I couldn't stop caring
Année 40 (seconde saison tempérée) - PV Romane

Maxine avait toujours cru qu'une mauvaise journée ne pouvait pas s'empirer après qu'elle se soit faite sauvagement taper dessus parce qu'elle s'était interposée dans un combat qui n'était pas le sien. Seulement, tout pouvait toujours être pire car en plus de mal choisir son combat, elle avait aussi mal choisi son adversaire. Elle s'était levé devant une Soumise pour la protéger sans se soucier du fait qu'elle avait en face d'elle un Spécialiste. Heureusement, il n'occupait pas un numéro très élevé, mais son grade était néanmoins toujours supérieur et elle avait fait une grossière erreur en le privant de son jouet. Jusqu'ici, il n'y avait rien de bien nouveau. La nouveauté et donc l'élément qui avait tout compliqué était venu alors qu'elle avait terminé au sol, incapable de se relever, en tentant de se protéger comme elle le pouvait pendant que le Spécialiste la rouait de coups. Cette fois-ci, elle avait bien cru qu'elle ne s'en sortirait pas sans souffrir de sérieuses blessures, mais c'était sans compter sur une arrivée providentielle qui arrêta immédiatement la pluie de frappes qui s'abattait sur son dos. Au départ, elle n'avait pas bien compris ce qu'il se passait jusqu'au moment où deux mains solides l'avaient saisie pour la remettre sur ses pieds. Une fois debout, elle avait découvert avec horreur - on pouvait le dire, oui - son père. Le soutien bienvenue n'était soudainement plus si bienvenue que ça car il était sûrement la pire personne qui aurait pu lui venir en aide.

- P'pa... C'est pas ce que tu crois.

En fait, c'était exactement ce qu'il croyait, mais il s'agissait de la première chose qui lui était passée par la tête. Martin la scruta d'un œil dur tout en vérifiant ses blessures sans réelle douceur. Il avait manipulé son visage pour voir mieux les coupures et l'avait fait tourner et agiter ses membres jusqu'à ce qu'il ait fait le tour. Max s'était forcée à ne pas grimacer, mais après le passage à tabac, ce n'était pas la chose la plus facile du monde. Pourtant, elle tient bon en serrant les mâchoires car elle ne voulait pas décevoir plus encore son père. C'était ça qui la tracassait le plus. Elle le décevait en agissant aussi stupidement et en se faisant battre comme un vulgaire sac de frappe. Sans un mot, il l'attrapa par le col et la tira jusqu'à ce qu'elle se débatte un peu en prétextant qu'elle pouvait marcher toute seule. Elle avait bien compris qu'elle devait le suivre, ce n'était pas comme si elle comptait s'enfuir. Le silence dura aussi longtemps que le chemin qui les séparait du centre hospitalier. Elle avait bien essayé de lui expliquer ou de lancer une conversation, mais il était resté de marbre et ne lui avait adressé ni un mot, ni un regard. Ce traitement était la pire punition qu'il pouvait lui infliger et il le savait aussi bien qu'elle. Maxine pénétra donc dans l'hôpital avec la tête basse et le moral en berne. Elle continua de suivre ses pas par réflexe et faillit presque le percuter quand il s'arrêta soudainement devant quelqu'un.

- Romane, tu tombes bien. Puis-je te demander de prendre en charge mon idiote de fille ? J'attendrais dehors.

Et ce fut tout. Martin tourna les talons et reprit le chemin par lequel il était venu sans se soucier du reste. Malgré la distance qu'il avait déjà mis entre eux, Max se tourna brusquement pour crier.

- P'pa, je suis désolée ! Je voulais pas te foutre la honte, s'il te plaît pardonne moi.

L'Ancien Chef ne prit pourtant pas la peine de se retourner. Inébranlable, il continua à marcher jusqu'à disparaître dans les couloirs. Dépitée, Max coinça sa lèvre inférieure entre ses dents et s'entoura de ses bras sans se soucier des douleurs que ce geste réveilla. Cette fois-ci, elle avait royalement merdé.

