The power of love, my ass
Jour 4 - Oneshot

Qu'il était idiot de croire que la Bête n'avait pas d'état d'âme. Personne n'avait cette chance. Personne ne passait plusieurs couchers de soleil sans voir apparaître un éventuel doute ou une pensée négative. Zayne était humain après tout et, en tant qu'humain, il lui arrivait aussi de traverser des moments de vide. D'une certaine façon, il avait déjà la chance de ne pas être hanté par ses victimes. Les personnes qu'il avait éliminé n'étaient pas des fantômes qu'il traînait, ils étaient juste inexistants. Ils étaient morts, tout simplement. Au fond, il avait peut-être plus de mal avec les vivants. Allongé sur son lit, le regard perdu dans le vague, il se remémora le combat. La façon dont il s'était terminé lui laissait un goût amer dans la bouche et, durant une fraction de seconde, la chaleur sembla irradier plus fort de sa blessure au bras. Perdre aurait été acceptable. Même mourir aurait été acceptable. Mais ça ? C'était ridicule. Il avait été blessé et n'avait même pas traîné son adversaire dans sa tombe pour ça. Peut-être que s'il avait perdu connaissance, l'histoire aurait été différente et encore. Il avait été dépossédé de son pouvoir à cause d'une série d'enchaînements imprévus et c'était ça qu'il admettait le moins.  

Dans la pièce jouxtant sa chambre, la porte d'entrée s'ouvrit avant de se refermer dans un claquement doux. Il aurait dû s'inquiéter, bouger, voir même s'offusquer que quelqu'un pénètre chez lui de cette façon, mais il ne fit rien de tout cela. Il savait qui lui rendait visite et c'est à peine s'il déplaça la tête pour voir l'entrée de sa sœur cadette.

» Maman s'inquiétait.

Elle fit encore quelques pas jusqu'à atteindre le bord du lit et s'y posa en poussant un long soupir. Du bout des doigts, elle traça le bandage souillé par un peu de sang et fit légèrement la moue. Si l'affection était présente, leur fratrie n'avait jamais été extrêmement forte et complice. Ils avaient sept ans de différence et pas grand chose en commun à part leur droiture vis à vis du clan et un solide caractère. Elle était la fille que sa mère avait conçue avec celui qui était désormais son compagnon, homme pour qui il n'avait pas grand intérêt tant qu'il rendait sa mère heureuse. Pour la majorité du clan, ils n'étaient même pas liés, preuve de leur manque de proximité. Elle était une Soumise bien intégrée, sympathique, mais pas bonne poire, avec cette pointe de férocité qui transparaissait parfois quand on venait trop lui casser les pieds ou qu'on avait l'audace de la traiter comme une créature fragile et inutile.

» Et je suppose que je le devrais aussi.
» Je vais bien. C'est juste une égratignure.
» Tu t'es pris une balle. Sans parler de ton attitude. Tu comptes te laisser mourir dans ton lit ?
» Je prends juste une journée de repos.
» Ce n'est pas le moment, il y a des trucs à faire.
» Shana...
» Je t'ai apporté un truc.

Visiblement, tout ce qu'il avait à dire ne valait pas grand chose aux yeux de sa sœur. Elle était déjà en train de ramasser son sac qu'elle avait abandonné sur le sol précédemment et en sortit un petit pot métallique dont elle dévissa le couvercle. Immédiatement, une odeur infâme s'en échappa et si elle ne parut pas dégoûtée, ce fut le cas de Zayne qui se redressa précipitamment et porta la main à son nez froncé.

» Pouah, qu'est-ce que c'est que ce truc ?!
» Un fortifiant pour te faire aller mieux. C'est une soigneuse qui m'a donné la recette.
» Dis plutôt que tu veux m'achever !

En tant que Fine Lame, il avait senti plus d'une chose dégoûtante, mais quelque chose comme ça ? Jamais ! C'était comme si l'Enfer avait été rassemblé dans une boîte. En fait, ça sentait plus fort que la mort. Il osa un regard à l'intérieur et avisa la mixture d'une texture et d'une couleur indescriptibles avant de regretter immédiatement alors qu'une nausée le prenait à la gorge.

» Pitié, débarrasse toi de ce truc. Je ne veux pas de ça à moins de deux kilomètres de chez moi !

Il était ridicule à se tenir maladroitement contre la tête de lit, le nez toujours pincé et la respiration saccadée car il tentait d'économiser ses respirations. Shana parut déçue, mais elle referma le pot et se leva. Un sourire étira pourtant rapidement ses lèvres alors qu'elle le fixait avec un nouvel intérêt.

» Ce truc marche bien en fait, tu as déjà meilleure mine. Probablement le pouvoir de l'amour mit dedans.

Elle rigola franchement avant de s'échapper comme elle était venue, emportant fort heureusement son immonde création avec elle. Si ça, c'était l'odeur de son amour, Zayne pouvait désormais affirmer qu'il n'était pas vraiment sûr de vouloir être aimé.