Jour 6 - matin

Il y a un sentiment étrange au fond de ta poitrine. Tu te réveilles doucement, ta conscience encore un peu embrumée. Tout te semble différent aujourd'hui. Tu ressens une sorte de bien-être et tu es apaisée. Tu es encore bien au chaud sous la couverture et tu profites avec bonheur du confort de l'oreiller. Ton esprit flotte encore quelques instants dans le brouillard avant qu'une pensée ne vienne te frapper. Tu n'es pas chez toi. Tu n'as pas besoin d'ouvrir les yeux pour le savoir. Tu en es certaine même si tu ne sais pas exactement pourquoi. C'est une constatation étonnante car tu n'as pas pour habitude de découcher. Tu ne dors jamais chez tes conquêtes. Tu n'y es pas à l'aise et dans la majeure partie des cas ta présence n'est pas désirée pour la nuit. C'est donc une sensation nouvelle que de te réveiller chez quelqu'un d'autre. Sur un autre territoire. Les informations affluent un peu trop vite dans ta tête. Tu es sur le territoire des Vipères. Dans le lit d'une Vipère. Avec une Vipère. Ça fait beaucoup de Vipères et bien trop peu de Dragons. La douce sensation du soleil chauffant ton visage fait manquer un battement à ton cœur et c'est ce choc qui te pousse à ouvrir brusquement les yeux. La morsure de la lumière est trop violente et tes paupières retombent immédiatement en barrage. Il fait jour, pas de doute. Tu te forces à affronter le soleil pour scruter ce qui t'entoure. Machinalement tu cherches tes vêtements mais tu ne les trouves pas pour la simple et bonne raison qu'ils sont sur toi en ce moment. Encore un élément perturbant. Tu paniques un peu parce qu'il fait jour et que tu n'es pas sur le territoire des Dragons. Ça sous-entends que tu es en train de rater l'entraînement matinal. En plus de deux ans, c'est la toute première fois que tu loupes un entraînement. Ton esprit encore un peu embrumé par le sommeil s'agite alors que tu cherches une excuse que tu pourras servir à Michael mais rien ne vient. Tu n'es même pas certaine de ce que serait un vérité. Les événements de la nuit sont un peu flous dans ta tête et tu commences à douter de ta sobriété. Techniquement tu étais bien sous influence mais la fille qui t'a vendue de l’Iridescente n'a pas parlé d'effets secondaires. En plus la prise datait d'une journée et tu doutais que les effets soient aussi longs.

Alors que tout s'agite dans ta tête et que ta conscience te réclame debout et efficace pour arranger cette situation, ton corps s'y refuse. Il est fatigué et las de tout ce stress. Être étendu dans une chaleur réconfortante est la meilleure chose qui lui est arrivé depuis des semaines. Mais ton esprit continue de s'acharner pour que les pièces du puzzle s’emboîtent ensemble. Le besoin de tout contrôler revient rapidement. Avant d'être tout simplement balayé lorsque tu constates la prise forte sur ta taille et le souffle chaud qui balaye ta nuque. Une vague d'images s'abat sur toi et tu retiens un instant ta respiration. Tu es en cet instant monstrueusement gênée. Théoriquement la fille qui se tient dans ton dos devrait être la gênée de l'histoire mais tu penses remporter la palme. Le souvenir de ta faiblesse fait brûler tes joues et tu ne sais pas comment manager tout ça. Hier tu t'es laissé complètement aller dans les bras de Yulia. Tu as littéralement craqué. Même si tu te sens soulagée à ce propos il n'empêche que cette situation est affreusement gênante. Tu n'arrives même pas à comprendre ce qu'il t'a pris. Tu revois encore le visage de Yulia, la douceur de ses mains sur ta peau, ses lèvres,... Non vraiment ta réaction te donne la sensation d'être sortie de nulle part. Demain j'aurais tout oublié avait-elle dit. Tu l'espères. En quelque sorte. Au fond de toi tu sais très bien que tu lui es reconnaissante pour ce qu'elle a fait. Elle t'a en quelque sorte protégée au moment où tu en avais le plus besoin. Elle t'a ouvert tes bras, faisant fi de tout le reste pur que tu puisses relâcher cette pression qui t'étouffait depuis des jours. Et même si tu as honte de cette faiblesse qui s'est échappée, ne plus la sentir sur tes épaules te fait du bien et tu songes que tu pourrais peut-être être faible à nouveau avec Yulia. C'est peut-être pour ça que tu demeures immobile depuis tout à l'heure. Sous la couverture, tu apprécies simplement le contact du corps de la Vipère. Tu fermes doucement les yeux et tu te concentres sur le rythme de sa respiration caressant ta nuque avec régularité pour calmer les battements de ton cœur trop peu habitué à tout ça. Cet instant est une sorte de trêve et tu n'es pas encore prête à ressortir en zone de guerre même si tu sais qu'il te faudra une fois dehors subir les conséquences de tes actes. Mais tout ça attendra encore un peu.

Yulia avait derrière elle un certain nombre de gueule de bois. Depuis le début de son adolescence, elle avait pris l'habitude de traîner parmi les membres au quartier des jeux. Aller là-bas avait au départ été une façon de retrouver sa famille, ainsi que l'ambiance si particulière qui régnait chez les jaguars. La plupart de ses amis appartenaient au sud et elle ne pouvait s'empêcher de considérer encore un peu le territoire comme sa maison. Boire était donc une habitude et elle avait une certaine pratique en la matière. L'alcool avait tendance à agir rapidement sur elle, mais les effets retombaient tout aussi rapidement. Ses gueules de bois étaient par contre modérées. Elle s'en sortait généralement avec un mal de tête pas trop gênant et une mauvaise humeur qui croissait au fil de la journée. Elle pouvait aussi se vanter de ne pas souffrir de black-out suite au réveil. Qu'importe le ridicule de la nuit qu'elle avait vécue, Yulia se souvenait toujours.

Lorsque le soleil frappa son visage et la tira du sommeil, Yulia se maudit pourtant. La lumière était aujourd'hui particulièrement dérangeante et elle éveilla en elle un cuisant mal de tête. Elle étouffa un grognement en enfouissant sa tête dans les cheveux bruns de Violette et resserra sa prise autour de sa taille. Pourquoi le soleil s'était-il levé si tôt ? Elle avait la sensation de s'être endormie il y a à peine quelques minutes. Gardant les yeux fermement scellés, la vipère grommela quelque chose s'apparentant à un bonjour avant de poser un baiser dans la nuque de Violette. Elle laissa sa main dériver lentement sur son ventre, dessinant au hasard autour de son nombril sans s'en rendre réellement compte.

— J'ai décidé de faire la gueule au soleil.

Sa voix était éraillée et ronchonne, mais Yulia laissa échapper un rire léger devant l'idiotie de sa déclaration. Le silence n'était pas vraiment gênant, pourtant elle avait ressenti le besoin de le briser car elle craignait de voir Violette le faire trop sérieusement. Maintenant que la nuit était terminée, Yulia ne savait pas à quoi s'attendre. Elle avait promis à Violette qu'elle ne se souviendrait pas de son comportement et elle comptait bien tenir sa parole. Le problème, c'était qu'elle ne voulait pas feindre d'oublier tout le reste. Elle ne voulait pas non plus qu'elle parte. Très sincèrement, Yulia l'aurait bien gardé dans le lit pour le reste de la journée, mais elle ne voyait pas au nom de quoi elle aurait pu le faire. L'envie ne lui manquait pas pourtant. Rien ne légitimait non plus la façon dont elle la pressait contre elle comme pour l'empêcher de partir et le geste qu'elle esquissait depuis tout à l'heure sur son ventre. Elles avaient presque passé la nuit ensemble, mais c'était tout. Non, elles avaient vraiment passé la nuit ensemble, mais pas au sens sexuel du terme. C'était bien parti pourtant. Jusqu'à ce que Yulia dise ou fasse quelque chose. Elle ne savait toujours pas ce qui avait perturbé Violette de la sorte d'ailleurs. Même si elle était curieuse, Yulia savait que c'était le sujet à ne pas aborder. Elle garderait donc ses interrogations pour elle. Dans un soupir, elle arrêta de la caresser et desserra son étreinte pour mettre un peu de distance entre leurs corps. Elle ne voulait pas que Violette se sente prisonnière.