A cause de la situation, Maxine ne s'était pas souciée de ce qui l'entourait. Elle se fichait comme d'une guigne de la personne à qui on venait de la confier. Tout ce qui comptait c'était qu'elle avait déçu son père et qu'elle n'avait aucune idée de comment elle allait se rattraper. Martin était un bon père, il était aimant à sa façon, et il avait accepté le tempérament pour le moins étrange chez les Dragons de sa fille, mais il n'en restait pas moins une personne respectée qui avait beaucoup travaillé pour son clan. Alors bien sûr, une gamine qui se faisait tabasser par un Spécialiste, ça faisait tache. Max ne savait pas exactement ce qui était le pire : qu'elle soit prise pour cible parce qu'elle avait voulu défendre une personne faible ou qu'elle n'ait pas vraiment rendu les coups. Elle avait trouvé intelligent de ne pas se rebeller pour éviter de compromettre encore plus sa position - même si elle restait toujours persuadée que le Spécialiste était en tort -, mais peut-être qu'elle avait tort. Peut-être que c'était après tout la pire façon d'agir. Jouer les mannequins d'entraînement, ce n'était pas très Dragon. La voix de la soigneuse la sortie brutalement de ses pensées et elle se rendit compte qu'elle était toujours au milieu du hall de l'hôpital à essayer de s'apporter du réconfort en serrant les bras autour d'elle.

- Un peu des deux...

Les mots étaient sortis dans une expiration difficile. Maxine n'avait jamais été douée pour garder le silence. Quand on lui parlait - et même quand on ne lui parlait pas -, elle répondait. C'était aussi simple que ça. Cette habitude couplée à sa quasi inaptitude à ne pas être sincère faisait d'elle une très mauvaise menteuse. A la réflexion à propos de son état, l'Aspirante haussa les épaules. Elle fit la même chose quand la rousse parla de la douleur. Elle s'en fichait un peu. En fait, elle ne s'était pas vraiment soucié de son état et le mal n'était pas si dérangeant. A force de prendre les coups, elle avait dû devenir plus résistante. Ou alors elle avait tellement le moral dans les chaussettes que ses blessures étaient devenues le cadet de ses soucis. Il faudrait qu'elle demande à Sawyer si on pouvait arrêter de sentir la douleur quand on était trop déprimé. Sur cette pensée, elle suivit docilement la soigneuse. Ce n'était pas comme si elle avait quelque chose de mieux à faire et puis l'autre fille l'avait demandé gentiment. Sans parler du fait que toute cette histoire tournait autour d'un ordre de son père et qu'elle ne voulait pas lui causer de nouveaux problèmes en n'obéissant pas. Il avait jugé nécessaire qu'elle se fasse soigner, elle se ferait donc soigner.

Je connaissais les rumeurs au sujet de Maxine. La fille de Martin était toujours spontanée, sincère et réfléchissait peu aux conséquences de ses actes. Elle était également décrite comme particulièrement naïve et bavarde. Une Dragonne comme on n’en voit pas à toutes les rues. Louise était pas mal dans son genre aussi, encore différente parce qu’elle n’était pas naïve mais je me disais, en y pensant, qu’elles pourraient être de vraies amies si elles prenaient la peine de discuter. Je chassai rapidement cette pensée de ma tête pour me focaliser sur mon devoir. Je devais la soigner. Non, je n’étais pas effrayée par la requête de Martin. Certes, il fut notre Chef avant et il était encore très respecté. Il fut un excellent Chef, d’ailleurs, c’est pour cette raison qu’on le respectait volontiers sans le craindre pour autant. Non, ce qui me poussait à m’y mettre sérieusement c’était par vocation. Je m’investissais toujours quand je m’occupais de quelqu’un, que ce soit un Dragon, un Aigle, un Vipère ou un Jaguar. Même un Libre avait droit à toute mon attention. C’était mon travail. J’avais toujours désiré devenir Soigneuse. J’étais une Soigneuse sérieuse et reconnue pour son implication. Et là, j’avais une Dragonne sous mes yeux, une fille avec qui je pouvais peut-être plus facilement parler encore et en apprendre davantage à son sujet pour me forger ma propre opinion à son sujet. « Certains sont de vrais abrutis. » J’avais dit ces mots pour qu’elle continue de me parler plus que pour souligner le fait. Elle n’avait pas besoin que je le dise pour le savoir.

