Pour finir, le blondinet avait tout de même décidé de me ramener au QG. Pas de bol pour moi… J’avais bien essayé de lui faire la causette, mais on ne pouvait pas dire qu’il était très bavard. Ses seuls paroles avaient été pour essayer de reprendre contenance en me faisant la morale sur le fait que je n’avais pas à passer d’un territoire à l’autre de la sorte, que cela pouvait causer des problème au clan, etc. Bref, rien d’intéressant pour moi. Finalement, c’est en silence que nous arrivâmes devant le grand bâtiment. Le garçon demanda à voir Noâ, disant qu’il avait une Soumise à recadrer. Je le regardais avec un air faussement surpris : une soumise, où ça ? La sentinelle nous fixa un moment avant de disparaître à l’intérieur. Le blond faisait le fière, aussi décidais-je de le faire redescendre un peu en lui rappelant que je pouvais le mettre à l’aise. Attrapant son bras, je m’y accrochais en jouant les petites filles effrayées par l’idée d’être confrontée à sa chef.

« S’il te plait, ne me laisse pas seule avec elle. »

Mon jeu était très convainquant, mais la sentinelle revenait déjà et nous enjoignit d’entrer. Si le Membre avait blêmis et sembla hésiter un moment, il fini par me pousser vers la porte malgré tout. Reprenant un air sérieux et boudeur, je suivis notre guide jusqu’à la salle de réunion où nous attendais Noâ. Pas impressionée pour un sous, j’allais me camper, bras croisés sur la poitrine, à l’endroit indiqué.

« C’est la deuxième fois que j’ai l’honneur de te faire face, dois-je me sentir flatter de tant d’attention ? »

Quelqu'un devait lui en vouloir personnellement, Mac en était persuadé. Dans le cas contraire, comment expliquer qu'il se retrouvait toujours au contact de cette rouquine qui prenait un malin plaisir à le faire tourner en bourrique. Elle avait bien trois ou quatre ans de moins que lui, mais impossible de nier qu'elle avait pleinement l'ascendant sur lui. En sa présence, il ne savait jamais comment se comporter et finissait toujours par courir comme un idiot dans la gueule du loup. Son envie de se venger un peu pour son comportement était sûrement ce qu'il l'avait poussé à la mener au QG pour qu'elle comprenne qu'on ne pouvait pas se foutre de la gueule d'un Membre ou désobéir aux lois du clan sans en subir les conséquences.

Comme si elle te faisait peur.

Il disait ça, mais Lucille aurait eu toutes les raisons d'être effrayée par la Chef. Décidé à ne plus tomber dans le panneau malgré ses hésitations, il la poussa pour qu'elle entre dans le bâtiment à la suite du garde et la suivit jusqu'à la salle de réunion.

Pardon de te déranger Noâ, mais cette fille a été ramenée par une sentinelle des Aigles.

Les sourcils de la blonde se froncèrent lorsqu'elle apprit la nouvelle, mais elle ne dit pas un mot, se contentant de renvoyer les deux hommes à leur poste d'un geste de la main. Ils étaient à peine sortit de la pièce que la rousse commença à rouler des mécaniques pour lui prouver qu'elle n'avait pas peur. Lâchant un bref rire, Noâ se leva et fit quelques pas sur l'estrade avant d'en descendre. Décidément, cette Soumise ne se rendait pas compte de la chance qu'elle avait d'être tombée chez les Jaguars.

Deuxième fois sans que je n'ai à te convoquer, c'est magique. Il faut croire que mes subordonnés t'estiment pour penser que j'ai envie de te voir.

La plaisanterie allait seulement un temps néanmoins et bien vite, elle reprit son sérieux.

Qu'est-ce que tu as été foutre chez les Aigles ?

Au moins avais-je réussi à faire rire Noâ, même si ce fût bref. Je haussais les épaules à sa remarque sur ses subordonnées dont je me fichais bien. Pour moi, je n’avais rien fais qui mérite qu’on m’amène à la chef.

Reprenant son sérieux, Noâ me demanda ce que j’avais été foutre chez les Aigles. Nouveau haussement d’épaules tout en levant les yeux au ciel.

« Je passais le temps. Je préfère éviter de m’enraciner, ça ne serait pas pratique le jour où je me ferais la malle. »

Sous-entendu : c’est pas une bête lettre gravée sur mon poignet qui fait de moi votre propriété, et le jour où je voudrais partir je serais déjà loin avant que vous ne vous en rendiez compte. Au début je pensais qu’entrer dans un clan pourrait m’apporter un peu d’action, mais jusqu’à maintenant à part me tourner les pouces je n’avais pas fait grand-chose, et je commençais sérieusement à envisager le fait de partir chercher ailleurs. Mais j’étais bien consciente que ça ne serait pas si facile de partir, même si ça ne m’inquiétait pas plus que ça dans les faits…

Rapportant mon regard sur la chef des Jaguars, ma chef soi-disant, j’affichais un petit sourire innocent.

