Cause I'm gonna stand by you

Ella & Thiago

Jour 9 - dans l'après-midi
La journée avait commencé de manière glauque. Quand je m’étais levée, j’étais prête, j’étais motivée, même si quelque part je me demandais ce qui nous attendrait dehors. Quelque part, j’avais besoin de bouger et de faire ma patrouille puisque j’avais été coincée pendant deux jours entiers sur le territoire, mais en plus, j’avais besoin d’extérioriser. Deux jours entiers enfermés dans les clans, ce n’était pas banal. C’était à se demander ce qui s’était déroulé pour que les Chefs se rencontrent. Tout ce confinement expliquait mon énergie débordante dès que je m’étais réveillée. Je n’avais pas énormément dormi parce que durant la nuit, j’avais passé la nuit à veiller sur le territoire. Nous ne nous étions pas concertés mais nous avions eu besoin de parler tout en faisant attention au clan. J’aurais pu dès lors être épuisée mais non. J’étais particulièrement en forme mais lui, par contre, ne m’accueillit pas aussi chaleureusement. « Allez, dépêche-toi ! Allez, c’est notre première patrouille depuis trois jours ! Depuis trois jours ! » C’était à se demander comment j’avais pu survivre tout ce temps. Peut-être parce que j’avais été particulièrement préoccupée depuis. Entre le retour d’Asha et Kahlan il y a deux jours, dans la soirée, la discussion mouvementée avec Thiago durant cette même nuit et finalement la discussion avec Asha la veille, je n’avais pas trop eu le temps d’y réfléchir. « Arrête de brailler, tu vas finir par me casser la tête. » Lui, comme toujours, il se montrait particulièrement grognon. Si, d’un coup, il se montrait trop gentil ou trop sentimental, j’aurais été bien sur le cul et je l’aurais détesté.

Nous étions finalement partis. Le chemin fut long, comme toujours, et particulièrement tendu, cette fois. En effet, l’atmosphère n’était en rien légère. Il y avait quelque chose d’électrique dans l’air. D’ailleurs, plus on approchait du centre neutre, plus c’était pesant et parfaitement glauque. Des corps jonchaient le sol et le sang peignaient les murs et le sol aride. Même si j’étais particulièrement solide en temps normal, c’était tout à fait disproportionné dans ce cas. Mon cœur se serrait. C’était sûrement le rappel de la rébellion qui me revenait en image. A ce moment précis, ma main se précipita jusqu’à la sienne, je la serrai, comme une petite sœur serrerait celle de son grand frère. Et la suite n’arrangea absolument rien. A force de patrouiller, on découvrit un spectacle particulièrement macabre. Un chemin tracé avec du sang et des inscriptions toujours en sang. Heureusement que je n’étais pas extrêmement sensible… Je serrai davantage sa main et il m’approcha, déposant sa main sur mon épaule. Aucun mot ne sortait. Il n’y avait pas besoin de bruit pour ça. Il avait beau affirmer que je l’énervais, il savait comment s’y prendre. Il faisait partie des personnes de confiance : Yulia, Thiago et lui. Ça me retourna complètement. J’étais barbouillée, paumée. Pourtant, il fallut continuer encore un petit moment. Il fallait s’accrocher.

Finalement, cette patrouille n’avait rien d’une patrouille ordinaire. Je me demandais à l’instant s’il n’y aurait pas mieux valu que je reste au quartier général ce matin-là. Qu’à cela ne tienne, il fallait que je me reprenne. Alors, sur le chemin du retour, c’est lui qui s’efforça à parler. « Parle, je m'entends penser. » Je le reconnaissais bien là. Incapable de le dire autrement. Je haussai les épaules, retrouvant malgré tout le sourire. « Faudrait savoir, je croyais que je parlais trop. » Une autre pique. On fonctionnait par piques, de toute manière. « Et puis, je suis une sentimentale incomprise ! » Je la jouais théâtre mais n’avait rien d’une bonne actrice. Il était parvenu à me faire sourire, l’imbécile. Si j’avais été muette parce que j’étais remuée, je réfléchissais surtout à la manière dont j’allais amener le sujet avec Asha et Kahlan et peut-être même les autres Traqueurs. Il sourit en coin. Et comme toujours, on se sépara quand on fut arrivés à destination : le territoire des Jaguars. Notre maison.

