Ayana AIGLES DE L'EST ㄨ SOUMISE
❖ Messages : 1082 ❖ Crédits : young wolf • elwinio ❖ UN SOURIRE POUR LA PHOTO ? : ❖ ÂGE DU PERSONNAGE : 18 ans ❖ TÂCHE : Éducatrice
| Sujet: We Would Make a Beautiful Boy [OS] Mer 2 Mar 2016 - 15:56 | |
| We Would Make a Beautiful Boy
Jour 7 - Fin de journée La chambre de Kim est silencieuse et j’y entre comme nous entrons dans un sanctuaire. Je baisse les yeux, je marche plus lentement pour ne pas faire le moindre bruit, je respire a peine, comme si mon souffle pouvait troubler la quiétude qui l’habite. Ici repose le chef d’un clan dans toute sa vulnérabilité. Ici repose l’enveloppe charnelle de l’un des quatre humains les plus influents de cette ville en ruine. Il n’y avait pourtant qu’un seul aigle pour m’empêcher d’y entrer. Un seul aigle pour le protéger.
Je referme derrière moi avec douceur. Le jour tombe enfin et les lueurs solaires qui parviennent jusque dans cette chambre empruntent des teintes orangées et ambrées. Quelques rayons lèchent la peau mordorée de notre chef comme une caresse colorée, et ses mystérieuses origines se remarquent d’autant plus. Je songe, un instant, à la beauté des enfants que nous pourrions faire, lui et moi. Le satin de ma peau olivâtre et l’incroyable couleur dorée de la sienne enchevêtrés dans un seul et même corps. Un enfant du soleil. Un garçon fait d'ambre et de miel. Un aigle véritable. Mon sourire demeure l’unique gardien de cette bien étrange pensée. Kim mourra au combat, sans famille, sans enfant, sans femme. Je l’ai su dès que mon regard à croisé le sien pour la première fois. J’avais onze ans.
Il fait frais, par ici. Même si le soleil a réchauffé la chambre durant quelques heures, la nuit tombe désormais et le calme de l’endroit rend l’air plus doux qu’ailleurs. Je pourrais me poser sur une chaise, ou sur le sol, mais une envie irrésistible me pousse à m’allonger sur le lit de Kim. Je m’efforce de ne pas le toucher, de ne pas le frôler, mais je ressens néanmoins la chaleur qui émane de son corps. Peut-être sent-il la mienne…? Je dépose ma main sur mon ventre plat, trop plat, trop creux, qui s’assèche déjà, année après année, de ne pas laisser fleurir un enfant, et je laisse les dernières nuances solaires réchauffer mon corps.
- Cette histoire, je la connais par coeur. C’est l’histoire de notre monde, mais c’est aussi, en quelque sorte, notre histoire à nous tous. Un récit d’abondance perdue mais aussi de rupture de quatre frères. L’histoire débute lorsque le monde s’est effondré pour la première fois, il y a de ça plusieurs centaines d’années. Avant les ruines, avant le sang. Les animaux se sont rassemblés près des lisières de leur forêt. Un feu terrible faisait rage dans les bois et la terreur s’était emparée de tous les animaux. La majorité ont fuit loin de ce monde : les oiseaux virevoltaient en panique, les ours et les loups couraient le plus loin que leurs pattes leur permettaient. C’est ainsi que nous avons vu disparaître des créatures fabuleuses et incroyables, désormais figées dans les légendes, trop fragiles pour affronter la réalité.
Devant ce feu, seule une créature manquait à l’appel. Le jeune aigle était resté dans la forêt. Lorsque les flammes se sont approchées de son plumage, il s’envola au lac pour puiser quelques maigres gouttelettes avec son bec. Il fonça ensuite vers le feu qui embrasait son territoire et y laissa tomber une fine pluie d’eau. Inébranlable, l’aigle retourna au lac pour rapporte une goutte de plus sur les flammes. Puis encore une. Encore. Encore. Les quelques animaux toujours présents à l’orée des bois hurlaient à l’aigle de s’arrêter :
- Tu es trop petit! Ce feu est trop grand! Tu vas périr!, se moqua le dragon. - Qu’est-ce que je dois faire? C’est bien trop chaud, brailla le jaguar. - Il y a beaucoup trop de fumée, cria la vipère. Pourtant, le jeune aigle persista. Du lac, il fonça vers le brasier. Des flammes, il se rua vers les eaux. Il largua ses gouttelettes l’une après l’autre sans s’arrêter un seul instant. À un moment, drapé de son arrogance princier, le grand dragon hurla à l’aigle :
- Vas-tu enfin me dire ce que tu fais là, petit aigle? Du haut des cieux, l’aigle regarda le dragon, la vipère et le jaguar immobiles, et répondit :
- Je fais de mon mieux. Les yeux clos, je médite un moment ce conte que me racontait ma propre mère. De tout mon coeur, je souhaite que mon jeune aigle persiste et s’acharne à combattre le brasier qui l’entoure pour revenir dans ce monde.
|
|