Rien de tel que des turbulences pour s'occuper

Shiloh & Théa

année 40 - deuxième saison tempérée
Les entrepôts étaient rarement calmes, contrairement à ce que certains pouvaient le croire. On ne s’ennuyait jamais. C’était le moins qu’on puisse dire. C’était pour cette raison que je tenais le coup. L’action, j’en avais besoin sinon je m’encroûtais. Et de l’action, j’en avais, surtout quand des Libres venaient foutre le bordel. D’ailleurs, ils avaient tendance à m’exaspérer. Ils s’obstinaient alors qu’ils n’avaient aucune chance face à moi. C’est à se demander s’ils ne sont pas suicidaires. Ne connaissent-ils pas la réputation des Dragons ? Il n’était pas marqué sur mon front que j’étais une Dragonne mais ça n’excusait pas leur bêtise. Il fallait être complètement abruti pour foutre le boxon aux entrepôts en sachant qu’il y avait toujours au moins quatre gardiens. En parlant des gardiens, on ne peut pas dire que j’étais particulièrement sociable. Pas avec eux. Ils ne sont pas des Dragons. Je n’avais pas à faire la causette avec eux sans raison. Ce n’était pas trop mon délire. Ils ne valaient pas la peine et ça n’influençait jamais mon travail qui était efficace.

J’étais arrivée à l’aube. Je travaillais depuis l’aube jusqu’au zénith. C’était très bien. De toute façon, je n’avais aucun souci à ce niveau-là. Quand je ne travaillais pas, j’étais aux entraînements généraux ou ceux de l’équipe Basique ou je m’entraînais seule, parfois. J’avais embarqué avec moi mon arme personnelle ainsi que mon couteau de combat. Cette fois, mes armes allaient m’être utiles. J’étais à peine arrivée dans la zone industrielle que j’entendais crier dans tous les sens. Au moins, je n’allais pas m’ennuyer. C’était plutôt une bonne nouvelle. Pas certaine que ça fasse plaisir à tout le monde, mais moi, ça me faisait sourire. Un sourire carnassier. J’avais besoin de me défouler sur une cible vivante et je n’avais malheureusement pas de non natif sous la main. Il faut dire que la veille ma mère m’avait conseillé de me reposer alors que je me déchaînais lors d’un entraînement privé avec mon père qui n’y allait jamais en douceur. Si elle comprenait ces entraînements, elle était la seule à nous arrêter avant le massacre. Ça m’avait frustrée. « Je ne savais pas que tu étais devenu aussi docile. » Cette phrase, je l’avais jetée telle une pierre à la figure de mon père qui n’avait pas retenu son coup. Je l’avais mérité, je le savais bien, mais ça m’avait vraiment énervé qu’elle nous fasse arrêter alors que j’étais en plein dedans, avec une bonne montée d’adrénaline. Alors, j’avais découché et j’avais été dormir chez un ami.

Forcément, cette occasion était un don du ciel. Ces imbéciles couraient dans tous les sens. Les Libres n’étaient décidément pas très intelligents. Je m’enfonçais un peu plus dans la zone industrielle en cherchant les fauteurs de trouble. Ils n’étaient pas difficiles à reconnaître, ils étaient drôlement maigrichons et crades. Mon arme à feu dans les mains, je trépignais d’impatience. « Si vous vous vendez immédiatement, je vous assure que vous ne souffrirez pas trop. » Ils devaient bien s’attendre à mourir. C’était notre boulot : éliminer tous ceux qui s’approchaient de la zone sans code ni accord.

Rien de tel que des turbulences pour s'occuper

Shiloh & Théa

Deux personnes s’étaient mêlées à l’histoire. Et apparemment, elles n’étaient pas prêtes à me laisser faire à ma façon. Ce qui ne m’arrangeait pas, mais alors pas du tout. C’était mon boulot en tant que gardienne des entrepôts que d’agir, non ? Alors où était le problème ? Peut-être que ma méthode n’était pas suffisamment gentille pour eux mais il me semble qu’elle était efficace et professionnelle. Je ne laisserais aucun fautif s’échapper, c’était pas ce qui importait, dans le fond ? Je fronçai les sourcils quand la jeune femme me stoppa. Elle devait être mon aînée. C’est certain. Cependant, je ne la connaissais pas et elle ne devait pas être une Dragonne, sinon, elle m’appellerait par mon prénom, en sachant que j’ai tendance à être mordante quand on me donne un surnom. Je fis pourtant preuve de maîtrise, pour cette fois. Cela ne veut pas dire que je ne bouillonnais pas déjà de l’intérieur. Elle me frustrait. « J’ai horreur de devoir contenir les coups. » Toujours d’une grande sympathie et d’une sociabilité incroyable. Ça, c’est l’effet Dragon, je suppose. Et l’effet de mon père : ne pas s’ennuyer avec des détails. « Des fuites ? J’espère que vous allez au moins me laisser faire mon boulot. Après tout, c’est à ça que servent les gardiens des entrepôts. » Bon, c’est vrai que le plus simple serait de coopérer avec cette fille mais je n’aimais jamais trop travailler en équipe, sauf avec les Dragons et encore, des Dragons qui ne sont pas faibles. Ça réduisait carrément le panel quand on connaissait mes critères…

Je brûlais de plus en plus alors que je chipotais nerveusement à mon arme dont la sécurité était encore enclenchée. Pas question de faire de boulette. Pas question de tirer sur l’ennemi d’un ennemi en commun, parce que de là à l’appeler alliée… C’est une autre paire de manches. « Alors, la tête pensante… » Je mettais évidemment en avant la différence entre nos attitudes et je réagissais, à ma manière, au surnom dont elle m’avait affublé. « Qu’est-ce que je peux faire ? » C’était évidemment plus de la politesse exagérée qu’une véritable question. Je comptais bien faire ce que je voulais avec ces Libres. J’en avais le droit, après tout.