Il était épuisé d'attendre, épuisé de regarder faire des bons-à-rien alors qu'il se mourrait de chaud sous ce soleil de plomb...Et quand bien même, on lui avait répété que, lui, contrairement aux nombreux autres, il se situait sous un point d'ombre. Un coin à l'abris des rayons assommants de l'astre solaire  et qu'il s'appropriait pour lui tout seul car, non content d'être protégé de cette chaleur, le jeune homme occupait l'espace comme jamais elle n'avait vu personne le faire. Et Rian ne pouvait même le blâmer, elle savait l'importance de cet espace personnel qu'il remettait sans cesse sur le tapis dès qu'un tiers s'approchait de trop près de son eldorado. Il brandissait cette excuse haut et fort et personne n'osait s'approcher. Elle se demande d'abord si c'était parce qu'il était intimidant...avant de constater qu'il avait à disposition des armes pour se faire entendre...mais qui pouvait bien être ce type ?! Elle le détailla longuement, sa peau pâle, ses yeux bleus, ses cheveux en bataille...Elle croisa son regard un instant...un instant de trop visiblement !

Hey, je sais que je suis beau mais ce trou va pas se creuser tout seul !

Et pour être beau, il l'était ! Il le savait tout chez lui était admirable, une pure œuvre d'art. On se perdait à le contempler. Ces manants ne savaient pas. Ils ne savaient pas que s'ils ruisselaient ainsi, c'était parce que son auguste personne même était le Soleil. Qu'ils étaient touchés par sa grâce et si émus d'être en sa présence qu'ils en mourraient de chaud.

Pourquoi tu creuses pas toi ?, s'enquit un jeune homme à l'allure ingrate et à la voix nasillarde.

Ils en avaient tous marre de le voir, totalement inactif, allongé sur sa paillasse tandis qu'il les saisissait à chaque ordre donné...car il n'était pas comme Rian, non. Rian hurlait, on l'entendait, elle parlait beaucoup, souvent pour ne rien dire, mais lui, non. Lui, il observait un calme serein, presque effrayant...et puis, il éclatait en un fracas d'injonctions brutales et mauvaises. Et il touchait juste, toujours. C'était comme s'il voyait les points faibles des autres, qu'une cible était affichée sur leur front. BAM, il frappait toujours où ça faisait le plus mal. Et il n'avait aucun remord.

Je te demande, moi, pourquoi t'es moche ? Non, alors tu la fermes et tu continues de creuser !

Rian ne creusait pas, elle était bien trop occupée à l'observer ordonner tout ce petit monde sans la moindre difficulté...c'était assez irréel de voir une scène pareille au sein même de Paris, à l'intérieur du parc de la zone neutre. Elle se posait tellement de question à ce sujet. Comment s'était-il procuré des armes, pourquoi avait-il l'air de parler tout seul, pourquoi s'admirait-il dans le reflet d'une pierre polie...et surtout, surtout...

Pourquoi on creuse ?

Un autre homme la devança...c'est vrai, pourquoi creusaient-ils ? Le parc refermait-il un trésor secret...précieux au point de devoir creuser  si profondément pour l'atteindre ? Mais elle n'eut pas de réponse, l'inconnu nia purement et simplement la question, en pleine contemplation de ses mains.

J'irais plus vite si j'avais une pelle, c'est pas avec un bâton que je vais le déterrer ton trésor !, protesta le creuseur le plus prêt...

La réponse fusa alors bien vite cette fois...pas sous forme de mots mais sous forme de pierre qui vint heurter violemment l'arrière du crâne de la victime.

Tu voudrais pas non plus que je te prête ma pelle !, répondit l'inconnu...qui au demeurant, avait réellement une pelle en main.

Cette scène était de plus en plus absurde, même pour quelqu'un comme elle. Ce type était réellement en possession d'une pelle mais cette dernière semblait pourtant intacte. Pourquoi ne leur prêtait-il pas simplement l'outil ? Mais cela ne semblait même pas perturber ces creuseurs qui continuaient à se tuer à la tâche...pour cet étrange personnage. Personnage qui finit par se lever pour observer l'avancement de ce fameux trou, se penchant au-dessus, il sembla murmurer quelque chose...à personne, sans doute se parlait-il encore à lui-même...Oui, Nao pensait à que ces manants ne creusaient ni assez vite, ni assez profond. Il se souvenait pourtant que le trou s'était creusé plus vite la première fois. Sans doute, ces derniers étaient-ils trop intimidés par sa grâce, sa beauté et son intelligence. Ils devaient tous se sentir si reconnaissants de creuser pour une personne si brillante que lui. Alors qu'il comptait retourner à sa place à l'ombre, le bâton d'un des hommes heurta quelque chose de dur...Et Nao sourit. Enfin, elle était là. Cette chose qu'il désirait si ardemment qu'il avait fallu creuser des heures durant pour la trouver. Il poussa le creuseur dans le trou du bout de sa pelle, lui ordonnant d'être délicat en sortant son précieux. Bientôt, il fut à nouveau en possession de l'objet. Objet qui se trouvait être entouré d'un torchon. Tous étaient morts de curiosité. Que pouvait bien renfermer ce paquet ? Ils allaient le découvrir à leurs dépens...Une première fois parce qu'ils se prirent tous un violent coup de pelle pour avoir bafoué l'espace personnel du jeune homme...une seconde fois, et ils tombèrent de haut, quand le contenu du paquet fut révélé. Il s'agissait d'une boule ? Une simple boule ?

Comment ça, une simple boule ? Regarde de plus près, elle a la forme d'une tête de chat.

L'objet  avait en effet l'étrange particularité d'avoir la forme d'un animal. Ce type avait donc fait creuser une première fois des inconnus pour la mettre à l'abris et une seconde fois pour la déterrer... Dépités, tous se laissaient tomber à terre, totalement vidés et épuisés, le jeune homme se dit qu'il avait, encore une fois, égayé la vie d'une bande d'inconnus, qui, il en était certain, ne se remettrait jamais d'avoir pu être si proche de lui et d'avoir travaillé pour lui. Ils étaient si déprimés par la fin de leur mission qu'ils s'étaient littéralement écroulés alors qu'il s'éclipsait....sa noix de muscade dans la main.