jour 5 - matinée

Ces derniers temps tu es bizarre. Certaines personnes le disent et toi tu le penses. Tes actions ne sont pas toujours bien différentes de d'habitude, après tout hier tu as craqué sous la colère et tu as bien faillit découper en cubes un Aspirant trop vantard mais dans ta tête c'est l'effervescence. La mort de Chad te fait encore un effet monstre mais il n'y a pas que ça. Depuis quelques jours tu as une nouvelle distraction. Elle est anormalement présente, profondément agaçante et étrangement frustrante. Le comble est qu'elle est une Vipère. Une Vipère avec du sang de félin dans les veines pour couronner le tout. Tu secoues tes boucles brunes collées à ton front un peu en sueur pour chasser ces pensées de ta tête et tu continues à marcher. L'entraînement matinal vient de se finir et tu rentres à la maison. Ta journée a commencée encore plus tôt que d'habitude mais tu ne ressens pas la fatigue grâce à la poudre magique récupérée à l'Ouest. C'est ta première dose d'Iridescente et jusqu'ici tu ne la regrettes pas. Tu es en forme et ton esprit est clair comme il ne l'a plus été depuis la rébellion. Rectification il tourne peut-être un peu trop vite et le fil de tes pensées s'emballe à nouveau. Tu ressens soudain le besoin de parler à quelqu'un alors plutôt que de continuer tout droit, tu tournes à gauche, puis à droite, puis encore à gauche et tu marches un long moment jusqu'à atterrir devant chez Hedwige. Il est encore tôt dans la matinée mais on est chez les Dragons et il n'y a que Lou pour dormir à cette heure. Donc tu frappes brièvement à la porte et tu entres dans la maison. Cette attitude sans-gêne est rare chez toi et tu la réserves généralement à la blonde mais elle n'est pas non plus complètement commune même avec elle. Pas sûr qu'elle ne te mettra pas dehors avec un coup de pied aux fesses mais tu ne t'en inquiètes pas en cet instant.

VIOLETTE – Salut ! Je passais dans le quartier donc je me suis dit...

Tu annonces un minimum ta présence avant de tomber sur la propriétaire des lieux mais tu t'arrêtes en cours de route. Inutile de la baratiner. Tu te laisses simplement tomber sur une chaise et tu soupires lourdement. Tes propres changements d'humeur te fatiguent.

VIOLETTE – Tu aurais un truc à manger ? J'ai pas eu le temps d'avaler quelque chose de solide avant l'entraînement et mon estomac tente de s'auto-digérer là.

Tu passes du coq à l'âne et ce n'est pas totalement innocent. Oui tu as faim mais tu hésites surtout. Tu penses que tu pourrais parler à Hedwige. De tout. Lui expliquer ce qui t'est arrivé depuis la mort de Chad et les changements que sa disparition a provoqué. Tu pourrais lui dire que tu remet pleins de choses en questions et que tu n'es plus trop sûre d'être sur la bonne route. Que tu as la trouille. Que tout te frustre. Tu pourrais lui parler de tout ça mais tu n'es pas sûre que tu en es réellement capable car c'est un grand pas pour toi de te confier à ce point là. Alors tu attends en jouant bêtement avec le pendentif taillé en forme de tête de félin qui ne te quitte plus depuis cette nuit à l'hôpital et que tu as bien faillit perdre aujourd'hui.

