Ce matin je me sentais d’humeur légère. J’avais envie de marcher le nez en l’air, de simplement profiter du moment. A tous les coups je me retrouvais à sécher le boulot sans m’en rendre compte, mais ça m’importait peu, je voulais juste flâner. Même pas rouler non, bien que me planche soit bien callée sous mon bras, juste marcher sans but précis. J’étais partit fin de matinée, et plus j’avançais, plus mon humeur était joyeuse. J’avais envie d’aborder quelqu’un, n’importe qui, mais il fallait croire que j’avais emprunté un chemin tellement peu fréquenter que je n’avais croisé personne avant d’arriver au niveau des frontières nord. Evidemment, je n’avais pas la moindre idée d’où je me trouvais exactement, mais j’avais bien compris que j’étais à la limite d’un clan, aussi la longeais-je sans trop m’approcher. Léger, mais pas suicidaire non plus.

Je devais marcher depuis un sacré bout de temps, car mes jambes finirent par rouspéter, et je mis en quête d’un endroit où me poser un moment. Et c’est là que les choses ont réellement commencé à déraper. Je croisais enfin quelqu’un, une jeune femme qui m’était inconnue mais que j’avais une irrésistible envie d’aborder. Je pouvais charmer lorsque je le voulais, mais là j’étais loin de me douter à quel point j’allais pousser le jeu. Insouciant, je m’approchais donc de la demoiselle, un sourire en coin aux lèvres.

Salut, tu prends l’air ?

… sans commentaire. Mon cerveau devait ressembler à de la bouillie là tout de suite, parce que je n’avais jamais abordé quelqu’un de façon aussi… niaise. Pitoyable… mais c’était plus fort que moi…

C'était la catastrophe. Avec la journée de congé annoncée par les gradés à cause de l'attitude étrange de quelques clampins et la fin de la dispute avec Jayden, j'avais décidé de le squatter, en profitant même pour aller dire un petit bonjour à Jo. Je ne l'avais pas beaucoup vue ces derniers jours et j'étais heureuse de passer du temps avec cette canaille. Seulement quand nous étions revenus à la maison, il n'y avait pas de Jo en vue. Elle n'était nulle part et, ça, c'était probablement l'une des choses les plus flippantes du monde car cette gamine ne sortait pas. Jamais. Autant dire que Jayden était paniqué et qu'il était vite monté sur ses grands chevaux de frère surprotecteur. Moi aussi, je n'en menais pas large et nous nous étions séparés pour couvrir plus de terrain. Après des recherches trop longues et bien trop fatigantes, je m'étais retrouvé à errer aux alentours des frontières. J'aurais trouvé bizarre qu'elle soit sortie du territoire, mais on ne savait jamais.

C'est ce moment que choisit quelqu'un pour m'aborder. L'évènement était suffisamment rare pour être étrange et arrêter ma marche. Nous étions aux frontières, en période de crise et... Bordel, un gamin me faisait du charme ?! Pas trop à l'aise, je me tournais vers lui et le fixais, les sourcils froncés dans la confusion. En plus, son approche était réellement pourrie. Je roulais des yeux, blasée d'avance.

« Non, j'envisage de me laisser mourir sur le bord de la route. Tu ne veux pas faire pareil ? »

Ben tiens, à question idiote réponse idiote… Si je ne voulais pas me laisser mourir au bord de la route ? Et comment ! Mais la bouille dans ma tête semblait en avoir décidé autrement, puisque de nouveau des mots insensés franchirent mes lèvres sans que rien ne les retiennent.

Ce serait contre-productif. Non là tout de suite, je profite plutôt de la vue en fait.

Je me serais bien frapper tout seul… sauf si elle comptait le faire à ma place. C’est ça, qu’elle me frappe histoire de me ramener à la raison. Ou qu’elle m’achève carrément, parce qu’après ça ce serait difficile de continuer à mener une vie normale et épanouie… Je venais de ruiner ma réputation en deux phrases… Une parfaite inconnue, en temps normale je l’aurais parfaitement ignorée ! Au pire, je lui aurais cherché des noises histoire de mettre un peu d’action, et encore c’était une fille, c’était donc peu probable… Non, ce gars là qui papillonnais des cils comme une gazelle – pas au sens propre du terme heureusement, même si je n’en étais pas loin – ce n’était pas moi ! Et pourtant j’en rajoutais une couche, comme si mon cas n’était pas déjà assez grave…

Et sinon il à un nom le beau paysage ?

Et voilà, mon arrêt de mort était signé, et si ce n’était pas le cas et bien je n’avais plus qu’à me poignarder tout seul…

HELP !!! XD:

Mais c'était qu'il avait réponse à tout ce petit con. Je me frappais le visage d'un coup sec en entendant ses lignes idiotes et particulièrement malvenues au vu de la situation. Merde, j'étais sortie pour chercher Jo, pas pour me faire draguer par une croquette. J'aurais pu juste me tirer sans un mot de plus, mais j'étais presque certaine qu'il allait me suivre. Et ça, ce n'était pas envisageable car personne ne devait connaître l'existence de l'adorable sœurette de Jayden. Je m'en serais mortellement voulue si elle venait à être découverte par ma faute à cause d'un dragueur de pacotille. Pour le bien de l'opération, j'allais donc devoir me débarrasser de lui avant de reprendre mes recherches. Cela promettait de ne pas être facile, il suffisait d'entendre sa dernière question. Beau paysage ? Est-ce que j'avais une gueule de beau paysage. Les coups que je m'étais pris l'autre jour s'effaçait progressivement, mais j'avais encore un œil un peu gonflé par un coquard, la pommette bleuie et la lèvre fendue.

« Merde, mec, t'as des goûts chelous. Tu les aimes tabassée à point ou quoi ? »

Après une seconde d'hésitation, je décidais aussi de me présenter. Peut-être qu'il serait ainsi satisfait et déguerpirait.

« Loukas. Tout le monde m'appelle Lou. Toi, le fais pas. »