L'ultime confrontation

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Jude, Soumise ▬ Grey, Membre ▬ Ryder, Ancien Membre
Point de vue de Jude

Depuis cette confrontation qui avait opposée les Jaguars aux Aigles et aux Vipères, il régnait sur notre territoire comme une étrange tension. La cohésion autrefois présente entre les Membres était par moment mise à mal par les blessures de ses derniers. Chacun avait tendance à rester dans son coin pour panser ses plaies et les rencontres ne se faisaient plus que lors de demandes officielles qu'ils étaient bien obligé d'honorer. Cette ambiance était lourde pour nous autres Soumis qui étions plus habituer à les voir de bonnes humeurs et participatifs. Mais c'était comme tout, cela finirait bien passer. En attendant, il nous fallait faire notre travail sans faire de vague pour déranger le moins possible nos combattants.

Aujourd'hui, j'allais devoir me rendre au centre-neutre pour faire quelques courses. Il nous fallait principalement des médicaments et du matériel de soin pour réapprovisionner nos stocks de fournitures médicales qui avaient sérieusement été mis à mal. Et puis, il y avait toute une série de choses qui s'était ajoutée à ma liste alors que je parcourais la distance me séparant de nos frontières. Je m'arrêtais de moi-même près de ce qui représentait notre poste de sécurité, attendant que l'un des hommes chargés de la surveillance descendent de son perchoir. C'est Trigger qui atterrit lourdement devant moi, le visage à moitié bandé. Les séquelles laissées par la punition qu'il avait reçu pour son comportement durant le combat n'était pas visible, mais je les devinais grave. Cela ne serait pas beau à voir, même une fois cicatrisé. Il affichait pourtant un sourire, sincèrement content de me voir.

- Alors on va promener sa plastique de rêve en dehors de nos frontières ?
- Vile dragueur.
- Plus sérieusement, il est hors de question que je te laisse sortir seule. Noâ a été claire durant quelques jours, on joue la carte de la prudence.
- Tu es dur ! Et puis, je ne vais pas déranger un Membre pour une heure passée au dehors.

Mon sort n'était désormais plus entre mes mains. Alors que je terminais à peine de parler, un sifflet résonna bientôt suivit pas d'autres qui s'éloignaient de plus en plus. Bientôt, quelqu'un débarquerait pour me servir de chaperon. Bravo la discrétion ! Et dire que je devais tout ça à un excès de prudence de ma petite sœur. Quelques minutes plus tard, c'est Grey qui se présenta au pas de course. Un holster se balançait à la ceinture, rebondissant sur sa cuisse. Il s'arrêta de courir à mes côtés, la respiration légèrement saccadée. Il ne parla pourtant pas, se contentant d'attendre un geste de ma part. J'avais toujours apprécier ce jeune homme qui n'était pas aussi brute de décoffrage qu'on pouvait le penser. Et il n'était pas toujours de mauvaise humeur, c'était le fait qu'on le pense qui le mettait en rogne.

Nous allions nous mettre en route lorsqu'un bruit de moteur se fit entendre. Une voiture s'arrêta à nos côtés et le conducteur se pencha pour nous parler. C'était Ryder qui sortait visiblement lui aussi.

- J'ai des courses à faire dans le centre, je vous emmène ?
- C'est gentil Ryder. Tu vois Trigger, tu peux dire à ma sœur que je suis en bonne compagnie. Et toi, Grey n'hésite pas à retourner à tes occupations.
- Ce n'est pas comme si j'avais quelque chose de passionnant à faire...

Légèrement renfrogné par cette tentative de rejet, il m'ouvrit galamment la portière avant, puis alla s'installer sur la banquette une fois que je fus installer. Visiblement, mon escorte allait être nombreuse aujourd'hui. Avec ces deux là, je n'avais rien à craindre, c'était une certitude. En voiture, la route jusqu'au centre-neutre fut plutôt courte. Ryder se gara un peu à l'écart de l'avenue principale pour nous permettre de continuer à pied. Le premier commerce qui se présenta devant nous intéressa l'homme aussi c'est pas là que les courses commencèrent.

- Une épicerie ?
- J'espère dégotter quelques épices, la demande vient d'en haut.

