No mercy for the cats
Scénario Jaguar 05 - Jour 2 (matin)

La nuit avait été longue. Sur les rives du lac, la fête s'était étendue jusqu'à très tard et il n'aurait pas été étonnant de trouver là-bas quelques Jaguars cuvant leur alcool. Les restes du bûcher dégageaient toujours une mince colonne de fumée qui s'élevait vers le ciel dans l'aube naissante. C'était un bon moment pour commencer la journée. Privée de sommeil, Noâ avait eu tout le temps de réfléchir et quand une idée était venue pointer son nez dans son esprit, elle n'avait eu aucun scrupule à aller tirer Roxanne du sommeil bien trop tôt. Initialement, il avait été prévu que la matinée soit plus calme pour compenser la dureté de ce premier jour portant les séquelles de la rébellion, mais la Chef s'était ravisée. En réalité, plutôt que d'accorder du repos à ses Membres, elle allait les tirer de leurs lits fissa pour tester leur temps de réaction et bien leur rappeler que le danger avait surgi de nulle part une nuit et qu'il pouvait très bien le refaire. L'attaque d'Abel avait bien prouvé qu'il y avait une faille béante dans leur garde et il était désormais temps de la combler. De façon surprenante. La méthode qui allait être employée était un peu risquée car elle pouvait faire paniquer certains, mais au moins ce serait un réveil efficace.

- On a assez attendu, vas-y, tire.

Obéissante, Roxanne sortit son revolver de son holster et visa le ciel avant de presser sur la détente sans plus d'hésitation. Le coup de feu résonna à la ronde et il n'y eut alors plus qu'à attendre. A quelques mètres de l'entrée du QG, perchée sur une pile de pneus, les bras croisés sur sa poitrine, Noâ attendit donc.

Un tir d'arme à feu. Qui n'avait strictement rien à faire là, un tir qui n'aurait pas dû exister. Un son qui la tira de son rêve trop abstrait.

Son sursaut la fit littéralement tombé en bas de son lit. Déjà empêtrée dans ses couvertures, Raphaëlle rencontra le sol avec dureté et lâcha un gémissement de douleur suivit d'un chapelet d'injures à en faire pâlir ses ancêtres. Sans trop se poser de questions et plus sur un mode automatique que sur celui de la réflexion. Toujours en shorts et en camisole pour dormir, la brunette se débattit durant quelques secondes avant de ramasser un bâton négligemment laisser pour compte sur le plancher. L'attaque avait commencée de la sorte. L'adrénaline parcourue ses veines à toute allure alors qu'elle ouvrait la porte de sa chambre à la volée, cette dernière claqua derrière elle. La ravitailleuse descendit les escaliers deux par deux en s'attachant les cheveux prête à en découdre malgré la trace de ses couvertures encore dans le visage.

Son temps de réaction avait été particulièrement rapide. Sans doute par habitude. Son père avait tendance à les réveiller à n'importe qu'elle heure de la nuit pour les entrainer à être prêt à se défendre à tout moment. Pieds nus, elle déboula devant le QG, l'air agressive malgré ses yeux bouffis de sommeil. Son regard parcourut les alentours à la recherche d'ennemis. Il était hors de question pour elle que d'autre personnes soient blessées ou pire tuées. Pourtant....

....Rien....

Confuse, Raph' se massa les yeux avec ses doigts et son attention tomba finalement sur sa chef et sur Roxanne. Elle trottina jusqu'au deux femmes et d'un air inquiet continua de regarder les environs sur ses gardes. Le mal de tête lancinant lui indiquait qu'elle avait sans doute un peu trop abusé hier pour oublier les morts, pour oublier les blessures et la guerre.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Derrière la féline, d'autre membres sortaient tout aussi confus et prêt à en découdre.

Le vide laissa place à la réalité. Dure, inévitable et bruyante. Un coup de feu venait de résonner aux abords du Qg et une fois sorti de sa torpeur, Dryss resta quelques secondes allongés, les yeux écarquillés et le coeur battant. Des tas d'idées lui traversèrent l'esprit mais l'une d'elles écrasait toutes les autres : une nouvelle attaque? Déjà tremblant, l'ancien se leva d'un bond pour enfiler un t-shirt qu'il aurait dû laver depuis belle lurette. Il mit un certain temps pour retrouver ses saïs et, entendant l'agitation qui grandissait dans les escaliers du QG, sortit à toute vitesse.

Déjà, plusieurs Jaguars se précipitaient vers la porte, partagés entre la peur et la colère. Tous semblaient avoir la même idée en tête : ce coup de feu était certainement le signe d'une nouvelle agression envers le clan. Et après la rébellion qu'ils venaient d'essuyer, c'était intolérable. L'ancien écarquilla les yeux en voyant les inconscients s'avancer un par un vers la grande porte. Mais à quoi pensaient-ils donc?

