière, elle profita de l'occasion pour foutre encore plus le bordel, lâchant une remarque qui estomaqua la Seconde. Il y avait tellement d'insultes à l'encontre des Jaguars qu'il lui était difficile de les encaisser. Les traits mimant parfaitement la colère qu'elle sentait gronder au fond d'elle, elle encocha une flèche à toute vitesse et la pointa vers l'inconnue.

Je t'interdis d'insulter les Jaguars de cette façon !

La seule chose qui l'empêchait de tirer était le fait qu'elle se trouvait dans la zone neutre et qu'elle ne savait toujours pas d'où provenait le petit groupe. Il suffisait que ce soit une Vipère - elle en avait la langue - et ses Soumis pour que son geste provoque bien des soucis. Et elle se voyait mal dire à Noâ qu'elle avait déclenché une guerre durant sa convalescence...

Alessandra me répondit que le groupe ressemblait à s’y méprendre à « nos minets ». Je voulus rétorquer qu’il ne fallait pas confondre un Aigle et un chat comme elle venait de le faire sans le vouloir, mais l’inconnue me devança en prenant la parole, insultant plus les Jaguars que les Aigles, même si je lui aurais bien fait ravaler ses parole sans attendre si nous n’étions pas en terrain neutre. La fille venait de vider le sac et me le lança sans plus de cérémonie. La seconde des félins venait quant à elle de décocher une flèche et visait la fille avec colère. Soupirant, j’accrochais le sac à mon épaule et croisais les bras sur ma poitrine.

« Ce n’est pas parce qu’on est dans la zone neutre que tu peux te permettre de nous insulter ainsi. Si tu espères que je vais vous laisser partir toi et ta bande de « lopettes » avec un butin qui ne vous appartient pas, tu rêves. »

Ce furent des hurlements d'effroi qui retentirent lorsque la jaguar encocha une flèche, visant avec détermination et colère la jeune Libre, un peu trop téméraire. Les cris ne venaient pas de cette dernière pourtant...mais bien du petit groupe d'hommes qui l'accompagnait. Levant les yeux au ciel, elle se tourna à moitié vers eux, les foudroyant du regard. Ne se faisaient-ils pas déjà assez insulter pour continuer à réagir de la sorte ? Parfois elle se demandait s'ils avaient encore ne serait-ce qu'une once d'amour propre.

Parce que t'as le droit de nous insulter de Pigeon, madame la Jaguar mal-léchée ?, pesta-t-elle alors qu'elle cherchait déjà une occasion pour mettre les voiles.

Pourquoi fallait-il qu'elle tombe toujours sur des membres qui attaquaient à distance ? Les fuites seraient bien plus faciles si ses adversaires n'avaient pas l'occasion de la toucher de loin.

Entretuez-vous si ça vous fait plaisir...ça peut vous paraître absurde mais avant que vous me dérangiez, je profitais d'un moment de calme...Oh, vous savez quoi...Laissez tomber, je ne m'attends pas à ce que des Jaguars et des Aigles comprennent un traître mot de ce que je dis.

Et pour cause, elle avait marmonné dans sa barbe; ses yeux cherchant toujours une échappatoire empruntable aussi bien par elle que par ses larbins. Pourquoi fallait-il qu'ils lui durcissent la tâche à chaque situation de crise ? Ce fut au tour de l'Aigle de prendre la parole. Rian était loin d'être quelqu'un de violent...plus parce qu'elle n'en avait pas vraiment l'occasion qu'autre chose mais la présence de ces deux empêcheurs de tourner en rond lui donnait des envies de meurtres et elle se surprit à souhaiter que son groupe ait été capable de foutre une raclée tout aussi bien à la demoiselle qu'au jeune homme.

Il appartient aux Dragons, ce butin. J'vois pas pourquoi ça dérangeait un Aigle. J'espère que tu sais que t'auras pas une récompense. Dragons ou pas, ils sont radins comme tout le monde, lui répondit-elle nerveusement. Et si tu veux le reste du butin, faudra me faire vomir, j'ai tout mangé, termina-t-elle en croisant les bras, boudeuse.

Et cette intrusion l'avait rendue plus que grincheuse, lui faisant dire n'importe quoi. Elle n'ignorait pas qu'il désirait les gourdes et la dague que contenait le sac mais si elle avait une chance de les garder pour elle...Mais ce fut une tout autre idée qui germa dans son esprit. Elle sortit la première gourde, buvant son contenu d'une traite. Elle se saisit ensuite de la dague.