Contrairement à beaucoup d’autres personnes, les événements de ces derniers jours n’ont pas affecté Hedwige de façon directe. Elle en a entendu parler évidemment, comme tout le monde mais la Dragonne ne s’était guère plus impliquée que ça dans toutes ces histoires. Pourquoi l’aurait-elle fait après tout ? D’un côté, elle ne se sentait pas non plus concernée et personne n’avait fait appel à elle alors elle se contentait simplement de vivre sa vie comme elle l’avait toujours fait. Et jusqu’à présent, ça n’avait encore dérangé personne. Ce matin-là pourtant, ce fut différent. Hedwige était déjà levée, habillée et prête à sortir lorsqu’elle en aurait envie… Rester dans lit n’était pas dans ses habitudes ; ni dans celles de Zack qui s’était levé encore plus tôt qu’elle et s’était déjà absenté. Mais elle ne s’attendait pas à recevoir une visite à une heure aussi matinale. Elle n’eut pas le temps d’ouvrir sa porte lorsque l’on toqua rapidement à cette dernière... Son visage s’adoucit de manière assez étonnante lorsqu’elle reconnut la personne qui s’était permise d’entrer et de s’installer sans y avoir été invité au préalable. Si ça avait été quelqu’un d’autre, Hedwige l’aurait sorti de chez elle et sans aucune douceur mais là, il s’agissait de quelqu’un à qui l’Ancienne ne ferait pas le moindre mal. Violette. Si cette jeune fille faisait peur à la plupart des autres Dragons, ce n’était pas le cas d’Hedwige qui la voyait davantage comme une petite sœur. Enfin, en y réfléchissant, ce n’est peut-être pas si étonnant que ça quand on se rend compte que les deux femmes ont plusieurs points en commun. Après tout, ne dit-on pas : « qui se ressemble s’assemble » ? Un proverbe qui s’applique très bien dans ce cas-là.

La Dragonne laissa donc la Spécialiste s’asseoir et elle attendit qu’elle parle en premier. Il y avait sans doute une bonne raison pour qu’elle soit venue la voir aussi tôt et elle attendait des explications… Qui ne vinrent hélas pas. A la place, Violette lui demanda plutôt à manger en ajoutant qu’elle n’avait pas eu le temps de se nourrir avant d’aller à son entraînement du matin. Hedwige poussa un soupir qu’elle ne chercha pas à dissimuler. Malgré tout, elle alla tout de même fouiller dans ses tiroirs pour revenir quelques minutes plus tard avec deux morceaux de pain et quoi faire un sandwich. Elle posa tout ce qu’il fallait sur la table se trouvant en face de Violette. « Quelle idée d’aller t’entraîner sans rien dans le ventre… C’est bien de vouloir économiser ses rations mais quand même ! Allez mange, ce serait bête que la future Fine-Lame meurt parce que son ventre s’est auto-digéré, comme tu dis. » Oui, entendre Hedwige faire preuve et d’humour et d’affection, ça pouvait sonner très étrange mais elle reste une personne comme les autres ; qui a besoin de rigoler de temps en temps. Hedwige patienta encore quelques instants supplémentaires et, constatant qu’elle ne disait toujours rien, elle décida de prendre les devants sans lui laisser le choix. « Qu’est-ce que tu as, Violette ? Et ne me réponds pas rien parce que ce n’est pas vrai. Je ne pense pas que tu sois passée à une heure aussi matinale uniquement pour prendre le petit-déjeuner ici. Tu sais très bien que je ne te jugerai pas quoi que tu aies pu dire ou faire ou penser… » Et elle était honnête. Elle connaissait la réponse de sa jeune cadette parmi le clan et pourtant, elle s’en moquait qu'elle ait décidé d’être une fille qui aime coucher avec des personnes bien choisies pour réussir…

Il est plutôt drôle de constater à quel point tu te sens redevenir comme une gamine quand tu es en présence de l'Ancienne. Elle soupire et ça y est tu commences à gamberger sur le pourquoi et ce que tu aurais du dire ou faire comme un enfant prit en faute. La réponse vient facilement. Une petite explication n'aurait sûrement pas été de refus pour Hedwige mais elle ne t'en demande pas une non plus et les mots restent toujours coincés dans ta gorge. A moins qu'elle ne soupire parce que tu es une idiote qui a été s'entraîner le ventre vide en ayant en plus consommé un truc pas net ? Il vaut mieux raturer le dernier point. Tu doutes qu'elle soit très favorable à l'utilisation de la poudre magique fraîchement récupérée chez les Vipères. Vipères... Non ! Surtout ne pas penser aux Vipères - enfin à LA Vipère - c'est déjà assez compliqué comme ça. Ton esprit s'affole pendant que la blonde recueille de la nourriture et tu te rends compte qu'elle a bougé uniquement lorsqu'elle est à nouveau là.

HEDWIGE – Quelle idée d’aller t’entraîner sans rien dans le ventre… C’est bien de vouloir économiser ses rations mais quand même ! Allez mange, ce serait bête que la future Fine-Lame meurt parce que son ventre s’est auto-digéré, comme tu dis.

