Le soleil ne semble pas décidé à se lever aujourd’hui. Il ne fait pas bon trainer dehors par un temps pareil, mais a-t-on toujours le choix ? Je suis assis sur mon lit, observant les mouvements des nuages par ma fenêtre. Ce genre de temps me rend nostalgique. Je repense à l’époque où j’avais encore le droit de me battre contre les autres clans, de m’entrainer… D’être utile aux Jaguars. En sera-t-il un jour de même ? Impossible d’en savoir plus pour le moment. J’étais écarté de ce qui avait fait ma raison de vivre pendant deux ans. Soupirant je me lève péniblement.

« Allez Aiden courage, c’est fun de surveiller les champs… »

Comme d’habitude j’essaye de me donner du baume au cœur mais rien n’y fait, je n’ai vraiment pas envie d’aller faire ce genre de travail ennuyant. Finalement sachant bien que je n’ai pas le choix je m’élance dans les couloirs du QG sans grande conviction. Je traîne la patte, ce genre de temps rend ma vieille blessure douloureuse, ce qui a le don de m’énerver encore plus que je ne l’étais déjà. Décidément, ce n’est pas ma journée, il ne manquerait plus que je la croise.

A peine ais-je pensé que je ne voulais pas la croiser qu’elle apparaît devant moi. Kora. Une jeune fille avec laquelle je n’ai pas été des plus tendres. La revoir fait ressurgir pas mal de souvenirs en moi. C’était il y a un an, peut-être moins, peut-être plus. Je venais d’être mis au placard. Je ne le vivais pas bien du tout, j’ai commencé à aller me fournir auprès de Madame. J’ai dû essayer toutes les drogues possibles et imaginables pour étouffer mon mal-être. Mais plus g=j’en prenais plus la descente était violente. Un jour elle s’est dressée devant moi, sans doute avec l’espoir de me raisonner. J’étais alors sous l’emprise d’une toute nouvelle drogue que Madame m’avait conseillée, je n’ai pas fait la différente entre un membre de mon propre groupe et un simple morceau de viande. Je le sais, c’est mal ce que j’ai fait. Elle voulait mon bien mais à la place de saisir sa main j’ai abusé d’elle, je me suis joué de cette jeune femme et j’ai même fini par la battre.

Ces souvenirs tournent à toute vitesse dans ma tête si bien que j’en perdrais presque pied. Je suis un homme fort et fier, face aux autres membres du clan je n’ai jamais perdu la face. J’ai tout fait pour éviter de me retrouver seul avec Kora, aussi bien pour elle que pour moi. Je n’ai jamais exprimé le moindre regret et je n’ai plus jamais évoqué cet incident par la suite. Non pas par honte, mais plutôt pour essayer d’oublier. J’ai arrêté les drogues justes après cet incident, conscient que j’avais fait du mal à un membre de ma nouvelle famille. Mais elle n’avait qu’à pas se trouver là à ce moment précis ! Après tout, pourquoi a-t-elle essayé d’arrêter quelqu’un d’aussi désespéré que moi ? Je plonge mon regard vert ~ bleu dans les yeux de la jeune femme. Je n’aime pas me poser des questions. Je sais que je lui ai fait du mal, et que je suis trop fier pour m’excuser face au reste du clan. Je me passe une main sur la nuque, un peu gêné par cette situation. Il n’y a personne d’autre que nous dans ces couloirs, ce serait la meilleure occasion pour moi de m’excuser. Mais plus j’y pense et plus je me dit qu’elle ne voudrait sans doute pas de mes excuses. N’est-il pas plus facile, aussi bien pour elle que pour moi, de continuer de s’éviter ? Finalement je soupire et décide de la saluer.

D’un geste rapide de la main et d’un simple « salut » je la regarde toujours, stoïque. Elle semble toujours aussi apeurée que la dernière fois que nous nous sommes croisés. Tout est de ma faute bien sûr, mais j’avoue ne toujours pas comprendre comment elle peut supporter d’être dans le même QG que moi. D’ailleurs je ne sais pas comment cela se fait qu’on ne se soit jamais croisés seul à seuls avant. Elle devait prendre soin de m’éviter, elle aussi. Maintenant que je suis sevré de ces drogues et que j’ai plus ou moins accepté mon statut je n’ai plus aussi peu de la croiser. Je sais que je ne lui ferais plus de mal. Mais elle ne doit pas penser comme moi. Pourrais-je un jour me faire pardonner pour ce que j’ai fait ? Ce ne sera certainement pas en gardant le silence. Mais elle ne me laissera sans doute pas lui parler. Au final le mur restera tel qu’il est entre nous, elle continuera d’avoir peur de moi et je continuerais de l’éviter simplement parce que la vue de la peur sur son visage me rappelle trop de mauvais souvenirs. La fixant encore une dernière fois je me contente de détourner légèrement le regard, tout de même un peu honteux de ce qu’il s’est passé entre nous. Je la dépasse dans les couloirs, une question continue de me hanter encore et encore : ais-je encore ma place chez les Jaguars du Sud ?