Ne sortez pas séparément!

Les trois membres l'entendirent et s'arrêtèrent par réflexe, avant de comprendre qu'il avait raison. Apparemment, pas un seul Jaguar n'était encore sorti du QG. Ce coup de feu était peut-être un piège. mieux valait être prudent ... Et pourtant, l'extérieur était étrangement calme.Dryss s'avança pour sortir le premier et hésita quelques secondes au seuil du bâtiment. Il tenta de se rassurer : d'autres membres suivaient et venaient déjà prêter main forte. Le Dragon sortit alors accompagné du petit groupe de jeunes recrues pour s'exposer aux tirs ennemis.

Son pouls s'emballa. Il se baissa par automatisme et leva les yeux. Personne... Enfin pas tout à fait. L'espion se sentit bien bête lorsqu'il se rendit compte qu'il n'y avait en réalité que des Membres à l'extérieur et pas n'importe lesquels. Pas de trace d'un Libre ou d'un rebelle survivant qui aurait été un rien trop revanchard...

Surpris, le Jaguar se redressa pour s'avancer vers Roxanne, Noâ et Raphaëlle, qui semblait aussi sonnée que lui. Son regard interrogeait Noâ. Quelque chose lui disait que son amie devait être derrière tout ça, mais il préféra attendre une explication avant d'émettre toute supposition.

C'était quoi ça...

Son ton trahissait sa nervosité. il venait de se faire une belle frayeur. On lui devait bien quelques explications.

Après la crise d'Alessandra, tu es resté. Même si elle dormait, tu aurais été bien incapable de la lâcher. L'idée d'être tout près d'elle et de pouvoir la protéger en cas de besoin était rassurante et tu te disais que peut-être elle se reposerait mieux si elle n'était pas seule. Le dernier point est principalement une excuse. Tu es celui qui pour le moment à le plus besoin d'être rassuré. En plus c'est la première fois que tu peux librement montrer à quel point tu te soucies d'elle. Tu n'es plus un étranger. Elle connait désormais ton existence. Alors tu profites pleinement de cette première journée passée dans son monde même si les conditions ne sont pas bonnes. Tu la gardes contre toi et tu écoutes sa respiration maintenant paisible jusqu'à ce qu'elle t'entraîne toi aussi dans la somnolence. Ces dernières heures ont été longues et l'alcool dans ton système n'arrange pas ta fatigue. Tu as besoin de repos et tes muscles doivent se détendre en prévision de la suite. Les prochaines heures, les prochains jours même, seront longs eux aussi. Si pas plus longs encore. Un certain temps s'est écoulé quand un coup de feu claque. Il semble fort quand tu sors de ton sommeil en sursaut et pendant un moment tu crois qu'il s'agit du reste d'un rêve. Mais si c'est un rêve, tout le QG le fait car il y a de l'agitation dans les couloirs. Tu baisses les yeux sur le corps toujours dans tes bras et tu constates que rien n'a perturbé le sommeil d'Alessandra. Elle est trop loin pour ça. Un instant tu restes assis sur le lit sans trop savoir quoi faire. Tu ne veux pas la quitter sans défenses mais tu es Membre et il faut que tu agisses. Finalement tu te décales prudemment et tu laisses ta sœur sur le lit. Tu dois savoir ce qu'il se passe. « Je reviens. C'est promis. » Tu ramasses ton poinçon abandonné sur le sol et tu ouvres prudemment la porte. Tu jettes un œil dans le couloir où se bousculent les Membres. Ils sont tout aussi perdus que toi. Certains crient à l'attaque, d'autres semblent plus calmes. Il y a des voix partout. Tout ça ressemble douloureusement à la nuit de la rébellion et tu espères que ce n'est pas une seconde salve qui vient vous cueillir alors que vous êtes tous si fatigué. Tu traverses le hall pieds nus au côté d'autres Jaguars. Les armes sont levées et les oreilles aux aguets. Tu repères Aria et tu vas directement te poster vers elle. « Des gens sont sortis. » « Et ? » « Et rien. » Plus de coups de feu, pas de cris venant de l'extérieur. Peut-être est-ce bon signe ? Des Membres se glissent prudemment dehors et puisqu'ils ne reviennent pas et que ça ne déclenche aucune réaction vous décidez de suivre. Comme toutes les autres personnes avant vous, vous prenez note du calme et de la présence de Noâ et Roxanne. Il ne semble y avoir aucune urgence. Un peu dérouté, tu te tiens avec les autres qui commencent à se masser devant la Chef et sa Seconde. Tu ne sais pas quoi dire donc tu attends simplement.

