Eli - 12 ans

Il y à peine quelques mois de ça, j’étais comme un robot : indifférent. Je n’affichais pas la moindre émotion, le moindre sentiment. Aujourd’hui, je ne suis plus que colère et amertume. Je ne dissimule plus rien hormis ma douleur, et encore… Et avant tout ça…

Retour en arrière de plusieurs années, avant Alessandra, avant toutes ces filles, avant même Kiara… A cette époque, j’étais un gamin tout ce qu’il y a de plus normal, souriant, ayant de l’ambition et vivant encore dans une certaine insouciance. J’avais douze ans. A cet âge là, j’envisageais déjà de devenir Membre, et je m’entraînais malgré les protestations de mon père. Je me cachais aux limites infréquentées du territoire, et j’enchaînais des mouvements observés en cachettes. Ce que je ne savais pas, c’est que j’étais moi-même observé durant ces séances. En effet, une gamine de mon âge passait son temps à ma suivre, et il me fallut plusieurs jours pour finir par la repérer. Enfin c’est plutôt elle qui se dévoila en fait… Elle s’appelait Camille, et nous avons traîné ensemble pendant un temps. Elle ne me parlait pas souvent d’elle, ni de sa famille, et je n’ai jamais pu voir sa marque de soumission, mais je m’en fichais un peu, parce que j’étais bien avec elle. On riait souvent, nous nous entraînions mutuellement, et nous découvrions le territoire en nous aventurant dans des lieux que ni elle ni moi n’avions jusque là exploré. Par jeu, nous fuyions toujours les Membres, ou même les adultes de façon générale. Parce que oui, les Membres étaient pour nous des adultes. Nous étions en mission, et nous ne devions pas nous faire repérer.
Nous parlions beaucoup également, de tout et de rien. C’était une belle période…

Un jour, Camille n’est pas venue au rendez-vous que nous nous étions fixé. Je m’étais sentit blessé, et je n’ai même pas essayé de partir à sa recherche sur le coup, mais je suis revenu au lieu de rendez-vous le lendemain, et encore le sur lendemain. Ce manège à duré six jours… Jusqu’au dernier couché de soleil où je l’ai enfin revue. Elle n’avait pas l’air bien, elle était triste, et si en la voyant arrivée j’avais d’abord voulus m’énervé pour le coup de ne pas avoir donné de nouvelle, toute ma colère est retombée lorsqu’elle tombée dans mes bras. Cela n’a pas duré longtemps… elle pleurait, et entre deux sanglots elle s’est excusée : « Je dois partir, on ne se reverra plus, je suis désolée. » Elle s’est ensuite écartée, à posé un léger baissé sur mes lèvres et puis est repartie en courant sans me laisser le temps de réagir. Pendant encore six jours je suis revenu, encore et encore, espérant la revoir. Je voulais lui demander des explications sur son comportement… et sur ce baisé… Mais elle n’est jamais revenue. J’étais désespéré, à tel point que j’ai fini par me confier à ma mère. C’est à ce moment là que j’ai appris qui était réellement Camille. Elle qui ne parlait jamais de sa vie ou de sa famille, elle qui ne montrait jamais ses poignets, elle qui avait inventé le jeu d’espionnage pour éviter les Membres, elle qui connaissait si bien les abords du territoire… Camille était une Libre. Je pris cette révélation d’abord comme une trahison, puis son absence me pesant, je me suis sentit mal pour elle… et puis je l’ai tout simplement oublié. Douze ans, un moment de bonheur - treize ans, une année d’inquiétude - quatorze ans, d’autres filles et d’autres béguins… Camille à fini par disparaître de ma mémoire : après tout, cela n’avait même pas duré une saison… A-t-elle disparue de mon cœur… là par contre il est bien plus difficile de le dire…