My mind is a mess.

Ses pieds firent craquer le plancher de sa chambre alors qu'elle dansait en chantonant. Elle avait du mal à tenir en place. N'y tenant plus, elle ouvrit la porte de la pièce et la referma avant de parcourir le couloir pour rejoindre une autre chambre. Son poing cogna contre le battant avec détermination et sans vraiment attendre de réponse elle ouvrit la porte en coup de vent.

- ELLA. Il faut que je te parle. Être important. Et surtout... J'ai besoin d'un avis... Qui.. Euhm.. Pas être à moi.

La slave s'était arrêtée dans son élan cherchant ses mots, incapable de formuler sa penser dans une langue qui n'était pas la sienne de naissance. C'était plutôt ardu, puisqu'elle avait du mal à contenir son émotion. Elle regarda sa compère et se laissa tomber sur le plancher de la chambre avant de soupirer lourdement.

- Je ne pensais pas me retrouver dans une situation comme ça un jour. Je suis incapable de tenir en place. Je suis devenue bizarre. Enfin plus que être déjà.

Non, elle ne lui demanda pas si elle l'avait dérangée d'une quelconque façon et non elle n'avait pas prit la peine d'attendre une réponse avant d'entrer. Parce qu'Elle ne le faisait pas non plus. Parce qu'elles agissaient ainsi lorsqu'elles étaient ensemble. Une drôle d'amitié qui satisfaisait tout le monde. Découragée, la Ravitailleuse leva une mine piteuse vers son amie en quête de réconfort où du moins d'un encouragement. Parce que dans sa tête tout allait bien trop vite et tout était tellement confuse que plus rien n'avait de sens.

En aucuns moments elle ne se rendit compte qu'en fait, cette fameuse situation qui la rendait toute chose, elle n'en avait déjà parlé à sa compagne et ensuite... Raph' n'avait même pas prit la peine d'expliquer ce qui se passait. Dans sa tête... Après y avoir pensé si souvent, il était évident qu'elle parlait de Nath'... Mais pour quelqu'un qui n'était pas dans sa tête, soit le reste du monde, les choses s’avéraient un peu plus flou.

Lorsqu'elle s'en rendit compte, la brunette se releva et se remit à faire les cents pas avant d'ajouter d'un ton hésitant.

- Je croire... Avoir rencontrer quelqu'un qui me plait.

Son accent était particulièrement lourd sous les émotions contradictoires qui la secouait. Et nul doute qu'Ella ne se gênerait pas pour la taquiner dans le seul but de lui rendre la pareil pour le nombre de fois où la slave l'avait elle aussi fait.

On n'entendait que ça. Des pas qui résonnaient dans tout le couloir. Voilà même qu'on entendait quelqu'un chantonner, plus loin. Je ne comprenais pas bien ce que la personne disait, mais j'entendais bien un bruit, un bruit de fond. J'aurais pu éventuellement reconnaître le pas, mais j'étais moi-même affairée à quelque chose. Je réfléchissais à des choses et d'autres, à une journée encore bien remplie de nouvelle Membre et aux entraînements qui me prenaient beaucoup d'énergie mais une énergie que j'avais, de toute façon, besoin de dépenser. J'avais besoin de me battre, de m'entraîner, besoin de faire mes preuves et de bouger constamment. C'est peut-être pour ça aussi que je faisais une bonne Membre, j'étais toujours la première à me proposer pour faire ça ou encore ça sans avoir peur de me fatiguer. D'ailleurs, je semblais plutôt bien tenir. Je ne souffrais pas rapidement de la fatigue ou même de la douleur. D'autant plus que je buvais quand j'en avais l'occasion. Alors, oui, j'étais endurante et, les soirs comme celui-là, où je n'avais rien à faire, je pensais à nouveau à tout ce que j'avais fait de la journée. Sans pousser la réflexion. Mais ça avait suffi pour que je n'entende pas ses pas, ne les reconnaisse pas et donc pour que je ne la voie pas arriver. Elle m'extirpa de mes songes. « Ah euh... Raphaëlle ?! », j'avais même sursauté. C'est pour dire à quel point je ne l'avais pas vu venir, ce coup-là.