« J’ai entendu dire qu’ils étaient plutôt mignon du côté est, je voulais le vérifier par moi-même. »

Il y avait chez Lucille quelque chose de fascinant. Alors que n'importe quel Soumis aurait frémis rien qu'à l'idée de se retrouver dans sa situation, elle restait de marbre. Elle se fichait comme d'une guigne d'être ici et ne semblait absolument pas consciente de la dangerosité que pouvait représenter le fait de désobéir à sa Chef. Et plutôt que d'être vexée que l'adolescente ne la calcule absolument pas comme un danger, Noâ trouva le phénomène intéressant. Quel âge avait-elle ? Treize, quatorze ans ? C'était déjà un bel âge pour une enfant ayant vécue comme une Libre, ils n'étaient pas si nombreux à avoir la possibilité de grandir de la sorte. La question était donc : comment était-elle restée en vie tout en faisant preuve d'un tel comportement ? Une moue contrariée sur le visage, la blonde la fixait avec intention, cherchant une façon de décoder ses réactions pour comprendre.

En l'entendant expliquer sa présence chez les Aigles, la Chef écarquilla les yeux. Elle passait le temps ? N'avait-elle rien à faire de sa journée ? Même si les Soumis ne se tuaient pas vraiment au travail ici, cela ne voulait pas non plus dire qu'ils restaient les doigts de pied en éventail du matin au soir. Et puis, c'était quoi cette histoire de se faire la malle ? Elle croyait quoi là, un clan n'était pas un hôtel où l'on séjournait le temps de récupérer avant d'aller voir si l'herbe était plus verte ailleurs.

Je crois que tu n'as pas bien saisi le concept du marquage là.

Il y avait une légère pointe d'agacement dans sa remarque, mais Noâ restait plutôt calme dans l'ensemble. Ses yeux s'arrondirent par contre lorsque la rousse reprit la parole, lui exposant un argument des plus déroutants. Alors c'était juste pour les mecs ? Avec la surprise vint un rire un peu nerveux qu'elle stoppa bien vite en se raclant la gorge pour se redonner une contenance.

J'ai eu ma dose d'amourettes entre le Sud et l'Est, tu seras gentille d'éviter de t'enticher d'un Aigle.

Le ton était cette fois mi-rieur, mi-sérieux, elle ne savait vraiment plus sur quel pied danser. Poussant un bref soupir, elle remonta sur l'estrade et alla s'asseoir dans l'un des fauteuils. Elle croisa les bras sur sa poitrine et observa quelques instants Lucille, cherchant une faille, mais décida finalement d'y aller franco.

Bon, vu que cela n'a pas encore été fait, je crois qu'il est temps de te trouver une occupation. Qu'est-ce que tu sais faire ?

Vu l'asticot, elle préférait lui présenter la chose autrement que via un ordre direct en lui laissant une certaine marge de choix. Avec un peu de chose, elle parviendrait ainsi à arriver à une fin acceptable.

Noâ ma dévisagea un moment, une moue contrariée affichée sur son visage. Pour ma part, je restais silencieuse, soutenant son regard inquisiteur. Elle fini par reprendre la parole après avoir écarquillé les yeux à ma réponse. Celle-ci ne lui convenait pas, apparemment. Je haussais simplement les épaules lorsqu’elle affirma que je n’avais bien saisi le concept du marquage. Je l’avais très bien compris au contraire, enfin je crois… mais ce n’était pas ça qui allait m’arrêter non plus.

Le rire nerveux qui suivis m’arracha un sourire à moi aussi. Enfin plutôt la façon dont elle essaya de reprendre contenance en fait…
Sa dose d’amourette entre le Sud et l’Est ? Tiens tiens, de possibles ragots ? Je pouvais toujours tenter d’en apprendre plus sur le sujet, non ?

« Je fais encore ce que je veux ! A moins qu’il n’y ai une réelle bonne raison, je ne vois ce qui m’empêcherai d’aller chercher un mignon petit Aigle pour passer le temps. Mais les infos sont un peu vagues là… »

Malheureusement, la chef ne sembla pas vouloir coopérer sur le coup. Retournant s’assoir sur son estrade, elle me demanda ce que je savais faire afin de me trouver une occupation. Fronçant les sourcilles, je cherchais la faille. Elle me demandait vraiment ce que je voulais faire ? Toujours douteuse, je répondis malgré tout à sa question, mais d’une voix plutôt hésitante.