Le temps passe vraiment lentement. Après le rush d'adrénaline ce calme à l'extérieur est presque trop. Les Membres semblent prendre une éternité à sortir alors que seules les secondes s'écoulent. Et Noâ ne semble pas prête à prendre la parole pour le moment. Elle veut probablement que tout le monde soit là pour le faire. Giovanni arrive à son tour et il se place à tes côtés, bras croisés sur le torse. « Elle a déjà pris la parole ou pas ? » Il parle à voix basse pour rester dans le ton. C'est vrai qu'il ne vaut mieux pas être pris à papoter dans ces conditions. Tu souffles à ton tour en réponse. « Non. Aucune des deux n'a desserré les lèvres depuis qu'on est là. » A côté de toi Aria trépigne un peu. Tu es sûre qu'elle a envie de se retourner pour crier aux autres de se bouger les fesses. C'est vrai que c'est tentant parce qu'il n'y a plus rien à craindre et que vous perdez du temps pour rien mais tu n'es pas sûr que ça ravira Noâ. Donc tant que tu n'en sais pas plus, tu fermes ta gueule. Du coin de l’œil, tu repères Asha. La brunette semble moyennement contente et ça t'arrache malgré toi un sourire. Vu sa tête, tu n'aimerais pas être dans son chemin pour le reste de la journée.

Quand le coup de feu claque, tu sais déjà. Tu as été réveillé par Roxanne il y a quelques minutes sur la demande de Noâ. Elle ne t'a pas expliqué grand chose. Elle t'a juste dit qu'il y allait avoir un tir et pas mal de grabuges dans le quartier général. Pour cette raison, Noâ veut que tu ailles près de Nuka pour t'assurer qu'il ne panique pas. Malgré la fatigue, tu le fais de bon cœur et aussi rapidement que silencieusement. Donc quand on fait feu, tu sursautes légèrement mais tu n'es pas pris de panique comme les autres personnes ici. Nuka était déjà réveillé quand tu es arrivé et tu t'es glissé dans le lit à côté de lui il y a un instant. Tu serres fermement un bras autour de ses épaules. « C'est rien bonhomme. Juste un exercice, tu te souviens ? » Le blondinet avait déjà prouvé hier qu'il pouvait être assez solide mais il ne fallait pas trop tirer sur la corde. Sur la tienne non plus. Ça t'arrange de ne pas avoir été réveillé en sursaut, tu dois bien l'avouer. Tu es aussi soulagé que Noâ ait pensé au confort de son fils au milieu de tout ça. Ce genre d'initiative était rare et donc d'autant plus appréciée. « Ça va vite se calmer et après tu pourras te rendormir. »

Un coup de feu. Voilà ce qui me réveille en sursaut. Après la nuit de la rébellion, je m’étais promis d’être extrêmement vigilante mais il faut croire que ma résolution n’a pas tenu bien longtemps face à la fête des adieux et la fête de la victoire. L’alcool, c’était mon ami, après tout. Je ne pouvais m’empêcher de voir, surtout lorsqu’on m’y invitait si généreusement. L’invitation ? Il s’appelle Nate. Il est mignon. D’ailleurs, c’est dans son lit que j’ai passé la nuit. J’ai, une fois de plus, découché. Je n’ai jamais pu refuser une telle invitation et pour tout dire, j’avais eu besoin de me changer les idées après de tels évènements. Il s’est réveillé, lui aussi, en sursaut et l’espace de trois secondes, on se fixe, un peu ahuris, avant de se lever dans un bond, l’adrénaline, sans aucun doute. Je n’ai pas franchement mal à la tête ; je crois que mon corps s’est habitué à ce rythme de sommeil relativement restreint. De son côté, il a un poil plus de mal mais rien de bien méchant. En effet, nous fûmes prêts en même temps. D’un signe de la main, je lui fis signe de me suivre, le plus discrètement possible. De mon côté, je tiens mon couteau dans la main droite, bras le long de mon corps, pour ne pas trop attirer les regards dessus. Nous avancions à pas de velours ; nous ne sommes pas des félins pour rien. J’ai bien quelques appréhensions, me demandant notamment où est Grey et espérant secrètement qu’il ne lui arrivera rien.

Lorsque nous arrivâmes, nous découvrîmes Roxanne, Noâ, mais aussi Raphaëlle, Dryss, Kahlan, Giovanni et finalement Asha. Je compris rapidement que tout cela n’était qu’une scène. Aucun cri, aucune agitation et finalement toutes ces têtes stoïques, ça n’annonçait rien de mauvais. Alors, je soupirai, rassurée, quelque part qu’il n’y ait aucune nouvelle attaque. Je supposais que Noâ avait une idée derrière la tête mais quoi ? Je m’approchai alors d’Asha qui semblait, elle, râler. Pas franchement du matin, surtout si elle s’était bien amusée la veille. « Alors ? C’est quoi l’idée ? », lui glissais-je tout simplement, sans plus. En fait, je crois bien que j’étais un peu excitée. Je voulais savoir ce qui nous attendait. De son côté, Nate, était parti se poser un peu plus loin, n’osant sûrement pas aller à côté de la demoiselle qu’il n’était pas bon de côtoyer quand elle était d’humeur aussi funeste. Elle n'était jamais facile dans ces cas-là. Je l'admettais volontiers. Moi, je savais comment jongler avec ses humeurs, là était la différence.

