Qu'est-ce qu'il avait à faire cette drôle de tête ? Le Libre s'était arrêté et il me fixait en retenant un espèce de sourire - si pas un rire - qui faillit bien me faire voir rouge. Non, mais qu'il se gêne pas surtout ? Il pouvait aussi se foutre de ma tronche tant qu'il y était ! J'étais parfaitement sérieuse dans ma déclaration et je ne voyais pas en quoi avoir de l'ambition était risible. La remarque qu'il m'adressa me gela finalement. Pas de feu, juste de la glace. Comment avait-il osé ? Je le fixais, complètement choquée, durant quelques secondes avant de me reprendre en le poussant brusquement.

- L'important c'est pas l'extérieur. Tout le monde ne peut pas être foutu Libre qui court le monde plutôt que de travailler pour la collectivité !

Est-ce que je travaillais pour la collectivité ? Non. Est-ce que cela m'empêchait de me servir de cet argument ? Non. Je lui criais littéralement dessus, furieuse. Je savais parfaitement que c'était ridicule de se perdre dans le centre neutre, mais je n'avais jamais eu vraiment d'occasions de sortir, j'étais donc forcé d'apprendre tardivement.

- Et puis, c'est quelque chose que j'apprends ! Y a jamais de mauvais moment pour ça. C'est pas comme se débarrasser de l'idiotie d'être Libre !

Cette fois, la fille réagit plus que nécessaire, fixant Stiles d'un air désabusé. Et lorsqu'elle se reprend, c'est pour le pousser en répliquant de façon cinglante. Le Libre manque de tomber, surpris par ce geste soudain, mais il se reprend en dernière seconde et recule de quelques pas afin d'éviter un nouvel assaut de la furie qui lui fait désormais face. Apparemment, il a touché un point sensible, car la dénommé Johanne lui hurle dessus pour se défendre tout en essayant de l'insulter, bien qu'il n'en soit pas certain qu'il s'agisse d'insultes au final... En effet, il est Libre et il l'assume très bien, et la Troupe travaille pour la collectivité via le commerce, donc ils n'ont rien à se reprocher contrairement à ce que semble penser la blonde.

« Ok, ok, j'm'excuse... Pas besoin t’exciter comme ça... »

Le garçon lève les mains en signe de paix avant d'indiquer la direction derrière la Jaguars.

« Bon, future chef en apprentissage, on y va ? Non pas que je n'ai pas envie de passer la journée en ta compagnie, mais il commence à se faire tard là. »

Cette fois, le brun tente de dissimuler un peu le sarcasme qui pointe dans sa voix. Il n'est pas aussi piquant d'ordinaire, mais cette fois il ne peut s'en empêcher, cette fille le cherche beaucoup trop...

Quel blaireau ! Monsieur le Libre n'était même pas capable de tenir sur ses pieds. Il aurait pourtant dû être paré pour une attaque surprise, on était dans le centre neutre ici, pas dans une zone de relaxation. Déjà deux fois que je le coinçais et ce n'était pas désagréable du tout. J'allais m'y habituer à force. Enfin si je ne le tuais pas avant à cause de ses provocations stupides. Ce qu'il pouvait être énervant ! Est-ce que les gars de son espèce étaient tous comme lui ? Étrangement, ça ne m'aurait pas étonnée. Vivre comme Libre, c'était un coup à devenir complètement dégénéré. Malgré tout, il s'excusa et tenta de calmer le jeu ce qui était sa deuxième manœuvre intelligente du jour après avoir accepté de me ramener à la maison. Peut-être n'était-il pas si idiot que ça finalement. La suite s'avéra plus intéressante encore. Future Chef des Jaguars ? Je pouvais carrément m'habituer à ce qu'il m'appelle de cette façon. Le surnom était parfait et je redressais la tête, le port altier, et le regard fier, avant de faire volte-face pour reprendre la route. Il était vrai que je n'allais pas passer ma vie avec lui et que je commençais tout doucement à avoir envie de retrouver le confort de la maison. Une escapade parmi les sauvages, c'était bien gentil, mais la civilisation du territoire me manquait.

Je suivis un moment la direction qu'il avait pointé du doigt, mais je dû vite me résoudre à ralentir ma foulée pour marcher à ses côtés. C'était lui qui dirigeait pour le chemin et j'étais bien obligée de me plier à son rythme si je ne voulais pas encore atterrir au mauvais endroit.