C’était une journée plutôt tranquille et belle qui commençait. Le soleil tapait comme jamais et la petite bande était à peine habillée, surtout les demoiselles, elles avaient plutôt chaud avec ce soleil qui faisait des siennes. Mais on ne pouvait demander mieux. Sauf peut-être un peu d’eau ? Par chance, ils avaient juste assez pour s’acheter à manger et à boire, de quoi rassurer les trois garçons qui ne faisaient que ronchonner depuis la belle aurore. Ils étaient les champions du monde pour ce qui était de râler pour un rien. Mais autant Ines qu’Akiko étaient habituées à entendre leur jérémiades et elles n’y faisaient quasiment plus attention, c’était bien plus facile ainsi. Et parce qu’elles avaient décidé de se montrer généreuses, les jeunes femmes avaient proposé de passer par le centre-neutre où ils pourraient faire quelques emplettes sans avoir besoin de s’énerver ni même de s’exposer à ces stupides clans. Les membres de ces clans avaient bien mieux à faire que de se promener dans les zones neutres, ils avaient leurs propres magasins et ils avaient surtout le luxe total. Quant à Akiko, elle pourrait faire un petit coucou aux membres de l’équipe hospitalière qui s’étaient si gentiment occupé de celle qui était devenue une vraie femme. Elle savait que ça leur ferait vraiment plaisir. Alors, elle n’allait pas s’en empêcher. Mais tout cela serait pour plus tard, il leur faudrait tout d’abord trouver un endroit où se rassasier. Et pour cela, il fallait mettre tout le monde d’accord. Et cela n’était pas toujours facile. Les garçons avaient toujours quelque chose à redire, même s’ils mourraient de faim. De vrais gosses. Rien qu’à cette idée, Akiko sourit, haussant les épaules. Il lui fallait entamer la conversation, parce qu’à part se plaindre, les jeunes hommes n’étaient pas très constructifs, et Ines attendait toujours que ce soit la dite chef qui prenne la parole. La jeune femme prit donc la parole, faisant arrêter tout le monde et se tournant totalement vers ses quatre comparses.

"Alors... Pour boire, ce n’est pas bien compliqué, mais pour manger, je propose qu’on se rende tout d’abord à une épicerie, vous verrez ce que vous souhaitez une fois là-bas, ça vous va ?"

Axel ne put s’empêcher de prendre la parole en premier.

"Je m’en fous, du moment qu’on mange ! Je crève la dalle ! Allez, plus vite !"

Akiko rigola alors doucement, il était vraiment incollable celui-là. Les deux autres garçons acquiescèrent sans broncher. Alors, ils étaient en route pour cette zone neutre et l’épicerie plus précisément. Marchant de bon train, ils arrivèrent assez rapidement dans la zone neutre. Néanmoins, ils durent faire encore quelques pas avant d’arriver devant la dite épicerie. Il semblait y avoir de la file, mais ils ne durent pas attendre bien longtemps, à vrai dire. Très vite, ils purent alors faire leur choix. La jeune chef laissa les quatre autres commencer à faire leur choix, quant à elle, elle passa pour la dernière. Ils choisirent finalement un arbre dans un coin, sous le pied de cet arbre, ils seraient au moins à l'abri de ce soleil tapant. Ils avaient, en plus de ce qu'ils avaient choisi pour manger, acheté du harissa et de la sauce blanche. La jeune femme, comme à son habitude, décida de prendre la harissa tandis qu’Axel, grande bouche habituellement, hésita. Akiko n’hésita pas à donner son avis, tandis que Matthieux prétextait que la sauce blanche. Commença alors une petite bagarre pour une simple question de sauce pour mieux épicer leur plat.

"Prends le harissa et tu ne seras pas un beau parleur comme Matthieux !"
"Tu veux ressembler à Akiko ? Avec un caractère aussi mauvais ?"

Et voilà, la petite dispute enfantine commençait.