La demoiselle semblait ne pas avoir toute sa tête. Disons plutôt qu'elle semblait s'emmêler dans ses idées. Ce n'était déjà pas toujours évident pour elle de s'exprimer mais là, c'était encore pire. Ça me fait sourire et même rire. Elle savait pertinemment que je ne me moquais pas d'elle. Je rigolais franchement et simplement. Je pouvais remarquer que quelque chose l'embrouillait et la travaillait. Il fallait être bien aveugle pour ne pas le voir. C'est aussi visible que le nez au milieu de la figure. « Bizarre, hein ? », je la regardai perplexe, ayant déjà une petite idée à ce sujet. Quand on ne tient plus en place, c'est soit à cause d'un mec, d'une fille ou d'un entraînement qui promet ou encore une fête. Encore que je ne suis pas certaine que tous se mettent dans un tel état pour un entraînement... Je dois être une espèce rare, je suppose ? Je me rongeai à peine l'esprit, me disant que de toute façon, la réponse viendrait bien un jour. Je n'étais pas le genre à ruminer ou à m'arracher les cheveux, même si ça ne faisait pas de moi une fille qui ne réfléchit pas, au contraire. Je mets de l'ordre, justement. « Quelqu'un ? Un garçon ? Une fille ? Quand ? Où ? Il est du clan ? S'il est du clan... », j'ai peut-être déjà échangé un moment avec lui dans son lit... j'allais éviter de lui sortir ça, quand même. Ma réputation avait beau être faite, je ne voulais pas l'afficher comme ça. Pas maintenant. Pas quand il s'agissait de « son moment ». « Je veux tout savoir, absolument tout ! », j'étais franche. J'étais bien trop curieuse. Je l'ai toujours été, elle le sait parfaitement.

Normalement, Raphaëlle ne prenait pas la peine de cogner chez ceux chez qui elle débarquait. Enfin normalement, sauf si elle soupçonnait une quelconque activité dont elle ne voulait pas être témoin. Mais... Avec Ella ça avait toujours été une autre paire de manches. Et puis de toute façon.... Elle était bien trop troublée par les derniers événements pour réfléchir de manière concrète. La slave regarda son amie quelque instants avant de secouer la tête pour tenter de replacer ses idées et chasser les paroles de sa compagne.

D'abord il fallait respirer par le nez. Ensuite se calmer. Puis se concentrer pour parler convenablement. La ravitailleuse inspira un bon coup par le nez avant de se laisser tomber au sol pour s'asseoir en croisant les jambes. Puis remit de l'ordre dans ses cheveux et dans ses vêtements.

La brune prit quelques secondes de plus pour se concentrer laissant le temps à son amie de s'installer elle aussi. Quand elle fût prête à s'exprimer Raph' hocha la tête puis se lança.

- Je suis presque inquiète que tu ais déjà couchée avec lui. Remarque, ce n'est pas comme si ça me dérangeais. Je suis qui pour me fâcher hein ? Quoi que vu sa personnalité, ça me surprendrait tellement. Oh mon dieu Ella... Je ne sais pas quoi faire.

C'était peut-être la nervosité de constater un attachement à quelqu'un sans vraiment y avoir de justification ou peut-être l'excitation de pouvoir le partager à quelqu'un qui la faisait parler vite et surtout... Beaucoup.

- C'est un homme. Et c'est un aigle. Oh mon dieu pourquoi un aigle ? Je n'ai même pas envie de me poser la question. Il est... Intelligent, mignon, protecteur, attaché à sa famille... Oh si tu savais.

Elle inspira un autre coup satisfaite de sa capacité à parler clairement, puis continua sachant qu'elle avait toute l'attention de sa partenaire d'aventures.