C'est ça que tu veux ?, lâcha-t-elle sur un ton toujours aussi bougon ; sans penser une seconde qu'elle pouvait le blesser avec la lame, elle lui envoya d'un geste vif. Autant se débarrasser de ce que convoitait l'ennemi. T'es aussi une fétichiste des Dragons ? Dommage, j'ai plus rien en stock., dit-elle en se tournant vers celle qui la visait toujours d'une flèche.

La réaction des suiveurs de la rebelle fit doucement rire la Jaguar. Ah, ils étaient fiers ces hommes. Des minets dignes des Aigles, elle l'avait dit et continuerait à le dire. Ils étaient ridicules. Seulement, contrairement à eux, la meneuse semblait se ficher comme de sa première couche d'être visée par une flèche. Elle aurait pourtant dû. Si elle décidait de tirer, Alessandra la toucherait, cela ne faisait aucun doute. Et au vu de son humeur, elle ne le ferait pas pour blesser gentiment. Mais bien sûr, la fille en rajouta une couche, insultant conjointement les Aigles et les Jaguars dans un charabia peu compréhensible. Fronçant les sourcils, la brune détendit légèrement ses épaules et la toisa. Non, mais c'était quoi son problème ? Voilà maintenant qu'elle pétait limite les plombs en racontant des conneries à la suite d'un commentaire fait par Oli.

Ah non pitié, la fait pas gerber.

Même si elle n'aimait pas beaucoup le comportement de l'inconnue, elle la trouvait amusante. D'une certaine façon. Et c'était surtout parce qu'elle s'en prenait principalement à l'Aigle. Il n'empêchait que plus les choses avançaient, moins la brune comprenait. Mais d'où venait cette fille ? Et surtout comment avait-elle fait pour dérober un sac de rations à un Dragon ? Les lézards possédant ce genre de packetage n'étaient généralement pas des tendres. Oh et puis pourquoi elle s'emmerdait avec tout ça ?

Tu sais quoi, Oli ? Je te laisse te démerder avec eux.

Cessant doucement de tirer sur sa corde, elle la ramena à sa position initiale et récupéra sa flèche qu'elle glissa dans son carquois. Se frotter à ce groupe ne lui attirerait que des ennuis et elle avait bien d'autres choses à régler en l'absence de Noâ à la tête du clan. Narquoise, elle lâcha un sourire à l'homme et ponctua le tout de quelques mots.

Bonne chance, Pigeon.

Leur adressant un petit signe de la main, elle s'éloigna à son aise, se souciant peu de la suite. Finalement, se foutre de la gueule d'un Aigle lui avait fait beaucoup de bien.

La fille continuais sur sa lançée en débitant des paroles qui au finale semblaient adressées plus à elle-même qu’à nous. A ma dernière réplique, elle annonça que le butin appartenait aux Dragons et qu’elle ne voyait donc pas quel intérêt j’avais à le récupérer. Surpris, je ne pus retenir un petit rire. Alors elle pensait avoir volé se sac aux Dragons ?

« Désolé de te décevoir, mais ce sac et son contenu n’appartient pas aux Dragons du Nord mais aux Aigles de l’Est ma chère. »

D’un air boudeur, elle fini par sortir une gourde et affona son contenu avant de m’envoyer la dague sans plus de cérémonie. Heureusement, je réussi à la rattrapée par le manche et non pas du côté de la lame. Cette fille n’avait pas l’esprit très claire selon moi…La Jaguar fini par prendre la parole à son tour en faisant mine d’être dégoutée par l’idée que la fille ne remette le contenu du sac en vomissant. Après quelques secondes de flottement, elle fini par relacher la corde de son arc et annonça qu’elle laissait Oli se démmerder avec le groupe. Le brun la fusilla du regard et se jura de lui faire payer son insulte dès que l’occasion se présenterait. Se tournant à nouveau vers la fille bizarre et son groupe de lopettes, il rangea lentement la dague et la gourde dans le sac avant de reculer de quelques pas à son tour.

« Vous pouvez garder la deuxième gourde, j’ai récupéré le plus important. Par contre si je vous recroise en dehors des terrains neutre, soyez assurer que vous n’en sortirez pas indemne cette fois. »

Sur ce, il tourna les talons à son tour. Il avait autre à faire que de taper la papote avec un groupe de gens pas net à l’esprit semblant embrumer par une folie obscure. Mieux valait pour lui qu’il rentre vite fait et qu’il trouve un moyen de se calmer sans taper sur le premier venu… ce qui lui aurait pourtant fait le plus grand bien…