Parce que j’étais perturbée et que je devais oublier tout ça, je devais trouver une occupation. Et celle-ci était toute trouvée en la personne de Thiago. J’étais persuadée que j’allais le retrouver dans sa chambre, au quartier général, puisqu’il ne se mouillait pas en ce moment. Sans délicatesse, aucune, j’avançais déterminée. Cette fois, je n’allais pas laisser passer quoi que ce soit. Je n’allais pas me dégonfler. Je tiendrai ma promesse : ne pas l’abandonner et le forcer à retrouver une place qu’il se refuse au sein du clan. Sans attendre, j’entrai dans la pièce, je chopai son bras et je le tirai, en tout cas, j’essayais. A savoir s’il allait me suivre et me faciliter la tâche, c’est autre chose. « Tu me suis ! Aucun refus ne sera toléré, compris ?! » Ce n’était pas vraiment de la méchanceté. Même mon ton pseudo strict n’était que du vent. J’essayais juste d’être convaincante dans ce rôle mais ce n’était sûrement pas gagné. « Tu vas bouger tes fesses. Je te l’avais dit, je ne te lâcherai pas, peu importe la situation. » Surtout après avoir été particulièrement secouée lors de notre dernière discussion et après celle avec Asha qui était une conseillère… pas forcément délicate. Au fond, je ne l’étais pas non plus.

 
 

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Ella & Thiago

Je ne comprenais toujours pas pourquoi il se laissait faire comme ça. Ça signifiait beaucoup pour moi. Mais pourquoi avec moi ? Il n’avait pas bronché. Certes, j’avais ordonné qu’il me suive et j’avais interdit le moindre refus mais je ne pouvais pas franchement lui faire mal. Il était bien trop grand et musclé et puis, c’était Thiago. Je ne pourrais tout simplement pas lui tirer dessus. Alors pourquoi ? Je fus vulnérable quelques instants à force de me torturer avec tout ça. Pourtant, j’avais promis de ne plus penser à ça. Pas que c’était dérangeant mais je ne saisissais décidément pas toutes les subtilités de notre dernière rencontre. Et quand je n’avais pas le contrôle, j’étais particulièrement dérangée. Heureusement, il parlait. Pas beaucoup, mais il parlait quand même. Je me concentrai alors rapidement sur le présent et sur ce bras que j’avais toujours en main. « On va aller s’entraîner. Ça te fera beaucoup de bien. Et à moi aussi, d’ailleurs. » Dans mon regard, il pouvait lire de la détermination. Pas de la méchanceté. Juste de la détermination et de l’entêtement. Mais ça, au fond, il devait le savoir. Je ne lâchais jamais. J’étais déterminée mais particulièrement étourdie aussi, dans le fond. « Pourquoi t’as tes chaussures en mains ? » Le franc tomba. Je venais quand même de le déranger dans sa chambre. « Je… Mets tes chaussures ! Tu ne vas quand même pas traîner les pieds nus… » Comme toujours, j’avais foncé dans le tas, même si c’était pour bien faire, dans ce cas. « Désolée. » Je le laissai donc faire ce qu’il avait à faire, là, au beau milieu du couloir. Pendant ce temps, je regardais ma main, celle qui avait tenu avec fermeté son bras musclé. Je ne saurais expliquer pourquoi mais je me sentais bien, drôlement bien quand je tenais encore celui-ci. Son contact avait quelque chose de rassurant et de réchauffant. Je faisais la dure pour les apparences. C’était important pour le faire bouger de son coin. Et pour cette raison, une flamme brûlait déjà en moi. Elle m’animait. « Sache que je ne te ferai pas de cadeau. Tu pourras m’insulter, me détester, je m’en fous. » Je jouais le jeu à fond, les bras fermés sous la poitrine. Il fallait bien que j’exagère… Il faisait plus d’une tête en plus que moi. Tu parles d’une crédibilité… « Et ne reviens pas à la charger avec ce que les autres pourraient penser de moi. C’est juste toi et moi. » Je me loupai en disant ces derniers mots : ma main droite qui tenait mon autre bras tomba net. Non, en fait, je n’étais toujours pas remise de cette nuit… « Une question ? » Il fallait bien que je me rattrape, alors j’avais sorti la première bête question qui me venait à l’esprit, en attendant qu’on y retourne.