- Il s'appelle Nathanaël. Il est recruteur et il a 19 ans aussi. Je l'ai rencontré au cartier des jeux il y a déjà un bon moment. Il avait l'air tellement boudeur et renfrogné que je n'ai pas pu résister à l'envie d'aller l'embêter pour lui soutirer un sourire. Tu sais comment je suis ? Bon... Mais au début il avait du mal à me comprendre parce qu'au début quand je suis arrivée j'avais du mal avec mon accent... Bon j'ai encore du mal... Mais c'était dans les débuts, enfin tu dois t'en souvenir ? Oui, parfait. Alors pour le coup on n’a pas trop réussis à se comprendre et j'étais incapable de prononcer son nom alors je lui ai donnée un surnom stupide. Ensuite, il m'a proposé de m'aider avec la langue, j'ai dit oui. Seigneur si tu voyais ses yeux. J'ai du mal à fixer autre chose. Bon, c'est pas ça l'histoire je sais. Mais je viens de le revoir tu sais ? Et, oh mon dieu, il est tellement charmant quand il s'embrouille dans ses mots et rougit, si tu le voyais... Tu le connais au fait ? Tu as déjà entendu parler de lui ?

La plus vieille marqua une pause en se rendant compte du flot de paroles qui venait de sortir de sa bouche. C'était pas bien méchant, mais elle parlait vite et devait laisser le temps à Ella de la comprendre... Pas que l'autre jeune femme n'avait pas l'habitude, simplement cette fois c'était quelque chose d'important pour elle et elle tenait à bien se faire comprendre. Raph' regarda le visage de celle devant elle pour être certaine qu'elle avait bien suivie jusque-là avant de continuer.

- Alors, on était dans le centre neutre ce matin, on avait déjà prévu de se revoir sans avoir de temps ou de date fixe. Alors on se tombe dessus par hasard. Je l'ai vue, je suis allée le voir, parce que bon il me manquait un peu tout de même...Ces mots la firent légèrement rougir - Parce que bon on ne se voit plus pour qu'il m'aide avec la langue du coin, puisque je me débrouille quand même très bien, sauf quand je suis sous l'émotion, mais ça aussi tu le sais. Bon du coup, on s'est croisés et on a marchés un peu ensemble. Puis alors qu'on discutait, Gabriel, tu sais le soumis saoulons du clan ? Bon, il est débarqué comme un abruti en m'insultant, parce que je ne viens pas d'ici, je ne mérite pas qu'on s'occupe de moi, etc. Enfin la routine quoi. Mais cette fois je n'ai pas pu faire comme d'habitude et l'ignorer, parce que Nath' s'en est mêlé... C’est plutôt inhabituel pour moi, puisque normalement, je suis parfaitement capable de me défendre toute seule autant verbalement que physiquement et ça normalement les gens le savent… Je crois qu’il le sait lui aussi… Mais ce n’est pas tant l’acte qui m’a prise au dépourvue que les mots. Oh Ella, je ne me suis jamais permis de vraiment m’attacher à quelqu’un de la sorte parce que je sais quel genre de problèmes ça peut engendrer…

Une lueur d’inquiétude passa dans le bleu de son regard alors qu’elle tentait de ne pas penser au fait que ce n’était surement pas réciproque comme affection, que si ce l’était ce serait plutôt compliqué, que peut-être elle n’aurait pas le droit, que peut-être que ce serait lui qui n’aurait pas le droit ? Raphaëlle détestait décidément profondément se sentir incertaine. Et ce genre de questionnements avait le don de la rendre folle. Elle aurait très bien pu en parler avec Syd… Mais, ce n’aurait pas été la même chose, enfin elle savait que son ami serait tout autant enjoué qu’Ella, mais lui-même avec déjà bien des problèmes avec un certain blond qui réussissait parfois à le faire revenir avec un air à la limite du déprimé. Elle n’allait pas en plus aller l’emmerder avec ses soucis… À vrai dire, la Jaguar avait sans doute plus peur de son jugement que de celui de sa compagne. Chassant ses inquiétudes d’un revers de main dans le vide, la brune secoua la tête et poursuivit.