Son trait d'humour t'arrache un sourire en coin. Habituellement tu aurais sûrement renchéri avec une arrogance pour une fois feinte mais ici ton cerveau est blanc et aucune réponse ne vient. C'est vrai que ce serait con que la future Fine Lame y passe comme ça mais ce serait encore plus con qu'elle y passe parce que son cerveau a explosé suite à trop de réflexions ou même que son cœur lâche après avoir ressenti plus d'émotions en cinq jours qu'en probablement cinq ou six ans.

HEDWIGE – Qu’est-ce que tu as, Violette ? Et ne me réponds pas rien parce que ce n’est pas vrai. Je ne pense pas que tu sois passée à une heure aussi matinale uniquement pour prendre le petit-déjeuner ici. Tu sais très bien que je ne te jugerai pas quoi que tu aies pu dire ou faire ou penser…

Tu as faillit dire rien. Tu as été à deux doigts de réellement le dire mais Hedwige t'avait clairement dit de ne pas le faire alors tu as évité de t'enfoncer aussi stupidement. Mais si tu ne dis pas rien qu'est-ce que tu dis ? La vérité ? Dans tous les cas il semblait évident que le silence n'était pas la meilleure des solutions. Après tout tu t'étais jeté seule dans la gueule du loup, tu ne pouvais donc pas lui reprocher de mordre la proie qu'il avait entre les dents. Tu te ménages encore un temps de réflexion - qui n'arrangera rien soyons clair - en attrapant un morceau de pain auquel tu arraches un bout que tu jettes dans ta bouche. Tu mâches lentement en tentant de voir par où tu pourrais commencer mais c'est difficile. En plus d'avoir été émotionnellement difficiles ces cinq derniers jours ont aussi été mouvementés. Le problème aussi c'est que tu ne sais pas ce qui pèse en cet instant le plus lourd sur toi.

VIOLETTE – Chad est mort et...

C'est un détail que connait parfaitement la blonde et qui ne fait pas du tout avancer l'histoire. Tu hausses les épaules en reprenant machinalement un bout de pain.

VIOLETTE – Je ne dors pas beaucoup ces derniers temps. Il y a trop de trucs sur mon esprit. Alors la nuit j'ai commencé à sortir. J'ai rencontré des gens. Deux personnes en fait. Et ça ne s'est pas vraiment bien fini.

Tu tires un peu sur ta manche pour désigner ton poignet encore bandé mais la plupart des dégâts ne sont pas visibles. Il y a d'autres traces physiques mais elles sont au final plus psychologiques et c'est ça qui te déroute.

VIOLETTE – J'ai l'impression que je ne suis plus moi-même. Je m'en rend compte et les autres aussi. Un Aspirant m'a presque défié hier. Si ça continue il ne faudra pas longtemps pour que j'ai toute l'équipe à dos. Michael n'en a plus pour très longtemps, je suis à deux doigts de concrétiser mon ambition mais...

Tu ne sais pas comment expliquer ce que tu ressens. Oui tu sais que tu seras heureuse lorsque tu deviendras la Fine Lame du clan mais ton intérêt n'est plus aussi aiguisé. Tu as perdu la flamme et ça te fout la trouille. Parce qu'après tout ce que tu as sacrifié pour en arriver là où tu es ce serait destructeur de constater que ça n'en valait pas le coup.

VIOLETTE – Et il y a cette fille. Je ne sais pas exactement qui elle est mais on se croise tout le temps. J'ai jamais été... Disons attirée par quelqu'un comme ça. Physiquement je veux dire. Elle est juste insupportable et c'était juste un jeu mais... J'ai cette torsion au fond du ventre à chaque fois que je pense ou que je dis que c'est un jeu parce que ça ne semble tellement pas être le cas. Il y a cette électricité dans l'air. Et puis j'arrive pas à réagir normalement comme je le ferais avec les autres. Elle a fait et dit des trucs qui m'auraient fait tuer n'importe qui d'autre mais j'ai pas réussi à lever le petit doigt sur elle.