Contrairement à beaucoup, je ne m’étais pas éternisée la veille. Certes, j’avais bu de l’alcool, un peu, pour me changer les idées et pour noyer mes mauvaises pensées concernant la rébellion et les horreurs qui me revenaient tel des fantômes d’une ancienne vie, mais je ne l’avais pas fait longue pour autant. J’avais besoin de rattraper du sommeil. J’avais besoin de dormir. Ou, au moins, de m’allonger et me reposer physiquement. Je voulais passer au plus vite cette mauvaise expérience. Je ne voulais plus être instable plus longtemps. Pour ça, il fallait y aller petit à petit. Je le savais pertinemment. Ce n’était pas gagné, je le savais également. Alors, il fallait au moins me forcer à avoir un minimum d’hygiène de vie et c’était encore la meilleure solution. De toute façon, qui souhaiterait faire la fête avec une fille complètement dingue ? Je vous le demande. Quant à Logan, je n’avais nullement l’envie de l’embêter avec tout ça. J’avais bien constaté les conséquences sur Dryss. Il avait perdu pieds en me voyant dans un tel état. Mon but n’était pas d’inquiéter les autres ; je désirais simplement faire le pas, dépasser ces horreurs et me montrer digne de confiance. C’était pour toutes ces raisons que j’étais vite allée m’enfermer dans ma chambre, scrutant le plafond pendant ce qui me semblait être une éternité avant de m’offrir un moment de répit, mon corps relâchant complètement la pression.

Je me réveillai suite à un coup de feu. Ma première réaction, sans surprise, fut la tétanie. Mes détracteurs étaient pourtant morts. Le dernier pas plus tard que la veille. Le temps que mon cerveau ordonne à mon cœur de se calmer, je me relevai et je repris tout doucement mon souffle. Ce qui expliqua sans doute mon retard par rapport aux autres. Cela dit, je refusais de me pardonner aussi facilement. Malgré tous les coups durs, je devais être forte. Je devais apprendre à combattre cette voix et me relever coûte que coûte. Ce que je fis au bout de quelques minutes, enfilant rapidement un pantalon, un t-shirt ample et je fonçai, mon couteau dans ma main droite. J’avançai discrètement, tentant de faire le moins de bruit possible. J’arrivai à l’extérieur et vit un petit groupe qui était déjà bien planté. Je compris que j’étais loin d’être la première et râlai, pestant un bon coup avant de me poser près de Roxanne. Pas un mot, juste un regard. Un regard honteux. Sur mon corps, on pouvait encore voir les marques de la veille, marque que je m’étais infligée, seule. Désormais, j’attendais, comme les autres, en silence.

Le quartier général jusqu'alors calme n'avait pas tardé à bouillonner d'activité. Les sentinelles habituellement postées aux alentours des portes s'étaient placées au côté de leur Chef en attendant la suite, le reste des personnes travaillant déjà à l'intérieur, ayant été mises au courant, continuaient de s'affaire dans les niveaux inférieurs. Les seuls à réagir seraient donc les Membres encore endormis qui désormais ne l'étaient plus. Deux positions purent être observés. Il y avait ceux qui avaient courus directement à l'extérieur et ceux qui, plus prudents, avaient attendus les prochains tirs ou des signes de lutte avant de s'aventurer dehors. Et bien sûr, il y avait les retardataires, certains nonchalants ayant poussé le vice jusqu'à sortir en se frottant les yeux. Pendant tout ce temps, Noâ n'avait pas desserré les lèvres. Elle avait observé calmement les mouvements de ses Membres, notant les problèmes à régler. On avait bien tenté de lui parler, de lui poser des questions, mais elle était restée muette, la position rigide, à attendre que tout le monde soit là. Elle ne tenait pas à avoir à se répéter. Les émotions chez les Jaguars étaient nombreuses, un panel large qui deviendrait probablement plus large encore quand elle parlerait. Quand le groupe fut suffisamment grand à son goût, elle se racla la gorge pour attirer inutilement l'attention et provoquer le silence.

