Tom ne savait pas vraiment quoi faire. Cette fois-ci, après ses deux jours de travail, il n’était pas retourné à son clan comme il en avait l’habitude, mais il était resté sur les lieux, flânant un peu dans la zone industrielle, rôdant autour de chaque bâtiment qui servait quotidiennement à la survie de ces hommes qui s’accrochaient à cette ville qui autrefois avait été prestigieuse. Il était allé tout d’abord dans les champs, en profitant de la délicate chaleur que diffusait les rayons du soleil, et en jouant avec ce dont il pouvait jouer – des fleurs, des cailloux, des bouts de bois. Puis il était faire un tour à l’entrepôt avant de passer par la citerne, afin de s’assurer que tout allait bien, après quoi il était parti rendre une courte visite de loin aux usines, toujours dans le même but. Il n’avait pas réellement prévu de ne pas rentrer, si bien qu’il avait dû demander un peu d’aide à la deuxième équipe de surveillance de la citerne et aussi un peu du côté de celle de l’entrepôt. Il n’avait pas eu grand-chose, juste assez de quoi se sustenter en réalité, mais ça ne le gênait pas. Comment ça pouvait le gêner ? Il avait eu soudainement l’envie de vivre au grand air, de vivre parmi les champs, de dormir sous les étoiles, la lune veillant sur lui.

Il avait décidé cette petite escapade qui prônait un retour à la nature une fois son boulot terminé ; il l’avait décidé, pris d’une subite envie de le faire, éprouvant une passion étrange pour la nature.

Lorsque la première équipe de surveillance s’était dite au revoir, à dans deux jours, et tout ce qui s’ensuivait, Tom avait pu jeter un regard autour de lui. Et à travers ce regard, il avait vu pour la première fois la Terre. Il avait pu admirer pour la première fois la beauté de cette Terre sur laquelle ils vivaient sans jamais se rendre compte des dégâts qu’ils lui causaient. Pour la première fois de sa vie, il s’était attardé sur les courbes de l’horizon, sous les profils des usines diverses qui peuplaient les lieux – donnant ainsi son nom à la zone. C’était ainsi qu’il avait pris la décision soudaine de passer les deux prochains jours dans la nature, avec la douce illusion d’être libre. Les deux jours de repos qu’il avait toujours après deux jours de travail étaient passés vite, très vite, trop vite. Et en ces instants-là, il ne savait plus quoi faire. Il lui restait quelques heures environ avant de repartir à la citerne pour entamer un nouveau cycle de surveillance, comme à son habitude, mais il voulait encore un peu profiter. Tant et si bien qu’il traînait autour de la zone de la citerne, sans savoir quoi faire, sans savoir que faire. Il marchait la tête penchée en arrière, regardant le ciel et essayant de trouver différentes formes dans les nuages, croyant voir ici un fusil, et là un arbre.

Soudain, il entendit des bruits de pas. Il redressa sa tête, tendit son corps, déjà prêt à se battre – qui était là ? courait-il un danger ? – et à faire face à un ennemi qui en voulait peut-être à sa vie. C’était sûrement extrême, comme pensées, mais il préférait se préparer au pire pour ne pas être surpris ou pour avoir la surprise de voir qu’il en avait trop fait.

Elan, déjà, était en retard. L'adolescent ne pouvait s'éloigner trop longtemps du campement de la Troupe sous peine que ses congénères remarquent son absence. Non pas qu'il était tenu d'être présent ou qu'on lui avait assigné une tâche. Au contraire, il ne serait ni sermonné, ni interrogé pour cette escapade un peu trop longue. Mais il ne voulait pas éveiller les soupçons de Virgo quant à ses intentions. Son chef connaissait désormais sa haine pour les clans. Il devait bien se douter que Elan finirait un jour par quitter la Troupe pour faire cavalier seul, et ainsi mener sa propre vie, selon ses propres règles. C'était assez évident. Mais l'adolescent n'était toujours pas prêt. La vie dans les ruines s'annonçait difficile, et pour l'instant il manquait encore d'expérience en matière de survie pour se lancer.

C'est pour cela qu'il s'absentait fréquemment afin de parcourir les ruines. Il avait pensé dresser un plan schématique des lieux, avec l'emplacement des points d'eaux et des réserves de nourriture, mais il ne savait pas vraiment comment s'y prendre et ne voulait pas que ce plan soit découvert par qui que ce soit. Effectivement, si quelqu'un tombait dessus, il ne pourrait alors plus se cacher, et devrait assumer son choix.

L'adolescent pressa donc le pas, sans vraiment savoir où il était désormais. Il se situait quelque part dans la zone industrielle qu'il connaissait assez mal, et qui (mis à part l'entrepôt davantage surveillé qu'auparavant) avait été déserté depuis l'attaque chez les Jaguars. Il connaissait donc la zone plus ou moins, mais n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait et n'avait pas vraiment le temps de l'explorer.

Il vit à quelques pas de lui un amas rocheux. Il passa à côté et remarqua que quelqu'un se trouvait derrière la roche. Il feinta de n'avoir rien vu, mais s'apprêta tout de même à dégainer, et continua à marcher comme si de rien n'était. Ce faisant, il réfléchit à toute vitesse à une solution, au cas où le bonhomme lui chercherait des noises...