C'est sorti. Étonnement ça fait un bien fou d'en parler même si tout ça sonne vraiment pitoyable à tes yeux. Tu ne comprends toujours pas non plus ce qui t'arrive. C'est sorti. Ça te frappe avec violence parce que c'est la première fois que tu verbalises cette histoire avec Yulia. Enfin histoire. Ce n'est pas comme s'il y avait quoi que ce soit entre vous et il n'y aura jamais rien parce que c'est une putain de féline. En quelque sorte. Bref c'est un détail parmi tant d'autres qui rendent le fait de respirer le même air qu'elle insupportable. De toute façon ce n'est pas comme si tu comptais la revoir. Ou l'embrasser encore. Une troisième fois. Ok tu n'aurais juste pas du en parler c'est encore pire parce que maintenant la seule chose à laquelle tu penses c'est elle alors que soyons raisonnable tu devrais penser à bien d'autres choses plus importantes qu'une stupide Vipère.

Si Hedwige avait pu élever elle-même sa propre fille, elle aurait souhaité qu’elle soit comme Violette, qu’elle la prenne en modèle. Du moins, en ce qui concerne l’ambition, pas forcément sur la façon de procéder mais qu’elle ait autant d’ambition, ça aurait été bien. Oui mais voilà, elle ne pouvait pas s’occuper d’elle. Alors à défaut, la Dragonne se débrouillait pour que ce soit Violette qui ne manque de rien et qui soit au maximum de sa forme. Alors évidemment, l’Ancienne est plutôt satisfaite en voyant qu’un sourire s’était dessiné au coin des lèvres de la Fine-Lame. Elle était contente d’être parvenue à lui arracher un début de sourire. C’était toujours ça de pris. Mais contrairement à ce qu’elle aurait fait habituellement, la jeune femme ne renchérit pas avec l’arrogance dont elle avait le secret. Au contraire, à la place, elle reste étonnamment muette. Ce qui ne lui ressemble pas du tout. Un second point qui inquiéta Hedwige encore davantage. Alors cette fois-ci, elle avait bien l’intention de savoir ce qui n’allait pas. D’ordinaire, elle ne serait pas trop posée de questions et elle aurait sans doute mis ça sur le compte de la fatigue… Mais là, ce n’était pas possible. Il y avait clairement autre chose qui la perturbait et ça, c’était très mauvais pour tout le reste. Cette fois, Hedwige ne cèderait pas tant que sa cadette ne lui aurait pas tout raconté. Or, en cas de besoin, elle savait se montrait particulièrement persuasive. Hedwige attendit encore plusieurs minutes en fixant Violette et en scrutant ses moindres faits et gestes. Elle la laissa manger tranquillement et prit son mal en patience. Et finalement, elle commence enfin à s’exprimer sans que l’Ancienne n’ait besoin d’en rajouter. Attentive, Hedwige est prête et n’a l’intention de louper aucune parole… Violette débuta alors son récit en lui donnant une information qui était loin d’être une nouvelle, à l’heure actuelle. La mort de Chad, tout le monde le savait. Néanmoins, l’Ancienne n’ajouta rien. Elle attendit patiemment que la plus jeune poursuive son récit après avoir pris un nouveau bout de pain. Parce que la suite, elle, en revanche, s’avérait beaucoup plus intéressante. Elle avait donc commencé à sortir la nuit à cause du manque de sommeil provoqué par un esprit un peu trop occupé. Et surtout, elle a rencontré deux personnes avec qui ça ne s’était visiblement pas bien passé. Hedwige fronça les sourcils en l’entendant alors qu’elle lui désignait son poignet bandé, signe d’une bagarre. Elle aurait pu lui dire quelque chose mais à la place, elle se contenta de la laisser continuer à parler. L’Ancienne se disait que si elle l’arrêtait maintenant, Violette ne recommencerait jamais à parler et ça, elle voulait l’éviter. Surtout maintenant qu’elle était lancée.

