Vous trouverez peut-être que je suis barjot, mais je me suis assignée une punition, pour avoir manqué plus de dix fois la cible aujourd’hui, au centre de tir. Je suis peut-être radicale, mais je me dis qu’au bout du compte, je parviendrai sûrement à mes fins. Ca ne va certes pas m’aider à mieux viser, mais peut-être que je me forcerai d’avantage la prochaine fois … Enfin, je me suis dit que j’allais faire un jogging nocturne. Ou du moins, j’attendais la tombée de la nuit pour commencer à courir en zone neutre. J’avais justement un pantalon jogging gris ainsi qu’une camisole blanche sous laquelle je portais un soutif sport, pour la cause. À ma ceinture, j’avais accroché à ma poche mon petit poignard fétiche, duquel jamais je ne me séparais.

Tout allait de bon train, malgré l’humidité étouffante de ce soir. Ma langue commençait à se dessécher au fur et à mesure que je courrais mon marathon mais je ne m’arrêtais pas. J’arrivais bientôt dans la Zone Neutre, plus particulièrement dans le parc (ou du moins, ce qu’il en restait). La vue n’était pas plaisante mais c’était tout de même convenable pour la course. Quelques buissons épineux, de vastes étendues de brins tout desséchés ainsi que nombres de souches rongées par les fourmis. Pas un paysage des plus époustouflants mais au moins, la lune bien blanche éclairait mes pas d’une lumière naturelle très rassurante.

Rendu là, j’ai pris une menue pause pour reprendre mon souffle, ma queue de cheval s’étant ébouriffée sauvagement à force de jogger et mon linge n’étant plus guère propice aux rencontres galantes…Rendu à ce niveau, la moindre petite brise de vent, le moindre petit souffle me rafraîchissait comme si j’avais plongé tête première dans une piscine glacée. C’était tellement agréable, même si c’était que de très subtiles caresses venteuses. J’étais envahie d’un drôle de sentiment, ce « feeling » de bien être, quand on cesse une activité physique : l’endorphine. Je fermais les yeux avec délicatesse et restait immobile une bonne minute à réfléchir. Ce sentiment de béatitude, c’était apaisant. Mon corps se détendait jusqu’à tout à coup …

Je senti un bras venir barrer mes épaules et une main d’homme s’appuyer contre ma bouche afin d’étouffer quelconque cris d’effrois. Mes yeux s’arrondissaient comme des billes et je me sentais complètement immobilisée. Sous le joug de l’adrénaline immédiate, je me secouais dans tous les sens, gigotant comme une enragée jusqu’à ce que je vienne à libérer ma bouche et ainsi puisse laisser l’empreinte de mes dents contre la main de mon agresseur en une morsure très intense. Si tant force que le gout du sang et de la peau me resta sur la langue. Je sentais que j’allais enfin me libérer, sûrement dû au fait que l’agresseur n’avait pas plus de muscle sur le corps qu’un bambin, mais je reçu de plein fouet un coup de poing directement à l’estomac. Mon souffle se coupait immédiatement et mes yeux exorbités s’ouvraient bien grands. Tout c’était passé si vite.

Un homme apparaissait devant moi, il avait une longue barbe drue et aux poils bien noirs, des yeux creux et une mine affreuse. Je ne savais pas du tout mais alors là, pas du tout ce qu’ils me voulaient mais j’étais en mauvaise situation. Il s’approcha de moi et entre deux cris enragés, je lui fracassais l’avant de mon front directement sur le nez, ce qui eut pour effet de le lui fracturer bien comme il le fallait. Malheureusement pour moi, j’avais mérité en retour, une droite bien placée à la mâchoire. Ma lippe se fendait alors et mon menton servait de ruisseau pour le sang qui désormais y coulait abondamment. Je donnais plusieurs coups ici et là, je savais que j’avais gravement blessé l’un des deux assaillants mais, prise de surprise, j’étais vachement désavantagée. Je commençais à voir flou et j’envisageais le pire …