- Donc… Alors que Gabriel s’en donnait à cœur joie contre moi, il a eu l’air de se crisper et s’est retourné lentement avant de s’approcher de cet abruti pour le soulever de terre et lui parler à quelque centimètre du visage. Et il a dit et je cite : ‘’Si tu oses insulter de nouveau Raphaëlle, je te jure que je t’éclate la tête contre un mur, Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?’’ Alors tu comprends bien que je suis restée bouche bée. Lui qui était d’ordinaire toujours si doux… Je ne sais pas, mais de le voir prendre ma défense comme ça… Je… Je me sentais étrange. Alors quand Gabriel a recommencé à m’insulter alors qu’on repartait, il n’a pas parlé s’est contenter de retourner vers lui avant… De lui éclater la tête d’un bon coup de poing et de le jeter contre le mur. Puis, il est revenu vers moi, comme si de rien n’était. M’a présenté son bras pour que je le prenne. Je ne me rappelle plus de quoi on a parlé, enfin pas complètement… Parce que j’étais trop omnibulé par la sensation bizarre de ma peau contre la sienne.

La ravitailleuse passa une main dans ses cheveux soudainement soulagée d’avoir pu sortir ce qui lui trottait dans la tête.

- Je suis un peu perdue… J’arrive pas à comprendre comment je me sens quand je suis avec lui… Ella je suis confuse…

La slave regarda son amie avec un air presque implorant pour que cette dernière trouve la solution miracle pour cesser de penser à Nathanaël aussi souvent et de se retrouver aussi stupide devant lui.

Ce n’était peut-être pas la meilleure source d’aide, mais c’était une de ses meilleures amies et elle avait en elle une confiance presqu’aveugle.

Visiblement, Raphaëlle était réellement préoccupée. Préoccupée par quelque chose qui la mettait dans tous ses états. C'était même quelque chose par rapport à quelqu'un. Ce quelqu'un de suffisamment important pour qu'elle soit aussi exubérante, aussi dérangée. Pas qu'elle ne venait jamais me voir en coup de vent, sans prévenir au préalable, mais cette fois, c'était vraiment autre chose. Oui, forcément, on me prévenait la plupart du temps, surtout le soir. Pourquoi ? Parce qu'il m'arrivait d'être avec quelqu'un, tout simplement. J'avais cette réputation. La réputation d'être volage. Parfois, on racontait même que je ne devais pas avoir de sentiments pour passer de l'un à l'autre. Je n'en avais que faire de ces racontars. Je savais ce qu'il en était et c'était le plus important. J'étais toujours parfaitement correcte et respectueuse avec tous les garçons avec qui je partageais mon lit ou chez lequel je dormais. Je les prévenais toujours qu'à moins d'un coup de foudre ou d'une évolution de mes sentiments, je n'étais pas du genre à m'attacher ou pas sentimentalement parlant. Je voulais profiter de la vie, de ce qu'elle avait à offrir et de toucher à tout, à peu près. Cela ne veut pas dire qu'une fois fini, je les oublie ou qu'il n'y peut y avoir de véritable amitié. Sauf si c'était eux qui le désiraient ou dans des cas plus compliqués. Que ça paraisse bizarre ou fâcheux pour Grey, ça pouvait encore passer. En plus, il le disait souvent plus pour me défendre quand on disait du mal de moi que de façon à me faire des sermons. En même temps, il connaissait mon influence : Yulia.