Cela dit, la suite ne fut pas plus plaisante pour autant. A entendre comme à avouer, sans aucun doute. Elle avouait ne plus être totalement elle-même et que tout le monde s’en rendait compte, dont elle. Ça, c’était embêtant pour son avenir proche. Comme elle le disait, Michael n’en a plus pour très longtemps et à sa retraite, étant donné qu’elle est la numéro une, c’est elle qui est censée prendre sa suite mais pour cela, elle devait impérativement se ressaisir. Et puis, se mettre une équipe entière de Spécialistes à dos, ce n’était pas non plus la meilleure des idées… Et comme l’Ancienne s’y attendait, il y avait un « mais » en plus, concernant son ambition sur le point de se concrétiser. Il y en a toujours un quelque part. Sauf que cette fois-ci, il semble être de taille. De ce qu’elle venait de lui dire, c’est une fille qui occupe principalement ses pensées. Violette avouait être physiquement attirée vers elle et même si ça n’avait été qu’un jeu au départ, ça a rapidement évolué pour devenir bien plus. Et puis, avec elle, il y avait apparemment cette tension électrique et ce comportement qui change. Certes, elle lui disait qu’elle ne l’avait croisé que quelques fois mais il arrive que ce soit déjà bien suffisant. Hedwige afficha alors un sourire. Elle comprenait mieux le mal de Violette et une petite partie de ses problèmes. C’était surtout cette fille qui occupait son esprit et avec la description qu’elle en faisait, l’Ancienne comprenait mieux le pourquoi du comment. « Très bien… Hormis tes rencontres qui se sont mal passées, je crois que j’ai à peu près compris ton autre souci. Je crois bien que tu es… Amoureuse, Violette. Tu as tous les symptômes. Tu penses à elle, elle peut se permettre de faire des choses que d’autres ne pourraient pas… Sincèrement, je ne pense pas que ce soit un simple jeu entre vous, désolée de te le dire. Et dis-moi est-ce que par hasard vous vous êtes… Embrassées ? Je ne veux pas te mettre mal à l’aise mais je crois que ça confirmerait mes dires… » Après tout, elle voulait simplement aider Violette à comprendre ce qui lui arrivait depuis quelques temps. Certes, ce n’était peut-être pas la meilleure façon de le faire mais Hedwige n’avait pas vraiment l’habitude de ce type de situations. Même pour elle, c’était assez inédit. Elle n’avait encore jamais servi de conseillère matrimoniale.

hrp:

Tu es toujours un peu gênée alors que tu parles. Regarder directement Hedwige t'est impossible donc tu fixes un point au hasard dans la pièce ou tes mains qui se tordent un peu. Tu observes même un instant le bandage entourant ton poignet. Seulement tu ne peux pas fuir éternellement donc à un moment tu jettes un coup d’œil à l'Ancienne par-dessous tes cils. Elle sourit et pour le coup tu ne sais pas trop comment réagir. Le problème c'est que tu peines à identifier le sentiment derrière ce sourire. Ce n'est pas de la moquerie, ça tu en es certaine. Tu ne vois pas de raison qu'elle soit heureuse pour toi vu le dilemme dont tu viens de lui parler. Peut-être qu'elle a compris ? Qu'elle sait quelque chose que toi tu ne sais pas ? Tu espères qu'elle te fera part de sa pensée parce que pour autant que d'avoir tout déballé, tu aimerais qu'elle te fournisse une solution pour te sortir de ce pétrin. « Très bien… Hormis tes rencontres qui se sont mal passées, je crois que j’ai à peu près compris ton autre souci. Je crois bien que tu es… Amoureuse, Violette. Tu as tous les symptômes. Tu penses à elle, elle peut se permettre de faire des choses que d’autres ne pourraient pas… Sincèrement, je ne pense pas que ce soit un simple jeu entre vous, désolée de te le dire. Et dis-moi est-ce que par hasard vous vous êtes… Embrassées ? Je ne veux pas te mettre mal à l’aise mais je crois que ça confirmerait mes dires… » Lorsque le verdict tombe, ta mâchoire suit le mouvement. Cette fois tu la regardes fixement, la bouche béante et l'esprit partit en overdrive. Est-ce que tu as bien entendu ? Elle a dit amoureuse ? Toi ? Amoureuse ? De cette Vipère ? Elle continue sa petite explication et ça ne t'aide vraiment pas à calmer ce qu'il se passe dans ta tête. Tu ne peux pas être amoureuse de Yulia, c'est tout bonnement impossible. L'amour ce n'est pas ton truc. L'amour rend faible et il se met sur la route de ceux qui ont de l'ambition. A quelques temps d'obtenir ta place de Fine Lame, tomber amoureuse est bien la dernière chose dont tu as besoin. Et pourtant quand Hedwige glisse une question plus poussée, tu ne peux pas empêcher le rougissement qui te brûle les joues. Tu hoches juste fébrilement la tête en réponse parce que votre dernier baiser remonte à ce matin et qu'il est encore beaucoup trop clair dans ta tête. Avec cette pensée revient l'amertume. Les agissements de Yulia, ce jeu sans fin. Tu avales difficilement ta salive avant de te mettre debout pour arpenter la pièce. « C'est pas possible. Sérieusement tu m'as vue ? Je ne peux pas être amoureuse. Ce sont les autres qui tombent amoureux. » Tu parcoures trois fois la distance qui sépare les murs avant de t'arrêter pour fixer à nouveau ton aînée. « Et puis comment on fait pour dé-tomber amoureux ? C'est quand même pas une maladie mortelle, on doit pouvoir s'en débarrasser avant que ça ne devienne trop grave ! » Ce discours est ridicule mais tu paniques et il t'est difficile de résonner correctement.