Point de vue de Grey

La première fois que j'avais rencontré Ryder, je venais de rejoindre les Jaguars du Sud en tant que Soumis. A cette époque là le clan était encore dirigé par Joshua, le prédécesseur de notre actuelle chef Noâ, et il méritait réellement son titre de poubelle. Nous étions d'un ridicule à la hauteur de la paresse du leader. Les Membres ne manquaient pas de potentiel, mais sans un véritable dirigeant, ils agissaient lors des combats comme des poules sans tête. Pourtant face à ce chaos, Ryder était différent. Encore jeune adolescent à cette époque, j'avais été saisit par l'impression de puissance qui se dégageait de lui. C'était un véritable combattant. S'il était né quelques centaines d'années plus tôt, il ne faisait aucun doute qu'il serait militaire. Il avait tout à fait le profil du soldat sacrifiant son temps et sa jeunesse pour la défense de sa patrie.
Autant dire que lorsqu'il avait atteint l'âge où tout jeune devait quitter les rangs actifs du clan, il avait eu quelques difficultés à se réadapter. C'était tout son univers qui s'était écroulé et il était resté abattu durant de longs mois. Et puis, il avait fini par se trouver de nouvelles occupations. Il continuait déjà son lourd entraînement nécessaire à son corps qui traitait l'effort comme une véritable drogue. Il s'investit aussi dans la formation des nouvelles recrues des Jaguars, leur apprenant technique et stratégies pour les conserver en vie et entier le plus longtemps possible. Mais c'est seulement lorsque la cuisine entra dans sa vie qu'il retrouva la passion initiale qui l'habitait. Dès ses corvées achevées, il se donnait corps et âme dans la confection de délicieux petits plats avec le peu d'ingrédient dont il disposait. Et avec le temps, cela finit par allécher les babines des Membres et des Soumis qui acceptèrent avec joie de servir de cobaye. L'habitude resta et encore aujourd'hui, son logement représentait le lieu d'accueil par excellence lorsque le moral ou la santé n'était pas bonne. Malgré tout, je reconnais difficilement l'homme qui au fond de cette épicerie peu éclairée sniffait de petits sachets remplis d'épices diverses et variées. Il semblait à la recherche d'une fragrance particulière et ne semblait pas décider à partir avant de l'avoir trouvé. Appuyé à une étagère où s'empilait des boîtes de conserve, j'attendais patiemment avec Jude, les bras déjà chargés de sacs remplit de provisions.

- Ne pourrait-on pas continuer ? Le temps ne nous est pas compté, mais la ménagère parfaite me donne la nausée à force.

Compatissante, l'adorable jeune femme accepta et nous quittions rapidement la boutique sous l'oeil désespéré du commerçant. La grande carcasse de Ryder prenait beaucoup de place et il craignait visiblement qu'il ne finisse pas casser quelques choses à force de gesticuler dans son magasin. Je l'ignorais, sachant pertinemment qu'il toucherait une jolie somme pour sa patience. Il ne faisait aucun doute que le Jaguar repartirait avec une grande quantité d'épices après tout le temps qu'il avait passé à les sélectionner

Dehors, il faisait particulièrement lourd. Le soleil tapait rude et les bâtiments n'étaient pas assez haut pour offrir une réelle ombre lorsque l'on marchait dans les rues. Poussant un long soupir, je dégageais l'une de mes mains pour essuyer la sueur qui perlait sur mon front. C'était un jour à rester dans ses quartiers une fois les corvées terminées. Je plaignais sincèrement les gars qui se trouvaient de piquets aux frontières.

Alors que nous avancions vers l'hôpital pour aller chercher du matériel de soin, je repérais un petit groupe de jeunes installé à l'ombre de l'un des rares arbres qui persistaient dans le centre neutre. Leurs éclats de voix indiquaient une discussion particulièrement animée. En passant à côté d'eux, je ne pu m'empêcher de continuer à les observer. Vu que je n'avais ressentit aucune hostilité à mon égard, je supposais qu'il ne s'agissait pas de Membres de clan. Cela pouvait aussi être des Soumis, ils étaient peut-être même de chez nous. Il y avait tellement de personnes qui vivaient sur notre territoire qu'il était difficile de connaitre tout le monde. L'une des filles me laissait pourtant une drôle d'impression. J'étais certain de ne l'avoir jamais rencontrée, mais elle ressemblait étrangement à la description que le messager des Aigles était venu nous remettre il y a quelques jours. Kim Dong-Yul avait eu quelques problèmes avec un groupe de Libres particulièrement arrogant qui avait fouler consciemment du pied son territoire. Même si mon instinct me poussait à me méfier, je n'avais aucune raison de les déranger. Je n'avais pas de preuve et de toute façon, nous étions sur un terrain neutre ici. Dès mon retour, il faudrait que je demande une entrevue avec Noâ pour lui parler de cette découverte.