- Je suppose que vous vous en doutez désormais, mais ceci n'était qu'un exercice. J'ai profité des festivités de cette nuit pour tester vos réactions dans les conditions les plus difficiles possibles. Ce n'est pas un reproche, la plupart d'entre vous ont eu une attitude parfaitement acceptable au banquet, mais plus un rappel. Le danger peut survenir à tout moment et même si on s'amuse, il faut savoir être prêt à l'affronter. Tout comme il faut savoir assumer la vie quotidienne. Nous avons honorés nos morts, maintenant nous allons faire en sorte de ne pas les rejoindre tout de suite.
- Nous allons commencés la journée avec un entraînement qui devrait vous permettre d'évacuer l'alcool. Course jusqu'au lac, puis quelques exercices aquatiques.

Noâ avait laissé le soin à sa Seconde de préparer le programme d'entraînement non par fainéantise, mais bien car elle savait que Roxanne aurait bien moins pitié des âmes encore bourrées dans l'assistance. Même si elle devait les faire vomir tout le long du chemin, elle le ferait. Sautant de sa pile de pneus, elle fourra les mains dans ses poches et balaya l'assemblée du regard jusqu'à trouver Asha.

- Ceux qui n'ont pas de chaussures ont trente secondes - et attention, c'est Roxanne qui compte - pour aller en chercher avant qu'on ne se mette en route.

Un sourire malicieux joua une seconde sur ses lèvres avant qu'elle n'ajoute en fixant la jeune fille visiblement grincheuse ce matin.

- Asha ?

Un test. S'était un test. La jeune femme gonfla les joues et se massa de nouveau les paupières de son pouce et son index avant de relâcher l'air qu'elle avait dans la bouche. Elle n'avait aucune idée de qui venait l'idée entre les deux femmes devant elle, mais s'en foutait éperdument. La slave se tourna vers l'arrière pour observer les autres avant de reporter son attention sur Noâ. Bon, elle n'allait tout de même pas les contredire, mais...

- Oh putain...

Fût la seule chose qu'elle pu ajouter après les explications. Trente secondes pour aller chercher des chaussures ? Bon. Sitôt la phrase terminée, Raph entra dans le QG en courant de plus belle, remonta les marches deux par deux et fini par débouler dans sa chambres, sauta dans ses souliers et redescendit fissa rejoindre le groupe dehors. Durant une fraction de secondes, la brunette se demanda si quelqu'un remarquerait qu'elle n'était pas redescendue... Et se douta que Roxanne ne manquerait pas d'avoir mémorisé tout les visages présents et surtout ceux absents pour le leur faire payer plus tard. N'ayant pas prit la peine de se changer, la féline prit au moins le temps d'attacher ses cheveux en se dirigeant vers un visage connu. Alice se tenait là, le visage honteux.

Les yeux bleus de la ravitailleuse eurent tôt fait de repérer les marques encore fraîche et elle eu un pincement au cœur pour son amie. La brune trottina jusqu'au côté de l'autre femme et lui offrit un sourire encore endormi.

- Hey...

Sans rien dire de plus, parce que vraiment on ne pouvait pas dire quelque chose dans ce genre de situation elle pressa l'épaule de sa compagne et resta près d'elle épaules contre épaules pour démontrer un soutient silencieux. Elle savait qu'elle était sortie précipitamment, la peur au ventre, au point d'en oublier de prendre son arme, mais, au moins avait-elle prit un bâton, c'était peu, mais ça pouvait toujours défoncé un crâne au besoin. Elle jeta le morceau de bois dans le tas de pneus avant de reprendre un air bougon et croisa les bras. Rester couché aurait été bien plus agréable.

Maintenant, il fallait suivre le train de course que Roxanne exigeait. Raphaëlle prit la main d'Alice pour lui donner un élan et resta à sa hauteur en courant.

Finalement, Asha avait raison. Ce serait sans doute une journée de merde.