- Bon, c'est encore loin ?

Nous marchions depuis déjà un petit moment et mon entourage ne me disait toujours rien. Et puis le paysage se dégagea et je retrouvais les glorieuses frontières de mon clan. Enfin ! Je m'arrêtais nette et me tournais vers le brun.

- Libre, c'est bien gentil de m'avoir ramenée jusqu'à chez moi, mais je vais te laisser là. J'ai pas trop envie qu'on me voit avec toi, ça ruinerait ma réputation. Tu crois que tu sauras retrouver ton chemin tout seul ?

Apparemment, la fille prend au mot les paroles de Stiles, relevant la tête avec fierté. Le garçon ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel lorsque la fille se remet en route : quel égo…

La blonde avance d’un bon pas, et le Libre la laisse faire en se demandant quand est-ce qu’elle se rendra compte que c’est lui est sensé diriger, et non le contraire. Il est bien tenté de s’arrêter pour voir si elle s’en rend seulement compte, mais au moment il prend la décision la Jaguar ralentit l’allure pour se mettre à son niveau. Dommage, ça aurait pu être drôle. Enfin, au moins gardait-elle le silence… ou pas.

Stiles soupire lorsque Johanne lui demande s’ils sont encore loin du territoire. Et heureusement pour eux deux, il n’a pas à lui répondre puisque le paysage le fait pour lui. Il allait encore lui sortir une répartie cinglante et à tout les coups elle la lui aurait renvoyé à coup de poings…

La blonde s’arrête nette, et le brun en fait de même, fixant les frontières alors que son cœur accélère soudain. Il est beaucoup trop proche, les risques sont beaucoup trop grand, et si la fille lui avait oublié sa peur l’espace d’un instant, lui permettant d’arriver jusqu’ici, il ne peut désormais qu’à peine se retenir de trembler. Johanne s’adresse à lui, mais il l’entend à peine. Enfin il comprend qu’elle le libère, et il ne va pas se faire prier pour repartir loin du territoire Sud. Oubliant toute envie de la faire rager, il fait quelques pas à reculons.

« Ouai ouai, c’est ça, à plus. »

Sa réponse est machinale, il ne se rend même pas vraiment compte de ce qu’il dit. Les jambes flageolantes, il fini par faire demi-tour et s’éloigne sans demander son reste, plantant la blonde là. Mais qu’est-ce qu’il lui à prit de prendre un tel risque…

A peine est-il hors de vue qu’il se met à courir, vite, vers le campement, en sécurité…

HJ:

Le Libre semblait tout d'un coup encore moins net que... Eh bien que durant la totalité de notre discussion. C'était quoi son problème à celui-là ? Pourtant, j'avais été gentille. Peut-être que c'était ça le problème. Le petit peuple n'avait pas l'habitude d'être traité avec égard donc il paniquait parce que ça pouvait très bien cacher quelque chose. Ouais, ça se tenait. Je le regardais partir, un peu paumée quand même. Bien vite, le naturel revient pourtant au galop et je cessais de me poser des questions. Qu'est-ce que j'en avais à foutre de toute façon ? C'était juste un clampin de Libre que je ne reverrais jamais. Sans réfléchir plus, je tournais les talons et me mis en route vers les frontières. Retrouver la maison, c'était quand même agréable et en plus j'allais pouvoir, par ma seule présence, prouver à Reed que j'étais parfaitement capable de me débrouiller toute seule et donc que je pouvais passer mon test. Il était temps. Certes, la vérité était un peu différente, mais ce n'était pas à coup de vérité qu'on se construisait sa légende. Ma débâcle resterait notre petit secret au Libre et à moi.

- Merde !

Je me retournais rapidement, mais le gars n'était plus en vue. Et zut ! Le truc avec les secrets, c'était qu'il valait mieux qu'il y ait le moins de personnes possible au courant. Deux, c'était déjà trop. Le must, c'était un parce qu'on avait pas à flipper à propos d'une trahison. Pour conserver mon secret, il aurait donc été plus intelligent de tuer le Libre, mais ce détail m'avait échappé. Bah... Ce n'était qu'un tout petit secret de rien du tout de toute façon. En comparaison de ceux que je gardais, ce n'était qu'une broutille.