- Un problème, Grey ?
- Pas vraiment.

Mon silence avait mis la puce à l'oreille de Jude qui, peu satisfaite par mon silence, m'avait dépassé pour marcher à reculons en se penchant légèrement vers moi. Le regard insistant, elle m'invita à lui fournir plus de détails. J'avais été pris en flagrant délit de cachoteries alors ne rien dire n'aurait certainement pas améliorer mon cas. Affichant une moue contrarié, je finis par me confier à la jeune femme.

- Tu vois le groupe derrière nous ? Le léger mouvement de son œil m'indiqua qu'elle les avait vu.
L'autre jour, on a reçu un avertissement des Aigles nous disant que nous méfier de personnes correspondants exactement à leur signalement.
- Ils ne m'ont pourtant pas l'air bien dangereux.
- Ils ne le sont pas tellement. Enfin sauf la fille qui semble se débrouiller mieux que les autres.
- Alors pourquoi ?
- Leur principale occupation est de narguer les Membres des clans en leur faisant de grands discours. Leurs dernières cibles étaient Jérémy et Lucas.
- Lucas, c'est le messager qui nous est assigné c'est bien ça ?
- Oui. Quoi qu'il en soit, je préfèrerais ne pas avoir de problème avec eux ici. Terminons vite les courses.
- Je comprends.

Mais il était déjà trop tard...

Akiko était toujours en train de se chamailler avec Matthieux à propos d’une simple sauce à prendre comme accompagnement de ce qu’Axel était en train de manger. Évidemment, c’était une dispute de bons enfants, rien d’agressifs, juste de quoi s’amuser entre eux. Ils n’étaient pas que des Libres s’amusant uniquement en narguant les Membres de ces clans, non. Entre eux, les jeunes gens adoraient s’embêter de manière gentillet. Ils étaient loin de se détester. Ils s’adoraient tous les cinq, ils se faisaient réellement confiance mutuellement. Et cela était la véritable force du petit groupe. Évidemment, il n’y avait pas que cela. Certains sentiments semblaient s’entrechoquer, sans même que chacun réalise cela. A croire que les sentiments qu’ils ressentaient l’un envers l’autre se voulaient bien trop discrets. Il n’y avait que les personnes à l’extérieur de ce groupuscule qui pouvaient comprendre ce qu’il s’y déroulait réellement. Mais c’était très bien ainsi et selon chacun. Il n’y avait pas besoin de se prendre la tête. Ils vivaient selon la phrase « carpe diem », lorsqu’ils étaient entre eux. La plus neutre étant Ines, la plus explosive étant Akiko, le plus impulsif étant Axel, le plus calme étant Cédric et le plus sarcastique étant Matthieux. Au final, ils avaient tous leurs défauts et ils parvenaient à se compléter, une véritable harmonie dans ce groupe. Rien ne pourrait les casser, vraiment rien. Et cela se voyait à ce moment-là. Ils rigolaient sincèrement, s’engueulaient gentiment, et se titillaient sans blesser qui que ce soit. Avec le soleil qui tapait, cela pouvait faire penser à une petite colonie de vacances, ou simplement de simples jeunes qui revenaient de l’école, pour ainsi dire, même si désormais, ce n’était pas aussi simple que cela, avec cette attitude bien trop « chacun pour soi », des personnes qui les entouraient. C’était sans aucun doute parce qu’ils étaient différents de ces personnes que les cinq jeunes parvenaient à tenir bon, le sourire aux lèvres, face à tant de dépression.

Finalement, alors qu’ils continuaient de se disputer, Akiko revint à la charge, se penchant vers Axel, lui tirant la langue avant de faire mine d’être la chef, pure et dure, à qui on devait obéir à tous les coups sans quoi, on se faisait torturer.