Je la guidai jusqu’à une chambre et lui indiquai le lit. Une fois qu’elle fut installée, je scrutai de mon regard telle une loupe ses blessures. Elle affichait un bon nombre de coupures. Elles n’étaient pas profondes mais il fallait tout de même les nettoyer pour éviter les infections. Elle était coopérante alors je comptais bien y aller doucement. Pas question de l’effrayer. Elle était déjà suffisamment muette et paumée. Ce qui était déstabilisant quand on s’attendait à avoir une fille bavarde et pleine de vie face à soi. Je commençai donc par son visage, le nettoyant avec le désinfectant. « Attention, ça risque de piquer. » Ça ne risquait pas, ça allait piquer. De nouveau, je ne voulais pas l’effrayer et la brusquer davantage, alors j’y allais en douceur. « Tu peux me dire où tu as mal ? Ou en tout cas me dire où tu as reçu des coups ? » Je voulais qu’elle réagisse, un minimum. Je ne voulais pas que s’instaure une ambiance d’enterrement ou sombre, tout simplement. « Tu peux me parler. Je ne suis pas là pour te gronder ou te juger, Maxine. » J’espérais la détendre un petit peu. J’avais bien remarqué qu’elle n’était pas dans son assiette. Je faisais ce que je pouvais avec les moyens du bord. « Je ne suis pas ton ennemie. » Je lui tendais une main – métaphoriquement, on s’entend – et lui souriait pour la rassurer.

La remarque de Romane aurait normalement dû lui tirer un sourire parce que c'était vrai, les Spécialistes étaient souvent des idiots. Maxine avait une sorte de théorie à ce sujet, pour elle ça ne pouvait venir que d'un manque d'air à force de se tenir en haut de leur podium ridicule. Elle n'avait jamais bien compris l'intérêt de ces équipes d'élite qui ne faisaient au final que brasser de l'air plutôt que d'être réellement utiles sur le terrain. Oui, elle devait avouer qu'ils étaient impressionnants et qu'elle les voyait comme des sortes de professionnels des Membres, mais parfois elle se trouvait à plus respecter ceux qui amélioraient la vie du clan au jour le jour en réalisant au mieux leurs tâches. Cela faisait partie de ces choses qu'elle avait apprises au côté de tous ces non-natifs et de ces personnes qui trainaient loin de la bulle dorée dans laquelle les enfants comme elle évoluaient. Pour en revenir aux Spécialistes, oui, ils étaient des abrutis, mais Max haussa à peine les épaules pour confirmer. Elle suivit les directives en se perchant sur le lit de cette petite chambre dans laquelle elle avait été conduite. Ce n'était pas sa première visite et ce ne serait pas sa dernière, elle commençait à savoir comment ça se passait. Ses yeux restèrent fixés sur ses bottes pendant que Romane l'observait, probablement pour s'assurer qu'elle ne raterait aucune blessure. Max ne leva la tête que quand la soigneuse commença son travail en s'occupant des marques sur son visage. Le produit était particulièrement désagréable et la fit frémir avant de grimacer. En plus, ça ne sentait vraiment pas bon.

- Le dos.

Réponse courte et amplement suffisante. Seulement, la rousse était d'un autre avis et elle continua à s'exprimer pour deux. Maxine n'avait jamais aimé voir quelqu'un faire des efforts pour elle et ne pas les reconnaître, elle se força donc à sortir un peu de l'état dans lequel la colère de son père l'avait mise.

- Et les bras, mais je me suis recroquevillée pour éviter les coups trop mauvais quand je me suis retrouvée au sol donc c'est surtout le dos.

Le passage du désinfectant sur une nouvelle coupe la fit siffler clairement et elle se crispa une seconde avant de se souvenir que ça ne ferait qu'aggraver la douleur. Elle devait se détendre, mais c'était vraiment difficile dans ces conditions. Quand elle put desserrer les mâchoires, elle continua avec un grognement mécontent.

- Je ne peux même pas dire que l'autre est dans le même état, je ne lui ai pas porté un seul coup. Quand j'ai compris que c'était un Spécialiste et que la fille s'est enfuie, j'étais déjà assez dans la merde sans en rajouter.

