You're like a fucking unicorn (PV Violette)
Jour 12 (matinée)

La loi de la vexation universelle. C'était un principe que Thalia avait appris à connaître au cours de ses vingt années de vie. Elle était même devenue intime avec cette règle immuable au fil de son expérience en tant que spécialiste espionne. L'exemple le plus flagrant était que c'était toujours lorsque l'on cessait de chercher quelque chose qu'il apparaissait. Pour Thalia, il s'agissait ici de la frustration ultime. Un fait insupportable qui lui donnait des envies d'explosion. Comment rester de marbre lorsque l'on se tuait à chercher une réponse qui finissait par se présenter d'elle-même ?

Ceci pouvait expliquer sa réaction quand elle repéra Violette marchant lentement vers les frontières dragonnes. Une petite mise en contexte était néanmoins nécessaire.

Deux jours plus tôt, Thalia s'était vue confier une mission bien curieuse. Trouver Violette. Au départ, elle avait cru à une sorte de test ou d'entraînement, mais Commander semblait parfaitement sérieuse et le fait qu'on lui demande à elle de faire des recherches n'était pas si étonnant. Les premiers numéros n'étaient pas disponibles et elle avait été plus d'une fois la baby-sitter de la numéro un au cours de ces dernières semaines. Baby-sitter n'était pas vraiment flatteur, mais c'était comme ça qu'elle avait compris la chose lorsqu'on l'avait envoyée en mission avec Violette. Bien sûr, elle avait eu de bonnes opportunités, mais l'ensemble avait un goût un peu amer dans sa bouche. Ce n'était pas vraiment pour ses capacités qu'on l'avait choisie, mais pour son étonnante aptitude à garder la fine lame en ligne. Pas sa plus grande fierté en somme. Mais Thalia étant une dragonne obéissante, elle avait fait ce qu'on attendait d'elle. Et cette fois encore, elle obéirait en se mettant en quête de cette numéro un perdue. Parce que la discrétion ne connaissait pas vraiment Violette, elle avait cru que l'opération serait facile. Elle n'aurait sûrement pas pu plus se tromper... Violette s'était comme volatilisée. A peine aperçue un jour, le lendemain, elle avait disparue et Thalia se retrouva face à deux jours de vide impossible à combler. La chute de la grêle l'avait forcée à arrêter ses recherches pour un temps, mais elle n'avait pas cessée de réfléchir et, peu à peu, une certitude s'était imposée dans son esprit. Si Violette n'était pas là, c'était probablement qu'on retrouverait bientôt quelque part son cadavre. La mort était la seule chose pouvant expliquer l'absence de ce bulldozer. Quand elle avait une idée en tête, rien ne pouvait la retenir à part une balle logée entre les deux yeux. L'évidence était donc là pour Thalia. (Ô pourtant elle espérait bien se tromper - pour sa plus grande frustration - car elle avait appris à se soucier de Violette.)

Donc, Thalia l'avait aperçue au loin. Violette s'était présentée comme elle avait disparu, comme une apparition. Un instant, la blonde remplissait un seau de glace, l'autre, elle se redressait pour essuyer son front couvert de sueur et remarquait la brune. Au départ, elle avait clairement pensé à une hallucination car il n'était pas concevable que Violette soit là, réapparaissant au moment où Thalia voulait cesser de la chercher, mais elle avait vite dû se rendre à l'évidence. C'était bien Violette même si elle ne semblait être que l'ombre d'elle-même.

— Tu te fous de moi ? Violette des dragons du nord nous honores enfin de sa présence. cracha-t-elle d'un ton moqueur.

Thalia n'était pas très au clair avec ce qu'elle ressentait en ce moment. Une part d'elle n'en revenait pas. Une autre était plutôt soulagée. Une autre s'inquiétait encore. Et, bien sûr, elle avait la furieuse envie de faire cracher du sang à cette fille qui avait l'audace de revenir comme ça. Chose qu'elle ne ferait pas. Il ne fallait pas déconner, Thalia n'était ni conne, ni brave assez que pour offrir une raison à Violette de la mettre en pièces.

— Je me casse en deux pour te retrouver et, toi, tu reviens les mains dans les poches ? C'est pas comme ça que je vais monter dans le classement.

Être furieuse et égoïste, c'était tellement Thalia.

Son sac de grêlons depuis longtemps oublié sur le sol, elle combla finalement la distance avec Violette et la détailla d'un regard critique. Cet état ne ressemblait vraiment pas à la fine lame. Elle serra les dents, plus affectée qu'elle ne voulait bien l'avouer par la faiblesse qui lui crevait les yeux.

— Je sais pas ce qui t'est arrivé, mais ça m'a tout l'air d'être une excuse sacrément convaincante pour expliquer ton absence. Je te crois si tu me dis qu'un immeuble t'est tombé sur la gueule.

Thalia ne savait pas vraiment comment être gentille. Elle savait encore moins comment montrer aux autres ce qu'elle ressentait. Avec une fille comme Violette, c'était encore plus compliqué car elle n'était pas plus douée dans le domaine et qu'elle se vexait pour un rien. Après une hésitation, elle s'approcha encore et désigna son épaule avec une pointe de malaise.