"Alors, tu vas prendre ce harissa ! N’écoute pas la mauviette qu’est Matthieux ! Écoute plutôt ta chef !"

"Depuis quand tu te dis chef ? Toi qui dis toujours qu’il faut penser autrement à propos de toi !"

"Depuis que je sais ce qui est mieux pour Axel, espèce d’imbécile !"

Cédric et Axel rigolaient comme jamais, tandis qu’Ines laissait paraître l’un de ces rares sourires se dessinant sur son beau minois. C’était véritablement un pur moment de calme et d’amusement pour ces jeunes gens. Mais ça n’allait pas continuer ainsi, malheureusement. Cela faisait déjà un moment que la jeune femme avait pu remarquer deux personnes sortir de cette épicerie, et l’une de ces personnes semblait les regarder avec trop d’insistance que pour être si innocente. Elle ne semblait pas les connaître, néanmoins, un tel regard la rendait plutôt vigilante. Elle les regardait donc du coin de l’œil avant qu’Axel ne réalise cela.

"Un souci, Akiko ?"

Elle resta silencieuse un bon moment, beaucoup trop occupée avec ces deux personnes. Elle cherchait à comprendre ce qu’ils se disaient, mais elle ne parvenait qu’à comprendre quelques mots en lisant sur leurs lèvres. Apparemment, le petit groupe semblait les effrayer. Elle continuait donc de les fixer, sans un mot. Elle n’allait pas bouger la première, pas ici. Néanmoins, elle espérait une chose, que son regard n’était pas trop lourd, à son tour.

"Restons prudents… Ils semblent nous connaître. Peut-être à cause de notre petit tour chez les Aigles. Ce sont sans doute des membres d’un autre clan, voire du clan des Aigles."

Voilà, la chef reprenait enfin son sérieux.

Point de vue de Mac

QG des Jaguars du Sud

Depuis le combat qui nous avait permis de faire rentrer neuf nouvelles personnes dans notre clan, ma cote de popularité avait sérieusement baissée. Notre chef étant blessée, elle restait dans sa chambre en permanence, n'en autorisant l'entrée qu'à Alessandra qui se chargeait de transmettre ses ordres. En réalité, elle était quand même sortie qu'à une seule reprise lorsque le Messager des Aigles était venu nous voir pour une sombre affaire. Si Noâ m'appréciait et le montrait ouvertement, sa Seconde affichait tout autant son mépris pour ma personne. Ce n'était à mon humble avis qu'une histoire de jalousie. Il était de notoriété publique que la féline favorisait grandement l'autre fille avant mon arrivée, alors elle ne supportait sûrement pas que je lui vole l'attention qu'elle lui offrait par le passé. D'un autre côté, je ne pouvais pas lui en vouloir. Je n'avais jamais caché que mon but en tant que Membre était de me faire une réputation forte tant que j'étais actif pour vivre plus tranquillement par la suite. Alors, je comptais bien devenir la personne de confiance de Noâ, prenant ainsi la place de la Seconde. Seulement, mon plan n'était pour le moment pas d'une efficacité foudroyante. J'en bavais et il n'y avait pas que Al qui s'acharnait sur moi. C'était quasiment un travail collectif !

J'étais occupé à nettoyer une tache de sang sur l'un des fauteuils de la salle de réunion lorsque Anton pénétra dans la pièce. Comme à son habitude, le jeune homme était tiré à quatre épingles malgré la pauvreté de ses vêtements. C'était bien la seule personne que je connaissais qui avait gardé un sens esthétique dans ce chaos que nous appelions existence. Il affichait un sourire, mais je me doutais bien que cela ne durerait pas longtemps. Comme prévu, lorsque nos regards se croisèrent, sa physionomie changea complètement. Il arborait maintenant une moue dure et ses lèvres étaient légèrement retroussées, signe d'un amusement prochain. Il me rejoint en quelques enjambées rapides et se laissa lourdement tombé dans un sofa particulièrement défoncé. Ce n'était pas étonnant qu'il le soit si tout les bourrins de son espèce s'y laissait choir d'une façon aussi peu délicate. Je me gardais pourtant bien de le lui faire remarquer, préférant feindre l'ignorance.