Tes yeux flottent longuement sur le ciel que tu aperçois derrière les fenêtres. Tu profites de la douceur du soleil en essayant de te concentrer uniquement sur le moment. Ca fait une éternité que tu n'as pas profité d'une matinée calme. En réalité, tu ne te souviens même pas de la dernière fois que tu t'es trouvée au lit alors que le soleil était déjà levé. C'est plus agréable que tu n'aurais pu l'imaginer et c'est probablement car c'est un plaisir rare. Il est plus facile d'accepter cette possibilité là que d'admettre que tu te sens peut-être simplement bien à cause de la présence de Yulia. Malgré ton envie d'aller ouvrir la fenêtre pour faire entrer un peu d'air, tu n'as pas bougé d'un pouce de peur de la réveiller. La nuit a été plutôt intense et il vaut sûrement mieux qu'elle se repose tant qu'elle le peut. De plus, tu ne sais pas exactement ce qu'il se passera lorsqu'elle sera sortie du sommeil. Votre situation est précaire et tu te demandes quelle sera sa réaction par rapport à tout ça. Tu ne sais même pas quelle sera exactement la tienne. Lorsque tu la sens bouger, tu te crispes légèrement. Yulia grogne et vient nicher sa tête dans tes cheveux d'une façon que tu trouves adorable et tu te détends dès qu'elle te serre un peu plus contre elle. Les mots sont inutiles avec ce genre de gestes. Il y a un sourire sur tes lèvres quand elle parle de façon totalement incompréhensible et il s'agrandit plus encore suite au baiser qu'elle dépose dans ta nuque. Tu es plutôt contente qu'elle ne puisse pas te voir en cet instant. Tu dois probablement être ridicule à sourire niaisement. D'ailleurs tu t'appliques à effacer ce sourire en te mordillant la lèvre. C'est aussi une bonne façon d'ignorer sa main qui se déplace doucement sur ton ventre. Yulia a-t-elle seulement conscience de l'effet qu'elle a sur toi ?

YULIA – J'ai décidé de faire la gueule au soleil.

Apparemment non. Quand elle rit, tu ne peux pas t'empêcher de laisser passer un filet de rire à sa suite. Elle est mignonne.

VIOLETTE – Je crois que tu devrais plutôt en vouloir à tout ce que tu as ingurgité hier.

Ou pas. Tu ne l'avoueras jamais mais tu es satisfaite qu'elle ait décidé de picoler au point de te sauter dessus. Même si tu regrettes un peu une partie de la nuit, il y a certains détails qui ne te déplaisent pas tellement. Tu pourrais t'habituer à la présence de Yulia et à tous les petits gestes qu'elle esquisse pour toi. Il semble facile pour elle d'être affectueuse. Alors que tu le penses, la Vipère se retire un peu et la pression de ses bras te manque. Même son souffle qui balayait ta nuque et sa main qui survolait ta peau. Tes lèvres se pincent avec amertume alors que tu te demandes quelle est la meilleure chose à faire. C'est la première fois que tu te retrouves dans une telle position et tu ne sais pas comment agir. Tu ne sais pas non plus ce que signifie exactement la distance mise par Yulia. Est-ce une façon de te signifier que tu dois partir ? C'est en effet ce que tu devrais faire mais tu n'en as pas très envie. Tu n'as aucune raison de revenir chez les Dragons pour le moment. L'entraînement matinal est en cours et celui avec les Spécialistes n'aura pas lieu avant le début de l'après-midi. Ça te laisse une longue plage de temps libre que tu consacres habituellement à ton entraînement personnel. Pensive tu te lèves lentement. Tu portes encore ton short mais ta chemise est largement ouverte. Tu refermes rapidement les boutons encore présents pour maintenir les deux pans ensemble et éviter de dévoiler inutilement ton flanc contusionné. Maintenant que tu es debout, tu pourrais partir. Il suffirait que tu enfiles tes bottes et que tu récupères ton arme. A la place tu te diriges jusqu'à la fenêtre que tu entrouvres avant de te tourner pour la première fois vers Yulia. Tu lui adresses un petit sourire gêné alors que tu tripotes l'un des pans de ton vêtement.

VIOLETTE – Hum... Est-ce que par hasard tu serais libre aujourd'hui ?

Il y a une légère rougeur sur tes joues mais tu essayes de rester digne malgré tout.

VIOLETTE – J'ai pas trop envie de retourner chez moi maintenant... Alors si tu es d'accord bien sûr. Je pourrais peut-être...

Le cracher est décidément bien plus difficile que tu ne le pensais. Tu baisses rapidement les yeux sur tes mains avant de murmurer la fin de ta proposition dans un souffle faible.

VIOLETTE – Rester ici.

Étrangement maintenant que c'est dit tu t'emballes un peu et c'est toujours sans la regarder que tu continues avec plus de facilité.

VIOLETTE – Mais je comprendrais que tu ne veuilles pas. Je ne veux surtout pas m'imposer. Ce serait juste pour la matinée, t'inquiète pas je ne compte pas squatter indéfiniment.

Presque timidement, tu redresses la tête et tu fais un effort pour croiser son regard. C'est complètement ridicule mais tu songes que tu n'as jamais été aussi gênée de toute ta vie.

Violette riait. Yulia n'avait jamais douté du fait qu'elle en était capable, mais c'était la première fois qu'elle l'entendait rire. Une véritable bouffée de bonheur l'a saisit durant l'espace de quelques secondes et elle sourit bêtement en pensant qu'elle aimait voir la dragonne aussi détendue. Violette lui adressa une remarque à propos de sa consommation de la veille, mais cela n'empêcha pas Yulia de sourire encore. Elle se retient de justesse de lui dire qu'elle ne regrettait rien, mais elle le pensa très fort, ses lèvres restant scellées à la peau de la brune. Il était inutile de faire flipper Violette à coup de déclarations beaucoup trop sentimentales.

Le moment de la séparation arriva beaucoup trop vite. Avec un pincement au cœur, Yulia regarda la dragonne se lever. Il faisait soudainement bien plus froid sous la couverture et le vide creusé à côté d'elle lui déplaisait. Mais elle n'avait pas d'autre choix que de la laisser aller. Toujours allongée, la vipère l'observa en tâchant d'afficher un air neutre malgré tout. Violette était en train de remettre de l'ordre dans sa tenue, preuve qu'elle allait bien partir. Cela n'arrangea rien à la sensation de manque qui commençait déjà à s'insinuer dans le ventre de Yulia. Elle ferma un moment les yeux, pas encore prête à affronter le départ de l'autre fille, mais les rouvrit précipitamment en entendant le bruit de la fenêtre qui s'ouvrait. Violette se tenait toujours là, absolument à couper le souffle dans le soleil matinal. Elle avait les cheveux ébouriffés et ils semblaient encore plus fins sous les rayons qui l'éclairaient. Yulia balaya son corps d'un regard appréciateur avant de remonter vers son visage où elle découvrit un rougissement peu prononcé. Violette était déjà beaucoup trop belle pour le bien de la vipère, mais elle devenait adorable dans son attitude gênée. La vipère se redressa sur un coude, soutenant sa tête d'une main, et l'observa avec un sourire amusé. Elle ne voulait pas se moquer, mais les efforts de Violette pour rester forte malgré ses hésitations étaient trop mignons. Ainsi Yulia ne fit rien pour l'aider malgré le fait qu'elle avait compris depuis longtemps où elle voulait en venir. Elle voulait entendre Violette le dire. Plus que de la taquinerie, c'était un besoin. Savoir qu'elle n'était pas la seule à être troublée et à désirer la présence de l'autre était rassurant. Et plaisant aussi. Quand les mots sortirent enfin, Yulia ne put retenir un énorme sourire. Elle était heureuse et même si Violette ne la regardait pas, elle voulait qu'elle le sache. Mais la dragonne s'emballa un peu et se rétracta presque. Visiblement, elle pensait qu'elle gênerait. Quelle idée ! Pour la première fois depuis cette nuit, leurs regards se croisèrent enfin et Yulia pu y lire quelque chose qui lui sembla bien plus précieux que le feu qui brûlait hier dans les yeux de Violette. Elle apprécia ce contact visuel en se mordillant la lèvre, mais bien vite la vipère laissa échapper un rire avant de soulever la couverture pour l'inviter à revenir en dessous.

