Encore une journée où la chaleur était présente. Suffocante. Ecrasante. Aride. Ma bouche s’assèche trop vite selon moi. L’eau est un bien précieux qu’il faut consommer avec modération. Et travailler à l’usine alimentaire n’arrange rien. On pourrait croire qu’il fait plus frais à l’intérieur. Dans certains endroits, oui mais pas là où je travaille. Evidemment. J’ai seize ans et je pourrais, j'aurais du passer mon test d'admission pour devenir un Membre des Aigles de l’Est cependant, je ne me sentais pas complètement près. Je suis cependant fait pour cela. Je le sais ! Maman et Papa ne veulent pas que je sois un Membre. Moi, je veux l’être pour les protéger et protéger mes petites sœurs. Je veux être un Membre pour protéger le clan qui nous à protéger, qui à donné à manger à ma famille, un toit sous lequel vivre également. La vie d’un Soumis est plus « douce » ici que dans d’autres clans, je le sais. Nous avons eu de la chance d’être parmi eux. Mon voisin de gauche me donne un petit coup de coude et me souris :
« Théo, tu rêvasses ? »
« Non, je travaille ! »
« Mouai alors dis-moi pourquoi quand on a dit qu’on pouvait partir puisque c’était l’heure tu n’as pas réagis ? »
« J’étais absorbé dans mon travail. »
« … Têtu »
Un sourire étire mes lèvres. Je dois vite rentrer à la maison avant que ma famille n’arrive. Je ne voulais pas qu’ils me voient enfiler mon vêtement d’entraînement. Je crois que si un jour ils le découvraient, ils me puniraient et m’interdiraient de sortir seul. Ils demanderaient surtout à ce que je ne sois pas inscrit sur les listes du test d’admission. Je me suis beaucoup trop entraîné pour laisser passer cela. Enfin, beaucoup trop, non, pas vraiment en fait. Ce n’est jamais assez. Jamais trop. Après tout, mon rêve est de devenir Membre, un Membre assez bon pour avoir la confiance de tous. Un Membre assez bon pour avoir un grade un jour qui sait ? Me voilà qui rêvasse encore, je dois me concentrer ! Concentre-toi Théo bon sang !
« Je suis rentré ! »
Ai-je dis en ouvrant la porte. Pas de réponse. Tant mieux. Je filais vite dans ma chambre … enfin, la chambre que je partage avec mes sœurs. Pas que ça me dérange puisqu’on a toujours partagé cette chambre. Enfin parfois c’est chiant d’avoir deux sœurs dans la même chambre. Si, si, je vous assure. Je me débarrasse rapidement de mes habits de ville avant d’enfiler une combine que j’avais trouvé il y a quelques temps. Elle était déchirée à certains endroit mais je m’en fichais. Elle était manche courte ce qui m’arrangeait terriblement d’ailleurs avec cette chaleur. Je suis sorti de la maison discrètement et j’ai couru jusqu’à ma cachette. Une cachette spéciale. Une cachette pour mon couteau. Ne me demandez pas comment je l’ai eu, je ne vous le dirait pas de toute façon. Ma cachette était en fait une vieille maison en ruine prête à s’écrouler au moindre souffle de vent de plus de cent kilomètres heures. On interdisait souvent aux plus jeunes d’y aller. Je bravais les interdit pour réaliser mon rêve et puis, j’avais seize ans, pas sept ans. Cependant, je faisais très attention au moindre de mes pas. J’évitais une pierre ici. Le plancher défoncer et près à s’écrouler là. Des pièges naturels qui s’étaient accumulés au fil des années. J’ai finalement récupéré mon couteau et je suis sorti en vitesse de cette maison avant de courir de nouveau.
Aujourd’hui, j’allais me poster en hauteur d’où je pouvais voir sans être vu. C’était un endroit assez étroit pour moi mais au moins, je pouvais m’entraîner sans trop de soucis. Comme je le pensais, une personne était déjà là. Au vu de sa carrure c’était Marshall. Je le connaissais simplement de vu et de nom. En voyant ses mouvements, je me suis mis à le respecter. C’était tellement fluide, tellement rapide, tellement … Wow. Il y avait une grâce de fauve dans ses mouvements, dans ses muscles. J’ai regardé mon propre corps avant de soupirer. Pourquoi n’avais-je pas le corps de Marshall ? On avait lésiner sur ma viande quand on m’avait fabriqué il faut croire … Enfin, c’était ainsi et peut-être qu’avec un peu d’entraînement, je pourrais moi aussi avoir une certaine carrure et prestance. Je me suis surpris à sourire avant de me mettre à imiter Marshall. A mon rythme. Mes mouvements n’étaient pas aussi félin, aussi rapide et ne semblaient pas aussi puissant que les siens mais au moins, j’apprenais d’autres choses. Je tombais parfois pour me relever immédiatement et recommencer le geste de Marshall. J’étais comme une ombre. Lointaine. Imitatrice. Solitaire. Plus lente aussi mais cela ne me dérangeait pas. J’aimais la discrétion que me prodiguais cette hauteur, à croire que je suis né pour être un discret.