« Survivre… »

Si j’avais d’autres capacités ? N’était-ce pas assez ? Je ne m’étais jamais posé la question de mes compétences en fait. Hormis faire tourner le gens en bourrique ou les charmer pour obtenir ce que je veux, je n’étais pas spécialement agile de mes mains ou endurante, ou quoi que ce soit d’autre. Au finale, si j’étais toujours seule, c’est toujours par le biais de quelqu’un que j’arrivais à survivre…

Lucille n'avait définitivement pas compris le concept d'un clan au vu de sa répartie. Si elle voulait continuer à faire ce qu'elle voulait, elle n'aurait pas dû accepter de rejoindre les Jaguars et encore moins s'approcher de la ville. Et dire que c'était pour ce genre de Soumise que Noâ avait affronté les autres clans et qu'elle avait frôlé les blessures mortelles... Il allait vraiment falloir qu'elle trouve une solution pour réussir à rentabiliser cette nouvelle. Il devait pourtant bien y avoir quelque chose à faire de cette gamine. Ignorant simplement cette histoire d'Aigles - son humeur aurait tourné à l'orage si elle avait parlé de l'Est et de ses mâles qui attiraient un peu trop les félines -, elle passa simplement à la suite.

Survivre. La réponse était intéressante et au moins avait-elle le mérite d'être claire. Néanmoins, cela n'aidait pas vraiment Noâ à lui trouver une occupation. Mais c'était bon à savoir et elle songea que le jour où Lucille serait en âge, elle pourrait certainement faire une bonne Membre.

- Bien. Il y a un paquet de gens chez les Jaguars qui en sont incapables alors c'est une bonne qualification. Mais tu es un peu trop jeune pour que je mette cette acuité au service du clan. Quelque chose de plus...ciblé ? Ou un intérêt pour quelque chose en particulier ? Je ne sais pas... Est-ce que tu aimes coudre ?

Ma réponse sembla satisfaire la chef, ou du moins en partie. Elle me demanda si je n'avais pas des qualifications plus ciblées, allant jusqu'à me proposer la couture comme exemple. La couture ?! Sérieusement ?! Grimançant, je lui répondit avec une pointe d'irronie.

« La couture... Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué j'ai un peu du mal à tenir en place... alors coudre... Non merci... »

La pauvre, elle n'allait pas réussir à m'occuper si facilement. Faisant mine de réfléchir, je décidais de coopérer un minimum en précisant un peu plus mon profil.

« J'ai besoin de bouger, d'espaces. Je n'aime pas me sentir enfermée, mais ça tu l'avais compris je crois. »

D'accord, Noâ devait bien avouer que son exemple n'était pas très bon. La couture nécessitait de la minutie et de la patience, deux qualités dont Lucille ne semblait pas être pourvue.

Le ton de la rousse était particulière désagréable pour ses oreilles, mais elle fit un effort pour ne pas se focaliser là-dessus. Le clan avait besoin de travailleurs et il aurait été dommage d'éliminer une peut-être future Membre juste parce qu'elle avait la langue trop bien pendue. Dans d'autres clans, la Soumise aurait probablement été fusillée sur place, mais la politique des Jaguars était nettement plus souple et la blonde n'était pas étrangère à un tel changement. Si elle tenait à maintenir l'ordre, elle ne voulait pas tomber dans l'excès qu'elle avait connu chez les Dragons du Nord. Voir même au Sud lorsque c'était Joshua qui commandait.

Un miracle se produisit finalement - venant confirmer son idée qu'elle ferait une erreur en transformant Lucy en chair à pâté - car l'adolescent fit un effort pour être un minimum coopérative. Bien, elles allaient peut-être pouvoir arriver à un compromis.

- Que dirais-tu de travailler dans les vergers ? Il y a de l'espace, de la nature, les autres Soumis y sont plutôt détendus. Bien sûr, le travail n'y est pas facile, surtout lors des périodes de cueillette, mais tu pourrais y trouver ta place.

Noâ me fit une nouvelle proposition : travailler dans les vergers. L’idée de travailler en extérieur et d’en plus pouvoir grignoter sous le manteau - parce que oui, c’était le principale argument qui pourrait me motiver réellement - ne me déplut pas. Je gardais un instant le silence, pesant le pour et le contre.
Pour : Il y a de l’espace, je pourrais grignoter au moment de la cueillette, et il devrait toujours y avoir moyen de se cacher dans un arbre ou quoi pour faire une sieste sans avoir toujours quelqu’un sur le dos.