— Viens ici, idiote. J'ai besoin que tu t'imposes encore un peu.

Encore une fois, Yulia ne se moquait pas, mais il était décidément trop tentant de taquiner Violette lorsqu'elle agissait de cette façon.

Tu restes sans voix. Encore une fois, tu ne comprends pas cette fille qui se tient devant toi. Tu ne comprends pas pourquoi tu perds ton souffle lorsque tu plonges dans ses yeux. Tu ne comprends pas non plus ce qui s'y passe, dans ses yeux. Maintenant que vos regards sont aimantés ta gêne semble s'être envolée et tu ne te tortilles plus bêtement sur place. Tu ne fais plus rien d'autre qu'être dans ses yeux et il faut qu'elle se mette à rire pour que tu te souviennes que oui respirer est important. Tu prends une grande inspiration comme si tu avais été en apnée pendant des heures. Yulia se moque gentiment de toi. Tu devrais être outrée mais elle dégage bien trop de bonne humeur pour qu'une mauvaise pensée ne parvienne à se glisser dans ton esprit. Tu la regardes te faire une place sous la couverture à côté d'elle et ton cœur manque un battement parce que c'est beaucoup plus que ce à quoi tu avais pensé. En fait tu n'as pensé à rien et surpasser le néant n'est pas une grande affaire.

YULIA – Viens ici, idiote. J'ai besoin que tu t'imposes encore un peu.

C'est probablement la première fois que tu laisses quelqu'un te parler comme ça. Tu grognes vaguement pour la forme mais tu ne marques aucune hésitation lorsque tu plonges dans les draps chauds. Ses paroles flottent encore dans ton esprit et tu souris sans t'en rendre compte. Tu es un besoin pour elle et c'est une forme de compliment à tes yeux même si tu ne comprends pas exactement tout. Sa proximité te rend envieuse et tu cèdes à celle qui réclame d'être encore plus proche d'elle. Lorsque tu te pelotonnes contre elle, tes jambes se mêlant aux siennes et ton visage s'approchant dangereusement de celui de Yulia, tu te dis que tu dois avoir perdu la tête. C'est la seule chose qui puisse expliquer que tu sois là à cette heure et que tu ne parviennes pas à éprouver une seule once de remord. L'entraînement ? Tu t'en fous. L'impact que ça aura sur ta position au sein du clan ? Un peu moins. Tu travailleras plus fort, plus dur pour excuser ce moment. Cette faiblesse qui semble danser sur les lèvres de Yulia et que tu veux désespérément embrasser. Tu es intoxiquée par son souffle que tu respires et tu as la sensation que si tu fermais les yeux tu verrais encore son regard perçant. Un frisson glisse le long de ta colonne vertébrale. C'est de l'appréhension. Tu veux goûter sa bouche mais tu ne sais pas si tu peux. C'est un peu idiot de te poser cette question maintenant mais Yulia a raison tu n'es qu'une idiote. Lorsqu'il s'agit d'elle du moins. Tu ne veux pas quémander ce droit. Tu ne t'abaisseras pas à le faire de ta voix du moins. Alors tu passes de ses yeux à ses lèvres avant de retourner à ses yeux dans un mouvement rapide. Vu votre proximité, ce mouvement oculaire ne devrait même pas être nécessaire mais tu mets toutes les chances de ton côté pour obtenir ce que tu veux. Ce dont tu as besoin.

C'était tout un spectacle que de voir sourire Violette. Yulia ne se lassait pas de voir cet étirement de lèvres qui ne dévoilait pas ses dents. Il y avait une sorte de retenue instinctive chez la dragonne qui la faisait fondre. Bien sûr, elle aurait voulu la voir sourire complètement et afficher complètement sa joie, mais elle se suffisait déjà de ça. C'était ce sourire là que sa mémoire chérirait car elle avait la sensation que c'était le tout premier que Violette lui offrait. Il était plein de tout ce qu'elle ne disait pas et ne dirait peut-être jamais. S'il y avait bien une chose que Yulia avait pu comprendre depuis qu'elle connaissait la dragonne, pas très longtemps donc, c'était qu'elle n'était pas très à l'aise avec le fait de parler de ses émotions. Et le présenter de cette façon était un euphémisme. Mais ce n'était rien. Yulia se suffirait de ce qu'elle pouvait lui offrir. Elle apprendrait aussi à la déchiffrer. Le cœur de la vipère manqua un battement lorsqu'elle se rendit compte qu'elle était indéniablement en train de tomber pour Violette. Elle pensait à un futur. La timidité et l'envie de la dragonne de rester avec elle lui avait donné l'espoir et elle commençait déjà à faire des plans sur la comète. C'était ridicule et particulièrement grisant à la fois. Elle garderait néanmoins tout ça pour elle sous peine d'effrayer la brune qui venait de se faufiler sous la couverture.

Avant même que Yulia ne puisse esquisser un geste, Violette s'était déjà lovée contre elle. Cette proximité arracha un sourire à la vipère qui tira la dragonne un peu plus près après avoir enroulés ses bras autour de sa taille. Elles étaient face à face, leurs corps proches, mais pas encore complètement soudés, à se regarder dans les yeux. Sous la lumière matinale, le regard de la dragonne brillait d'une façon un peu différente. La jolie teinte noisette de ses yeux était plus vive et les petits éclats de vert ressortaient légèrement dans son iris. Leurs souffles se mêlaient et Yulia se concentra plus intensément sur les yeux de la dragonne pour éviter de dériver vers sa bouche. Violette n'avait cessé d'insister sur la patience durant la nuit et elle craignait de la brusquer. Il semblait néanmoins qu'elles étaient sur la même longueur d'onde aujourd'hui.

Après un moment qui sembla durer des heures tout en ne représentant qu'une minute bien trop courte, Violette esquissa un subtil balayage des yeux vers la bouche de la vipère ce qui la poussa à rire doucement. C'était encore cette retenue étrange au vu de la situation, mais que Yulia trouvait adorable. Elle dodelina à peine de la tête en signe d'acceptation avant de combler la distance qui les séparait encore. Leurs lèvres se pressèrent d'abord doucement. Juste un contact léger et tendre que la vipère apprécia avant de pousser plus fort en esquissant un petit mouvement. Elle entrouvrit aussi légèrement les lèvres, laissant sa langue quérir un passage entre celles closes de Violette. Embrasser cette fille était sûrement la chose la plus agréable qu'elle n'avait jamais fait.