HJ:

Hedwige ne fit pas attention au regard de Violette qui fixait un point, quelque part dans la pièce. Ou plutôt, elle décida de ne pas relever. Parce qu’elle voyait bien que Violette était sincèrement préoccupée et qu’elle n’allait vraiment pas bien. Alors l’embêter avec ces petits détails ? Non, ça n’est pas utile. La Dragonne fit également mine d’ignorer le manège de la plus jeune avec ses mains. Quand la Fine-Lame se décide finalement à risquer un regard dans la direction de l’Ancienne, Hedwige sourit. De manière réconfortante, comme elle ne le fait que très rarement et avec bien peu de personnes. Mais avec la jeune fille, c’est différent. Loin d’elle la simple idée de se moquer des tracas de Violette. Que ce soit par un sourire ou bien par n’importe quel autre geste. Elle voulait réellement l’aider à remonter et à passer cette pente difficile. Parce qu’elle ne voulait pas qu’elle gâche son ambition à cause d’une tierce personne… Pas alors qu’elle se trouve si près de l’objectif qu’elle a toujours rêvé d’atteindre. Ce serait tellement dommage pour elle. Et l’Ancienne le pense sincèrement. C’est pour cela qu’elle fait ce qu’elle peut avec la jeune femme. Mais pour le moment, à défaut de pouvoir faire autre chose, Hedwige se contente d’attendre la réponse de Violette qui ne semble pas avoir encore complètement saisi les révélations de l’Ancienne. Alors même quand la mâchoire de la Fine-Lame tombe et qu’elle regarde son aîné fixement, elle ne dit rien. Dans d’autres circonstances, ça l’aurait très certainement fait rire mais là, elle ne dit tout simplement rien. Par contre, lorsque la plus jeune se mit à rougir, Hedwige ne put retenir un sourire. Evidemment, en lui demandant si elle l’avait embrassé, elle se doutait bien qu’elle avait inévitablement fait mouche. Et la réaction de Violette ne fit que confirmer cela. Pire, ça devint même une certitude lorsqu’elle la vit hocher un tout petit peu la tête en guise de simple réponse. L’Ancienne ne bougea pas quand sa cadette se leva avant de se mettre à arpenter la pièce. A la place, elle attendit qu’elle s’exprime enfin avant de lui répondre une nouvelle fois. « Bien sûr que je t’ai vue. Mais eh Violette, pourquoi ne pourrais-tu pas être comme les autres, parfois ? Tomber amoureux, ça n’a rien d’une tare. Et si tu gères bien, tu peux en faire ta plus grande force. Une seule, Vio. Une seule personne qui te permet de faire des miracles. Tu vois ce que je veux dire ? » Hedwige ne sut pas dire si Violette l’avait bien entendue ou même si elle avait, ne serait-ce que capter ses mots. Elle se trouvait réellement dans un état étrange et jamais elle ne l’avait vue comme ça. C’est seulement après avoir parcouru trois fois la même distance qu’elle finit enfin par s’arrêter et par fixer à nouveau Hedwige qui ne perdit pas une seule miette des paroles de la brune. Sauf que cette fois-ci, Hed’ ne parvint pas à se retenir… Elle se mit à rire en entendant les dernières remarques de Violette. Elle prit néanmoins quelques secondes pour se calmer avant de lui répondre. « On ne contrôle pas l’amour. C’est un sentiment qui va et vient au gré de ses envies. On ne peut pas « dé-tomber » amoureux. Pas sur commande et parfois, ça n’arrive même jamais. Si tu l’aimes réellement, j’ai bien peur que ça ne te quitte pas. Et respire, ça n’a rien d’une maladie. C’est un sentiment naturel et je te promets que ça ne va pas te tuer. Qu’est-ce que tu veux que je fasse pour te le prouver ? » La Dragonne parlait bien sûr par expérience. Des amours, elle en a connu relativement peu mais à chaque fois, il y avait toujours cette même intensité…