Les gens continuent à arriver et tu les scrutes du coin de l’œil sans pour autant trop perdre Noâ du regard. Tu as du mal à envisager une situation de crise car elle est trop calme. Elle vous observe juste et tout ça, ça te donne plus la sensation d'être dans un test. Les derniers à venir semblent être ceux qui sont les plus atteints par la fête d'hier et tu ne peux pas t'empêcher de sourire avec un fond de fierté parce que au moins tu sais tenir ta liqueur. « Je suppose que vous vous en doutez désormais, mais ceci n'était qu'un exercice. J'ai profité des festivités de cette nuit pour tester vos réactions dans les conditions les plus difficiles possibles. Ce n'est pas un reproche, la plupart d'entre vous ont eu une attitude parfaitement acceptable au banquet, mais plus un rappel. Le danger peut survenir à tout moment et même si on s'amuse, il faut savoir être prêt à l'affronter. Tout comme il faut savoir assumer la vie quotidienne. Nous avons honorés nos morts, maintenant nous allons faire en sorte de ne pas les rejoindre tout de suite. » Tu avales le tout sans grande surprise. Ouais le test était logique. On vous remet à votre place pour éviter que quelque chose comme la rébellion se reproduise. C'est un peu tôt à tes yeux parce que comment l'oublier quand ça date de la veille mais tu vas pas critiquer. Ce n'est pas ta place. Et puis voir que le clan se bouge est rassurant. « Nous allons commencés la journée avec un entraînement qui devrait vous permettre d'évacuer l'alcool. Course jusqu'au lac, puis quelques exercices aquatiques. » Roxanne se présente comme votre entraîneur du jour et ça te fait un peu grimacer. Merde, vous n'avez vraiment pas hérité de la personne la plus tendre. Courir jusqu'au lac c'est déjà pas mal vu la distance mais si en plus vous devez barboter... « On va déguster... » « Ouais. En plus Roxanne... C'est de la cruauté à ce point là. » Tu souffles en ricanant un peu. Vraiment tu l'aimes bien Roxanne mais aujourd'hui tu as comme l'impression que tu vas beaucoup l'insulter mentalement. « Ceux qui n'ont pas de chaussures ont trente secondes - et attention, c'est Roxanne qui compte - pour aller en chercher avant qu'on ne se mette en route. Asha ? » Tu es sacrément content d'avoir tes pompes aux pieds. Ce serait le bon moment pour aller jeter un coup d’œil à Alessandra mais tu abandonnes parce qu'il vaut mieux que tu conserves tes forces pour la suite. « J'crois qu'on vient de louper une inside joke. » Tu te grattes le menton avec curiosité. Il faudra que tu interroges Asha à propos de cette histoire de chaussures plus tard, il y a sûrement quelque chose de marrant en-dessous. « Y en a un qui va rendre ses tripes en chemin... » Tu suis le regard de Giovanni et là tu tombes sur un Syd qui vraiment à une sale tête. Déjà la nuit n'a pas dû l'aider mais en plus il a l'air d'avoir eu un accident sur le chemin de sa chambre. « J'allais proposer qu'on court le plus loin possible de lui mais vu sa tête on aura même pas besoin de faire exprès. S'il arrive au lac sans tomber dans les pommes ce sera miraculeux. » Aria grommèle quelque chose dans sa barbe et tu te penches vers elle, lui demandant ce qu'il se passe d'un regard. Elle reprends alors, un peu plus fort mais seulement de façon à ce que Giovanni et toi vous entendiez. « J'espère que la Chef va pas nous sortir un couplet sur l'entraide. Genre on recommence tous si jamais certains traînent trop et qu'on ne les aide pas. » C'est vrai qu'elle pourrait. En temps normal ça te dérangerait pas mais là tu n'as vraiment pas envie de traîner quelqu'un pendant qu'il te vomit dessus. Un peu de pitié quand même.

Les trente secondes s'étirèrent un peu alors que de nouvelles personnes commençaient à apparaître, bien moins fraîches que les autres. Il y avait eu quelques oublis de chaussures, mais dans l'ensemble les Membres étaient prêts. Même Asha qui fit un excès de zèle en se mettant déjà en route. Raphaëlle aussi courait, tirant Alice à sa suite. Les limites de la patience de Roxanne furent ainsi atteintes et elle commença à trottiner à reculons, scrutant les Jaguars avec un petit quelque chose de féroce dans les yeux.

- Allez les gars, on s'y met. Go, go, go.

Le groupe se mit ainsi en route et Noâ, bonne pâte, décida de rester un peu en arrière pour s'assurer que les trainards n'abusaient pas, mais surtout que ceux qui cuvaient encore ne faisaient pas un malaise sur le bas-côté. Elle se retrouva ainsi à houspiller un peu Syd tout en étant pas prête de le laisser tout seul avec son nez qui saignait. Elle pressa légèrement son épaule et le poussa à se mettre en route.

- On se bouge, mon grand, c'est juste un mauvais moment à passer. Une fois que tu seras dans le rythme, ça ira mieux.

Elle n'en était pas vraiment certaine vu l'état de Syd, mais il valait mieux rester optimiste. Et avoir l’œil bien ouvert pour éviter de se faire vomir dessus...