La vivacité de Yulia à te serrer dans ses bras est aussi étrange qu'agréable. A la voir c'est comme s'il s'agissait d'un réflexe et tu espères au fond de toi que c'est le cas. Tu aimerais l'idée que le réflexe de quelqu'un soit de t'enlacer. Ça te réchauffe et tu expires difficilement un souffle que tu ne pensais pas tenir. C'est conflictuel. Contre Yulia tu sens le poids sur ta poitrine qui s'envole mais tu peines à respirer. Ce genre de réflexions est vite balayé car il t'est difficile de penser de façon cohérente alors que les lèvres roses de la Vipère semblent t'appeler. Tu es envoûtée. Ta demande silencieuse ne reste pas sans réponse et tu peux littéralement sentir le sourire de Yulia contre le tien lorsqu'elle t'embrasse. Le baiser est douloureusement doux. Ce simple contact fait revenir les fantômes d'embrassades bien plus passionnées. Elles datent de quelques heures à peine mais tu as l'impression que les événements sont vieux de plusieurs millénaires. Quand Yulia se montre plus ferme et aventureuse tu ne peux retenir un soupir de contentement et ta main s'accroche à sa hanche alors que tu la tires plus fort contre toi. Le cœur battant la chamade tu batailles plus férocement avec sa langue. Le feu est encore intact et ton innocence semble flamber avec lui. Comment le sommeil a-t-il pu te faire oublier à quel point tu la voulais ? Tes doigts creusent dans sa peau alors que tu en oublies d'être délicate. Tu te laisses partir vers le côté en l'emportant avec toi, ton dos reposant sur le matelas quand elle se trouvait plus allongée sur toi que sur lui. Tu apprécies son poids sur toi. Il t'apporte une impression de solidité comme s'il t'ancrait fermement dans la réalité. Ta main remonte le long de son dos, tirant derrière lui le tissu de son t-shirt que tu comptes bien lui retirer. Tu t'arraches à sa bouche l'espace d'un instant pour reprendre ton souffle mais ton front reste soudé au sien car tu es bien incapable de t'éloigner réellement.

VIOLETTE – Dis moi que tu n'as rien à faire ce matin ?

Et c'est plus une prière qu'une question. Tu mordilles délicatement sa lèvre inférieure en attente d'une réponse quand quelque chose t'arrête nette. Ton estomac vient de grogner avec férocité, te rappelant que tu n'as plus mangé depuis un moment et qu'il ne se suffira pas de déguster Yulia. Tu étouffes toi-même un grognement, partagée entre les deux torsions distinctes dans ton ventre. Tes mains restent néanmoins bien accrochées dans le dos et à la hanche de la Vipère. Quoi qu'il en soit, tu attends toujours une réponse.

La timidité de Violette ne fit pas long feu et si Yulia la trouvait adorable dans cette attitude, elle ne pouvait nier qu'elle aimait aussi la Violette empressée et passionnée. Elle l'aimait même beaucoup alors qu'elle se retrouvait pressée plus fort contre elle. Le contact de la brune était incendiaire et Yulia se rendit compte qu'elle n'aurait pas été exactement contre le fait de reprendre là où elles s'étaient arrêtées la veille. Elle était même plutôt pour. Bien sûr, la crainte de voir Violette se retirer à nouveau était là, mais Yulia avait la sensation qu'elle était aujourd'hui différente. Non, elles étaient différentes. Cette nuit avait créée un lien fragile qui donnait la sensation à Yulia qu'elle pouvait désormais se permettre bien plus de choses en la compagnie de Violette. Qu'elle pouvait espérer.

Ses pensées furent coupées courts quand elle se retrouva allongée sur la dragonne et elle ne put s'empêcher de sourire car elle appréciait cette position qui lui permettait de laisser courir ses mains sur elle. Doucement, Yulia pressa ses doigts à l'arrière de la cuisse de Violette et la fit légèrement remonter alors qu'elle s'installait plus confortablement dans son giron. Les baisers échangés étaient de plus en plus enflammés et en sentant son t-shirt remonter, Yulia ne put que souhaiter qu'il disparaisse pour qu'elle puisse apprécier toujours plus le contact de la brune.

Il y eut soudain une pause qui tira une moue à la vipère. Elle ouvrit les yeux et croisa le regard fiévreux de Violette qui semblait peiner à respirer. La question qui sortit de ses lèvres la fit sourire un peu, puis plus franchement et elle effleura à peine les lèvres de Violette avant de la regarder à nouveau dans les yeux. Yulia voulu lui répondre même si la réponse semblait évidente, mais un grognement l'arrêta quand elle prenait une inspiration. Surprise, elle rigola franchement, ses yeux pétillants sous cette hilarité soudaine.

— Initialement, je n'avais rien à faire. souffla-t-elle doucement avec un sourire amusé aux lèvres. Mais je dois maintenant m'occuper d'une dragonne affamée ce qui risque bien de me prendre la matinée.

Yulia posa un baiser bien chaste en comparaison de tous les autres échangés sur les lèvres de Violette avant de se retirer. Elle se leva doucement, tentant de ne pas écraser l'autre fille, mais ce n'était pas facile au vu de leur position. Elle finit par aller au plus court en s'installant sur ses cuisses avant de basculer sa jambe de l'autre côté pour sortir du lit. Une fois debout, Yulia prit quelques secondes pour s'acclimater à la position horizontale. Jusqu'ici tout allait bien. Elle avait toujours mal à la tête et un léger tournis l'a pris, mais elle réussit à rester stable. Une fois qu'elle fut certaine que tout irait bien, elle tira un peu sur son t-shirt pour le remettre en place et fit volte-face.

— Tu viens ? lâcha-t-elle simplement par-dessus son épaule avant de sortir de la chambre pour rejoindre la pièce principale.

Yulia ne pouvait pas exactement dire le temps qu'elles avaient devant elle, mais elle ne voyait pas de raison de se presser. Elles avaient beaucoup de choses à découvrir, à apprécier, et un petit déjeuner semblait tout aussi intéressant que ce qui avait été commencé dans ce lit. Parce qu'au fond, et elle ne savait pas si c'était un espoir ou une vérité, ce n'était pas juste une matinée. Ni une nuit. Ni une nuit et une matinée. C'était beaucoup plus que ça. C'était un temps et des moments multipliables.

C'est injuste. Il suffit que les doigts de cette fille s'égarent sur toi et tu as l'impression de t'enflammer. Le désir n'est qu'une part minime de ce flamboiement, elle te donne surtout la sensation d'être plus vivante que tu ne l'as jamais été. Après avoir connu cette sensation tu ne peux t'empêcher de te dire que tu auras bien du mal à subir la rechute. Tu as peur que Yulia te rende dépendante. Et tu ne veux pas de cette dépendance. Tu ne veux pas être comme ces gens ne vivant que l'un pour l'autre. Tu ne veux pas être une junkie qui a désespérément besoin de sa dose pour ne pas sombrer. Une petite voix au fond de toi te susurre que tu n'as pas à l'être. Elle te dit d'avoir confiance et de profiter uniquement du moment présent. Elle t'assure que parce que tu es toi tu n'auras aucun mal à couper les ponts dès que le moment sera venu. Et naïvement tu la crois parce que tu ne veux pas avoir à repousser cette fille que tu tiens étroitement contre toi. Tu ne veux pas écarter ses main, ni fuir sa bouche. Même alors qu'elle se moque ouvertement de toi parce que ton ventre t'a honteusement trahi. Tu piques un peu son côté de ton index pour qu'elle cesse de rire et tu feins une œillade noire mais il y a encore trop d'éclat dans le mordoré de tes yeux pour qu'elle soit prise au sérieux.

YULIA – Initialement, je n'avais rien à faire. Mais je dois maintenant m'occuper d'une dragonne affamée ce qui risque bien de me prendre la matinée.

Tu t'es légèrement crispée sous sa voix mais tu te détends immédiatement et un sourire glisse sur tes lèvres. Tu aimes la façon dont elle présente les choses. Bien plus sage que toi Yulia t'embrasse légèrement et s'éloigne. Tu la lâches mais ce n'est pas vraiment de bon cœur. Même si c'est pour une noble cause, l'absence de son contact te donne envie de bouder.

YULIA – Tu viens ?