I still feel that rush in my veins,
it twists my head just a bit to think
Année 41 - saison tempérée 1 (matin 5)

Hedwige sourit d'une manière insupportable et tu lui effacerais bien son sourire avec verve si tu n'étais pas en ce moment tellement en demande de solution. Elle sera moins bavarde si tu t'emportes. En plus aucun affrontement n'est gagné face à la blonde et tu ne tiens pas à te retrouver avec le nez collé au sol tout ça parce que tu n'es pas foutue de te concentrer deux minutes. L'embarras et la panique prenaient bien trop de place à cause de Yulia et des nouvelles révélations d'Hedwige. Continuer à arpenter était donc encore la meilleure solution. « Bien sûr que je t’ai vue. Mais eh Violette, pourquoi ne pourrais-tu pas être comme les autres, parfois ? Tomber amoureux, ça n’a rien d’une tare. Et si tu gères bien, tu peux en faire ta plus grande force. Une seule, Vio. Une seule personne qui te permet de faire des miracles. Tu vois ce que je veux dire ? » Tu grommelles en te passant les mains sur le visage. Tu ne comprends pas comment elle fait pour parler de tout ça avec tant de décontraction. Malgré tout tu n'es pas convaincue. Oui tu pensais beaucoup à cette incroyable emmerdeuse qu'était Yulia mais de là à venir avec des histoires de une seule personne. Et puis une force ? Comment est-ce que ça pourrait être une force alors que ça te pousse hors du chemin tracé pour toi chez les Dragons ? Non vraiment c'est impossible à imaginer. Et même si tu peux accepter que tu ressentes un petit quelque chose, il te faut une solution pour que ça s'arrête. Ta recherche auprès d'Hedwige ne t'apporte néanmoins pas ce que tu veux. L'Ancienne se fout juste de ta gueule pendant que tu fais clairement la moue. Il y aurait bien des choses que tu aurais à dire mais ça ne donnera que plus d'huile au rire de la blonde parce que les seules répliquent qui te viennent en tête sont bien trop enfantines. « On ne contrôle pas l’amour. C’est un sentiment qui va et vient au gré de ses envies. On ne peut pas « dé-tomber » amoureux. Pas sur commande et parfois, ça n’arrive même jamais. Si tu l’aimes réellement, j’ai bien peur que ça ne te quitte pas. Et respire, ça n’a rien d’une maladie. C’est un sentiment naturel et je te promets que ça ne va pas te tuer. Qu’est-ce que tu veux que je fasse pour te le prouver ? » Super, il fallait bien sûr que tu te coltines le truc le plus chiant du monde. A croire que l'amour s'est inspiré quelque part de Jayden. Ou le contraire. C'est confus dans ta tête. Tentant d'appliquer les conseils de l'Ancienne comme tu l'as toujours fait, tu prends une longue inspiration et tu expires tout aussi doucement. Finalement tu retournes t'asseoir, toujours aussi confuse mais moins prompte à gigoter dans tous les sens. « Donc toi aussi ça t'est déjà arrivé ? Avec Zack ? Quelqu'un d'autre ? » La question est sortie plus timidement que tu ne l'aurais voulu mais tu n'aurais jamais cru aborder un jour ce genre de sujet avec elle. « Tu as l'air de dire que c'est positif mais c'est toujours positif ? Parce que vraiment j'ai plus l'impression que c'est un piège à con ton truc. On s'attache et puis quoi ? On déplace des montagnes et puis fin de l'histoire ? C'est trop... Je sais pas... Idyllique ? »