Alors, pour en revenir à Raphaëlle que je voyais gigoter dans tous le sens et qui débutait ses explications par la fameuse phrase, je haussai les épaules avant de rigoler. J'avais appris à rigoler de cette attitude ou ce doute qu'avaient la plupart des personnes qui connaissaient cette facette de moi. Au début, ce n'était pas la même chose. Je me braquais même si je suis naturellement quelqu'un qui ne se prend pas trop la tête. Ce n'était pas forcément évident de faire face à ce genre de préjugés. Je crois bien que désormais je suis habituée et je préfère en rigoler que le prendre au sérieux, au premier degré. Venant d'elle, en plus, je le prenais pour un malaise soudain qui l'empêchait de penser sereinement. « Si j'ai déjà couché avec lui, je pourrai sûrement te conseiller ! », j'en rigolais, oui. C'était plus facile comme ça. Je m'assumais. J'assumais complètement ma personnalité. On vivait mieux et plus vieux comme ça, paraît-il. J'espérais qu'elle ne le prendrait pas mal, elle. Qu'elle n'allait pas culpabiliser à cause d'une remarque peut-être déplacée mais que je prenais à la légère. Je ne voulais pas la mettre mal à l'aise à mon tour. Pas davantage. Je savais que d'ordinaire, elle ne m'aurait jamais fait cette remarque.

Un Aigle ? Heureusement, je n'allais pas m'éclater jusque dans des clans autres que celui des Jaguars. Sinon, ça voudrait dormir en dehors du territoire et ce n'était pas mon genre. Pas plus que je ne faisais ce genre de choses avec le premier venu en centre neutre ou tout simplement avec quelqu'un que je connaissais d'un autre clan aux yeux de tous. Peut-être parce que je n'avais pas encore rencontré quelqu'un qui me plaisait en dehors du clan et que je connais mes priorités ? Le clan avant tout et même si je n'ai rien contre les Aigles, les Dragons et les Jaguars, ce n'est pas l'amour fou et les Soumis Vipères, je ne sais pas trop. « Tu ne dois déjà plus stresser à son sujet moi. Je n'ai couché avec aucun Aigle même si certains sont plutôt mignons. Et pourquoi stresser ? Les Aigles et les Jaguars s'entendent bien et ont des frontières en commun. Tu ne vas pas te faire sermonner pour ça. Regarde, moi, je croise encore Yulia qui est devenue une Vipère. », bon, certes, ce n'était pas la même chose mais j'avais du mal à imaginer Noâ empêcher ce genre de relations. Peut-être Kim ? Allez savoir...

Nathanaël, donc ? C'était ce Nathanaël qui l'embrouillait comme ça. Ce serait bon de savoir à quoi il ressemble, ce fameux Aigles de dix-neuf ans qui faisait perdre ses moyens à Raphaëlle, fille qui généralement s'éclate et ne prête pas tant attention que ça aux garçons. Pendant qu'elle parlait, un sourire naissait sur mes lèvres. J'envisageais déjà la rencontre que j'allais faire en sorte de forcer pour savoir à quoi il ressemblait et savoir s'il était si gentil qu'elle le décrivait. Oh, je ne les surveillais pas. Ils font encore ce qu'ils veulent. Ils sont grands assez pour ça. Seulement, j'étais toujours curieuse, surtout quand ça concernait des relations amoureuses naissantes. Je n'avais pas encore été touchée de la sorte. Je n'étais pas encore devenue une demoiselle avec des papillons dans le ventre, parlant comme une enfant parce qu'elle a rencontré le gars qui lui perdre ses moyens. Alors, forcément, je me demande toujours ce que ça donne, ce qu'elles leur trouvent. Cela ne veut pas dire qu'un jour, je ne compte pas trouver le bon. Je n'ai jamais dit ça. Elle prit quand même le temps d'une pause pour me laisser glisser un mot ou deux. Tant mieux parce que sinon, je crois bien qu'elle m'aurait perdue depuis longtemps. « Nathanaël ? Inconnu au bataillon. Par contre, je vois que toi, tu le connais de long en large. », lui dis-je avec un petit clin d’œil, espérant détendre un petit peu l'atmosphère, encore. Il fallait être stupide pour ne pas reconnaître les signes typiques de l'amoureuse transi. Elle rougissait en parlant de lui, avouait en plus qu'il lui manquait. Bref, elle était tombée sous son charme et ça avait son charme, justement. « Un chevalier servant, ce Nathanaël, alors ? Pas étonnant que tu sois sous son charme. Il t'aide à parler correctement, il t'aide face à ce crétin, un vrai gentleman. », je le disais sincèrement. Je n'oserais pas me moquer de ses sentiments. Seulement, je prenais ça à la légère pour qu'elle puisse souffler un peu.