A croire que cette fille sait inconsciemment comment te manœuvrer. Tu lui jettes un regard alors qu'elle sort, ne manquant aucun de ses mouvements alors qu'elle est toujours aussi peu vêtue. Avant d'y avoir réellement réfléchi tu te retrouves debout et tu t'engages à sa suite dans le couloir. Il fait jour, tout devrait être différent mais la sensation confortable que tu ressens en étant ici perdure en toi.

VIOLETTE – Tu nourris toujours tes presque coups d'un soir ?

Tu ne sais pas pourquoi tu as ressenti le besoin de briser le silence mais tu l'as fait. Tu le regrettes aussitôt parce que tes propres paroles provoquent un pincement dans ta poitrine. Yulia n'entre dans aucune case. Tu ne sais pas comment te comporter avec elle. Enfin si tu le sais très bien mais ta tête, ton cœur et ton corps ont bien trop de mal à se mettre d'accord sur la bonne façon d'agir en sa présence. Tu te tiens donc maladroitement à ses côtés, passant d'une jambe sur l'autre avec une gêne qui te désarçonne et devient habituelle lorsqu'il s'agit de Yulia. Si quelque chose peut devenir habituel en quelques jours à peine. C'est sûrement le cas parfois. Mais tu es par contre certaine que tu ne t'habitueras jamais, que tu ne te lasseras jamais de la sensation qu'elle fait naître dans le creux de ton ventre par sa seule présence.

Il était étrange pour Yulia de déambuler dans sa maison en compagnie de quelqu'un d'autre. Ce n'était pas la première fois qu'elle ramenait quelqu'un chez elle, mais généralement cette personne disparaissait rapidement. Une fois ou deux, le moment avait duré un peu plus longtemps et ils avaient fini la soirée en discutant, mais elle n'avait jamais pris un quelconque repas avec l'une de ses conquêtes. Beaucoup de verres oui, mais partager de la nourriture, jamais. Entendre les pas feutrés de Violette derrière elle faisait donc naître un sentiment bizarrement agréable chez Yulia qui souriait largement. Elle avait été très satisfaite qu'elle n'ait pas eu à le dire deux fois pour que la dragonne la suive comme si tout était parfaitement normal. Seulement si Yulia était détendue, ce n'était pas forcément le cas de la brune qui retrouva cette sorte de nervosité maladroite qu'elle avait vu tout à l'heure. Pendant qu'elle sortait ses réserves d'une petite armoire, la vipère lui lançait régulièrement un coup d'oeil en se demandant comment faire disparaître cette retenue. Elle attrapait deux tasses métalliques lorsque la dragonne lança une question qui fit à Yulia l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Elle accusa un instant le coup, son sourire devenant une grimace que Violette ne pouvait pas voir puisqu'elle lui tournait le dos. Les épaules un peu affaissées, la vipère prit une longue inspiration pour calmer les battements soudain trop rapides de son cœur. Elle était ridicule. C'était toujours la même histoire. Elle s'emballait beaucoup trop vite et puis finissait inlassablement pas déchanter. C'était sûrement là sa plus grande faiblesse : son cœur d'artichaut. Le comportement de Violette était déroutant, mais elle n'avait jamais rien dit à propos de quoi que ce soit et au final Yulia ne la connaissait pas. Idiote, mais qu'est-ce que tu crois ?!

Tâchant de retrouver un peu de sa bonne humeur, Yulia se tourna vers le comptoir bricolé qui servait de table et déposa les tasses avant de les remplir avec de l'eau. Elle n'avait toujours pas parlé et elle se rendit compte que son long silence pouvait paraître bizarre.

— Non, pas vraiment.

Presque coup d'un soir. C'était donc ce qu'elles étaient ? Les mots étaient tranchants dans son esprit et elle les détestait. Bien décidé à cesser de se faire des idées et à penser à quoi que ce soit impliquant demain, la vipère avala une longue gorgée d'eau. Elle désigna ensuite la nourriture disposée d'un coup de menton.

— Vas-y, sers toi.

Toute cette histoire lui avait coupé l'appétit. Elle se contenterait d'eau pour sa part.

Une chose est sûre : tu n'es pas une oratrice exceptionnelle. Combler les silences ce n'est pas ton truc et tu viens encore de le prouver. Les silences sont fait pour rester silencieux et non pour qu'on y déverse des idioties et des paroles porteuses de trop de sens. Tu voudrais ravaler les mots quitte à ce qu'ils te déchirent la gorge mais c'est impossible. Tu ne peux qu'assumer les conséquences de ta soudaine volonté de ne pas agir comme tu le ferais en temps normal. Encore qu'il ne s'agit pas réellement d'une volonté et c'est là tout le problème. Tu n'agis pas comme tu le devrais, ni ne le voudrait. C'est plus fort que toi. Si tes pensées n'étaient pas déjà chamboulées, elles le sont désormais. Tu ressens une pointe de remord en voyant Yulia. Elle est affectée mais tu ne comprends exactement pour quoi. Tu le sais juste. Il faudrait être aveugle et complètement insensible pour ne rien remarquer. Malheureusement tu n'es rien de tout ça en cet instant. Ta maladresse t'agace. Tu voudrais dire ou faire quelque chose mais tu restes stupidement sur tes positions alors que la Vipère arbore un sourire que tu sais creux. C'est con mais ça te déplaît. Tu n'aimes pas qu'elle fasse semblant.

YULIA – Non, pas vraiment.

Tu en avais presque oublié la question qui a poignardée l'ambiance. Yulia n'est pas très bavarde mais tu comprends quand même quelque chose. Tout ça est aussi nouveau pour elle que pour toi. Elle est plus ouverte mais quelque part elle doit ressentir les mêmes inquiétudes et son esprit doit être parsemé d'autant de questions que le tien. Rien ne t'oblige à faire quoi que ce soit à ce sujet mais tu en ressens le besoin. Tu ne veux pas laisser la situation aller comme elle est. L'idée t'est insupportable et surpasse toutes tes habitudes et mécanismes.

YULIA – Vas-y, sers toi.

Tu jettes un œil aux rations mais tu ne t'y intéresses pas plus que ça. Ton regard revient vers la Vipère qui semble beaucoup trop éteinte. Un court soupir passe tes lèvres. Il faut vraiment que tu agisses. Calmement tu te perches sur le comptoir à défaut d'avoir trouver autre part où t'asseoir et tu attrapes la tasse qui se trouve toujours entre les mains de Yulia pour l'écarter. Tu tires ensuite la jeune fille vers toi, tes mains passant sur ses épaules pour t'assurer qu'elle ne s'éloignera pas et probablement pour te stabiliser un peu. Tu n'en reviens pas de ce que tu es en train de faire, de la stabilité tu en as bien besoin même si elle ne doit être que physique.

VIOLETTE – Les mots ne sont pas exactement mon truc tu devrais le savoir maintenant.

C'est un bon début mais tu ne vas pas aller loin avec ça. Tu as l'impression que tu devrais t'excuser pour ce silence que tu as voulu combler mais ce serait stupide. En plus tu pratiques assez peu les excuses, tu ne vas pas commencer à leur faire perdre leur rareté pour quelque chose d'aussi idiot.

VIOLETTE – Je voudrais te dire que je m'en fiche de ce que l'on est mais ce n'est pas vrai. Je ne sais pas quoi faire avec toi et c'est vrai que mettre un mot sur tout ça serait plus facile.

Ça c'est vous. Tu vous englobes d'ailleurs d'un geste de la main pour être sûre que la notion est bien intégrée par la Vipère. Cette main qui n'est désormais plus sur son épaule commence à jouer avec l'une des longues mèches sombres.

VIOLETTE – Seulement je ne sais pas si j'ai vraiment envie de placer un mot et c'est là toute la complexité de la chose. Dans tous les cas un "presque" me déplait. Je préfèrerais plutôt un rien. Enfin pas un rien dans le sens d'une absence de quelque chose mais plutôt pas de mot du tout.