- Cela doit être un dur travail pour tes petites mains. Ce n'est pas plus mal au moins tu pourras dire que c'est le maniement des armes qui les ont rendues calleuses.

Il y avait au moins une chose qui était positive avec ce genre de personne : il ne faisait rien d'autre que de se répandre en parole inutile. Estimant que ma tâche était désormais accomplie, je jetais l'éponge dans le bac d'eau savonneuse et m'en emparait pour le ranger. Le blond m'interpella d'un ''Hé'' contrarié, aussi fis-je l'effort de lui face. Il décroisa les jambes pour les recroiser quelques secondes plus tard, à la façon d'un mafieux particulièrement sûr de lui. En voilà un que l'absence de dominant ne réussissait pas.

- Qu'est-ce que tu me veux, Anton ?
- J'ai une mission pour toi.

Tiens, c'était nouveau. Quelle salade allait-il me sortir cette fois ?

- C'est une demande directement formulée par Noâ.

Sa dernière réplique me laissa hésitant. Habituellement, ils n'osaient pas mêler notre chef à leurs petites plaisanteries d'un goût douteux. Le jeune homme n'était pas idiot et il respectait sa supérieur, aussi supposais-je qu'il parlait de choses sérieuses cette fois. Je déposais donc ce que j'avais entre les mains et l'écoutais avec plus d'attention cette fois. Je ne m'attendais pas à une tâche très importante, mais c'était déjà mieux que rien si on considérait qu'on ne m'avait jamais fait confiance jusqu'ici. Même lors du combat, j'avais du rester dans l'ombre de Ryder, les autres ayant peur que je fasse une gaffe.

- Elle veut de la menthe.
- De la menthe ?
- Pour une infusion. Ça la détendrait selon ses dires.

C'était...étrange. Néanmoins, cela se tenait. Décidant d'accorder un peu de bonne foi à Anton, je hochais lentement la tête pour lui signaler que je m'en chargeais avant de quitter la salle. Je me rendais dans le centre neutre, alors une arme n'était pas réellement nécessaire. Hormis le couteau qui dormait plié au fond de ma poche bien entendu...

Centre neutre

La chaleur était véritablement pesante. Dégoulinant malgré le pauvre t-shirt qui couvrait mon torse, je m'arrêtais devant l'épicerie pour reprendre mon souffle. Ma peau me tiraillait, irritée par la transpiration qui la recouvrait. C'était une sensation plutôt désagréable. Alors que je me redressais, je repérais deux autres Jaguars. Il s'agissait de Jude et de Grey, sûrement les deux seules personnes qui me témoignaient encore de la sympathie. Quoi que pour l'homme, c'était plutôt de l'indifférence. Je repris ma course pour les rejoindre et adressais un sourire lumineux à la sœur de Noâ. Je l'appréciais réellement, il se dégageait toujours d'elle une douceur infinie. Et puis, la ressemblance avec ma chef contribuait aussi à ce bien-être que je ressentais lorsque j'étais à ses côtés.

- Salut Mac ! Qu'est-ce que tu fais dans les parages ?
- Je suis en mission top secrète ! soufflais-je avec un sourire malicieux.

Grey releva un sourcil surprit avec d'esquisser un léger sourire alors que Jude ne cacha pas son amusement. Un rire cristallin s'échappa de ses lèvres et je ne pu m'empêcher de rire de plus belle. Pourtant, j'avais bien constaté en arrivant près d'eux que quelque chose clochait. Suivant les coups d'œil de mon compagnon d'arme vers un petit groupe que je n'avais pas remarqué jusque là, je les identifiais vite comme hostile. Il s'agissait sûrement d'un clan ennemi ! Nous étions dans le centre neutre, ils n'avaient pas à nous toiser de cette façon. Surtout l'asiatique qui se montrait presque insultante. Gonflant le torse, je les rejoignis avant que l'autre Jaguar n'ait eu le temps de m'arrêter et me plantais devant eux.

- T'a un problème ?! J'y suis, tu n'as pas digéré que ton clan se soit fait avoir lors de notre dernière affrontement. T'es quoi, une Vipère avec ses esclaves Soumis ?

