Une chaleur à crever s'abat sur la zone industrielle ; le soleil continue de briller au plus haut dans le ciel. Kalis est incapable de déterminer s'il fait chaud ou froid , il fait juste bon. Assis contre un mur , il trouve l'endroit plutôt désert pour un  midi. Les sourcils fronçés, Kalis balaye la rue d'un rapide regard avant de sortir un vulgaire morceau de pain au beurre dans lequel il croque brusquement. Un long soupir  s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'il se laisse bercer par le silence de la route vide. Cela tellement longtemps qu'il n'a  entendu la foule rire et crier dans la ville. Ca fait tellement de temps que tout est si calme... Beaucoup trop calme. Lui qui a toujours aimé la solitude — ce silence devient presque ennuyeux à force, douloureux.

Soudain, une silhouette se distingue dans son champ de vision bétonneux. Une jeune fille . Il le devine tout de suite grâce à la manière dont elle se déplace, et grâce à sa carrure. Elle aussi semble seule  ce qui est étonnant. Il jette un regard aux autres gamins qui bossent avec lui. Kalis ne leur parle pas beaucoup , après tout, le temps ne leur en laisse pas l'occasion. C'est vrai qu'ils sont tous surchargés.  Elle même s'assoit non loin de l'entrée de leur lieu de boulot.

Un instant, il hésite à la rejoindre, se ravise puis finit par se lever. Discrètement , aussi silencieux qu'une ombre, Kalis s'avance vers elle et se poste juste devant. Comme à son habitude, il prend le temps de la dévisager , de l'observer avant de l'interpeller.

« Hé.. Salut. Je peux me caler à côté de toi ? » Kalis désigne son ancienne place contre le mur. « Ca me gène pas d'être tout seul mais ça devient agaçant à la longue. Mais si tu préfères rester seule, je comprendrais très bien. » Son ton est neutre — ni froid, ni sec, juste sans émotions. Le jeune dragon préfère rester réticent, c'est mieux comme ça pour le moment.  

Kalis n'a pas l'habitude de proposer à des gens de manger avec lui , c'est même quelque chose qu'il n'a jamais osé faire .. jusqu'à ce jour, aujourd'hui, ou il se sent tellement seul qu'il n'a plus d'autre envie qu'une épaule sur laquelle se reposer. Cette jeune fille apparue contre le mur à l'opposé du sien, elle même en train de déguster son sandwich peut bien faire l'affaire; peut au moins lui permettre de se sentir moins seul. Bien qu'elle ai l'air étonnée et sceptique, il ignore sa réaction et s'assoit à une distance raisonnable d'elle. « Merci. Moi c'est Kalis. Tu bosses à la zone toi aussi ? »

Au final, la réponse lui importe peu mais s'ils doivent se côtoyer durant la pause déjeuner, le dragon se voit mal ne rien dire du tout.
«Tu m'dis si j'te dérange. Tout ça... Les gens, la compagnie... J'ai pas l'habitude » fait il au bout d'un court moment de silence. Il la dévisage en biais , cherchant à quel groupe elle peut bien appartenir — après tout, beaucoup de gens bossent ici.

Il se rend compte à quel point ça devient triste de voir autant de gens qui déjeunent ou vive en solitaire. Lui a l'habitude, lui ne trouve pas cela particulièrement triste ou autre, chacun à sa personnalité. Mais il fut un temps ou les gens étaient tous unis , et ou ils aimaient être ensemble. Aujourd'hui, chacun se renferme sur lui même, tout le monde est méfiant. On a mal, on a peur, il y a toujours des histoires. Ne voulant pas profiter du silence, il se prend à avoir envie de discuter un peu, pour une fois.

« C'est triste. Tout ça » commente t-il après quelques instants silencieux. « Le silence, la solitude , la guerre. Ne pouvons nous pas simplement nous entraider ? » Bien sûr ce n'est qu'une hypothèse, Kalis se doute parfaitement que le monde actuel ne peut redevenir celui qu'il était avant.