Si tu n'étais pas à l'abri on pourrait croire que le soleil t'a trop tapé sur la tête. Tu te poses toi-même des questions sur ton état actuel mais ces préoccupations disparaissent quand tu arrives à capter le regard de la Vipère. Tu ne sais pas si elle comprendra où tu veux en venir. Tu ne sais pas exactement ce que tu voulais dire alors il ne serait pas étonnant qu'elle se montre aussi perdue que toi mais tu as essayé et c'est sûrement le plus important. Même si vu comme ça tu te sens comme un loser parce qu'avoir essayé pour perdre ne fait pas réellement partie de tes notions. Cette fille met le bazar en toi mais tu es trop intriguée par le désordre en lui-même pour constater les conséquences ou t'expliquer le pourquoi du comment. C'est le début de la fin.

Yulia ne savait pas à quoi s'attendre. La journée avait si bien commencée, mais elle commençait à se demander si elle n'avait pas rêvé toute cette histoire. Ou peut-être était-ce un reste de ses consommations de la veille. Elle avait bu durant la soirée parce qu'elle était incapable de chasser cette fille de ses pensées. Elle avait combattu ce sentiment frustrant et agaçant à grand coup de shots d'alcool, mais il n'avait pas fallu grand chose pour qu'elle commence à planer. Et puis, elle avait vu l'objet de toutes ses pensées et la soirée avait tournée comme elle avait tournée. Jusqu'ici, c'était logique. Elle désirait Violette et Violette ne devait probablement pas être contre un simple échange physique après avoir été allumée par une Yulia trop bourrée. Seulement, il n'y avait jamais eu que du physique entre elles. Depuis le premier jour, Yulia se sentait comme un bout de métal attiré dans un champ magnétique. C'était vraisemblablement aussi le cas de Violette même si cette dernière en semblait moins consciente ou le laissait moins paraître du moins. C'était plus qu'une tension provoquée par l'attirance sexuelle. C'était fort et destructeur. C'était assurément ce sentiment trompeur et irrésistible commençant par un A qui avait contribué à lui broyer le cœur deux ans plus tôt et qui la rendait idiote. Faible et aveugle aussi. Yulia s'était promise de ne pas retomber dans cet état pathétique et pourtant elle était enfoncée dedans jusqu'au cou sans réelle volonté de s'en dégager. En deux ans, elle avait déjà ressenti plus qu'une simple attirance physique pour un homme, mais elle l'avait soigneusement éloigné, trop craintive de revivre ce qu'elle avait vécu avec Kahlan. Mais il n'y avait aucune comparaison avec ce qu'elle ressentait pour Violette. Vingt années ne l'avaient pas préparées à cela et c'était probablement car il était impossible de se préparer à cette tempête d'émotions qui suivait le sillage de la dragonne. Yulia allait se faire emportée et détruire, elle en avait conscience, mais l'idée de chasser cette fille était bien plus douloureuse que celle de se faire déchiqueter par les sentiments qu'elle ressentait. C'était effrayant et pathétique. C'était l'amour. Un amour que Violette ne pouvait pas partager parce qu'elle ne voyait la vipère que comme un presque quelque chose. Un presque quelque chose avec qui elle souhaitait rester même si Yulia évitait de s'accrocher à cette pensée sous peine de se faire trop de mal.

Trop perdue dans ses pensées qui la conduisaient trop rapidement vers une douce folie, Yulia ne constata pas les mouvements de la dragonne qu'elle découvrit assise sur le comptoir. Cette dernière lui avait pris sa tasse des mains, forçant le regard de Yulia à remonter vers elle. Mal à l'aise, elle se concentra sur tout ce qui n'était pas ses yeux d'or et tâcha d'ignorer la chaleur de ses paumes sur ses épaules. Ces deux fuites ne l'aidaient pas à garder le focus sur les paroles prononcées. Et pour cause, elle avait peur de ce que Violette voulait lui dire. Car il ne pouvait assurément pas s'agir de quelque chose de positif pour elle. Elle allait lui dire d'oublier tout cette histoire et c'était probablement ce qu'il y avait de mieux à faire. Yulia se blinda du mieux qu'elle pu en attendant le mauvais coup, mais elle se retrouva soudainement plongée dans le regard de Violette, les yeux exorbités. Avait-elle bien entendu ? Ou même compris ? La dragonne les considérait comme quelque chose. Elle ne savait pas quoi et elle semblait plutôt confuse à ce sujet, mais elle ne niait pas qu'il y avait bien un truc. Un sourire grimpa malgré elle jusqu'à ses joues. Yulia était ridicule avec ses changements d'humeur, mais elle s'en fichait. Pour le moment du moins.

Avec tout ça, Yulia avait recommencé à laisser planer un silence gênant. Violette avait fait un effort et elle se sentait mal à l'aise de la laisser sans réelle réaction. Mais que pouvait-elle dire à tout ça ? Elle était étonnée que Violette se soit rendue compte qu'elle pensait trop et qu'elle ait voulu faire quelque chose pour changer ça. C'était étonnant. Étonnée, elle allait pourtant devoir s'habituer à l'être car la dragonne ne ressemblait à personne d'autre et ses actions, ses paroles, étaient souvent en décalage avec ce qu'elle dégageait. Le flash d'un moment dans la nuit lui revient et elle se retrouva à penser à quelque chose que Violette lui avait dit.

— Hier, tu m'as dit que tu étais paumée avec moi et que je devais te parler parce que tu voulais me comprendre. Est-ce que... Est-ce que tu le veux toujours ? Parce que moi, j'ai vraiment envie d'apprendre à te connaître.

Yulia avait mesuré ses mots. Elle aurait eu tellement plus à dire, mais c'était la dernière chose à faire si elle voulait avoir la possibilité de se rapprocher de la dragonne. Si elle lui disait ce qu'elle pensait vraiment, Violette la prendrait sûrement pour une folle et elle la rayerait de sa vie. Et ça c'était bien la dernière chose qu'elle voulait même si cela aurait sûrement été mieux pour elle. Une coupure nette et définitive avant de sombrer. Mais Violette était déjà trop loin dans son cœur que cela suffise et c'était ça qui lui faisait peur. Sciemment, elle venait aussi de briser la promesse qu'elle avait faite à Violette hier. Elle n'était pas censée ce souvenir de tout ça et pourtant elle en parlait. Peut-être serait-ce une erreur. Ou peut-être pas, qui pouvait savoir.

Tu ne l'avoueras jamais mais tes doigts tremblent autour de cette mèche que tu entortilles nerveusement. Yulia semble lointaine et tu n'es pas certaine que ce que tu dis pourra la rappeler à toi. Tu n'es même pas sûre de ce que tu veux vraiment. Il serait si simple de l'éloigner maintenant avant qu'il ne soit trop tard. C'est un jeu normalement facile pour toi de te débarrasser des personnes auxquelles tu finis par t'attacher. Mais pas cette fois. Tu te sens incapable de jouer à quoi que ce soit. Tu as la sensation que si tu le fais ici et comme ça tu laisseras un bout de toi en arrière. Maintenant, et même si le penser est profondément agaçant, elle te soulage. Elle comble un creux en toi et te permet de respirer plus facilement. Une chose que tu dis semble faire écho dans les pensées de Yulia car tu détiens soudain toute son attention. Son sursaut te surprends et tu restes fixé un peu trop longtemps sur ses yeux écarquillés. Elle ne s'attendait pas à tout ça et toi non plus à vrai dire. Tu ne vois son sourire que lorsqu'il commence à flotter dans son regard et tes lèvres s'étirent machinalement. Juste un tout petit peu. Le silence autour de vous ne semble pas lourd. Oui tu aimerais qu'elle dise quelque chose pour te débarrasser de la sensation gênante laissée par tes déclarations mais tu n'es pas tendue ou dans la crainte. Elle a en quelque sorte déjà répondu après tout.