Ces jeunes gens qui continuaient de pique-niquer entre eux, sous l’arbre qui leur permettait de ne pas trop souffrir à cause des rayons de soleil, semblaient désormais beaucoup plus soucieux. Ils faisaient, tous les cinq, attention. Attention à quoi ? Ils guettaient, à vrai dire, ceux qui devaient faire partie d’un clan. Lequel ? Elle ne pouvait le deviner à leurs vêtements, néanmoins, elle savait bel et bien qu’ils étaient d’un des clans. Mais il y avait bien une raison pour laquelle aucun des jeunes gens ne bouge. Laquelle ? Ils respectaient bien trop le centre neutre que pour y foutre la pagaille. Akiko était la première à vouloir respecter ce lieu puisqu’elle avait été élevée par l’ensemble des membres de l’hôpital situé dans ce centre neutre. Comment pourrait-elle ainsi y foutre la pagaille et la misère alors que ces personnes étaient comme ses tuteurs, ses seuls parents ? Pas moyen qu’elle saccage cet endroit. Il était impossible qu’elle puisse s’énerver ici-même. Voilà pourquoi, même si elle observait ces inconnus, elle n’avait pas l’intention de faire plus que cela. Elle espérait d’ailleurs qu’ils seraient assez malins que pour en faire autant et rester calmement dans leur coin, loin de la petite bande des Libres. Pour cela, la demoiselle chercha à les oublier, tentant de calmer également ses compagnons pour éviter de les voir s’énerver trop vite. Elle savait qu’ils avaient tous une raison pour les détester les Membres et Soumis, c’était la même chose pour elle, mais elle ne pouvait pas les laisser commencer, au moins ne pas commencer…

Malheureusement pour elle, ça n’allait pas se calmer. Ca allait même aller en s’empirant. La demoiselle put voir un garçon s’ajouter aux deux autres personnes qui continuaient de les observer. Un nouveau Membre ou un Soumis de ce même clan ? Sans aucun doute. Si elle avait su que c’était ce dernier qui allait tout lancer, elle serait déjà partie depuis bien longtemps pour éviter les péripéties qui allaient poursuivre. Elle n’y fit pas plus attention, reportant son attention sur ses compagnons, mangeant le plus calmement possible avant de se faire, finalement, quand même interrompre. Ce gamin était venu les chercher. A croire que cela ne servait à rien de calmer le petit groupe, puisque ces inconnus s’incrustaient intentionnellement. Soupirant, haussant les épaules, elle fit signe aux quatre autres de ne surtout pas réagir. C’était interdit, pas maintenant, pas ici ! Elle-même, elle se contenait pour ne pas réagir aux piques du jeune garçon.

"C’est ça, oui. Je suis une méchante Vipère avec mes Soumis. Désormais, si tu veux bien nous laisser, nous mangeons, nous aimerions de ce fait ne pas être dérangés. Merci beaucoup…"

Etrangement, la demoiselle était plutôt diplomate. Ce n’était pas tous les jours qu’elle se montrait ainsi.

La réaction de l'asiatique me surprit, mais elle provoqua chez moi aussi beaucoup de colère. Pour qui se prenait-elle à m'envoyer balader comme on écarte un gosse en lui tapotant la tête ? Furieux, je la fusillais du regard et m'avançais dans le groupe pour l'approcher quand deux bras me saisirent sous les aisselles. Sans comprendre ce qu'il se passait, je me retrouvais soulevé de terre et déposer un peu plus loin. Je me retrouvais désormais derrière Grey qui avait abandonné ses sacs de provisions pour venir me récupérer avant que je fasse une bêtise de trop.

- Nous sommes dans la zone neutre, Mac. Notre clan n'a aucune autorité ici.

Comme d'habitude, il avait économisé sa salive, allant directement à l'essentiel. Bon dans les faits, il avait raison, mais cette sale Vipère n'avait qu'à pas me regarder de cette façon.

- Sans parler du fait que ce ne sont pas des Vipères.