— Du coup, tu comprendras que je te propose une épaule pour marcher. Pour autant que de t'avoir retrouvée, je préférerais te ramener entière, tu comprends. Et t'avise pas de me frapper pour ça, c'est aussi gênant pour toi que pour moi. Les gens vont croire que je suis sympa. Comme mon frère.

La plaisanterie était acide dans sa bouche, mais c'était un moindre mal pour arriver à ses fins. Et puis, Thalia était désespérée, ça méritait bien qu'on lui donne un peu de leste.

You're like a fucking unicorn
Année 41 - saison tempérée 1 (matinée 12)

Tu as gravement surestimée ta capacité à rentrer seule sur le territoire des Dragons. Yulia t'avait accompagnée pendant un petit moment mais l'instant des adieux était venu à la fois trop rapidement et trop lentement. Tu ne voulais pas que ça s'arrête, tu ne voulais pas la quitter mais d'un autre côté il devenait urgent de couper la corde. Attendre était devenu une torture. Vous vous étiez donc séparées à mi-chemin, chacune rejoignant les siens. Tu n'avais pas fait quinze mètres avant de t'affaler contre un mur pour prendre une pause. Tu avais eu besoin de récupérer, d'expulser les dernières larmes aussi. Tu t'étais ensuite remise en route en serrant les dents. La douleur qui irradiait de ta cuisse à chaque pas était une vrai torture et la fatigue encore trop présente te rendait lente. Tu te sentais beaucoup trop exposée. Heureusement tout le monde était bien trop occupé par le ramassage pour vraiment s'occuper de toi. C'était l'avantage de rentrer durant une journée de cesser-le-feu.

Après de trop nombreuses pauses, les frontières apparaissent enfin. Elles sont lointaines et après il faudra encore traverser le territoire, une idée qui te fait perdre ta motivation. Jamais tu ne vas y arriver. Mais tu le dois. Tu ne peux pas t'écrouler ici comme une moins que rien. Avec le retour à proximité des Dragons, c'est ta fierté qui reprends sa place. Tu ne peux compter que sur elle pour tenir le coup après ce qu'il s'est passé ces derniers jours. « Tu te fous de moi ? Violette des dragons du nord nous honores enfin de sa présence. » La voix te surprends mais pas les mots. Tu ne t'es pas attendue à un comité d'accueil, bien au contraire. Tu sais que tu vas en baver encore plus à partir de maintenant. Ils vont te faire payer ton comportement, probablement t'utiliser comme exemple. Tu préfères ne pas trop penser à la punition. Au fond tu as bien trop peur qu'on ne t'impose la punition ultime : être dégradée. Tu ne prends pas la peine de répondre à la provocation de Thalia. Tu le mérites bien et tu n'as pas l'énergie de venir avec une remarque cinglante. A la place tu lui lances juste un regard qui témoigne de ta fatigue. Elle t'a déjà vu au pire à la mort de Chad, ce n'est pas plus mal que ce soit elle qui te trouve. « Je me casse en deux pour te retrouver et, toi, tu reviens les mains dans les poches ? C'est pas comme ça que je vais monter dans le classement. » Tu grimaces. L'idée qu'on ait pu te chercher ne te réjouit pas vraiment. Plus tu as causé de soucis plus ça va se retourner contre toi. Tu ne devrais pas être étonnée pourtant, Jayden t'avait plus ou moins prévenue. Mais l'opportunisme de Thalia étire un brin tes lèvres. « Comme si j'allais t'aider pour ça. » Elle est quoi ? Sixième ? Cinquième ? Un élément lambda en somme. Si elle n'est pas capable de décoller par elle-même c'est son problème. Mais tu plaisantais presque en disant ça. Trop vite, tu recommences à te sentir mal à l'aise sous les yeux de Thalia. Elle est trop insistante lorsqu'il s'agit de te détailler et ça te rend trop consciente de ton état. « Je sais pas ce qui t'est arrivé, mais ça m'a tout l'air d'être une excuse sacrément convaincante pour expliquer ton absence. Je te crois si tu me dis qu'un immeuble t'est tombé sur la gueule. » « Quelque chose comme ça. » Oui un immeuble de sentiments de dix étages qui t'a écrasée sans ménagement. Quand elle entre dans ton espace vital, tu sursautes. Tu n'es pas vraiment habituée à ce qu'elle t'approche comme ça. « Du coup, tu comprendras que je te propose une épaule pour marcher. Pour autant que de t'avoir retrouvée, je préférerais te ramener entière, tu comprends. » « J'ai cru que tu allais me faire un câlin. » Encore une vanne pour te ménager le temps de réfléchir. Tu sais que tu dois accepter. Tu n'as pas le choix si tu veux avancer et moins tu resteras ici, moins de gens te verront. « Et t'avise pas de me frapper pour ça, c'est aussi gênant pour toi que pour moi. Les gens vont croire que je suis sympa. Comme mon frère. » Tu acceptes d'un hochement de tête avant de passer ton bras autour de ses épaules. Presque instantanément tu te retrouves à te laisser peser lourdement sur elle parce que tes jambes ont visiblement jugées que le moment était idéal pour faire un break. « T'inquiète on a déjà établis que c'était lui le gentil de l'histoire. » Pas que Thalia est vraiment méchante. Elle est juste... Thalia.