YULIA – Hier, tu m'as dit que tu étais paumée avec moi et que je devais te parler parce que tu voulais me comprendre. Est-ce que... Est-ce que tu le veux toujours ? Parce que moi, j'ai vraiment envie d'apprendre à te connaître.

Tu déglutis avec une difficulté visible. Tu te souviens du moment exact où tu as dit ça bien sûr. Tu ne t'attendais par contre pas à ce que tes paroles ressortent. C'était vrai hier, tu étais confuse à cause de la façon dont cette fille te faisait ressentir les choses et tu voulais comprendre pourquoi. Est-ce que c'est encore vrai aujourd'hui ? Oui. Est-ce que ce sera encore vrai demain ? Tu n'en sais rien. Une part de toi espère que non. Il vaut mieux que cette parenthèse prenne fin lorsque tu partiras. Mais là c'est ta tête qui parle. Ton cœur... Ton cœur n'est pas autorisé à s'exprimer même si tu le sens qui palpite trop fort contre tes côtes. Tu dégages ta gorge d'un raclement léger avant de libérer l'emprise que tu avais sur l'une de ses mèches brunes. Il faut que tu lui dises la vérité. Après cette nuit tu as la sensation que tu la lui dois.

VIOLETTE – Oui. Maintenant je le veux même si c'est une mauvaise idée. Demain ce sera toujours une mauvaise idée mais je ne sais pas si je le voudrais encore.

La vérité dans tes paroles te semble rugueuse. Tu la compenses en te déplaçant légèrement sur le comptoir, ouvrant les jambes de façon à pouvoir tirer Yulia contre toi. Tu ne sais pas si cette étreinte sera la bienvenue après ce que tu as dit mais tu ressens le besoin de la tenir contre toi ce qui continue à te dépasser. Tes bras ont glissés autour de ses épaules et tu la serres étroitement, ton menton reposant au sommet de sa tête.

VIOLETTE – Je suis une Dragonne. Ma loyauté va à mon clan. Toujours. Tu es une Vipère ce qui peut faire de toi une ennemie que je n'hésiterais pas à déchirer si je le dois. Je ne laisserais rien se tenir entre mes ambitions et moi. Mais en ce moment tu n'es ni un obstacle, ni une réelle ennemie alors oui j'ai envie d'être avec toi. Je le veux et je le peux.

Ta voix n'est plus qu'un murmure. Tu serais bien incapable de dire tout ça haut et fort. Tu espères néanmoins qu'elle aura perçu tes paroles car tu ne les répéteras pas.

Yulia essayait vainement de se faire croire qu'elle n'avait pas peur. Qu'elle n'était pas morte de trouille. Pourtant, elle l'était bien. A cause de sa stupidité, elle voyait venir bien trop vite la fin de cette nuit qu'elle espérait plus longue, intemporelle. Il avait fallu qu'elle parle, qu'elle livre à Violette ce qu'elle avait sur le coeur (une partie du moins) et elle le regrettait maintenant amèrement. Elle aurait voulu tout reprendre, mais c'était impossible. On ne reprenait pas les mots aussi facilement, tout comme on ne calmait pas d'un claquement de doigts un cœur qui cognait trop fort. Malgré sa peur, Yulia se força à chercher les yeux de Violette, mais essayer d'y lire c'était s'attaquer à une encyclopédie bien trop compliquée. De plus, la vipère se rendit compte qu'elle préférait au final ne pas se faire des idées avant que les mots ne soient sortis. Elle ne voulait pas donner un sens au trouble de la brune car il aurait pu signifier plusieurs choses.

Le silence s'étirait d'une façon douloureuse et il fallut que Yulia fasse tous les efforts du monde pour ne pas reculer préventivement. Prendre du recul avant l'impact semblait soudain être une excellente idée. Mais Violette était prête à parler désormais. Il fallut qu'elle lâche ses cheveux pour que la vipère constate qu'elle jouait encore avec l'une de ses mèches et encore une fois elle tenta de ne pas donner un sens à ce geste.

Violette était d'une sincérité cassante. Il était agréable d'entendre une telle franchise, mais les mots et la vérité derrière eux faisaient mal. Parallèlement, ils diffusaient aussi un bonheur amère entre les côtes de Yulia. Son coeur sauta un battement avant de repartir de plus belle parce que Violette ne l'avait pas rejetée. Pas complètement du moins. Elle le ferait un jour, mais pas aujourd'hui. Non, elle le ferait peut-être un jour. C'était s'attacher aux détails, mais voilà à quoi Yulia en était réduite. Et soudain, elle ne s'en voulu plus d'avoir été elle-même sincère. D'avoir osé donner une chance à quelqu'un d'autre.

La proximité soudaine de Violette fut surprenante. Les pieds de Yulia avancèrent d'eux-même pour combler la distance et elle se retrouva pressée contre la dragonne. Peut-être plus étroitement encore que cette nuit. Et cette fois, c'était Violette qui la serrait contre elle et c'était là toute la différence. Le contact était agréable et Yulia se lova un peu plus près, le visage niché dans son cou et ses bras enlaçant la taille de la brune étroitement. Doucement, elle ferma les yeux et força son cœur à calmer sa folle course en se calquant sur les battements puissants et stables de celui de Violette. Il était désormais difficile de ne pas se faire des idées. La dragonne était celle qui avait initiée ce contact et alors qu'elle parlait encore, l'archère comprit que ce qu'elle ressentait n'était pas vain. C'était déroutant et elle finirait probablement blessée comme à chaque fois, mais elle ne serait pas la seule à souffrir. Parce que Violette ressentait aussi quelque chose. Peut-être pas la même chose, peut-être pas de la même façon, mais il y avait un fond commun de sentiments qui avait fait naître ce moment. Son sourire se répandit presque douloureusement sur sa bouche et elle le pressa doucement contre la peau de la brune. Avec cette même douceur, elle laissa sa main dérivée sur le dos de Violette et joua avec le bord de sa chemise avant de la faire remonter pour caresser les quelques centimètres de peau désormais dégagés.

— Pas de promesse. dit-elle dans une murmure tout en s'écartant légèrement.

Yulia n'avait bougé que de façon à pouvoir atteindre le visage de Violette et elle se hissa sur ses orteils pour l'embrasser. Et dans ce baiser, il y avait la vérité. Pas de promesse, mais maintenant tu es à moi.

Tu détestes avoir à l'admettre mais tenir Yulia contre toi est confortable. Tu apprécies la chaleur dégagée par son corps et le réconfort qu'elle t'apporte. Le contact te laisse une impression de plénitude jamais ressentie avant. Un peu comme cette nuit tu découvres une place inconnue et tu te dis que tu pourrais t'habituer à sentir les deux bras de la vipère autour de toi alors que tu la gardes dans les tiens. Contrairement à ce que tu pensais sa réaction n'est pas mauvaise et elle t'arrache même un frisson agréable quand ses lèvres touchent ton cou et qu'elle brûle ta peau de son sourire. Il y a aussi ce petit mouvement qu'elle initie sur ton dos et qui te pousse à te détendre contre elle et tu te laisses peser juste un tout petit peu plus sur elle pour mieux la sentir.

YULIA – Pas de promesse.

C'est trop beau pour être vrai. Tu le penses fort mais pour le moment tu arrives à chasser ce qui pourrait bêtement tout gâché. Oui c'est peut-être trop beau pour être vrai mais pour l'heure tu veux profiter de ce que tu considères comme une sorte de rêve éveillé. Yulia se déplace légèrement et si tu regrettes la proximité perdue durant quelques secondes il y a un sourire évident sur tes lèvres quand elle t'embrasse. C'est bien aussi. Tes mains glissent un peu plus bas et tu affermis ta prise pour la tirer contre toi. Durant quelques secondes tu te donnes le droit d'apprécier simplement la douceur de sa bouche avant de te séparer d'elle non sans poser un dernier bisou au coin de ses lèvres.