Maxine me faisait vraiment peine à voir. La réputation disait d’elle qu’elle était une fille pleine de joie, d’énergie à revendre et d’enthousiasme. J’avais déjà pu le remarquer, d’ailleurs, quand elle était arrivée une autre fois au centre hospitalier, alors que je ne m’occupais pas d’elle. Peut-être même que Chanel m’avait partagé son point de vue, une fois, au sujet de cette Aspirante, fille d’un ancien Chef, fille intouchable grâce à ce statut et un père un poil trop protecteur. Beaucoup disaient aussi qu’elle n’avait aucun point en commun avec ce dernier mais ceux qui disaient ça ne connaissaient, pour la plupart, pas du tout l’Ancien personnellement. De mon côté, je ne me laissais pas aller par les apparences. Même si elle n’avait effectivement pas l’âme de son père au premier abord, je me disais qu’elle devait forcément lui ressembler mais on ne le voyait pas ou pas encore. De toute façon, pour l’instant, je m’arrêtais sur le fait qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. C’était impressionnant. La savoir si muette et si peu réaction m’inquiétait presque plus autant que les plaies qu’elle arborait, finalement. « Tu as eu un bon réflexe. Même s’il ne l’a pas précisé en t’amenant ici, je suis certaine que ton père s’inquiétait et qu’il doit être fier que tu aies pu éviter les grands dégâts. » Elle ne voulait sûrement pas entendre parler de son père. J’avais compris que c’était ça qui la crispait, pas la bagarre qui l’amenait ici. J’espérais simplement que ça la ferait réagir. Ce serait un début. Rester muet créait parfois des blessures bien plus graves et pernicieuses.

J’avais peur malgré tout de sa réaction. Elle était de celles que je ne voulais ni brusquer ni blesser. Elle était bien trop spéciale pour ça. Ce n’était pas le genre d’Aspirante qui prenait la grosse tête face aux non natifs ou aux Soumis. Elle était bien trop correcte pour ça. Tandis que je tournais autour du lit pour me trouver juste derrière elle, je continuais de parler pour deux. Il le fallait. Ne pas lui laisser le temps de réfléchir à tout ça. « Je te promets que s’il vient au centre hospitalier, je me chargerai personnellement de ses blessures. » Je rigolais évidemment. Quoi que ? Il fallait qu’elle sourie. Et j’avais de quoi la venger, dans les faits. Je sais aussi qu’elle n’était pas du genre à blesser les autres par pur plaisir mais je voulais qu’elle comprenne que j’étais indignée face à la violence gratuite qui était normale pour les Spécialistes du genre qu’elle avait eu face à elle. « On n’a pas le droit de mettre Max dans cet état. » J’étais trop familière ? J’inspectais son dos, toujours en douceur. Plus de peur que de mal, elle avait pourtant bien quelques hématomes.

Romane ne ménageait vraiment pas ses efforts, elle pouvait le voir. Son attitude, sa voix, ses paroles, son toucher,... Chaque action était précautionneuse et semblait avoir pour but de l'aider à surmonter cette mauvaise phase. Malgré son humeur maussade, cela lui tordit un petit sourire sur les lèvres car elle avait toujours été plus réactive à la gentillesse des femmes. L'absence de sa mère la rendait attirée par toute attitude plus douce et presque maternelle, voir fraternelle. C'était toujours comme ça quand elle faisait la connaissance d'une fille plus âgée qui lui offrait un peu de réconfort. Quelque part, elle en crevait de ne pas avoir eu de maman même si elle n'aurait pas rêvé d'être élevée par un autre père. Il avait ses défauts, il était parfois un peu brute, mais il l'aimait. Et c'était pour ça, pour tout ce qu'il lui avait appris qu'elle voulait le rendre fier même si elle échouait systématiquement. Quand Romane mit ça sur le tapis, Max se renfrogna donc et s'appliqua à percer avec ses yeux un trou dans ses bottes poussiéreuses.

- J'en suis pas si sûre. Il n'est pas fier de me ramasser au sol comme un vulgaire rat qu'on écrase.

Un Dragon aurait habituellement utilisé ici le terme de non-natif ou impur pour se décrire car quelque part, c'était pire qu'être un rat, mais elle ne faisait pas partie de cette catégorie de personnes. Elle hésita une seconde avant de continuer, mordillant sa lèvre comme la gamine qu'elle était en ce moment.

- Il va finir par penser comme les autres. Que peut-être je ne suis pas sa fille et qu'il s'est cassé la tête à élever une gamine qui n'était même pas la sienne.