 
 

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Ella & Thiago

Ce que j’avais l’air ridicule… Sérieusement ! Je l’avais bien vu sourire avant qu’il ne s’accroupisse pour lacer ses chaussures. Il devait me prendre pour une imbécile, c’est certain. Je perdais toute crédibilité en un rien de temps. J’avais le sentiment, depuis qu’on s’était parlé il y a deux jours, que je ne pouvais que perdre contenance et sérieux – ainsi que mes idées de départ – quand j’étais en sa compagnie. C’était incroyablement frustrant. J’avais bien envie de m’en coller une, là, à l’instant. Comment pouvait-il prendre mes « menaces » au sérieux si je réagissais comme je le faisais ? Heureusement qu’il ne rajoutait pas une couche en disant je ne sais quoi. Mes joues étaient déjà suffisamment chaudes et rouges. Il n’y a rien à faire entre ça et cette main que je continuais de scruter et de triturer parce qu’elle avait touché son bras juste avant, j’étais perdue. Et c’est moi qui devais conduire l’entraînement, hein ? C’était mal embarqué. Je soufflai, cherchant à me reprendre, me concentrant le plus possible sur le but de cet échange : l’aider à se bouger, lui éviter de se morfondre plus longtemps seul dans son coin. Je toussai quand il prit la parole comme pour ranger les idées qui me traversaient dans la tête.

Il reconnaissait mon entêtement et ma détermination, c’était déjà ça. Je bombai à nouveau la poitrine, prenant une grande inspiration, me demandant lequel de nous deux était le plus nerveux. J’avais encore à l’esprit ce que Asha m’avait dit et pourtant, je ne pouvais pas me décider le dégager ou à lui en vouloir. Dès que je croisais son regard, tout devenait confus dans ma tête et dans mon cœur. Comment lui dire de s’en aller ? Ça aurait été pourtant tellement plus simple… Mais impossible. On avait beau dire que je ne changeais jamais d’avis, il ne valait pas mieux à ce sujet. Ce qui risquait de me frustrer. « T’es aussi chiant que moi ! Mais tu ne me battras jamais à ce petit jeu. » Je n’étais pas agressive, non. Je jouais plutôt la fière et la dure à cuire. Je me lançais le défi de le faire changer d’avis. Je fronçai les sourcils, avant de lui tirer la langue. Je ne pouvais pas me fâcher longtemps avec lui, même s’il était pénible dans son genre. Qu’est-ce qu’on attend ? Bonne question. Nous n’attendions rien, plus maintenant en tout cas. « T’as raison, on y va ! » Si quand j’étais arrivée dans sa chambre j’avais pris instinctivement son bras, soudainement, j’hésitais. J’étais nerveuse. Et pourtant, je mourrais d’envie de lui entourer le bras de ma main. J’étais encore plus débile à attendre comme ça.

Je me décidai finalement à attraper son bras, juste en-dessous du coude et d’avancer sans crier gare. J’aurais préféré me serrer contre lui mais j’avais peur d’en faire trop. De temps à autre, je jetais un œil dans sa direction, timidement, n’osant pas m’affirmer de trop. « On va dans les sous-sols, direction la salle d’entraînement. Et s’il y en a un seul qui te parle mal, crois-moi que je lui en collerai une ! Pas question de te défiler, du coup ! » Je ne comptais pas le laisser dans la merde et tant pis si on trouvait que j’inversais les rôles. Les filles ne sont pas là que pour décorer ou être défendues. Asha serait d’accord avec moi à ce sujet. « J’espère que tu as tout ce qu’il te faut, gourde et tout le reste. Si ce n’est pas le cas, on passe par la cuisine. On ne s’arrête pas en plein entraînement ! » Comment ça, j’étais une mentor complètement dingue ? « Sinon, tu peux boire dans ma gourde aussi. » Je continuais d’avancer avec une pseudo assurance. « T’as intérêt à boire, je tiens pas à te tuer, moi ! Si je te perdais… Si tu y passais à cause de moi… Je… Enfin… Ta famille m’en voudrait ! » Mon cœur me jouait encore une fois des tours, ce fourbe !