Oh, ça expliquait tout. J'écartais la main qui maintenait toujours mon compte d'un geste brusque et croisait les bras sur mon torse. Dans les faits, cela ne changeait rien. Ils faisaient sûrement partis d'un clan ennemi.

- Il n'empêche qu'elle m'énerve avec ces petits airs supérieurs!

Ce gosse, il était réellement ennuyant. Mal élevé, aussi. A croire que chez les Jaguars non plus, on n'était pas très civilisés. Akiko n'en savait rien, qu'ils faisaient partie des Jaguars. Seulement, elle savait au moins une chose, grâce à ce sale môme, c'était qu'ils n'étaient pas des Vipères. En même temps, de ce qu'elle avait pu entendre, les Vipères n'étaient que des demoiselles. Pfeuh. En plus de se croire mieux que tout le monde, voilà que les clans se permettaient en plus de faire des sélections. Véritablement puéril comme raisonnement. La jeune femme acceptait aussi bien mâles que femelles. Elle ne faisait pas de différence débile, elle. A l'hôpital où elle fut élevée, ils n'en faisaient pas non plus. A croire que leurs lois bidons étaient vraiment des prétextes pour soumettre tous ceux qui ne semblaient pas être comme ils le voulaient. Enfin bon. Reprenant ses esprits, la demoiselle fut plutôt amusée et pourtant rassurée quand un jeune homme vint à la rescousse, et oui, c'était bien ça, de ce petit gosse qui ne réfléchissait pas. Il parlait, parlait, se ventait même pas, mais ce n'était que ça, du vent. Il ne pouvait pas faire grand-chose face à Akiko et sa bande.

"Tu devrais le remercier, petit. Mac? C'est ça, ton nom? Eh bien, tu devrais le remercier, Mac. Il vient de te sauver la vie, ton charmant tuteur."

Au mot charmant, Axel et Matthieu redressèrent la tête automatiquement. Qui pouvait donc avoir un tel adjectif sorti de la bouche de la demoiselle? C'était impossible. Elle rigola alors doucement en regardant les deux garçons plutôt vexés. Ils devaient pourtant savoir qu'elle n'irait pas draguer l'un de ceux-là. Ils n'étaient pas assez bien.

"Alors, petit, tu ferais mieux de l'écouter et de déguerpir. Ici, on fait ce qu'on veut. Surtout que là, on ne faisait que manger. Alors, vas voir ailleurs et vas jouer avec tes petits amis les membres ou les soumis. De toute façon, c'est du pareil au même, hein!"

Oui, encore une fois, elle avait dit très franchement ce qu'elle pensait.

Sujet: Re: L'ultime confrontation Ven 10 Jan 2014 - 20:24

Grey avait vainement cru qu'il pourrait me contrôler, que la jeune fille n'aggraverait pas les choses, aussi, mais il s'était gouré dans les deux cas. La réplique de l'inconnue me fit bondir, je cherchais d'ailleurs à aller au contact, sans succès. L'homme avait posé une main implacable sur mon torse et me retenait en arrière. Bien sûr, j'aurais pu me dégager - du moins, je le croyais -, mais il était un Membre bien plus puissant que moi au sein du clan et je craignais qu'il n'hésite pas à m'en coller une si jamais je forçais le passage.

J'ai pas peur de toi ! C'est ta vie qui serait en danger s'il ne me retenait pas, j'suis formé au combat moi !

Enfin, théoriquement. Je n'eu pourtant pas le temps d'en dire plus, Grey me poussa à reculer en me menaçant de me porter sur son dos jusqu'au territoire si jamais je continuais mon cirque. Humilié, je lançais une œillade meurtrière à la fille et son groupe en la menaçant.

Tu me payeras ça ! J'te jure que tu le payeras !

Il n'était désormais plus question de résister. Vexé, je marchais devant le brun qui me surveillait avec attention, espérant secrètement qu'il n'irait pas tout raconter à notre Chef. Elle m'appréciait, mais je savais bien qu'elle ne tolérerait aucun écart de ma part. Moi, je n'étais pas comme Alessandra et pourtant dieu que j'espérais un jour prendre sa place...

Le retour côté Sud se fit dans un silence seulement brisé par quelques interventions de Jude qui essayait de détendre l'atmosphère, sans succès.