Contre : Le « pas facile » ne me plaisait pas trop, ce qui vaut bien pour deux arguments.

« Mouai, y a des gardes ou quoi ? Ca fonctionne comment ? »

Autant en apprendre plus sur la tâche avant d’accepter…

C'était un véritable miracle. Lorsque Lucille avait ouvert la bouche, Noâ s'était attendue à un refus pur et simple, mais la gamine semblait enfin être plus ou moins intéressée par l'une de ses propositions. Bien sûr, elle n'était pas emballée, mais c'était déjà une belle avancée qu'elle accepte l'éventualité de travailler dans les vergers. En plus, elle s'intéressait aux conditions de travail, c'était un très grand pas.

- Le travail évolue au fil des mois. Pour le moment, tu travailleras principalement à la vérification du matériel, donc dans les entrepôts, et tu apprendras petit à petit à tailler les arbres lorsque les feuilles recommenceront à pousser. Après cela, il faudra surveiller le développement des fruits et enfin les cueillir lorsque la saison meurtrière approchera. Tu travailleras de jour jusqu'à la fin de l'après-midi. Il y a une longue pause lorsque le soleil est au plus chaud. Bien sûr, il y a des surveillants dans les vergers, mais leur but est avant tout de protéger les Soumis des Libres et de s'assurer que tout se passe bien.

Il n'y avait désormais plus qu'à espérer que son petit résumé ne la dégoûterait pas.

- Et bien sûr, lors de la cueillette, tu pourras récupérer quelques fruits frais après ton travail.

Inutile de lui dire que c'était surtout les fruits plus abimés qui auraient moins bien supportés la conservation.

Noâ résuma les conditions de travail. Je me demandais si elle n’embellissait pas un peu les choses, car ça ne semblait pas si terrible d’un premier abord. Bon bien sûr ça restait du travail, mais les vergers et leurs alentours devaient surement receler des coins sympa à découvrir. Et puis elle avait confirmé le fait que je pouvais grignoter au moment de la cueillette, ce qui n’était pas rien.

Haussant les épaules, je fini par donner ma réponse sur un ton détaché.

« Je veux bien essayer. Mais rassure moi, on ne bosse pas tous les jours non-stop quand même ? Ce serait trop chiant… »

Ben oui, travail n’est pas égal à liberté malheureusement, et même si je me tournais les pouces ça me faisait du bien de savoir que je pouvais aller où bon me semble quand je le veux. Bon ok, je n’étais pas sensé aller n’importe où non plus, mais ça je m’en fichais comme de ma première couche, si j’avais eu une couche un jour…

Comme quoi, il ne fallait jamais perdre espoir. Noâ se permit un discret soupir de soulagement lorsqu'elle constata que les choses continuaient d'aller dans son sens. Avec un peu de chance, elle allait enfin réussir à mettre cette gamine au travail. Elle ne serait peut-être pas formidablement efficace, mais au moins elle arrêterait de se tourner les pouces. Et puis, les Soumis du verger et les surveillants trouveraient toujours bien un moyen de la rentabiliser, elle en était certaine. Après tout, c'était dans leurs intérêts et dans celui de tous les clans.

- Non, il y a des jours repos. Mais il faut bosser avant de les avoir, je préfère préciser.

Pour le moment, elle choisit d'éviter de rentrer dans les détails au niveau des jours de repos. Il y en avait bel et bien, mais il fallait bosser quatre jours complets avant de faire un break durant une journée. Et encore, c'était seulement pendant le début de la saison, au moment de la cueillette, il n'était pas question de s'arrêter sous peine de perdre bêtement des fruits.

- Donc c'est bon, tu ne me feras pas un coup foireux si je t'envoie travailler aux vergers ?

Elle préférait être sûre, on ne savait jamais.

Pas très convaincante comme réponse. Mais bon, si ça pouvait m’occuper un peu…

Noâ me demanda alors si c’était ok et si je ne comptais pas lui faire de coup foireux si elle m’envoyait aux vergés. Un sourire innocent s’afficha sur mes lèvres.

« Un coup foireux ? Ce n’est pas mon genre voyons. »

J’allais « bosser », qu’elle soit déjà contente.