Se réveiller dans une chambre étrangère avait été bizarre et angoissant. Lorsqu'il avait senti la caresse légère dans ses cheveux et qu'il avait constaté qu'il ne connaissait rien autour de lui, Nuka avait senti son cœur partir dans une folle cavalcade, mais Noâ avait glissé ses bras autour de lui et l'avait rassuré. Alors il s'était souvenu. Il avait atterrit ici au beau milieu de la nuit, conduit par Lane qui avait eu mal au cœur de le voir si mal et l'avait emmené dans la chambre de la Chef. Il s'y trouvait toujours, bien emmitouflé dans les couvertures quand sa mère était partie après lui avoir expliqué que Ezekiel allait venir pour lui tenir compagnie. Elle lui avait parlé d'un entraînement et du fait qu'il allait y avoir beaucoup de bruit, mais il n'avait pas réellement enregistré. Quand on frappa à la porte, il gela un instant, mais ce n'était que Zeke qui prit rapidement place à ses côtés et le serra contre lui. Nuka avait voulu faire le fier, il était grand après tout, mais trop vite il avait fondu dans ce contact rassurant. Quand le coup de feu claqua, il sursauta et enfouit son visage dans la poitrine de Zeke, les souvenirs de la veille encore trop présent dans son esprit. Le bruit et l'agitation faisaient revenir ce moment où l'acolyte d'Abel l'avait attrapé et l'avait ramené au QG. Il se souvenait du coup aussi et de tous ces corps.

- Pourquoi ils font ça ?

Il ne comprenait vraiment pas le raisonnement derrière cet exercice. Pour lui, c'était juste une façon de remuer le couteau dans la plaie.

Comme toujours, j’avais retrouvé une Asha de mauvais poil. Elle n’était pas franchement très matinale et je suppose que le coup de l’alarme l’avait mise en alerte et l’avoir été pour rien devait l’énerver au plus haut point. Je n’aimais pas trop non plus ce genre d’astuces qui pourtant avaient une légitimité à entendre le speech de Noâ. Je pouvais aisément comprendre la raison qui l’avait poussé à nous faire réagir de la sorte. Et j’étais suffisamment fraîche que pour ne pas pester à ce sujet, pas ouvertement en tout cas. Et si le point de vue d’Asha se défendait sans problème, je savais parfaitement que râler n’arrangerait absolument rien. Au contraire, elle risquerait d’être encore plus visée. Je n’étais pour autant pas le genre à ennuyer les autres avec des sermons de bon matin, surtout pas une Asha aussi agressive. Alors, je laissai couler, préférant rigoler à sa blague stupide au sujet d’Anton. Certes, j’appréciais énormément le garçon, il faisait partie de cette famille que nous avions formée avec Yulia et Grey, notamment, Thiago n’ayant pas brillé ces temps-ci pour que je ne veuille lui parler, mais je ne pouvais pas forcer l’autre Membre à en faire autant. Ils étaient bien trop différents et ne faisaient que se prendre le chou depuis qu’elle était devenue Membre. « Un jour, il faudra vous enfermer dans la même pièce pour s’amuser. Je me demande lequel des deux achèverait l’autre en premier, tiens. » Une idée stupide mais j’espérais réveiller la Asha plus amusante que celle qui râle dans son coin. Ce n’était pas gagné d’avance, cela dit.

Je n’attendis pas Asha pour courir. J’avais tout ce qu’il me fallait aux pieds. De toute façon, elle était assez grande pour se débrouiller et je savais qu’elle parviendrait à me rattraper, tôt ou tard. Il ne fallait pas que mon entrain retombe comme un soufflé alors que j’étais motivée malgré la supercherie proposée par notre Chef. Je courais à un rythme soutenu, l’alcool de la veille ne me posant aucun problème. J’étais habituée à force. Je pouvais aisément remercier Yulia qui m’avait entraîné dans ce groupe. Bon, c’était sûrement déjà dans ma nature, je n’aurais pas eu besoin d’eux pour commencer à boire mais ça avait pas mal joué. J’espérais ainsi ne pas me faire remarquer. Si ce n’est, éventuellement, positivement. C’était une occasion de plus de faire mes preuves. Une occasion de plus pour prouver ma détermination et mon acharnement. La remarque d’Asha me fit rire à plein poumons. Je craignais très franchement pour la vie du pauvre qui vomirait sur elle. Elle ne rigolait jamais. Au contraire, elle était drôlement sérieuse quand elle profanait des menaces. « Si vous tenez à votre vie, faites gaffe, elle est toujours sérieuse. » Ce n’était pas nécessaire mais vu qu’elle l’avait crié assez fort, autant faire participer tout le monde officiellement. N’est-ce pas ? « Je serais toi, j’éviterais Syd. » C’était lui qui poserait sans doute le plus de problème à ce niveau-là, en tout cas.