C'était dit. Cette pensée avait été trop présente dans son esprit ces derniers temps car depuis qu'elle était devenue Membre, elle avait entendu dire cela bien trop souvent. Même dans le Golden Quarter, elle était parfois la fille indigne qui n'atteindrait aucun sommet contrairement à son paternel. Elle avait même entendu une mère siffler à son compagnon qu'elle occupait à tort une place dans l'équipe Basique. Alors peut-être que ce n'était que de la jalousie car leur fils n'était que chair à pâté, mais les mots avaient creusés un sillon dans son esprit et ils y étaient restés bien cachés. Elle fronçait les sourcils sans s'en rendre compte, plus vraiment consciente de la présence de Romane même si celle-ci se rappelait parfois d'une pression sur son dos. Et puis, elle fit une déclaration qui en temps normal l'aurait probablement fait sourire, mais qui ici obscurcit ses traits. C'était comme un rappel que son statut la protégeait quelque part. Que même si elle jouait les défenseurs des opprimés, elle n'était que ça. Elle pouvait dire ce qu'elle voulait, elle était mieux placée qu'eux et elle le serait toujours. Parce que même si les gens doutaient de sa paternité, elle était la fille de Martin et il le respectait lui. Pas elle.

Il fallait être aveugle pour ne pas remarquer qu’au-delà des blessures, Max était blessée et profondément. Sa première remarque au sujet de son père qui devait en avoir marre de la ramasser comme un vulgaire rat, pour reprendre ses mots, en disait long sur la façon dont elle se voyait en ce moment. J’espérais sincèrement que ce n’était pas tout le temps le cas. J’espérais sincèrement qu’elle ne cachait pas ce genre de blessure derrière ses sourires habituels. Elle valait mieux que ça. Ça faisait vraiment beaucoup de bien d’avoir des Aspirants comme elle, que dis-je, des Dragons comme elle. C’est sûrement pour ça que le fait de la savoir dans un tel état mental me faisait encore plus mal qu’avec n’importe qui d’autre. J’avais le sentiment d’avoir une autre Maxine sous les yeux. Quelqu’un de parfaitement étranger. Et pour le moment, tout ce que je disais et faisais se soldaient par un échec cuisant. Au lieu de la bombarder d’enthousiasme, je la laissai respirer un moment, le temps de me concentrer sur ses blessures. Celles au niveau de son dos étaient minimes et j’avais donc rapidement fait le tour. Derrière elle, j’avais pris le temps de réfléchir loin de son regard de chien battu.

Ce n’est que quand elle me fit part de son inquiétude – inquiétude qui semblait vraiment la ronger – que je compris réellement à quel point elle était honteuse et mal. Me concentrant pour inspecter une dernière fois tout son corps pour ne rien louper, je jetais régulièrement un œil malgré tout en sa direction. C’était toujours plus simple de s’exprimer en fixant la personne à qui on s’adresse pour faire passer quelque chose d’aussi fort. « Depuis quand ça te travaille ? On ne dit pas ça soudainement ni aussi facilement. » Oui, elle devait forcément se miner avec ça depuis un moment maintenant. Je soutenais son regard, sérieuse mais pas sévère. J’étais inquiète, certes, mais je ne voulais pas qu’elle se referme comme une huître. « Il ne faut pas écouter les autres, Max. Il ne faut pas les laisser te dire qui tu es. Tu dois apprendre à le savoir toi-même et apprendre à te faire confiance. » C’était facile, je le conçois, mais je ne voulais pas qu’elle se fasse bouffer. « Si tu ne veux pas qu’on te voie comme celle qui ne mérite pas d’être la fille de Martin, montre que tu n’es pas cette fille. » C’était le meilleur conseil à mon avis. Je lui souriais tout en hochant la tête et en posant mes mains sur ses épaules. « Beaucoup pensent en me voyant que je suis faible parce que je suis une fille et une Soumise. J’ai fait en sorte qu’on sache que je suis bien plus que ça. Maintenant, ils n’osent plus me défier. Tu en es capable, toi aussi. » Je ne voulais pas la rassurer. Je ne voulais pas être trop gentille. Je tenais simplement à lui faire comprendre comment on prend le dessus sur sa vie, sans dépendre des autres.