« Ok pour les vergers, mais c’est un test seulement. Je veux pouvoir changer si c’est trop chiant ou trop dure. »

Ben oui, mieux valait mettre les clauses au claire avant tout de choses…

La blonde lâcha malgré elle un soupir un brin agacé. Cette fille était une véritable rosse. Le pire c'était que, au dépit de cet énervement qu'elle sentait monter elle, elle ne trouvait pas ces méthodes dépourvues de sens. Lucille avait du caractère et elle profitait aisément des répercussions de ses propres actes pour obtenir ce qu'elle voulait. Sachant ça, Noâ avait choisi de la prendre avec des pincettes et de lui laisser une certaine marge de choix, il était donc logique qu'elle en profite. Il n'empêchait que ses manières étaient rudement dures pour les nerfs des personnes qui la côtoyaient. D'ailleurs, la Chef sentait bien qu'il était temps qu'elle l'écarte de son champ de vision, même si sa patience n'était pas minuscule, elle commençait à s'approcher dangereusement de ses limites.

- Tu garderas ton petit jeu de dupe pour les gens avec qui tu vas travailler.

Un soupçon d'amusement amer pointa dans sa voix. Elle plaignait un peu les fruiticulteurs qui allaient devoir prendre en charge cette gamine. Voir possiblement les surveillants qui devraient faire en sorte de la garder dans la zone et de la remettre au travail si jamais elle venait à tirer au flanc de façon trop flagrante.

- Soit contente, tu auras un supplément de rations en travaillant. Et vu comme tu es épaisse, ça ne te fera vraiment pas de mal.

Noâ n'avait pas répondu directement à ce que la rousse lui avait dit. Ce n'était pas une question, mais une affirmation qu'elle avait posé et cela n'était vraiment pas pour lui plaire. Alors, elle préférait se taire. Qui ne dit mot consent disait Virgo. Elle n'était fondamentalement pas contre de toute façon, les Soumis changeant de tâches n'étaient pas si rares et elle préférait de loin la faire tourner plutôt que de devoir la trainer de force au travail. Même si techniquement ce ne serait pas elle qui se chargerait de ce détail.

- File, maintenant. Et j'espère bien ne pas avoir à te revoir avant un moment, du moins pas sans convocation. Et ne t'approche plus des Aigles, ils ne seront pas tous aussi gentils que celui que tu as rencontré.

Et elle n'aurait certainement pas le courage de supporter une idylle à la Alessandra bis.

- Oh, une dernière chose. La Troupe est en ville, on cherchera donc peut-être à entrer en contact avec toi. Rien ne t'empêche d'aller les voir dans les faits, mais n'oublie pas si tu le fais que les Jaguars et les Dragons ne s'entendent pas très bien. Ce sera donc à tes risques et périls.

Naturellement, si Noâ venait à entendre que l'on s'en prenait à l'une de ses Soumises en terrain neutre, elle enverrait immédiatement une équipe pour l'aider, mais rien n'assurait que l'équipe arriverait à temps ou même simplement qu'elle l'apprendrait. Elle préférait donc la mettre en garde. D'un geste de la main vers la porte, elle la congédia donc. Il était temps qu'elle retourne à ses occupations premières.

Noâ laissa échappé un soupir et me répondit de garder mon petit jeu de dupe pour mes futures collègues de travail. J’affichais une mine faussement outrée, mais ne répondit pas. Son ton faillit m’arracher un nouveau sourire narquois par contre. Cherchait-elle à punir ces pauvres gens par ma présence ? Si tel était le cas, elle serait surement contente du résultat.

La chef ajouta également que je pouvais être contente car travailler m’apporterait un supplément de ration. Elle me congédia ensuite en m’intimant de ne plus m’approcher des Aigles, soit disant qu’ils n’étaient pas tous aussi gentils que Basile. Mais pourquoi n’avait-elle pas commencer par les rations directement ? Tout sourire, je répondit sur un ton joyeux, toujours théâtrale évidemment… passant ensuite à un air blasé.

« Fallait le dire tout de suite. Ca nous aurait évité tout ce blabla. Et pour ce qui est des Aigles, j’y penserais. Je ne suis pas suicidaire non plus après tout. »

Contrairement à ce que beaucoup pensaient…

Je tournais les talons pour sortir, comme la chef me l’avait gentiment demandé, mais je me stoppais alors qu’elle reprenait la parole. La Troupe était revenue ?! Mes yeux s’écarquillèrent brièvement, mais j’effaçais bien vite toute trace de sentiments de mon visage. Ca ne pouvait pas être vrai, ils ne pouvaient pas être là… lui ne pouvait être là. Je répondis d’une voix sèche en me dirigeant à reculons vers la porte. J’avais soudainement besoin de prendre l’air.

« Ca m’étonnerais que l’un d’eux cherche à me contacter, mais merci de l’info. Je suppose qu’on me tiendra au courant pour le boulot. Salut. »

Sur ces mots, je sortit d’un pas rapide du QG. La bonne humeur que m’avait apportée Basile s’était envolée…