Roxanne n'était pas forcément la plus patiente des femmes lorsque quelqu'un avait fauté, mais elle avait néanmoins un cœur. Après des jours d'enfermement, il était logique que Thiago cherche le réconfort auprès de son père et elle voulait encore moins arracher à l'homme le seul enfant qui lui restait. Néanmoins, elle ne pouvait pas se permettre d'attendre trop longtemps aussi elle attira l'attention sur elle d'un fort raclement de gorge et s'imposa au côté du plus âgé, un regard peu sympathique braqué sur le Membre.

- Noâ veut te voir.

A ses yeux, il aurait été plus facile de le faire venir directement à la salle de réunion, mais la Chef avait aujourd'hui voulu mettre en place une mise en scène à l'attention de ce type qui avait fait un pas de côté durant la rébellion. D'un geste de la main, elle ordonna à Thiago de s'avancer entre les civières et le conduit dans une seconde pièce tout autant peuplé de blessés. Le dispensaire servait à dégorger l'hôpital en accueillant les blessés plus légers, mais qui nécessitaient quand même une certaine surveillance. Et dans un coin se trouvait Noâ qui se leva en les voyant arriver et engloba l'endroit en écartant grand les bras.

- Voilà les conséquences des actes de ceux avec lesquels tu as marché. Je sais, ça n'a duré qu'un instant avant que tu finisses par prendre la bonne décision, mais en acceptant la proposition d'Abel, tu t'es rendu aussi coupable qu'eux. J'aimerais savoir pourquoi ? Qu'est-ce qui valait tellement la peine de faire autant de victimes ?

Elle n'avait plus de pitié en stock. Elle en avait fait preuve en le laissant en vie, mais il n'était pas question de pardon. Pas encore. Peut-être jamais. En attendant, elle voulait comprendre, c'était le premier pas vers la suite.

HJ ; Il ne faudra pas que tu oublies d'ajouter le jour

Au moins, le traître avait la décence de paraître affecté. Ses réactions et son langage corporel seraient tout aussi importants que les réponses qu'il avait à fournir. C'était comme ça qu'elle saurait qu'il ne mentait pas, qu'il ne jouait pas juste un petit jeu pour rester en vie comme certains autres rebelles ou traîtres à leur clan avaient tentés de le faire. En arrivant, il semblait déjà assez mal, mais maintenant Thiago avait comme le poids du monde sur les épaules. Bien. La pensée n'était pas venue par sadisme, Noâ n'appréciait pas réellement de le voir souffrir, mais elle préférait le voir être conscient des conséquences de ses actes. Après ce à quoi il avait participé, c'était bien le moins qu'il pouvait faire. Si la Chef n'avait pas eu de réelles attentes quand à sa réponse, elle se retrouva à penser qu'elle avait quand même espéré mieux que ça. Plutôt curieusement, elle pencha la tête sur le côté et le scruta avec attention, presque à se demander s'il était bien réel. Comment ça, tu ne sais pas ? Il va falloir faire mieux que ça, mon petit père. Et pourtant, elle songea que c'était bien mieux que des mensonges. C'était étrange, déroutant même, mais au moins il n'était pas en train de se foutre de sa gueule. Il semblait mal à cause de sa propre absence de réponse et s'agitait anxieusement ce qui poussa la blonde à attendre un petit peu. Un éclat vint soudainement lui donner raison et si elle se tendit un peu devant la réaction du Membre, elle ne recula pas, ni ne se mit en garde comme Roxanne derrière lui. Elle semblait beaucoup plus méfiante, presque prête à l'intercepter s'il décidait de faire une connerie. Et peut-être en ferait-il une parce que même si ses paroles étaient agaçantes en tant que telles, elles étaient surtout porteuses de beaucoup plus de sens que ce qu'il avait voulu dire. Thiago était confus, effrayé, et ça le rendait en effet dangereux. Malgré tout, il était difficile de ne pas se sentir brossée dans le mauvais sens du poil quand on venait justifier la mort de dizaine d'innocents par c'est juste arrivé. Un rire cynique quitta les lèvres de Noâ et elle fit un pas en avant pour se rapprocher du Membre incriminé.