J’étais tellement concentré que je ne voyais plus rien d’autres. Les mouvements répétitifs de Marshall étaient imprimés sur ma rétine et dans mon crâne comme au fer rouge. Soudain, une main s’est abattu sur mon poignet. Une main assez grande, forte. J’ai tenté de me dégager mais la main était beaucoup trop forte.
« Calme-toi petit. »
J’ai écarquiller les yeux et relever la tête. Qui j’avais devant moi ? Marshall. Comme un réflexe, j’ai regardé en bas. Plus de Marshall. J’ai de nouveau tourné la tête vers le propriétaire de la main qui encerclait mon poignet. Toujours Marshall. De ma main libre, je me suis pincé. Ca faisait mal. J’ai vu l’ombre d’un sourire se dessiner sur la bouche de l’homme face à moi.
« Co … Comment ? »
« Tu es doué pour la discrétion petit mais j’ai bien plus d’expérience que toi. »
Il relâcha mon poignet et j’ai laissé mon bras courir le long de mon flan.
« Marshall, tu penses que je peux être un Membre ? »
Ai-je murmurer lentement. Tête baisser j’attendais son verdict. Est-ce que c’était fou de rêver à ça ou est-ce que j’avais de l’espoir ?
« Si tu t’entraînes avec quelqu’un et si tu continues à être aussi sérieux, probablement. Ton prénom c’est quoi ? »
« Merci Marshall ! Je suis Théo ! Ne dis pas à mes parents que je m’entraîne, s’il te plaîs ! »
Il rit alors et j’ai compris que je pouvais lui faire confiance. Une question me traversa l’esprit :
« Dis, comment tu m’as repéré ? »
« La véritable question c’est : pourquoi je t’ai repéré, Théo. »
« Pourquoi alors ? »
« Tu ne devines pas ? »
Je n’ai rien dit, cherchant ce que je pouvais lui donner comme réponse. En regardant mes pieds puis l’endroit où Marshall était, j’ai compris :
« Mon ombre m’a trahi c’est ça ? »
« Oui Théo. Tu dois toujours être attentif au soleil quand il brille. Fais attention à lui. Il peut être ton meilleur allié comme ton pire ennemi. »
« Pourquoi est-ce que tu es monter me voir ? »
« Ce n’est pas important. Continue de t’entraîner, je vais t’aider pour ce soir. »
« Merci Marshall ! »
J’ai souri et je me suis mis en route. Marshall me donnais des conseils, rectifiait ma position parfois mais il semblait surpris de voir que je n’avais pas tant besoin d’aide que cela. Finalement, la nuit à commencer à tomber et je suis parti. Fatigué mais heureux. J’avais eu un professeur, un mentor pour une journée et ça, c’était un des plus beaux cadeaux que je pouvais avoir. Un grand sourire était étalé sur mon visage quand je suis rentré à la maison. J’étais sur la bonne voie, je continuerais de m’entraîner encore et encore et je deviendrais un Membre des Aigles de l’Est !
Point de Vu de Marshall :
Une ombre est au-dessus de moi. Je me fige et je tourne ma tête. Au-dessus de moi se trouve un jeune garçon qui semble imiter mes gestes. De là où je suis, je peux dire que c’est assez bien fait. Lentement, sans faire le moindre bruit, je quitte ma position d’entraînement et je monte rapidement le rejoindre. Pendant plusieurs minutes je l’observe dans un coin d’ombre. Il n’a pas l’air de m’avoir vu. Ses mouvements étaient simples mais efficaces. Comme je l’avais pensé, il était jeune, pas plus de seize ans en tout cas. Donc, un Soumis. Le jeune homme était concentré sur ses gestes. Il tombait et se relevait sans jamais abandonner. Tenace. C’est bien, il semblait motivé. Je ne sais pas pourquoi mais je me suis déplacé vers lui. Il ne me regardait pas. J’étais invisible à ses yeux ? Mes sourcils se sont froncés légèrement, sa concentration était bien trop profonde, sur un champ de bataille, il pouvait se faire avoir ainsi. Ma main entoura son poignet. Qu’est-ce qu’il était fin ! Ou alors c’était ma main qui était énorme ? Le voilà qui essaie de se dégager. Il semble surpris de me voir à ses côtés. Je me retiens de rire bien qu’un sourire m’échappe. Ce garçon est intéressant.
Je lui ai appris quelques petits trucs et j’ai réglé quelques positions mais, globalement, il était plutôt bon. Je ne sais pas si c’était parce qu’il s’était beaucoup entraîné pour certaines mais je suis certains que mes techniques étaient uniquement celle que j’avais fait ce soir-là. Serait-il possible que Théo est une capacité d’absorption tout à fait exceptionnel ? Il va falloir que je m’en assure. Tandis que je le voyais s’éloigner dans la nuit qui commençait à tomber, je me suis dit que les Aigles avaient de beaux jours devant eux. Il allait falloir que j’en parle aux grands pontes de ce jeune homme. Qui sait, ce que l’avenir peut réserver à un tel jeune homme ?