VIOLETTE – Bien que cette position soit parfaitement confortable pour moi je doute que ce soit ton cas. Donc petit déjeuner au lit ?

Il n'y a même pas de sous-entendu dans tes paroles. Le lit s'avère juste être l'endroit le plus agréable de la maison. Il offre chaleur et confort, le tout en ne te privant pas de sa proximité. C'est le spot parfait en somme. Sans réellement attendre une réponse tu la pousses pour sauter en bas du comptoir et tu commences à ramasser les victuailles. Une fois que tu es chargée tu passes un doigt dans le col du t-shirt de la vipère et tu fais ton chemin jusqu'à la chambre en la tirant derrière toi. Pour la délicatesse on repassera.

VIOLETTE – Allons, allons j'ai les crocs je te rappelle.

Après tout c'est elle qui parlé de s'occuper d'une dragonne affamée ce matin et tu as toujours faim.

Le sourire de Yulia ne faisait que grandir devant l'improbabilité de la situation. Qui aurait pu croire que cette fille étrange qui la tenait tout contre elle et allait même jusqu'à se laisser aller dans l'étreinte en retour était une dragonne réputée pour être sanguinaire et détachée des autres. Obtenir des informations sur Violette n'avait guère été compliqué dès l'instant où elle avait su à qui s'adresser. Les patrouilleurs formaient une bonne équipe indépendamment de leurs clans et il ne lui avait pas fallut longtemps pour en savoir plus. En fait, il lui avait suffit de glisser légèrement le nom de Violette dans la discussion et elle avait pu être informée de toute sa réputation. Pourtant, cette réputation l'importait peu. Elle aurait été bête de se laisser berner par le masque qu'arborait la dragonne. Ce qu'il y avait derrière était bien plus intéressant. Elle préférait aussi se repaître des petits détails qu'elle découvrait progressivement. Que valait la connaissance de sa position de future fine lame quand elle se rendait compte qu'il suffisait qu'elle frotte de petits cercles sur la peau de Violette pour la sentir se détendre contre elle ? C'était une réflexion digne de son coeur mou, mais qui aujourd'hui ne dérangeait pas sa tête. Après tout, il n'était pas désagréable de penser qu'elle était peut-être la seule qui pouvait voir Violette comme elle se dévoilait aujourd'hui.

Le baiser était tendre, encore. Yulia avait été habituée à plus de rugosité et inconsciemment elle la recherchait. Seulement, Violette ne semblait pas de cet avis et alors même qu'elle l'attirait contre elle, la tirant plus encore sur la pointe des pieds, il n'y avait pas d'intensité flamboyante. Juste de la douceur et un besoin de proximité grandissant. La vipère en voulait plus, mais elle se réfréna. Elle réfréna aussi l'envie de mordiller la lèvre de la dragonne et de pousser sa langue dans sa bouche pour plus. Quand Violette s'écarta après un dernier baiser léger, Yulia fit la moue. Ce n'était pas assez. Vraiment, vraiment pas assez. Mais comment aurait-elle plus réclamer plus juste après leur discussion ? Face à la proposition de Violette, une étincelle s'alluma pourtant dans son regard, mais elle déchanta bien vite. Les rumeurs concernant la spécialiste devaient être largement exagérées. L'adorable Violette qui se tenait devant Yulia ne pouvait pas être cette fille à la cuisse légère qu'on lui avait décrite. Il y aurait pu y avoir un sous-entendu brûlant sous chacun de ses mots, mais non. Violette était juste mignonne, s'intéressait à son confort et voulait manger. C'était une combinaison étrange qui laissa Yulia un peu perturbée. Elle se laissa repousser sans broncher et observa d'un oeil absent les manoeuvres de la dragonne. Il fallut qu'elle sente son index glisser sur sa peau durant un quart de seconde avant qu'elle ne tire sur son haut pour revenir au moment présent. D'accord, pourquoi se faisait-elle tirer de la sorte ? Machinalement, Yulia attrapa quelques fournitures et se laissa ramener à la chambre sous la commande d'une Violette toujours affamée.

— Donc tu es le genre de fille qu'on apprivoise avec son ventre. Bon à savoir. souffla-t-elle avec un sourire narquois au coin des lèvres.

Yulia comprenait néanmoins. Les émotions donnaient faim et Violette avait assurément eu son quota cette nuit. Et puis, même elle ne pouvait cacher que son estomac réclamait bruyamment un peu de nourriture malgré le fait qu'elle n'aurait pas été trop dérangée par le fait d'attendre encore un peu.

Une fois arrivée dans la chambre, Yulia chassa le bras de la dragonne et s'avança jusqu'à son lit pour s'y installer. Elle posa la nourriture autour d'elle et cala son dos contre le mur pour être confortable. Violette n'avait pas tort, le petit déjeuner au lit était un concept des plus attrayants. Yulia se sentait comme dans une bulle qui n'aurait laissé passé qu'un peu d'air matinal et la douce agitation du territoire au dehors par le biais de la fenêtre encore ouverte. Après un léger soupire, elle tendit simplement la main vers Violette pour l'inciter à venir s'installer à son tour.

— Ca va peut-être paraître prétentieux, mais je tiens à dire que je suis très confortable.

Non, ce n'était absolument pas une invitation à s'installer contre elle.

Étrange. Yulia semble ailleurs et un instant tu te demandes si tu n'as pas fait quelque chose de mal. Encore. La pensée ne fait pourtant que te traverser alors que tu tires la Vipère vers sa chambre. Elle te suit sans protester et emmène même de la nourriture ce qui n'est pas un mal vu que tu n'as pas pu emporter beaucoup avec une seule main libre.

YULIA – Donc tu es le genre de fille qu'on apprivoise avec son ventre. Bon à savoir.

Tu es entièrement rassurée maintenant qu'elle parle. Tu te retournes jusqu'à temps pour voir son sourire et la façon dont il est tordu te pousse à rire. Tu n'as jamais vu les choses comme ça. Tu hausses un peu les épaules et tu chasses la petite voix qui dit qu'elle n'a plus à t'apprivoiser. Sans dire que tu t'es fait mettre un collier, il y a assurément quelque chose qui te retient à elle et pour le moment ça ne te fait pas trop flipper. Parce que bien sûr comme tu l'as dit plus tôt tu pourrais quand même partir. Une fois dans la chambre elle s'écarte et va s'installer sur le lit en étalant ses provisions autour d'elle. Au petit soupir qu'elle pousse tu supposes que la place est confortable et que ton idée était bonne.

YULIA – Ca va peut-être paraître prétentieux, mais je tiens à dire que je suis très confortable.

Et tu n'en doutes pas une seule seconde. Tu as pu le constater cette nuit. Yulia est le must du confort. Machinalement tu regardes autour de toi avant de répondre à cet appel alors que tu sais très bien qu'il n'y a personne ici. Personne pour voir à quel point tu es faible et se servir de cette faiblesse. Tu peux juste te laisser aller sans te soucier du reste. Pour le moment du moins. Donc tu grimpes sur le lit, tu largues la nourriture et tu te cales entre les cuisses de la Vipère, le dos appuyé contre sa poitrine et la tête au creux de son épaule. La position t'arrache un soupir de contentement et tu te niches un peu plus.

VIOLETTE – Ça devrait être interdit d'être aussi confortable.

Tu plaisantes mais seulement à moitié car c'est sincèrement indécent d'être aussi agréable. Tu pourrais t'endormir en une minute s'il n'y avait pas la faim qui te tenaillait toujours le ventre. D'ailleurs tu bailles doucement tout en tâtonnant le matelas pour atteindre l'une des rations.

VIOLETTE – Je vais devoir réclamer une assistance avant de me rendormir.