« Même les plus tendres et les plus doux peuvent devenir des monstres quand il s'agit de défendre un idéal ou une conviction bien claire dans leur tête. Regarde nous, Jaguars, nous sommes du genre à faire la fête, à se montrer comme une grande famille unie et inoffensive ou, du moins, pas du genre à rentrer en guerre. Pourtant, nous prenons les armes et avec ardeur et ferveur quand il s'agit de défendre les nôtres. », oui, c'était évident. J'étais convaincue de ce que je disais parce que j'étais la première à agir comme ça pour mon clan mais j'étais certaine que ça toucherait le cœur de Raphaëlle mais peut-être ne ferait-elle pas directement le lien avec son Aigle et elle. « Ce que j'essaie de te dire c'est qu'il est de ceux qui protègent bec et ongles ceux qui lui sont chers, qui lui sont proches. Tu vois où je veux en venir, maintenant ? », j'étais douce, autant que je pouvais l'être et je pouvais vraiment l'être dans ces moments-là. Et en même temps, je pouvais comprendre ce que c'était de se sentir proche même si c'était autre chose avec Anton. Nous sommes proches et il me protégerait aussi même si ce n'est que de l'amitié. Mais pour moi, c'est une amitié qui n'a pas de prix, une amitié bien plus importante qu'une histoire amoureuse. « Je peux comprendre que ce soit déstabilisant, Raphaëlle. Et personne ne te demande d'être sûre de toi. », je lui souris, en hochant la tête, m'approchant d'elle pour la caresser dans le dos. « Pose-toi. Réfléchis. Prends tout le temps qu'il te faut pour réfléchir. Il n'y a pas de règles avec les sentiments. », j'espérais l'aider sincèrement.

S'il y avait bien quelque chose dont il ne fallait pas s'inquiéter avec Raphaëlle, c'était de la vexée. Il en fallait gros, beaucoup plus que de simples remarques à demies plaisanteries de la part de son amie tout du moins. La plus vieille marqua une pause avant de sourire en coin.

- Ouais. Je sais pas pourquoi j'angoisses. C'est peut-être juste parce que c'est la première fois qu'on me retourne le cerveau à l'envers. Peut-être parce que je ne sais pas ce qu'il pense de moi aussi. Surement les deux...

Les commentaires de son amie la fit balbutier quelques mots incompréhensibles dans sa gêne. Elle avait toujours aimé d'Ella ce même trait qu'il y avait chez elle qui était de ne pas passer par cent chemins différents et de dire les choses telles qu'elles étaient. Parfois crûment, souvent de façon malaisante, mais ça avait au moins le mérite d'être honnête.

- Oh tu sais je ne le connais pas si bien de long en large... Mais j'imagine que je ne dirais pas non du tout si l'occasion se présentait.

Un rire lui secoua les épaules devant son commentaire au combien stupide. Lui avoir confier son trouble avait eu le mérite de la calmer et l'apaiser. Ça avait remit certaines idées en place. Parce que garder le tout pour elle la rendait folle. Il y avait des choses qui devaient rester pour soi. D'autre qui devait être impérativement dites. Son affection grandissante pour l'Aigle en faisait visiblement partie. Elle écouta la réponse de son amie avec attention en hochant doucement la tête avant de lui répondre presque amusée.