Noâ finit par parler. Elle nous expliqua à quoi tout cela rimait. Un test, donc ? Une fausse alerte ? Un jeu bien cruel. Heureusement que je n’avais pas abusé de la boisson la veille, durant le fameux banquet. Je l’aurais regretté, moi qui ne bois pour ainsi dire jamais. Cela ne m’empêcha pas pour autant d’être épuisée. Une très mauvaise nuit avait précédé cette alarme et il fallait se rendre à l’évidence, je n’étais pas au mieux de ma forme. Je baillais, mes yeux piquaient, sûrement à cause de quelques larmes encore que j’avais pourtant cherché à enfuir. Je ne voulais pas non plus me trouver d’excuse bien ficelée, surtout si je voulais être traitée de la même façon que les autres Membres. Je refusais qu’on s’apitoie sur mon sort alors il fallait que je morde sur ma chique. C’était la meilleure et, au final, l’unique solution. Je ne voulais surtout pas décevoir Roxanne. Elle ne risquait pas de me tomber dessus, pas pour une fois, mais c’était plus fort que moi. Alors pendant leurs explications, que j’écoutais attentivement, une main vint se déposer sur mon épaule. Je me tournai vers la personne qui venait de me lancer, par la même occasion, un « Hey » gentil mais soudain. « Raphaëlle. Salut. » Je lui souris, un petit sourire qui n’avait rien de sa splendeur habituelle. Un sourire forcé parce que je ne voulais inquiéter personne. « Tu es aussi endormie que moi, apparemment. » C’était le meilleur moyen de faire passer sa propre fatigue pour ce qu’elle n’était pas. Autant noyer le poisson dans l’eau.

Quand le signal fut donné, je n’attendis pas pour courir. J’y allais doucement mais sûrement. Je cherchais à ne pas être la dernière mais j’étais loin d’être la première. Je m’efforçais de garder un rythme constant pour ne pas claquer au bout de plusieurs mètres. J’étais discrète et presque effacée mais ce n’était pas un problème. Pour courir, il n’y avait pas besoin d’être accompagnée. Et parler n’aide clairement pas dans ce genre de cas. J’avais la chance de ne rien risquer avec Asha puisque je n’avais aucune raison de vomir. Alors, j’évitais d’écouter ses menaces.

La dynamique imposée par Roxanne était martiale et sans pitié. Elle s'était vite mise à courir pour rattraper les premiers, mais très vite, en voyant les différences de vitesse, elle avait commencé à faire des allers-retours dans le cordon pour houspiller les traînards. Toute personne semblant un peu trop relax recevait son commentaire et son invitation à appuyer sur le champignon. Ce n'était ici que l'échauffement, mais il n'était quand même pas question de traîner inutilement. Assez naturellement, elle prit une seconde au côté de sa recrue qui semblait aujourd'hui plus calme qu'à l'accoutumée. Cela pouvait aussi bien être son sérieux dans l'entraînement, mais la Seconde se sentait un peu plus impliquée qu'avec les autres au vu de leur lien.

- Essaye de mettre un tout petit peu plus de vitesse tout en gardant la cadence. C'est un bon entraînement pour une Messagère, il faut travailler ton endurance en augmentant progressivement ta vitesse.

Elle lui donna juste une petite tape dans le dos avant de passer à quelqu'un d'autre, criant des paroles motivantes à tout le groupe dès qu'une occasion se présentait.

Noâ, quand à elle, était toujours en queue de peloton. Courir n'était vraiment pas bien difficile au vu de la joyeuse bande de mal réveillés qui l'entourait, mais elle n'avait pas le cœur de les houspiller pour le moment. Cette partie là viendrait après, quand elle serait bien à l'abri sur les berges et eux dans l'eau. Était-elle lâche pour cette pensée ? Non, juste soucieuse de ne pas sentir le vomi pour le reste de la journée. L'avantage de cette position était par contre qu'elle assistait à des situations particulièrement drôles. Elle était sobre maintenant, elle pouvait donc sans vergogne se moquer de Syd qui manquait de s'étaler et faisait le pitre comme une sorte de funambule sur la terre ferme. Sa déclaration la fit clairement rire et elle se retient de justesse de lui bourrer dedans par principe.

- Merde, tu viens de me démasquer. Et dire que j'avais ce plan pour me débarrasser de mes Jaguars... Il était parfait pourtant. On aurait pensé que Roxanne était la coupable vu que, moi, je suis la gentille Chef qui accompagne ses petits dans la douleur.

C'était con, mais ce matin, elle se sentait plutôt de bonne humeur. C'était étrange après ce qu'elle avait vécu et ça ne durerait probablement pas, mais cet entraînement lui faisait du bien après ces dernières nuits chaotiques et l'énorme journée qui s'annonçait.

L'arrivée au lac se fit bien plus tard, difficilement, et assez miraculeusement quand on y réfléchissait. Roxanne s'arrêta la première sur la berge et se tourna face au groupe qui grossissait. Elle n'attendit pas les derniers, il faudrait qu'il se fonde dans le tout au moment de leur arrivée.

- Trente secondes de pause, puis on enchaine avec les étirements.