- Tu es en train de me dire que tu as pris une décision si lourde juste comme ça ? Il n'y avait aucune réflexion derrière ? Si c'est ça, je ferais probablement mieux de laisser Roxanne te trancher la gorge ici et maintenant parce tu ne serais qu'un malade dont il faudrait débarrasser le clan. Même Abel avait la décence d'avoir une raison. Alors, je vais demander une dernière fois : pourquoi as-tu fais ça ?

Son ton était tranchant et particulièrement clair : c'était maintenant ou jamais. Si Thiago ne parlait pas, il signerait son arrêt de mort.

Thiago était une véritable proie. Comme un lapin pris dans les phares. A le voir s'agiter, stresser, suer,... Noâ se trouva avec une difficulté à déglutir. Elle pouvait littéralement sentir sa peur. Il était comme beaucoup de ces gens qu'elle avait traqué pour le compte de Joshua. Ces idiots qui avaient trop souvent été au mauvais endroit, au mauvais moment, et n'avaient pas été fichus de la fermer. Elle-même supportait difficilement la situation, mais elle s'était tue jusqu'à ce qu'elle puisse se débarrasser de lui. Même si elle avait fait en sorte d'agir par de petits gestes, elle n'avait jamais eu la bêtise de le défier directement. Résister avait été compliqué parce qu'elle voyait le mal qu'il faisait à son clan, mais ça n'avait pas été le plus dur. Faire taire cette partie d'elle qui voulait juste lui arracher le pouvoir avait été beaucoup plus difficile. Il était dominant, elle aussi, et il le savait. Il avait trop souvent abusé de cette connaissance pour asseoir d'autant plus cette autorité sur elle. Encore l'un de ses petits jeux pervers, à l'époque où ils ne s'avéraient être que psychologiques la plupart du temps. Ses yeux se voilèrent une seconde et elle se retrouva à se raidir quand il porta la main à sa propre gorge. Ses mâchoires se serrèrent et elle s'intima par contre de déverrouiller les poings. La rébellion ramenait bien trop de choses et l'attitude de Thiago offrait une situation qui la mettait mal à l'aise. Il fallait qu'elle se débarrasse de lui. Non de ça. De cette rencontre, de cette impression, pas vraiment de lui. Il devenait trop clair qu'il n'était pas la menace qu'elle avait précédemment cité et les paroles du traître renforcèrent son idée. Elle connaissait bien Abel après tout, elle savait qu'il pouvait être aussi vicieux parfois que son maître. Il n'était donc vraiment pas étonnant qu'il ait réussi à se mettre facilement dans la poche quelqu'un comme Thiago. Ce type respirait la lâcheté. Pas étonnant qu'il ne l'ait pas plus que ça marquée jusqu'ici. Idiot, couard, trop bavard ou pas assez sous le coup du stress,... Vraiment, il ne cadrait pas avec sa carrure. A croire qu'il n'était pas né dans le bon corps. Foutu géant ! Sa main s'abattit soudainement sur son épaule et elle sourit, glaciale.

- Supposons que je te crois... Tu ne me donnes pas trop envie de parier sur toi. Seulement, tu as l'air honnête maintenant que tu as peur. On va dire que ça arrange un peu ton cas. Tu as du bol aussi, je crois aux secondes chances. Tu n'as jamais fait parler de toi avant et pour certaines raisons, je préfère te garder en vie.

Il aurait été facile de faire mal. Noâ savait qu'il n'était pas au courant et qu'il n'aurait suffit que d'un sous-entendu intelligent pour qu'il comprenne ce qu'il s'était passé. Elle aurait même juste eu à dire ce qui lui était venu en tête en premier lieu. La première raison qui la poussait à être miséricordieuse, c'était sa famille. Il était leur dernier enfant et ils avaient déjà bien assez soufferts comme ça à cause de la rébellion. Cela ne justifiait pas tout, bien sûr, mais ça l'aidait.

- Mais t'attends pas à retrouver ta vie. Tu vas devoir suer sang et eau pour la mériter. Pour même justifier ta misérable existence. Tu n'as ni ma confiance, ni mon pardon. Juste ma tolérance en attendant que la situation s'apaise. Et pour moi, tu ne seras toujours qu'un minable que je compte bien surveiller de près. Maintenant que je sais de quel bois tu es fais, ce serait de ma faute si tu faisais encore un pas de côté. Et il serait préférable pour toi que je n'ai pas à me sentir coupable à ce sujet.