Pour un peu, Hedwige trouve presque que le grommellement de Violette est mignon. Mais elle ne dit rien à ce sujet. Par respect pour la plus jeune mais aussi parce qu’elle ne veut pas la rendre mal à l’aise ou l’énerver. L’Ancienne n’a pas peur d’elle, non. Seulement, elle souhaite aider Violette, pas l’enfoncer davantage. Or, en relevant chacun de ses gestes ou de ses bruitages, elle sait que c’est inévitablement ce qu’elle finirait par faire. Alors elle ne dit rien. Même quand elle se passe les mains sur le visage et qu’elle ne dit rien. La Dragonne préfère laisser la brune s’exprimer quand elle en a envie. C’est de cette façon qu’elle dira ce qui lui pèse sur le cœur. Et Hedwige est bien consciente que si elle insiste, Violette va se taire et, éventuellement, continuer à se morfondre. Ce qui n’est évidemment pas l’objectif final de la blonde. Elle, elle veut qu’elle se ressaisisse. Qu’elle retrouve sa forme et qu’elle aille fièrement chercher la place de Lieutenant qui l’attend et qui lui revient de droit. Bref, qu’elle soit la Violette sans doute, crainte et respectée. Celle qu’on n’ose pas forcément défier parce que sa réputation fait qu’on sait qui va finir en sang, à agoniser sur le sol. C’est cette fille-là, qu’Hedwige essaye de faire revenir. Après, elle ne l’empêche pas d’avoir des sentiments pour une tierce personne, loin de là même. L’Ancienne aime quelqu’un, sincèrement. Et ça ne l’empêche pas d’être ce qu’elle a toujours été. Une battante. Une femme forte. Une guerrière. Voilà ce qu’elle essaye de faire comprendre à Violette. Il s’agit de transformer ses faiblesses en force pour garder la tête haute et droite. Pour ne pas couler et se laisser aller. Mais à aucun moment, Hedwige ne souhaite se moquer de Violette et de ses problèmes. Jamais elle n’a envisagé les choses comme cela et ça ne risque même pas de lui venir à l’esprit, de toute évidence. Parce qu’elle n’est pas comme ça. A se moquer des gens méritants. Hedwige la regarde faire et sourit une nouvelle fois lorsqu’elle la voit s’assoir. Bien. Au moins, il semble qu’elle ait enfin décidé de rester calme. Et de prendre au sérieux la suite des événements. Toujours silencieuse, l’Ancienne attend qu’elle reprenne la parole. Qu’elle lui dise n’importe quoi. Et à son plus grand soulagement, cela ne tarde pas. « Oui. Oui, ça m’est déjà arrivé. Avec Zack. Il est le seul qui m’a fait ressentir ce qui te tracasse aujourd’hui. » Mensonge. Et elle le sait parfaitement. Il n’est pas le seul à lui avoir procuré ces sensations. Il y a eu Mischa, aussi. Peut-être était-ce même plus intense… Non, elle se refuse à le penser. Rien que le fait de l’évoquer est largement devenu tabou. Et puis, parler de lui, ça ne risque certainement pas d’aider Violette. Au contraire. Et c’est tout l’inverse de ce qu’elle veut faire. « C’est positif même si je t’accorde le fait que ça a effectivement l’air d’un piège à con, comme tu dis. On s’attache et… Sans parler du fait de déplacer des montagnes, on peut faire quelques miracles. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Justement, ça ne peut en être que le début. Tu sais… Quand j’ai rencontré Zack, nous étions en service. Et quand nous nous sommes mis ensemble, nous faisions toutes nos missions et nos tâches l’un avec l’autre. C’est ce qui a construit une sorte de légende autour de nous. Tu vois ? C’est ce qui a fait de nous un duo fatal. Craint et reconnu. Tu vois ? C’est une force, Violette. Une force que tu peux obtenir. Même si elle te paraît idyllique. Bats-toi pour l’obtenir. Et les résultats suivront d’eux-mêmes. Crois-moi. » Aucun mensonge, cette fois-ci. Juste une certitude.