- Oh mais Elle... J'y ai déjà réfléchis et je te jure que je ne fais que ça y réfléchir. Et je ne suis pas certaine de comment agir, de ce que je dois dire ou faire quand je suis avec lui. C'est perturbant de se retrouver dans une situation pour laquelle je me moque joyeusement des autres. C'est... Inattendu. Mais te parler, ça m'aide un peu à être plus calme, j'ai moins envie de sauter et courir.

De nouveau elle éclata de rire en secouant doucement la tête. Ella était une de ses proches amies et elle ne regrettait pas de lui confier ses états d'âme comme la brunette le faisait aussi. Ce n'était pas régulier certes, mais elles avaient leur manière de faire bien à elles.

Je triturais un peu ma couverture tout en écoutant mon amie vider son sac. Oh, je l’écoutais vraiment et sérieusement. C’était simplement ma façon de faire la chose ; j’avais toujours besoin de bouger, alors, c’était un compromis entre les deux attitudes. Je comprenais bien les angoisses de la jeune femme. J’avais ressenti ça, une fois, au début, au départ, quand je n’étais pas aussi sûre que maintenant. Une première fois, une véritable première fois est toujours effrayante. Et il n’y a aucun doute que si j’avais choisi de me poser avec quelqu’un, je stresserais sûrement encore plus que Raphaëlle. Mais ce n’était pas mon objectif actuellement. Alors comment ne pas éprouver un peu de compassion vis-à-vis de mon amie qui, elle, paraissait éperdument amoureuse. Je n’étais pas dénuée d’empathie tout de même. « Je suppose qu’on ne se sent jamais assez prête pour ça. On se sent soudainement petite et imparfaite. » C’était de cette façon que j’analysais la situation, de mon côté. Peut-être était-ce encore différent pour elle. « Mais tu verras que s’il te plaît vraiment et que si vous avez déjà pu parler avant, tu dépasseras toutes ces angoisses qui sont normales, je crois. » Je ne voyais pas en quoi ce ne serait pas normal. Et après tout, chacun avait sa façon d’agir face à ce genre d’imprévu. Parce que, oui, l’amour est un imprévu. Ce sentiment vous frappe sans crier gare.

Malgré son assurance habituelle, je sentais bien que Raphaëlle aurait bien du mal à faire le premier pas. Il n’y avait qu’à entendre sa remarque. Elle espérait que la situation se présente, autrement dit que ce Nathanaël fasse le premier pas ou que le destin les mette devant le fait accompli. Peut-être que je me trompais encore une fois mais c’était comme ça que je voyais les choses. Et j’avais bien peur que le destin ne fasse jamais quoi que ce soit dans ce sens. Cela dit, je me voyais mal débarquer chez ce prince charmant pour qu’il bouge. Ce n’était pas mes affaires. Mais c’était plus fort que moi. J’allais sérieusement devoir apprendre à contrôler ses pulsions et à me contenir. Je n’étais pas une entremetteuse. « Tu crois que l’occasion va tomber du ciel, comme ça, Raphaëlle ? » Je ne comptais pas la pousser non plus mais je comptais bien, en tout cas, lui rappeler la réalité. L’amour n’est pas la priorité dans une vie chaotique comme la nôtre. « Réfléchis-y, au moins. » Heureusement, l’ambiance n’était pas tendue. Et ce rire te faisait penser à toutes ces filles et tous ces garçons qui se découvraient amoureux. Un rire très particulier qui n’était pas encore sorti de ta bouche, par ailleurs.

« C’est inattendu pour tout le monde. Et c’est normal d’être perdu mais si tu veux conquérir le cœur de ton chéri, il faudra bouger. Que ce soit lui ou toi. Le destin ne vous fera jamais de cadeau. » Mais je pourrais vous aider ? Non ! Absolument pas ! Mauvaise idée ! « Ça semble énorme, n’est-ce pas ? Il faut alors essayer petit à petit, ne pas y aller trop franchement du premier coup. » Voilà que je jouais les spécialistes en amour alors que je n’étais pas le genre à m’accrocher à un garçon…